Les Crises Les Crises
20.février.201820.2.2018 // Les Crises

Trump met fin aux protections du Salvador, par Dennis J Bernstein

Merci 18
J'envoie

Source : Consortium News, Dennis J. Bernstein, 18-01-2018

Le Salvador est le dernier pays visé par l’administration Trump par le programme de cessation de protections des peuples sous le Statut Temporaire de Protection (STP). Celui-ci fournit un soutien pour les migrants fuyant les crises humanitaires, rapporte Dennis J.Bernstein

Lundi 8 Janvier, l’administration de Trump a annoncé qu’ils mettront fin aux protections envers les immigrés du Salvador ayant été auparavant sous le Statut Temporaire de Protection aux États-Unis depuis 2001. Le STP est un titre reconnu pour les immigrants de certains pays qui ont été confrontés à des situations mettant leur vie en péril, telles que des catastrophes naturelles ou des guerres, et leur accorde une protection vis-à-vis des reconduites à la frontière et la possibilité de travailler légalement aux États-Unis. La fin du STP pour les Salvadoriens prendra effet le 9 Septembre 2018.

Pablo Alvarado est le Directeur Exécutif du Réseau national d’organisation des travailleurs journaliers (ndlr : NDLON), un regroupement d’organisations de travailleurs à travers le pays qui défend les travailleurs journaliers de l’exploitation et de l’extrême répression migratoire, aide les gens à trouver du travail et à récupérer leurs salaires, et forme les travailleurs les domaines de la santé et de la sécurité.

Carte de l’Amérique du Nord, avec le Salvador en rouge (Wikipedia)

J’ai parlé avec Alvarado ce mardi 9 janvier, le jour suivant l’annonce de l’administration Trump de révoquer le Statut Temporaire de Protection pour les Salvadoriens. « Beaucoup de nos membres sont issus d’Amérique centrale et particulèrement du Honduras et du Salvador », a dit Alvarado. « Une proportion significative bénéficie du Statut Temporaire de Protection pour les Salvadoriens, qui protège près de 200 000 personnes ayant des documents de reconduite à la frontière. »

Dennis Bernstein : Je sais que vous avez été en réunion toute la journée, développer des stratégies, et gérer les craintes qui s’étendent à travers les communautés que vous représentez et conseillez tous les jours. Quelle est votre première réaction à cette annonce de Trump ?

Pablo Alvarado : Cette action de la part de l’administration Trump n’est pas qu’un acte de cruauté, mais aussi de haine et d’intolérance. Ce président a décidé de mettre fin à un formidable programme qui a facilité l’immigration de milliers et de milliers de migrants. Aujourd’hui, 30 % de ces personnes possèdent une maison, plus de 90 % un travail. Et cependant, dans un acte de racisme cruel, cette administration a décidé de se débarrasser de ce programme.

Leur motivation est claire : réduire le nombre de migrants non-blancs. Ils ont peur du changement démographique dans notre pays. C’est leur manière de ralentir l’émergence d’une nouvelle majorité. Ils ne sont dorénavant plus juste après les personnes sans-papiers, ils reprennent les papiers de ceux qui en ont.

Dennis Berstein : Vous êtes vous même du Salvador. Pouvez-vous nous parler du genre de violence que les personnes ont fui durant cette période d’escadrons de la mort appuyés par les États-Unis ?

Pablo Alvarado : Il est important de noter combien de fois les Etats-Unis sont intervenus en Amérique Centrale. Le dernier cas fut la reconnaissance du président du Honduras que 80 % des honduriens ne souhaitaient pas. Le Honduras continuera à être en flammes durant les prochains mois. Les escadrons de la mort ont déjà réapparu et des activistes ont été portés disparus et torturés. Des enfants sont gazés alors qu’ils manifestent.

Tout ceci mènera une plus grand pauvreté et nourrira les flux migratoires. C’est la même chose que les États-Unis ont fait au Salvador, au Nicaragua, et dans toute la région. La violence généralisée des gangs au Salvador est quelque chose d’importé de Los Angeles. Je peux vous dire que mes deux frères, qui sont professeurs et gagnent 450 $ par mois, se font extorquer par les membres de gangs.

