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11.février.202311.2.2023 // Les Crises

Tuer le messager : l’hypocrisie inquiétante de Joe Biden vis-à-vis de Julian Assange

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Derrière ses beaux discours de candidat sur a liberté de la presse, Joe Biden a omis de préciser que l’éditeur de WikiLeaks, Julian Assange, croupit à l’isolement dans une prison de haute sécurité à Londres parce que le gouvernement américain veut en faire un exemple.

Source : Salon, Ben Cohen
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Une manifestante avec une pancarte exprimant son opinion devant la Royal Courts of Justice. Les États-Unis gagnent leur appel pour extrader le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, du Royaume-Uni. (Thomas Krych/SOPA Images/LightRocket via Getty Images)

Il est temps pour le président Biden d’être à la hauteur de sa rhétorique sur la liberté de la presse. En tant que candidat en 2020, Biden a publié une déclaration puissante sur l’importance de la liberté de la presse, écrivant :

Reporters sans frontières nous dit qu’au moins 360 personnes dans le monde sont actuellement emprisonnées pour leur activité de journalisme. Nous sommes tous solidaires de ces journalistes car, comme l’a écrit Thomas Jefferson en 1786, « Notre liberté dépend de la liberté de la presse, et celle-ci ne peut être limitée sans être perdue. »

Biden a omis de préciser qu’une de ces personnes emprisonnées est l’éditeur de WikiLeaks, Julian Assange, et qu’il croupit à l’isolement dans une prison de haute sécurité à Londres parce que le gouvernement américain veut en faire un exemple.

Assange a été inculpé par l’administration Trump dans une démarche agressive, qui a brisé un précédent et qui a été largement condamnée par les journalistes et les groupes de défense des droits humains. Le président Biden et le procureur général Merrick Garland ont eu près de deux ans pour faire ce qu’il fallait et abandonner ces dangereuses poursuites.

Ils n’ont pas tenu parole.

Au lieu de cela, l’administration Biden continue de faire la leçon au monde sur la liberté de la presse et la désinformation. Biden et ses alliés critiquent à juste titre les régimes autoritaires qui censurent la presse, répriment la dissidence et criminalisent même la publication de la vérité. Reporters sans frontières condamne les violations de la liberté de la presse dans des pays comme l’Iran, la Chine et le Myanmar. Mais l’organisation note également que les violations de la liberté de la presse ne sont pas propres à ces régimes. Ils condamnent la persécution de la lauréate du prix Nobel de la paix Maria Ressa aux Philippines et sont à la tête d’une coalition de 16 groupes de défense du journalisme qui demandent au gouvernement britannique de libérer Assange.

Ces rapports soulignent l’importance d’une presse libre et indépendante, capable de dénoncer les actes répréhensibles, d’informer le public de réalités gênantes et de faire reculer la propagande gouvernementale. En d’autres termes, une presse libre protège notre accès à la vérité lorsque le gouvernement nous trompe.

Je suis fier de connaître Julian Assange. Lorsque je l’ai rencontré à l’ambassade d’Équateur à Londres, j’ai été très impressionné par son intelligence, sa compassion et sa foi dans la vérité comme antidote au poison des mensonges et de la propagande de guerre. Comme l’a dit Assange, « si les guerres peuvent être déclenchées par des mensonges, la paix peut l’être par la vérité. »

Depuis plus de trois ans, Assange est détenu à l’isolement dans une prison à sécurité maximale connue sous le nom de « Guantánamo de l’Angleterre » – la majeure partie de cette période s’étant déroulée pendant une épidémie de Covid qui menaçait sa vie. Au moment où j’écris ces lignes, il est en isolement 24 heures sur 24 à cause du Covid. L’année dernière, il a subi un mini accident vasculaire cérébral. Le rapporteur spécial des Nations Unies, Nils Melzer, a déterminé que les conditions de détention d’Assange constituent de la torture.

