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2.novembre.20232.11.2023 // Les Crises

Tous contre Google : les géants de la technologie vont-ils rendre des comptes ?

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Le géant de la technologie est sur la sellette, mais le « combat sera rude », prévient l’expert antitrust Mark Glick.

Source : Institute for New Economic Thinking, Lynn Parramore
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Comme le savent tous les observateurs dans le secteur des technologies, le plus grand procès fédéral antitrust du XXIe siècle est actuellement en cours et vise la branche moteur de recherche de Google. Un deuxième procès impliquant l’entreprise, cette fois concernant l’affichage de la publicité, est prévu pour l’année prochaine.

Google est sur la sellette, mais jusqu’à présent, a réussi à échapper à la plupart des efforts visant à limiter son pouvoir.

Au cœur des deux affaires on trouve la domination de Google dans le monde de la recherche sur l’internet et de la publicité numérique, laquelle détermine la manière dont presque tout le monde consomme et interagit avec les contenus en ligne. Le gouvernement américain affirme que l’entreprise utilise des stratégies illégales pour rester au sommet, en évinçant ses concurrents du marché et en traitant les consommateurs de manière déloyale.

Dans la plainte relative au secteur de la recherche, le gouvernement fédéral et un groupement de procureurs généraux des États accusent Google d’avoir construit un monopole progressivement, en payant pour des accords exclusifs avec des fabricants de matériel et des fournisseurs de logiciels comme Apple, Samsung et Mozilla, ce qui lui permet d’apparaître automatiquement comme le moteur de recherche par défaut lorsque les utilisateurs veulent effectuer une recherche sur le web. Il s’agit là d’un avantage considérable, car la plupart des consommateurs acceptent ce paramétrage par défaut. En outre, la plainte précise qu’il est compliqué pour les utilisateurs de modifier celui-ci. Et comme la qualité du moteur de recherche dépend de son degré d’utilisation, ces accords excluent la possibilité pour Google d’être concurrencé par un nouvel entrant, même si ce dernier offre des avantages en matière de protection de la vie privée, comme DuckDuckGo. Il en résulte, selon la plainte, que les clients sont bloqués et que la concurrence est exclue. Google encourt des amendes et même une restructuration si le gouvernement l’emporte.

Une victoire n’est en aucun cas acquise.

En 1998, Microsoft a été reconnu coupable d’avoir violé les lois sur la concurrence en intégrant son système d’exploitation à son navigateur, de sorte que les consommateurs étaient contraints d’acheter l’ensemble de ses logiciels. Le gouvernement a gagné cette fois-là. Néanmoins, Microsoft n’a pas été contraint de proposer un choix de paramètres par défaut pour le navigateur, sauf en Europe. Dans le climat antitrust actuel, sera-t-il vraiment possible de maîtriser Google et d’obtenir un véritable choix pour le consommateur ?

Les experts en doutent.

L’expert antitrust Mark Glick, de l’université de l’Utah, estime que si nous voulons une économie prospère et équitable, nous ne pouvons pas nous passer d’une législation antitrust solide. Selon lui, les États-Unis se sont fourvoyés dans les années 1980, lorsque les politiques publiques ont pris un virage radical en faveur des intérêts des grandes entreprises. Les économistes antitrust qui ont adopté la norme du bien-être du consommateur dans le cadre des attaques contre les réglementations héritées du New Deal ainsi que la manière progressiste dont la Cour suprême a abordé la question la montée du phénomène de concentration aux États-Unis ont joué un rôle dans ce changement. Selon Glick, il reste à voir si la politique antitrust actuelle est réellement en mesure de rétablir l’équilibre entre les grandes entreprises et toutes les autres. (Voir : Pourquoi les économistes devraient soutenir les objectifs populistes en matière d’antitrust et Une défense économique des objectifs multiples en matière d’antitrust.)

De son côté, Google estime que les gens utilisent son moteur de recherche parce qu’il est le meilleur. Lors de son entretien avec l’Institute for New Economic Thinking (INET), Glick a rejeté cette affirmation, soulignant que Google améliore son produit en payant les yeux de la tête d’autres entreprises ayant durement travaillé pour les obtenir : « Google a commencé par acheter très cher le public d’autres entreprises, comme AOL, a-t-il déclaré. Plus il y a de gens qui utilisent son moteur de recherche, plus la publicité a de la valeur et plus les prix que Google peut exiger sont élevés. Il ajoute : si Google était vraiment le meilleur moteur de recherche, pourquoi devrait-il payer des milliards pour ces audiences et ces entreprises ? Il n’aurait pas à payer pour avoir une position dominante, il serait adopté grâce à un marché concurrentiel. »