Le statut de protection temporaire a été introduit après le grand tremblement de terre [de 2001] mais la réalité est que le Salvador ne s’est pas encore remis de cette catastrophe naturelle. Le pays vit toujours dans des circonstances difficiles. Il y a beaucoup de villages qui subsistent grâce aux envois de fonds des membres de la famille qui sont ici aux États-Unis. Cette décision de l’administration Trump va conduire à une crise humanitaire encore plus grande.

Dennis Bernstein : Considérez-vous cela comme une forme de nettoyage ethnique ?

Pablo Alvarado : C’est clairement un effort, comme je l’ai dit, pour ralentir l’émergence d’une nouvelle majorité. Cela a toujours été la stratégie des gens autour de Trump. Ils appellent cela « la diminution par la coercition ». Il s’agit de rendre la vie des immigrants si misérable qu’ils voudront faire leurs valises et partir d’eux-mêmes. Mettre fin à TPS est essentiellement un pas dans cette direction.

C’est intéressant, les experts de droite disent que ce sont les démocrates qui veulent permettre à ces immigrants de venir parce qu’ils veulent les transformer en électeurs démocrates. C’est tellement ridicule. Ces gens ne quittent pas leur pays pour avoir le droit de voter ici. Ils fuient la violence et l’extrême pauvreté et la persécution. Tout pays qui respecte les droits de l’homme doit vouloir offrir un refuge aux personnes qui fuient de telles conditions.

Dennis Bernstein : Quels types de mesures envisagez-vous de prendre maintenant ?

Pablo Alvarado : Nous avons récemment mis sur pied la National TPS Alliance, une coalition d’environ 50 comités de bénéficiaires de TPS à travers le pays qui sont venus à Washington à plusieurs reprises et reviendront dans la première semaine de février. Avant cette récente décision, ils faisaient déjà un travail de démarchage, essayant de convaincre les politiciens des deux côtés de la gravité de leur situation.

À partir de ces conversations, quatre propositions législatives ont été introduites pour fournir une solution permanente aux détenteurs de TPS. L’administration voudra peut-être voir le TPS disparaître dans les 18 mois, mais nous sommes déterminés à faire de ces propositions une réalité.

Dennis J Bernstein est un habituel des « Flashpoints » sur le réseau radio Pacifica et l’auteur de Special Ed: Voices from a Hidden Classroom [ Éducation spécialisée : voix d’une salle de classe Ignorée, NdT]. Vous pouvez accéder aux archives audio sur www.flashpoints.net.

Source : Consortium News, Dennis J. Bernstein, 18-01-2018

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

Commentaire recommandé

douarn // 20.02.2018 à 08h29

Quand même, il y a des similitudes entre la fin de l’empire romain d’occident et ce qui arrive à l’empire US. Malgré la construction de murs (Adrien, Danube, …), Rome à la fin du IVe siècle ne peut plus ni empêcher l’entrée d’arrivants ni les intégrer.

Ajoutons, la monnaie (argent métal dans le Denarius) qui perd de sa valeur, les mines d’or ibères qui s’épuisent, la conquête Vandale de Carthage obligeant Rome à payer le blé qu’elle y produisait (= chine?), l’usage de mercenaires (=blackwater) affaiblissant les légions, les dépenses non productives (orgies, importation de produit orientaux par la route de la soie), etc.

L’empire romain s’est bâtit par des conquêtes très rentables sur le plan des stocks de ressources (pillage de métaux précieux, grande quantité d’esclaves, …) et a décliné quand les stocks ont décliné, les provinces ne pouvant plus alimenter Rome que sur des richesses de flux (vin, huile, bois, …) (J. Tainter, U. Bardi, …).

15 réactions et commentaires

  • Perret // 20.02.2018 à 07h20

    N’y a-t-il pas une disposition qui permet à ceux qui s’engagent dans l’armée de conserver leurs papiers ?

      +0

    Alerter
    • RGT // 20.02.2018 à 07h57

      Pour être embrigadés dans des escadrons de la mort qui sévissent dans d’autres pays ?

        +6

      Alerter
  • douarn // 20.02.2018 à 08h29

    Quand même, il y a des similitudes entre la fin de l’empire romain d’occident et ce qui arrive à l’empire US. Malgré la construction de murs (Adrien, Danube, …), Rome à la fin du IVe siècle ne peut plus ni empêcher l’entrée d’arrivants ni les intégrer.

