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18.avril.201518.4.2015 // Les Crises

[Reprise] Le «Bouc émissaire », par René Girard

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Le mécanisme sacrificiel

Introduction

Tout le monde sait grosso modo ce qu’est un « bouc émissaire » : c’est une personne sur laquelle on fait retomber les torts des autres. Le bouc émissaire (synonyme approximatif : souffre-douleur) est un individu innocent sur lequel va s’acharner un groupe social pour s’exonérer de sa propre faute ou masquer son échec. Souvent faible ou dans l’incapacité de se rebeller, la victime endosse sans protester la responsabilité collective qu’on lui impute, acceptant comme on dit de « porter le chapeau ». Il y dans l’Histoire des boucs émissaires célèbres. Dreyfus par exemple a joué ce rôle dans l’Affaire à laquelle il a été mêlé de force : on a fait rejaillir sur sa seule personne toute la haine qu’on éprouvait pour le peuple juif : c’était le « coupable idéal »… Ainsi le bouc émissaire est une « victime expiatoire », une personne qui paye pour toutes les autres : l’injustice étant à la base de cette élection/désignation, on ne souhaite à personne d’être pris pour le bouc émissaire d’un groupe social, quel qu’il soit (peuple, ethnie, entreprise, école, équipe, famille, secte).

Cette expression, employée le plus souvent au sens figuré, trouve sa source dans un rite de la religion hébraïque : dans la Bible (Lévitique) on peut lire que le prêtre d’Israël posait ses deux mains sur la tête d’un bouc. De cette manière, on pensait que tous les péchés commis par les juifs étaient transmis à l’animal. Celui-ci était ensuite chassé dans le désert d’Azazel (= traduit fautivement par « émissaire ») pour tenir les péchés à distance. Ce bouc n’avait rien fait de mal, il était choisi au hasard pour porter le blâme de tous afin que ces derniers soient dégagés de toute accusation. On voit par là que le sens figuré est relativement proche du sens religieux d’origine, axés tous deux sur l’idée d’expiation par l’ostracisation d’un individu jouant en quelque sorte le rôle de « fusible » (bête ou homme).

Avec René Girard (né en 1923), le bouc émissaire, cesse d’être une simple expression pour devenir un concept à part entière. La théorie du Bouc Émissaire est un système interprétatif global, une théorie unitaire visant à expliquer le fonctionnement et le développement des sociétés humaines. La réflexion de René Girard s’origine dans un étonnement, qui prend la forme de deux questions successives.

  1. D’où naît la violence dans les sociétés humaines, quel en est le ressort fondamental ?
  2. D’où vient que cette violence ne les dévaste pas ? Comment parviennent-elles à se développer malgré elle ?

Autrement dit : quel mécanisme mystérieux permet aux sociétés humaines archaïques, enclines à l’autodestruction, de se développer quand même (la logique voudrait en effet qu’elles aient disparu depuis longtemps). À cette question, René Girard apporte une réponse univoque, martelée depuis des décennies dans plusieurs de ses livres, notamment La Violence et le Sacré, et Des Choses cachées depuis la fondation du Monde : le mécanisme du bouc émissaire…

Le désir mimétique

La théorie du bouc émissaire est adossée à une autre théorie qui lui sert de support : à l’origine de toute violence, explique René Girard, il y a le « désir mimétique », c’est-à-dire le désir d’imiter ce que l’Autre désire, de posséder ce que possède autrui, non que cette chose soit précieuse en soi, ou intéressante, mais le fait même qu’elle soit possédée par un autre la rend désirable, irrésistible, au point de déclencher des pulsions violentes pour son appropriation. La théorie mimétique du désir postule en effet que tout désir est une imitation (mimésis) du désir de l’autre. Girard prend ici le contre-pied de la croyance romantique selon laquelle le désir serait singulier, unique, imitable. Le sujet désirant a l’illusion que son désir est motivé par l’objet de son désir (une belle femme, un objet rare) mais en réalité son désir est suscité, fondamentalement, par un modèle (présent ou absent) qu’il jalouse, envie. Contrairement à une idée reçue, nous ne savons pas ce que nous désirons, nous ne savons pas sur quoi, sur quel objet (quelle femme, quelle nourriture, quel territoire) porter notre désir – ce n’est qu’après coup, rétrospectivement, que nous donnons un sens à notre choix en le faisant passer pour un choix voulu (« je t’ai choisi(e) entre mille ») alors qu’il n’en est rien – mais dès l’instant qu’un Autre a fixé son attention sur un objet, aussi quelconque soit-il, alors cet objet (que nul ne regardait jusqu’alors) devient un objet de convoitise qui efface tous les autres !