Avant d’être détenu dans une prison de haute sécurité avec des meurtriers, Assange a passé des années confiné dans l’ambassade d’Équateur, sans accès à des soins médicaux adéquats. Pendant cette période, le gouvernement américain a espionné ses avocats, ses visiteurs (dont moi), sa famille et ses médecins. Ils ont même saisi ses dossiers et ses notes juridiques lorsqu’il a été arrêté. Pourquoi ? Parce que le travail d’Assange avec WikiLeaks avait embarrassé le gouvernement sur la scène mondiale.

Barack Obama a refusé d’inculper Assange à cause du « problème du New York Times » : si Obama devait inculper Assange pour avoir publié des informations véridiques, il devrait également inculper le New York Times. Mais Biden a maintenant confirmé l’affirmation de Trump selon laquelle publier la vérité est un crime. Assange est accusé en vertu de la Loi sur l’espionnage de 1917. Cette loi est assez controversée lorsque les procureurs l’utilisent pour cibler des dénonciateurs, mais elle n’a jamais été utilisée avec succès contre un éditeur. Ce que Biden veut dire en inculpant Assange, c’est que le gouvernement américain peut mentir au public, dissimuler son comportement criminel, puis détruire ceux qui osent chercher la vérité.

Le ministère de la Justice a inculpé Assange pour avoir reçu et publié des informations véridiques et dignes d’intérêt divulguées par la dénonciatrice Chelsea Manning, mais n’a jamais inculpé aucun des responsables militaires ou gouvernementaux dont les méfaits ont été exposés

C’est la version du XXIe siècle de l’assassinat du messager.

Les reportages d’Assange n’ont fait de mal à personne, à moins que l’on ne compte les réputations écornées des politiciens qui ont été surpris en train d’enfreindre la loi, de mentir ou de dissimuler des fautes. Des experts ont témoigné devant les tribunaux britanniques qu’Assange s’est donné beaucoup de mal pour protéger à la fois ses sources et les personnes qui pourraient être lésées par la divulgation d’informations sensibles. Au lieu d’enquêter sur les actes répréhensibles que WikiLeaks a révélés et de punir ceux qui ont enfreint la loi ou les ont couverts, le gouvernement s’est attaché à attaquer les dénonciateurs et les journalistes qui travaillent avec eux.

Pourquoi ? Parce que cela envoie un message aux autres personnes qui pourraient être tentées d’informer le public de l’inconduite du gouvernement : nous pouvons détruire votre vie.

Thomas Jefferson avait raison, et en tant que candidat, Joe Biden a eu raison de citer ses mots. Il n’y a pas de démocratie sans une presse libre pour demander des comptes au gouvernement. Et Reporters sans frontières a raison de s’inquiéter de la liberté de la presse aux États-Unis. Sa fiche d’information commence par une phrase sinistre : « Aux États-Unis, autrefois considérés comme un modèle en matière de liberté de la presse et de liberté d’expression, les violations de la liberté de la presse augmentent à un rythme inquiétant. »

Il n’y a pas de presse libre sans un Julian Assange libre. Tant que le gouvernement peut poursuivre Assange pour avoir publié des informations véridiques dans l’intérêt du public, les poncifs de l’administration Biden sur les droits humains, les « fake news » et la propagande sont l’incarnation de l’hypocrisie.

Par Ben Cohen, cofondateur de Ben & Jerry’s.

Source : Salon, Ben Cohen, 18-01-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Paul // 11.02.2023 à 08h20

exacte
sauf que l’auteur, comme d’autres, y colle Trump dans ce bourbier
sur qu’il n’a pas aidé, mais :
Assange :
«  »Toutes les actions contre WikiLeaks ont été engagées par l’administration Obama », a-t-il encore dit, faisant notamment allusion à l’incarcération depuis mai 2010″
une source parmis d’autres
https://www.20minutes.fr/monde/1037922-20121107-barack-obama-loup-deguise-agneau-selon-julian-assange

7 réactions et commentaires

  • Paul // 11.02.2023 à 08h20

    exacte
    sauf que l’auteur, comme d’autres, y colle Trump dans ce bourbier
    sur qu’il n’a pas aidé, mais :
    Assange :
    «  »Toutes les actions contre WikiLeaks ont été engagées par l’administration Obama », a-t-il encore dit, faisant notamment allusion à l’incarcération depuis mai 2010″
    une source parmis d’autres
    https://www.20minutes.fr/monde/1037922-20121107-barack-obama-loup-deguise-agneau-selon-julian-assange