    Ajoutons, la monnaie (argent métal dans le Denarius) qui perd de sa valeur, les mines d’or ibères qui s’épuisent, la conquête Vandale de Carthage obligeant Rome à payer le blé qu’elle y produisait (= chine?), l’usage de mercenaires (=blackwater) affaiblissant les légions, les dépenses non productives (orgies, importation de produit orientaux par la route de la soie), etc.

    L’empire romain s’est bâtit par des conquêtes très rentables sur le plan des stocks de ressources (pillage de métaux précieux, grande quantité d’esclaves, …) et a décliné quand les stocks ont décliné, les provinces ne pouvant plus alimenter Rome que sur des richesses de flux (vin, huile, bois, …) (J. Tainter, U. Bardi, …).

      +34

    Alerter
    • Alfred // 20.02.2018 à 08h42

      Et vous pensez que les peuples barbares alliés de l’Empire se sont déjà installés à l’intérieur est des limes? Vous avez des analogies?

        +5

      Alerter
      • Le Wallon // 20.02.2018 à 09h21

        Bonjour Monsieur. Pour répondre à votre question il faut penser aux centaines de milliers (peut-être même aux quelques deux à trois millions) de Latinos déjà installés sur le territoire des actuels Etats-Unis. Les « Barbares » qui s’installèrent sur le territoire de l’Empire Romain d’Occident ne représentaient à peine qu’un peu plus de dix à quinze pourcents de la population totale (bien qu’il est vrai que dans le nord de la Gaule, ce nombre était bien plus important, de l’ordre de cinquante pourcents). Mais l’analogie avec l’Empire Romain d’Occident est pertinente.

          +7

        Alerter
      • douarn // 20.02.2018 à 09h29

        Bonjour Alfred
        Peut être serait il plus juste de dire que ce ne sont pas les « peuples barbares » qui se sont déplacés, mais le limes lui même. A ce titre, il me semble que l’avancée des limites de l’OTAN en direction de la Russie et l’extension de l’union européenne allie (de force?) les « peuples barbares » de l’Est de l’Europe à l’empire US.

          +2

        Alerter
      • christian gedeon // 20.02.2018 à 10h22

        Pour ce qui est de latinos,comme on les appelle,l’analogie est plus que discutable.Et les tentatives de limiter leur afflux tiennent plus de l’agitation à usage électoral que d’une réelle volonté de faire.De la même façon,comparer l’empire romain aux US actuels me paraît plus que discutable.Si les US ont mené des guerres étrangères par dizaines,ils n’ont jamais cherché à effecteur une inclusion territoriale des territoires « conquis »,comme çà a été le cas pour l’empire romain. Ils restent dans leurs bases du continent nord américain. Enfin,et contrairement à l’empire romain finissant dont la force militaire s’était réduite comme peau de chagrin,la force militaire des US d’aujourd’hui est à nouveau en pleine expansion. Comparaison n’est pas raison et il n’y a nI Stilcon ni Odoacre à la tête des armées us.

          +4

        Alerter
        • Philou // 20.02.2018 à 12h02

          Où prenez-vous que la force militaire des US d’aujourd’hui soit en pleine expansion ?
          Malgré les grands massacres quasi-génocidaires de civils (Indochine, entre 3,5 et 5 M de morts, selon qu’on inclue ou pas l’auto-génocide khmer rouge) ; Irak-AfPak-Syrie : 1,5 M .. »and counting »), les US of A ont perdu toutes leurs guerres. Leurs armes nouvelles sont grotesquement sous-performantes (chasseurs F-22 et l’inénarrable F-35, plus grave ratage technologique de l’histoire, Osprey, croiseurs de type Zumwalt, porte-avions « sitting ducks », etc.) et leurs stratégies ou tactiques toujours à la ramasse…
          Ce qui est en pleine expansion, c’est le budget cosmique du Pentagone, ne pas confondre ! …et c’est la garantie de toujours plus de désastres de tous ordres…

            +4

          Alerter
          • Chris // 20.02.2018 à 16h34

            Vous oubliez les sous-fifres de l’OTAN : France, Grande-Bretagne, Turquie qui eux, sont performants…

              +0

            Alerter
        • douarn // 20.02.2018 à 12h58

          Bonjour Christian
           » les US ont mené des guerres étrangères par dizaines,ils n’ont jamais cherché à effecteur une inclusion territoriale des territoires “conquis” »