En clair, le désir n’est pas direct, mais indirect (ou médié), entre le sujet et l’objet : il fonctionne de manière triangulaire en ce sens qu’il passe par un modèle (ou médiateur). L’exemple que donne Girard pour illustrer sa théorie est celui des enfants qui se disputent des jouets en quantité suffisante. Cet exemple montre de manière édifiante qu’on ne désire pas une chose pour ce qu’elle est (sa valeur propre) mais pour ce qu’elle représente aux yeux de l’autre (un objet de désir). Les cas de « désir mimétique » sont nombreux dans la littérature. Don Quichotte, par exemple, ne désire pas être un chevalier, il ne fait qu’imiter Amadis de Gaulle, et tous les autres chevaliers qu’il a lus dans les livres. La médiation est ici littéraire. Don Quichotte est une victime d’autant plus spectaculaire du désir mimétique qu’il désire – c’est la source du comique cervantésien – une chose absurde : être chevaleresque dans un monde déféodalisé. Dans l’univers publicitaire qui est le nôtre, le mécanisme mimétique fonctionne aussi à plein. Les consommateurs ne désirent pas une marchandise parce qu’elle est utile, nécessaire ou aimable, mais parce qu’elle est convoitée, ou supposée l’être, par un tiers (star de cinéma, ami ou groupe d’amis). Le consumérisme moderne est un désir « selon l’autre », quand bien même il nous donne l’illusion de faire un choix personnel, voire unique. La mode et la publicité jouent à plein sur le désir mimétique, raison pour laquelle elles connaissent du succès, alors que ce succès ne repose objectivement sur aucune base rationnelle (beauté, robustesse, originalité de l’objet).

Du désir mimétique à la violence généralisée

Le désir mimétique serait bien innocent s’il ne débouchait sur des conflits en chaîne, et à terme sur la violence généralisée. Que se passe-t-il en effet quand deux individus (ou plus) désirent la même chose ? Ils se battent, voire s’entretuent, pour l’obtenir. Pour René Girard, le désir mimétique, en mettant en concurrence le sujet désirant et son modèle fait naître une rivalité meurtrière. L’objet désiré n’étant généralement pas partageable (pensons au jugement de Salomon : peut-on partager en deux un bébé que deux femmes revendiquent comme le leur ?), le modèle devient nécessairement un obstacle pour le sujet désirant, autrement dit une figure à abattre. C’est ici que la thématique du désir, via le mécanisme de la rivalité, rejoint celle de la violence… Son recours étant, on l’aura compris, le seul moyen de satisfaire le désir mimétique.

Prenons un exemple. Shakespeare écrit dans ses Sonnets : « Tu l’aimes, toi, car tu sais que je l’aime. » On voit bien ici que l’amour qu’éprouve le destinataire du poème (« tu ») est motivé avant tout (« car ») par l’amour qu’éprouve Shakespeare et non par l’objet lui-même de cet amour. Tu l’aimes « toi », insiste le poète, de manière mimétique, alors que moi je l’aime de manière authentique. Nous sommes bien dans le cas de figure du jouet sans valeur que se disputent deux enfants, dont l’issue est bien connue : chamaillerie, cris, crêpage de chignon, et… intervention des adultes, pour séparer les belligérants. Mais que se passe-t-il quand, dans la même situation de rivalité, deux adultes se disputent un objet ? Sans l’intervention providentielle d’un tiers situé au-dessus de la mêlée (Dieu ?), les adultes vont jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’élimination du rival, obstacle insupportable à la réalisation de leur désir. Les faits divers et les romans (pensons au Rouge et le Noir de Stendhal : Julien Sorel y désire triangulairement Madame de Rénal) sont remplis de crimes passionnels, motivés à l’origine par un désir mimétique, quoique ces motivations, comme l’explique René Girard, soient toujours dissimulées par le criminel derrière l’idée fallacieuse que son désir est légitime, car premier :