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  • Denis Monod-Broca // 11.02.2023 à 08h41

    Ils parlent, ils parlent, Biden et ses semblables, ils parlent, mais tout se passe comme s’ils ne donnaient aucun sens véritable à ce qu’il disent.
    Ils parlent pour parler, pour occuper le terrain, pour écarter leurs adversaires, pas pour transmettre un message doté de sens et susceptible de guider l’action.

      +8

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  • max // 11.02.2023 à 09h12

    Assange a été irresponsable quand il a été se réfugier a l’Ambassade d’Equateur de Londres, le choix judicieux a été fait par Snowden et heureusement que Snowden n’a pas pu quitter la Russie, sinon il serait lui aussi en prison.

      +11

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    • Lt Briggs // 11.02.2023 à 11h17

      Quand vous êtes pourchassé par l’appareil d’État d’une grande puissance, il n’y a pas vraiment de choix « judicieux ». C’est l’évolution des relations internationales qui décide de votre sort. Les communistes allemands traqués par l’Allemagne nazie croyaient avoir trouvé refuge en URSS. Mais suite au pacte de non agression d’août 1939, les soviétiques les ont renvoyés en Allemagne où ils ont été gentiment pris en charge par la gestapo. Assange a fait comme il a pu. Dans son cas, c’est le retournement de veste du président équatorien Lenin Moreno qui a scellé son sort.

        +17

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  • Grd-mère Michelle // 11.02.2023 à 16h35

    Hum… À mon avis, le sort de J.Assange a été scellé dès la prise de décision de WikiLeaks de publier des documents « classifiés » de l’armée des USA.
    Chacun-e, dans son pays respectif, est responsable, coupable, de permettre la monstrueuse perfidie de l’armée et de ses services « secrets », machines de guerre et d’oppression au service de l’esprit de compétition et de domination qui anime les politiques, dans tous les domaines.
    Notre liberté de choix individuelle dépend de notre droit à une information correcte et complète, sur tous les sujets.
    Il est de notre devoir de faire valoir ce droit intrinsèque, de l’exiger à cor(ps) et à cris, de former une masse déterminée pour l’obtenir et le maintenir, afin de léguer à notre progéniture un monde vivable grâce à une coopération volontaire et attentionnée.
    Sinon, toutes nos plaintes et nos doléances, nos revendications et nos espérances resteront lettres mortes, noyées dans le flot de mensonges destinés à nous maintenir serviles et stupides.

    Il est possible à chacun-e de rejoindre un des nombreux « Comités Free Assange » qui agissent partout dans le monde pour la libération immédiate de Julian… pour NOTRE libération.

      +6

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  • Foxy // 11.02.2023 à 21h42

    Si JA est extradé aux US pour 175 années de prison haute sécurité (aussi pire que Guatanamo), le Premier amendement de la constitution US sera mort et c’est toute la presse US qui devient condamnable. Le Washington Post serait ainsi concerné car ayant repris les données WikiLeaks. Donc voie impossible pour le gouvernement US… Leur solution, jouer la montre, tuer à petit feu JA en laissant dans une prise haute sécurité anglaise, ce qui est de la torture type goulag du temps de l’URSS.
    Il faut rappeler qu’il est innocent et que les faucons US lui reprochent la diffusion d’infos confirmant les crimes de guerre américains (Ah ! la première démocratie au monde, libérant les peuples pour la liberté !) dont la vidéo Collateral Murder (des civils tués dont 2 journalistes à voir sur https://collateralmurder.wikileaks.org). Ils ont même envisagé de le kidnapper ou de l’assassiner.
    Macron s’esbaudit devant une journaliste russe anti-Poutine qui vient d’arriver en France avec « l’intervention » de RSF financée par la NED (CIA) mais on voit bien dans le 2 poids 2 mesures qui est le vassal de qui…

      +10

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