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13.juillet.201913.7.2019 // Les Crises

La nomination d’Ursula von der Leyen suscite la colère à Berlin

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Encore du grand art…

Source :Le Point, 03-07-2019

Alors qu’Ursula von der Leyen est candidate à la présidence de la Commission européenne, ce choix pourrait venir bousculer les équilibres politiques.

Berlin, de notre correspondanteCo Pascale Hugues

Angela Merkel est soulagée, mais elle est loin de triompher quand elle salue hier soir à Bruxelles devant la presse la candidature de sa ministre de la Défense Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne. Elle est même un peu hésitante comme si elle avait besoin de justifier ce choix-surprise. La chancelière allemande aurait pourtant de quoi jubiler. Si le Parlement européen vote pour sa candidate à la mi-juillet, Angela Merkel aura réglé plusieurs problèmes à la fois. Premièrement : elle aura débloqué la situation et permis à l’UE de se mettre d’accord sur une candidate après des semaines d’âpres tractations et d’éclatants désaccords. Deuxièmement : elle aura obtenu que, pour la première fois depuis Walter Hallstein qui, de 1958 à 1967, fut le premier président de la Commission européenne, ce poste capital soit attribué à l’Allemagne. Troisièmement : elle aura placé à ce poste une de ses fidèles. Ursula von der Leyen, chrétienne-démocrate elle aussi, est la seule ministre à avoir fait partie de tous les gouvernements Merkel depuis 2005. Elle fut tour à tour ministre de la Famille, du Travail et de la Défense. Autant de raisons pour la chancelière de se montrer radieuse devant les caméras. Mais elle sait que ce coup de théâtre franco-allemand de dernière minute va déclencher les foudres dans son pays. Et elle n’a pas tort.

La tempête ne s’est pas fait attendre. Dès que le nom d’Ursula von der Leyen est dévoilé, les critiques se mettent à pleuvoir. « On ne peut pas présenter certains candidats aux élections et tout de suite après en tirer d’autres de son chapeau », résume un député du petit parti libéral. De tous les côtés, on dénonce cette « politique de l’arrière chambre », cette « partie de poker indigne de la démocratie » et ce coup porté à la « légitimité démocratique des institutions européennes ».

Du côté de la CSU bavaroise, qui comptait sur son candidat Markus Weber, la colère est grande. Angela Merkel n’a-t-elle pas sacrifié Manfred Weber pour faire la paix avec Emmanuel Macron qui n’en voulait pas ? Le ministre président de la Bavière Markus Söder parle d’une « défaite de la démocratie ».

C’est du côté des sociaux-démocrates que l’indignation est à son comble. Le partenaire de la CDU au sein de la grande coalition se sent trahi. C’est Sigmar Gabriel, ancien chef du SPD et ex-ministre des Affaires étrangères, qui a les mots les plus forts. Pour lui, la nomination de von der Leyen est « un exemple sans précédent de tricherie politique » et une raison suffisante pour mettre fin à la grande coalition. Les trois chefs par intérim du SPD dénoncent aussi d’une seule voix cette candidature. Qu’une femme politique qui n’a jamais été élue soit proposée à ce poste « rend absurde le processus de démocratisation de l’Union européenne ». Quant à Katarina Barley, tête de liste des sociaux-démocrates aux européennes, elle a immédiatement annoncé qu’elle ne voterait pas pour Ursula von der Leyen et que de nombreux parlementaires européens de son groupe agiraient de même. Katarina Barley, ancienne ministre de la Justice, siégea aux côtés d’Ursula von der Leyen à la table du conseil des ministres. Il ne s’agit pas d’une aversion personnelle, mais d’une question de principe sur le processus d’élection du président de la Commission européenne, a-t-elle pris soin de préciser. Il est certain que cette candidature-surprise arrangée dans les coulisses par Angela Merkel et Emmanuel Macron ne va pas contribuer à détendre l’atmosphère déjà tendue au sein de la grande coalition au pouvoir à Berlin. Si on ignore encore quels seront les dégâts collatéraux, le navire s’est remis à tanguer.

Source :Le Point, 03-07-2019

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Commentaire recommandé

pap // 13.07.2019 à 10h48

Polémique sans intérêt.
Les chefs de chaque parti s’indignent d’avoir été écartés arbitrairement à la Présidence de la CE. Mais pour les sans-dents que nous sommes, ce ne sont que des clones d’un ordo-libéralisme teuton anti-peuples. Ils ne changeront strictement rien à cette gigantesque bureaucracie néo-soviétique.