Si le gouvernement perd dans l’affaire du moteur de recherche, Google devra encore affronter l’année prochaine la contestation de ses pratiques en matière d’affichage publicitaire. En janvier 2023, le ministère de la justice et les procureurs généraux de plusieurs États ont intenté une action civile antitrust contre Google pour avoir monopolisé la diffusion des annonces en ligne et évincé ses concurrents. La plainte indique que Google utilise ses technologies publicitaires (adtech) pour dominer le marché de la publicité informatique qui utilise des technologies automatisées et des outils algorithmiques pour l’achat d’espaces publicitaires. Selon la plainte, Google a cherché à réaliser des profits aux dépens des éditeurs en ligne, qui reçoivent moins d’argent, des annonceurs, qui doivent payer plus cher, et des consommateurs, à qui les coûts sont souvent transférés. Google est également accusé d’orienter injustement les consommateurs vers ses propres produits.

Dina Srinivasan, experte en technologie publicitaire et critique de longue date du pouvoir incontrôlé des grandes entreprises technologiques, a apporté son soutien à la plainte. En 2020, elle a publié un article qui a fait autorité[1] expliquant comment Google domine les marchés publicitaires en adoptant des comportements qui sont en fait interdits sur les marchés financiers. Elle a déclaré à l’INET : « Je suis heureuse que l’affaire avance. C’est la meilleure chose qui puisse arriver. »

Glick explique que Google a acquis son pouvoir dans le domaine de la publicité en ligne principalement en rachetant d’autres entreprises plutôt qu’au moyen de ses propres innovations. « Ils ont commencé par acquérir DoubleClick, qui possédait le serveur publicitaire, puis ils ont acheté toute une série d’entreprises qui leur ont permis d’accroître leur contrôle » a déclaré M. Glick à l’INET. Il fait partie des nombreuses voix qui ont mis en garde la FTC [Federal Trade Commission, Ndt] contre les dangers inhérents à la fusion DoubleClick lors de l’examen initial en 2007, mais ces avertissements ont été ignorés, dit-il : « À l’époque, la FTC estimait qu’il y aurait beaucoup de concurrents, alors elle a laissé toutes ces acquisitions successives d’adtech se faire et aujourd’hui Google contrôle toutes les étapes du processus. »

Glick est convaincu que toutes ces étapes du processus de publicité en ligne devraient être ouvertes à la concurrence. « Il faut espérer que le gouvernement sera en mesure d’ouvrir ces marchés, ce qui profitera aux éditeurs et aux annonceurs. »

Le manque de clarté de la loi constitue un obstacle majeur, observe Glick : « Les termes utilisés concernent les acquisitions qui « réduisent substantiellement la concurrence ». Mais qu’est-ce que cela signifie exactement ? Si l’on continue à laisser ces entreprises faire des acquisitions, personne ne pourra jamais rivaliser. Jusqu’à présent, chaque fois qu’une menace pèse sur sa domination, Google se contente d’acquérir l’entreprise concernée. Ou la détruit. Dans le cas d’une petite entreprise, soit on est détruit, soit on est vendu et on en tire un important profit. Qu’allez-vous choisir ? »

Lorsqu’il s’agit d’une entreprise comme Google, le monopole des moteurs de recherche et de la publicité est justement la seule chose dont le public n’a pas à s’inquiéter. Les technologies émergentes de l’IA et, tout particulièrement ce qu’on appelle les modèles de langage de grande taille (LLM) [type de modèle d’intelligence artificielle qui est entraîné à comprendre et à générer du langage naturel. Ces modèles sont conçus pour traiter et comprendre des quantités massives de données textuelles provenant de diverses sources, NdT] font craindre à beaucoup que les Big Tech ne s’imposent par la force pour contrôler leur avenir. Google a déjà annoncé son intention d’améliorer son moteur de recherche grâce à l’IA. Glick redoute une situation où seuls quelques acteurs de l’IA détiendraient le contrôle total, éliminant ainsi la concurrence.

Le PDG de Google, Sundar Pichai, a souligné le besoin profond de réglementer l’IA (contrairement à l’ancien PDG, Eric Schmidt, qui disait au gouvernement de ne pas s’en mêler). Cependant, les détracteurs s’interrogent sur le type de réglementation qu’il souhaite. « Google dit qu’il veut être réglementé, mais il faut être prudent quant à ses motivations, note Glick. Ils ne veulent pas la fin de l’humanité, d’accord, mais vous pouvez être sûrs qu’ils veulent aussi préserver leur position dominante. »

Jusqu’à présent, il semble que quiconque tente de remettre en cause cette domination s’expose à un combat de David contre Goliath.