          Il me semble pourtant qu’Hawai’i, située loin de l’Amérique, fait partie des USA. Mais qu’importe, dans le cas de l’ascension de l’empire Romain comme dans celui des USA, l’important c’est de siphoner les stocks de ressources des pays défaits. Il y a des bases militaires US partout dans les pays conquis et « dirigés » par des gouvernement pro-USA : Allemagne, Corée du Sud, Japon, Arabie Saoudite, Afghanistan, … pas en Russie, ni en Chine

            +9

          Alerter
        • Spartel // 22.02.2018 à 22h23

          D’accord la vision US est Athénienne et non pas romaine. Washington détruit ; elle ne construit rien en-dehors de ses bases militaires disséminées dans le monde le tout avec un soft power hollywoodien. Enfin la similitude avec Rome vient de l’importance des mercenaires dans la stratégie US ; Machiavel raconte comment tout cela se termine dans  » La dixième décade de Tite-Live », mal bien sûr.

            +0

          Alerter
  • calal // 20.02.2018 à 08h49

    Rien a voir avec le gang MS-13?
    wiki:  »
    La Mara Salvatrucha (abrégé en MS-13, MS ou Mara) est un gang de plusieurs dizaines de milliers de membres impliqué dans des activités criminelles aux États-Unis, au Canada, au Mexique, en Amérique centrale, en Amérique du Sud et en Espagne.Mara est l’abréviation de marabunta. Ce mot désigne en Amérique hispanophone une migration massive et destructrice de fourmis légionnaires. Mara est également un mot signifiant « gang » en caliche, un argot salvadorien. Salva veut dire salvadorienne, l’origine du gang se trouvant au Salvador. Trucha est un mot argotique signifiant « à l’affut » ou « en garde ». En résumé, une traduction possible du nom du gang est « les fourmis gardiennes du Salvador ». Une autre traduction vraisemblable est : « l’invasion massive des Salvadoriens à l’affut ». »

    Ah oui,les migrants sont tous des « gentils »….d’ailleurs il me semble que quand ils sont arretes, les mecs pretendent tous qu’ils ont moins de 18 ans…

      +7

    Alerter
  • DocteurGrodois // 20.02.2018 à 10h47

    Le sort des réfugiés salvadoriens fait partie d’un marchandage cynique entre Trump et le Congrès US. D’ailleurs, la décision sur le statut des salvadoriens est tombée le jour même où le Congrès devait délibérer sur les lois d’immigration.

    Trump veut durcir le contrôle aux frontières, réduire l’immigration légale, et simplifier les régularisations et l’accès à la citoyenneté, mais le congrès et surtout les élus Démocrates s’y opposent.

    Les Démocrates s’y opposent même très publiquement, mais sous Obama ils n’étaient pas du tout contre pas mal des mesures en question, comme par exemple supprimer « la loterie de la carte verte ».

    Les visas pouvant être reconduits jusqu’en Septembre 2018, puis jusqu’en Mars 2019, le congrès aura tout le temps de sauver les salvadoriens des griffes de l’ogre Trump en échange de concessions qui ne les dérangent pas vraiment.

      +1

    Alerter
  • martin // 21.02.2018 à 01h55

    La violence au Salvador « importée des gangs de LA », sérieusement ? L’histoire de l’Amérique centrale semble prouver que les locaux n’ont jamais eu besoin de modèles extérieurs dans ce domaine. Par ailleurs la revendication (plus que légitime) de voir les US arrêter d’interférer dans les affaires intérieures du « Sud » est difficilement compatible avec celle d’un « libre accès » au marché du travail états uniens. Si les migrations sont parfois un souci pour les pays d’accueil (mais une aubaine pour les entreprises desdits pays) elles sont sans doute le principal obstacle au développement des pays d’exil parce que dans ce domaine aussi, ce sont souvent les meilleurs qui partent en premier…

      +3

    Alerter
  • Frédéric // 22.02.2018 à 21h47

    Les Etats-Unis sont un Etat souverain. Ils ont parfaitement le droit de controler leur immigration.

      +1

    Alerter
  • Afficher tous les commentaires

Les commentaires sont fermés.

Et recevez nos publications