17 réactions et commentaires

  • LBSSO // 13.07.2019 à 06h57

    Histoire de rien.
    Lors du débat entre JM Aphatie et O Berruyer, le premier expliquait qu’il était normal , au sujet de l’affaire Assange, que certains sujet d’actualité soient mis en une dans certains pays, pas dans d’autres, en raison d’une culture et d’un contexte différent de l’un à l’autre. »Tout le monde s’en moque de cette affaire » lança-t-il alors.
    Quand on voit le traitement médiatique réservé à la nomination d’ Ursula von der Leyen en France (présenté comme une victoire d’E Macron sauveur de » l’Europe « ) comparé à l’Allemagne, on se dit que l’argument de l’éditorialiste fait …plouf.
    Visiblement, les faits allemands ,en traversant le Rhin, sont filtrés et déformés par nos organes…de presse.
    Analyser la presse française reviendrait-il à  » sonder le chœur et les reins  » des journalistes ?

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    • LBSSO // 13.07.2019 à 07h05

      Mes excuses, impossible de filtrer et corriger mes fautes.

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      • florian lebaroudeur // 13.07.2019 à 08h09

        Il y a un mur informationnel qui sépare la France et l’Allemagne comme avec beaucoup d’autres pays.

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  • jules Vallés // 13.07.2019 à 07h43

    Le spectacle continue, après « Cabaret » de Bob Fosse, voici « Mascarade » avec Ursula von der Leyen….
    Comme l’avait prophétisé Guy Debord, dans la société du spectacle le vrai est faux, et le faux est vrai, n’est-ce-pas les grands médias ?

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    • jp // 13.07.2019 à 09h43

      la citation exacte de G. Debord est « Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux » et s’inspire de Hegel qui a écrit « Le faux est un moment du vrai. »

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      • Tchakhotine // 14.07.2019 à 10h05

        Salut. On a passé un cap, maintenant le faux est un moment du faux.

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  • florian lebaroudeur // 13.07.2019 à 08h12

    Il est intéressant de constater qu’au temps de la bipolarisation bien définie, le jeu démocratique était facilement acceptable puisque l’opposition pouvait se dire qu’elle aurait plus de chance à la prochaine échéance.

    Maintenant que l’usure des grands parties a éclaté le paysage politique et que la place dans le prochain gouvernement est beaucoup moins assurée qu’il ne l’était auparavant, la moindre défaite est désormais catalogué comme un coup de force Anti-démocratique.

    Voilà qui est plus conforme à la réalité des pulsions humaines que les années fastes avaient relégué au rancart et à l’abri des regards…
    Il suffit de se remémorer les douloureuses expériences de la cour de récré ou le jeu n’était légitime que dans la victoire et la supériorité de ses aptitudes.

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    • René Fabri // 13.07.2019 à 08h35

      Dans les cours de récréation, les enfants passent pratiquement plus de temps à définir les règles de leur jeu, qu’à y jouer.

      Pour les hommes politiques, c’est pareil quand on voit tout le temps qu’ils mettent pour choisir des candidats et définir leur domaine de compétence, et quand on voit que les règles sont sans cesse remaniées.

      Pour nous les gens ordinaires, on passe beaucoup de temps à gagner de l’argent, à se trouver un logement, à l’améliorer, plutôt qu’à en profiter, et dans les relations de couple à se séduire, et à essayer de s’entendre, plutôt qu’à vivre tranquillement ensemble.

        +17

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  • Fritz // 13.07.2019 à 09h55

    Une politicienne qui n’a jamais été élue, présidente de la Commission européenne ? C’est parfait !
    Es lebe das vierte Reich ! Es lebe unsere Führerin !

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    • septique // 13.07.2019 à 12h41

      Lors des élections régionales du 2 février 2003, elle est élue à 44 ans députée au Landtag de Basse-Saxe dans la circonscription orientale de Lehrte avec 39 % des voix. ensuite ministre de la Famille…donc élue.Élue députée fédérale au Bundestag lors des élections législatives fédérales du 27 septembre 2009, elle est reconduite à son ministère le 28 octobre suivant. Ursula von der Leyen est finalement nommée ministre fédérale de la Défense le 17 décembre 2013

      Longue vie au Quatrième Reich ! Longue vie à notre chef ! (traduction…).

      Après s’être ici (commentaire supprimé ultérieurement par les modérateurs) félicité de l’annonce de pertes supplémentaires américaines en Afghanisan l’ami Fritz nous gratifie d’un analogisme douteux entre l’Allemagne actuelle et le Reich..décidément….

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      • Fritz // 13.07.2019 à 12h58

        En effet, Frau von der Leyen a été élue. Vous avez eu raison de vérifier, j’aurais dû vérifier moi-même au lieu de croire Le Point qui écrit : « Qu’une femme politique qui n’a jamais été élue soit proposée à ce poste « rend absurde le processus de démocratisation de l’Union européenne » ». Mea Kulpa.