Néanmoins, Glick voit des signes encourageants dans la volonté accrue du ministère de la justice et de la FTC de lutter contre ces puissants intérêts. « Ils ont fait preuve d’un grand courage face à l’opposition massive des conservateurs antitrust des cabinets d’avocats et des universités, des lobbyistes des grandes entreprises et des législateurs républicains. Mais ils ont aussi leurs inconditionnels. » Glick espère qu’une nouvelle législation antitrust verra le jour. Mais jusqu’à présent, prévient-il : « Les projets de loi antitrust ne sont pas adoptés, et trop de juges sont prêts à accepter les arguments des entreprises de la Big Tech. »

En effet, ces dernières décennies, les contraintes pesant sur les grandes entreprises ont été si peu nombreuses que certains en sont venus à considérer comme normale l’existence de monopoles dans le domaine de la technologie. Pourtant, Glick souligne que l’histoire américaine atteste de la rapidité des changements et de la possibilité de s’attaquer avec succès aux entreprises monopolistiques : citons par exemple l’ère progressiste et le New Deal.

Glick est convaincu que les gens se lassent de ces quelques monopoles qui dominent de nombreux marchés et réalisent d’énormes profits : « Il semble qu’un changement soit en train de s’opérer. » Selon lui, les gens se rendent compte que Google complique la tâche des autres entreprises et empêche les clients d’obtenir les meilleurs services et produits. « Il faut espérer qu’un nouveau consensus émergera et viendra soutenir les efforts de la FTC et de la justice afin d’ouvrir ces marchés, ajoute-t-il. Il se peut qu’ils perdent quelques procès, mais leur persévérance peut leur permettre de faire des progrès considérables à long terme. »

Selon Glick, le modèle de la politique antitrust devrait être le consensus politique du New Deal de Roosevelt, qui a été en vigueur de 1933 environ jusqu’au milieu des années 1970. « Après cette période d’équilibre relatif, un mouvement est apparu pour briser ce consensus. On a vu apparaître l’école de Chicago et des groupes de réflexion conservateurs comme la Heritage Foundation. Les professeurs conservateurs des facultés de droit ont commencé à obtenir des financements. » Glick constate qu’un autre mouvement se dessine pour remettre en cause l’idéologie du libre marché de ces dernières années : « Cela fait plaisir de voir qu’il y a des gens comme Lina Kahn, présidente de la FTC, et Jonathan Kanter, au ministère de la justice. Le président Biden a vraiment nommé les bonnes personnes. »

Perdre des procès ne correspond sans doute pas à ce que beaucoup espèrent dans les contestations actuelles contre Google, mais si Glick a raison, chaque action en justice contribue à restaurer l’équilibre de l’économie américaine. Grâce à de nouvelles affaires, les activités de l’entreprise restent sous les feux de l’actualité. Même si Google gagne son procès concernant le moteur de recherche, son statut de monopole pourrait à terme s’avérer perdant. Et c’est une bonne chose pour tout le monde, même pour Google.

Note

[1] Les recherches de Mme Srinivasan, comme l’indique son article, ont été partiellement soutenues par l’INET.

Lynn Parramore

Analyste principale de recherche à l’INET

Source : Institute for New Economic Thinking, Lynn Parramore, 28-09-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Fabrice // 02.11.2023 à 10h51

On notera la probable disparition de Waze racheté par Google pour à terme favoriser Google map c’est la stratégie d’acheter pour tuer toute concurrence qui illustre bien l’impossibilité de voir toute concurrence émerger et maintenir les utilisateurs captifs sans choix alternatif crédible.

7 réactions et commentaires

  • Auguste Vannier // 02.11.2023 à 09h26

    Nous sommes « soulagés » d’apprendre que le gouvernement US se préoccupe enfin sérieusement des pratiques abusives de Google. Mais bien tardivement. Ça fait longtemps qu’un grand nombre d’usagers dénonce tout cela.Google à les moyens de s’organiser pour avoir un coup d’avance sur toute législation non radicale.
    Une fois de plus, le système permet de développer des activités sans tenir compte de leurs conséquences possibles, bien souvent clairement documentées par des scientifiques et des experts.
    Le refus du principe de précaution aboutit à devoir « ramer » pour limiter les conséquences néfastes constatées, souvent irréversibles.
    Va-t-on réglementer l’usage des énergies fossiles et de notre mode de production-consommation avant que la planète ne soit devenue invivable pour le plus grand nombre…?