Seul l’être qui nous empêche de satisfaire un désir qu’il nous a lui-même suggéré est vraiment objet de haine. Celui qui hait se hait d’abord lui-même en raison de l’admiration secrète que recèle sa haine. Afin de cacher aux autres, et de se cacher à lui-même, cette admiration éperdue, il ne veut plus voir qu’un obstacle dans son médiateur. Le rôle secondaire de ce médiateur passe donc au premier plan et dissimule le rôle primordial de modèle religieusement imité. Dans la querelle qui l’oppose à son rival, le sujet intervertit l’ordre logique et chronologique des désirs afin de dissimuler son imitation. Il affirme que son propre désir est antérieur à celui de son rival ; ce n’est donc jamais lui, à l’entendre, qui est responsable de la rivalité : c’est le médiateur.

Pour masquer sa brutalité, le sujet mimétique n’hésite pas à ruser avec son désir, c’est-à-dire à faire passer le modèle pour l’imitateur…

Cette violence serait soutenable socialement (maintien de la paix civile), si elle demeurait le propre de quelques individus isolés. Or, ce qui la rend éminemment dangereuse, nous dit Girard, c’est qu’elle est contagieuse. Le désir mimétique se propage à la société tout entière, par effet « boule de neige » : si deux individus désirent la même chose il y en aura bientôt un troisième, un quatrième, et ainsi de suite. Rapidement – à la vitesse d’une traînée de poudre – , le conflit mimétique se transforme en antagonisme généralisé. Un fait divers récent illustre exemplairement cette propagation du désir mimétique, avec son corollaire agonistique de la « guerre de tous contre tous » (Hobbes). « Gaz lacrymogènes, bagarres, échauffourées violentes, arrestations musclées, lit-on dans Le Monde.fr du 25 décembre 2012, telle était l’ambiance apocalyptique dans laquelle plusieurs magasins américains ont ouvert pour la sortie des dernières paires de baskets Nike créées pour l’ancien basketteur Mickael Jordan : […] des milliers de personnes se sont ainsi rassemblées très tôt ce vendredi, parfois dès deux heures du matin, pour figurer parmi les chanceux se procurant les 150 paires seulement disponibles ; […], la même scène s’est déroulée un peu partout aux États-Unis, conduisant notamment à plusieurs arrestations à Atlanta, des personnes légèrement blessées, à la suite de piétinements à l’entrée du magasin ou encore une mère abandonnant ses deux enfants de 2 et 5 ans dans la voiture en pleine nuit. Dans la banlieue de Seattle, Avant l’ouverture, la foule avait déjà enfoncé deux portes. Des bagarres ont commencé à éclater, des bousculades, certaines personnes essayaient de couper la file d’attente. Les officiers ont utilisé du gaz incapacitant pour interrompre certaines bagarres. » Aucune de ces personnes n’avait besoin, à strictement parler, de ces chaussures, pourtant toutes se sont battues, presque au risque de leur vie, pour se les approprier. Telle est l’implacable loi du désir mimétique lorsqu’elle s’applique à grande échelle : son escalade conduit à la destruction sociale généralisée. Pire, la violence engendre la violence, dans une chaîne infinie, sous l’empire du mécanisme de la vengeance. « Chaque fois qu’elle surgit en un point quelconque d’une communauté elle tend à s’étendre et à gagner l’ensemble du corps social. » (La Violence et le Sacré). De crimes en représailles (regardons comment les bandes de la Mafia s’autodétruisent), la vengeance menace la société d’éclatement. La loi du Talion, (« œil pour œil, dent pour dent »), qui répond à la violence par une violence égale, et non supérieure, limite certes son risque d’extension et d’escalade, mais ne l’arrête pas. La spirale de la violence est en principe, dans les sociétés primitive où n’existe pas la Justice, incoercible. Le cycle de la violence réciproque est littéralement infernal : elle l’était dans la Grèce antique (voir les Atrides) elle l’est encore dans certains pays où dominent la loi du Talion ou l’usage de la Vengeance (au Mexique dans les Cartels de la drogue, dans la Mafia corse, ou sicilienne).