        Hum… vérification faite, Frau von der Leyen n’a dû son entrée au Bundestag qu’au scrutin de liste. Dans la 2e circonscription de Hanovre, elle a été battue par la candidate du SPD en 2009, 2013 et 2017 :
        https://de.wikipedia.org/wiki/Ursula_von_der_Leyen#Bundestagsabgeordnete
        https://de.wikipedia.org/wiki/Bundestagswahlkreis_Stadt_Hannover_II

        Enfin, apprenez qu’en allemand Führerin signifie « dirigeante, guide ».

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        • Chris // 13.07.2019 à 14h35

          Je comprends qu’un Gabriel peste car politiquement (d’ouverture) il aurait fait bouger l’Union Européenne vers plus d’indépendance. Il fait partie de ces Allemands qui estiment que l’UE est complètement vérolée par l’OTAN qui dicte sa politique internationale (*) selon le traité de Lisbonne et subséquemment sa soumission à l’empire.
          (*) et accessoirement occupe l’Allemagne depuis 1945 !
          Peut-être que la politique allemande changera une fois le NordStream 2 enfin en service…
          La nomination de Von Leyen est un statu quo : l’UE continuera de courber l’échine, la vache à traire pouvant se transformer en daim prêt à être dévorer par l’empire. Rappelons-nous le testament de Mitterrand…
          Pour l’heure, Washington attaque l’Allemagne à travers la Deutsche Bank :
          https://www.zerohedge.com/news/2019-07-10/us-probing-deutsche-banks-dealings-malaysias-1mdb-after-goldman-throws-it-under-bus Ça sent une prochaine Lehmann…
          Alors que la Turquie reçoit les premières pièces de ses S400 :
          https://www.businessbourse.com/2019/07/13/fitch-abaisse-dun-cran-la-note-de-la-dette-turque-a-bb-lenfoncant-un-peu-plus-bas-dans-la-categorie-des-obligations-pourries-junk-bonds/

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          • septique // 13.07.2019 à 16h32

            [modéré] dans cette affaire il y a aussi Goldman Sachs et au moins une banque française…c’est une enquête sans plus

            Pour la Turquie oubliez les S400 qui vous font frétiller…Erdogan après les pertes des municipalités de Ankara et de Istambul a peu de chance d’être là pour longtemps, des circonscriptions très religieuses ont voté contre lui. Entre-temps je peux l’imaginer tenter de provoquer des incidents avec la Grèce ou Chypre au sujet des champs gaziers maritimes. L’économie turque est dans les cordes, la lira s’écroule tout va bien en somme…

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            • Jérôme // 14.07.2019 à 22h34

              @ septique : ne vous en déplaise mais Erdogan n’est pas isolé dans l’affaire des S-400.

              Le CHP, kemaliste de centre-gauche, soutient Erdogan dans cette affaire. Pourquoi ? Parce qu’en Turquie, le nationalisme est extrêmement fort et transcende les clivages partisans sur les questions d’Islam politique ou de dérive autoritaire du régime actuel.

              S’il était besoin de mise en perspective, je précise que l’affaire des S-400 n’est que la partie émergée de l’iceberg d’une réorientation profonde de la politique étrangère turque.

              La Turquie est en train de rompre les amarres avec les pays occidentaux et leur hégémon états-unien. C’est pour cela qu’elle achète des armes russes. Et pour mémoire, les USA et l’OTAN ont trempé dans la tentative de coup d’Etat de l’été 2016 et c’est la Russie qui a sauvé la mise d’Erdogan.

              Ceci explique cela.

              Et si jamais les USA osent franchir le pas de sanctions contre la Turquie, ils doivent s’attendre à être forcés de plier bagages et de quitter leurs bases turques.

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      • Ago // 14.07.2019 à 08h41

        Elue en 2003 puis 2009 ….
        On frôle la prescription démocratique…. ça s s’appelle être rodée au scrutin électoral….
        En synthèse on peut s autoriser à penser qu’elle est davantage une technocrate ?

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  • Calal // 13.07.2019 à 10h09

    Ce qui est drôle c’est qu’on nous vendait le modèle vertueux allemand.or on constate qu’ils ont des banquiers aussi cupides et stupides que les nôtres,des dirigeants malades qui cachent leur maladie et qui s’accrochent au pouvoir comme nous, et maintenant des copains incompétents qu’on case a Bruxelles comme nous.l’harmonisation,l’intégration se fait toujours par le bas…

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  • pap // 13.07.2019 à 10h48

    Polémique sans intérêt.
    Les chefs de chaque parti s’indignent d’avoir été écartés arbitrairement à la Présidence de la CE. Mais pour les sans-dents que nous sommes, ce ne sont que des clones d’un ordo-libéralisme teuton anti-peuples. Ils ne changeront strictement rien à cette gigantesque bureaucracie néo-soviétique.

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