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    • Olivier // 02.11.2023 à 12h29

      Se préoccuper est un bien grand mot. On l’a vu avec les Twitter files, l’hegemonie des reseaux sociaux servent le pouvoir en place avec des censures massive. Google c’est aussi youtube et la aussi on a constaté une puissante censure sur tout ce qui ne suivait pas la doxa.

      Faire réellement le menage exposerait l’elu imprudent qui s’y risquerais a un retour de bâton de la part de ceux qui on le pouvoir de faire et defaire les elections. On l’a aussi constaté.

      Trop risqué
      « Le combat sera rude »
      Comprendre : rassurez vous rien ne va bouger avant tres longtemps.

      « Kamala Harris in London: « When people around the world cannot discern fact from fiction because of a flood of AI-enabled mis- and disinformation, I ask, is that not existential for democracy?' »

      Vous la voyez venir la mise en coupe réglée ? Il va falloir s’habituer a moins de démocratie, pour mieux la sauver je pense. Ah parson c’est deja le cas. Oups

        +9

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  • Fabrice // 02.11.2023 à 10h51

    On notera la probable disparition de Waze racheté par Google pour à terme favoriser Google map c’est la stratégie d’acheter pour tuer toute concurrence qui illustre bien l’impossibilité de voir toute concurrence émerger et maintenir les utilisateurs captifs sans choix alternatif crédible.

      +12

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    • Cévéyanh // 02.11.2023 à 19h39

      « Tuer toute concurrence » ou le terme plus exacte serait « réussir à acheter un concurrent » ? C’était aussi peut-être l’appât du gain de(s) propriétaire(s) de Waze ou « opportunité de développement » qui fait que cette multinationale a pu l’acquérir. Waze était-elle en perte pour se faire acheter ?

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  • delasiliconvalley // 02.11.2023 à 12h45

    Il n’y a pas de problèmes avec Google ou avec Microsoft ou avec X ou Y ou Z.

    Il y a AVANT TOUT une lâche paresse de 98 % des utilisateurs qui ne s’occupent pas un minimum de faire l’effort de changer leurs comptes de messageries, leur fureteur (browser pour les français…) qui continuent d’utiliser les logiciels de MIcrosoft ou de Apple sans AU MINIMUM réduire leur visibilité sur ces plateformes. L’information est la, comment faire disponible et gratuite.

    Et que dire de Meta et de ses utilisateurs Facebook qui étalent leurs vies privées sans aucune limite ?

    Pour les systèmes d’opérations après plus de 30 années d’existence il est encore difficile de persuader les gens de NE PAS utiliser Microsoft ou Apple et leurs cohortes de logiciels. Si vous êtes consultant a votre compte voire indépendant il est souvent IMPOSSIBLE de faire autrement, dans le cadre de votre activité, mais que dire pour tout ce qui se passe dans le domaine privé ?

    S’il existe des alternatives crédibles pour les ordinateurs portables ou ceux de bureau le problème est tout autre pour les téléphones portables (le cell pour les français…) ou l’impossibilité de l’apparition d’alternatives est actée. Les exemples le plus cruels ont été l’impossibilité pour Microsoft d’imposer sa version Windows pour les téléphones portables ou la disparition de Blackberry.

    Le législateur américain n’est pas idiot et il n’ignore pas l’empreinte totale ET mondiale, y compris la Chine, des firmes de la Silicon Valley. Il suffit de rappeler les limites (?) imposées a Microsoft il y a maintenant plus de 10 années et de voir que cette firme règne toujours sans partage.

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    • Fabrice // 02.11.2023 à 15h13

      Désolé mais là j’ai cru qu’un lobbyiste était venu sur le site les crises.fr., avec des termes comme « il n’y a pas de problème avec Google » et « le législateur américain n’est pas idiot. »

      Vous avez lu ici ou ailleurs les articles sur Google de monopole ainsi que de l’acaparrement des données privées élevée a un niveau jamais atteint et les problèmes de corruption (bon d’accord ce n’est pas être idiot qu’être corrompu) des législateurs américains ?

        +5

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  • La Mola // 02.11.2023 à 15h59

    « De son côté, Google estime que les gens utilisent son moteur de recherche parce qu’il est le meilleur »
    Normal… ils sont sans doute dans le « camp du Bien », comme les US en général

    Du temps de l’ORTF en France, il se disait que « la police nous parle tous les soirs à 20 h ». Désormais, la police de la pensée nous babille H.24/7.7 Ce doit être ce qu’on appelle le progrès…

    Perso, j’utilise Mozilla avec StartPage comme moteur de recherche et UBlock Origin contre les publicités. Je surveille aussi les cookies. Ce n’est pas forcément la panacée mais je m’en contente pour me maintenir aussi éloignée de google que possible

      +8

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