Le bouc émissaire, rempart contre la violence

Et pourtant, force est de constater que la société a survécu à cette loi effroyable, que les peuples de la terre ont surmonté tant bien que mal le phénomène. Pourquoi ? se demande Girard. Comment se fait-il que le désir mimétique, dont la puissance de nuisance est universellement prouvée (voir Mensonge romantique et Vérité romanesque) ne nous ait pas dévasté totalement ? Comment les sociétés sont-elles parvenues à trouver un antidote à ce poison ? C’est ici qu’intervient la deuxième intuition de Girard, consistant à relier l’apparition du sacré avec le problème de la violence (d’où le titre de son livre majeur : La Violence et le Sacré). L’anthropologue observe en effet, à partir d’une lecture attentive des mythes ancestraux (de toutes origines), que ces mythes nous racontent la même histoire, à savoir la conjuration, ou plutôt la neutralisation de la violence (cette épée de Damoclès qui plane sur l’Humanité) par le sacrifice d’une victime, appelée « bouc émissaire ».

Là encore, pour résoudre l’énigme, Girard renverse une idée unanimement reçue dans la communauté scientifique et a fortiori dans le grand public, le préjugé selon lequel le sacrifice « religieux » (égorger un animal ou un être humain) serait destiné à calmer la colère des Dieux (chez les Grecs), ou à tester la foi des croyants (on pense au sacrifice d’Isaac par Abraham interrompu in extremis par un ange descendu du Ciel). Aux yeux du philosophe, le sacrifice n’est pas une affaire religieuse mais une affaire humaine. Si les hommes vont jusqu’à tuer l’un de leurs semblables, ce n’est pas pour faire plaisir aux dieux, mais pour mettre fin à l’hémorragie de violence qui frappe le groupe, et partant le menace d’extinction. En proie à une violence meurtrière, la société primitive se choisit spontanément, instinctuel ement, une victime, qui jouera le rôle à la fois de pansement et de paratonnerre. De pansement, parce qu’elle va recueillir en sa seule personne toute l’agressivité diffuse et soigner le mal ; de paratonnerre parce qu’elle sera remobilisée, sous forme symbolique, chaque fois que la communauté replongera dans la violence. Ainsi se met en place, selon Girard, le rite du bouc émissaire, dont la vertu première est de transformer le « tous contre tous » en « tous contre un ». Le bouc émissaire humain n’est pas tiré au hasard ; c’est un personnage que ses qualités victimaires prédisposent à occuper la fonction de bouc émissaire. Afin d’expulser cette violence intestine, le bouc émissaire doit en effet correspondre à certains critères. Premièrement, il faut que la victime soit à la fois assez distante du groupe pour pouvoir être sacrifiée sans que chacun se sente visé par cette brutalité et en même temps assez proche pour qu’un lien cathartique puisse s’établir (on ne peut expulser que le mal qui est en nous…). Aussi, le véritable bouc émissaire de la tradition hébraïque est à la fois différent par sa qualité d’animal et semblable par son caractère domestiqué. Deuxièmement, il faut que le groupe ignore que la victime est innocente sous peine de neutraliser les effets du processus. Troisièmement, le bouc émissaire présente souvent des qualités extrêmes : richesse ou pauvreté, beauté ou laideur, vice ou vertu, force ou faiblesse. Enfin, la victime doit être en partie consentante afin de transformer le délire de persécution en vérité consensuelle. Dans les mythes, c’est souvent un prisonnier de guerre, un esclave, un enfant informe, un mendiant…

Le sacrifice du bouc émissaire permet donc à la fois de libérer l’agressivité collective (exutoire) et de ressouder la communauté autour de la paix retrouvée (pacte) Dans l’optique girardienne, le rite sacrificiel est donc une violence ponctuelle et légale dont la fonction est d’opérer une catharsis des pulsions mauvaises sur une victime indifférente à la communauté parce que marginale. Ainsi, se produit, aux dépens d’un être innocent, une sorte de solidarité dans le crime, qu’on retrouve dans les scènes de lynchage dans l’Histoire (pogrome, lapidations, etc.) ou dans la fiction (La Nuit du Chasseur1, M. le Maudit2). Le bouc émissaire permet par ailleurs d’expliquer l’émergence du Sacré, car, par un retournement paradoxal, la victime se voit divinisée pour avoir ramené la paix. La victime gît devant le groupe, apparaissant tout à la fois comme la responsable de la crise et l’auteur de ce miracle de la sérénité retrouvée. Elle devient sacrée, c’est-à-dire porteuse du pouvoir prodigieux de déchaîner la crise comme de ramener la paix. En reliant le mécanisme du bouc émissaire à celui du rite sacrificiel, René Girard rend compte ni plus ni moins que de la genèse du religieux archaïque.

Le problème de ce mécanisme régulateur de la violence est cependant son caractère temporaire. En effet, la violence endémique générée par le désir se fait, tôt ou tard, ressentir. Pour contenir la violence, et l’empêcher de ressurgir, il faut trouver un nouveau bouc émissaire. Solution au coût (humain) exorbitant, à laquelle les premières sociétés ont remédié en substituant progressivement des simulacres au victimes humaines : ainsi seraient nés les rites des religions primitives vivantes : le sacrifice d’un animal permet d’apaiser symboliquement les pulsions agressives, par ce subterfuge (l’animal est substitué à la « cible » humain), les membres de la communauté sont préservés, la paix est maintenue à ce prix. À chaque crise mimétique, la société répond par des sacrifices symboliques, fortement ritualisés, censés rétablir magiquement l’ordre. C’est ce qui fait dire à René Girard, dans une formule fulgurante : « Le sacré, c’est la violence. » Le sacré est en effet indissociable de la violence, en ce sens qu’il naît de lui, tout du moins de la volonté des hommes de l’éradiquer.

Relecture du mythe d’Œdipe

Cette approche révolutionnaire du rite religieux – révolutionnaire parce qu’elle fait découler le sacré du profane – ouvre sur une réinterprétation du fameux mythe d’Œdipe3. Là encore, le philosophe prend le contre-pied de tout le monde. Rappelons en deux mots l’histoire : un oracle prédit au roi de Thèbes, Laïos, que s’il a un fils, celui-ci tuera son père et épousera sa mère, Jocaste. Quand Œdipe naît, Laïos l’abandonne. Mais des bergers le recueillent et le portent au roi de Corinthe, Polybe, qui l’élève. Adulte, Œdipe consulte l’oracle de Delphes qui lui conseille de ne pas retourner dans son pays s’il ne veut pas tuer son père et épouser sa mère. Il se dirige donc vers la Béotie, mais à un carrefour, il tue un vieillard, qui se révèle être son père. Plus tard, pour avoir débarrassé la ville de Thèbes du Sphinx (en résolvant l’énigme), on le fait roi, de sorte qu’il épouse sa mère, Jocaste, à son insu. Une peste s’abat sur la ville. La Pythie annonce que la maladie persistera tant que le meurtrier de Laïos ne se sera pas dénoncé. Œdipe mène l’enquête lui-même et découvre, horrifié, qu’il est le coupable. Pour se punir de son aveuglement, Œdipe se crève les yeux ; on le chasse de Thèbes.

Généralement, les exégètes adoptent spontanément le point de vue du narrateur (Sophocle), en rendant Œdipe responsable de la calamité qui s’abat sur la ville. C’est, nous explique-t-on, parce qu’il a tué son père et couché avec sa mère que la peste décime les thébains, aussi n’est-ce que justice que le coupable, une fois découvert, soit banni de la communauté. Faux, écrit Girard, car Œdipe n’est en réalité qu’un bouc émissaire, un homme auquel on fait endosser, sans raison valable, la responsabilité de l’épidémie qui frappe la cité. La peste n’a aucun lien de cause à effet avec les « crimes » de son roi, crimes qui, du reste, d’après Girard, ne sont que des bruits son fondement : en somme, Œdipe est victime d’une mystification : des rumeurs courent sur son compte (le parricide, l’inceste) mais ce ne sont que des affabulations, des prétextes pour exposer le roi à la vindicte populaire. Ce que raconte le mythe d’Œdipe n’est donc pas la punition d’un coupable, mais au contraire la persécution d’un innocent, l’histoire scandaleuse d’un lynchage collectif. Bref, au lieu d’en faire un Monstre qui se repend, Girard en fait un Martyr à qui l’on ment. Comme tous les boucs émissaires, Œdipe se soumet en effet au verdict de la foule. René Girard en déduit, au plan général, que l’adhésion de l’accusé au processus qui l’élimine (ex : pression policière pour obtenir des aveux) n’est en aucun cas le signe, et encore moins la preuve de sa culpabilité. Au lieu de se révolter contre cette accusation sans fondement, Œdipe l’accepte docilement ; ce faisant, il renforce le mécanisme du bouc émissaire, qui a certes l’avantage de stopper le cycle de la violence, mais l’inconvénient d’alimenter l’injustice par le sacrifice d’un innocent. Si l’on regarde les choses d’un point de vue pragmatique, ce système est d’une grande efficacité ; au point de vue moral, en revanche, il est scandaleux. Le mécanisme du bouc émissaire est en effet basé sur un mensonge collectif (ou déni de réalité), qui est reconduit d’autant plus aisément qu’il arrange la communauté. Tout le monde a intérêt à entretenir le mythe de la résolution surnaturelle et irrationnelle de la violence par la désignation arbitraire d’une victime émissaire. On ne voit pas, dans ces conditions, pour quelles raisons ce phénomène ne durerait pas éternellement… Heureusement, il se trouve quelqu’un pour dénoncer ce mensonge, et ce quelqu’un, d’après Girard, c’est Jésus Christ !

L’Évangile : la vérité sur le bouc émissaire

René Girard considère le Nouveau Testament comme un événement capital de l’histoire de l’Humanité, non pas parce qu’il marque la naissance d’une nouvelle religion (le Christianisme) mais parce qu’il met fin au scandale de la culpabilité du bouc émissaire. Jusqu’alors toutes les victimes émissaires acceptaient de se sacrifier au nom de leurs fautes ou de leurs défauts (tares). Mais voici que le Christ met un coup d’arrêt à cette logique, en jetant une lumière crue sur le mécanisme mystificateur du bouc émissaire. Non que le Sauveur refuse d’assumer son rôle de bouc émissaire, au contraire, il se laisse torturer sans protester et crucifier comme s’il était coupable, mais à la différence des autres victimes émissaires, il clame haut et fort son innocence. Jésus se présente ouvertement comme l’agneau de Dieu qu’on sacrifie sur l’autel de la violence collective (il prend sur lui « tous les péchés du monde »), sauf que sa démarche a un tout autre sens que celle des boucs émissaires classiques qui subissaient leur sort, dans la mesure où elle est annoncée comme l’ultime sacrifice, après lequel devrait régner l’ordre et la paix. En dévoilant le mécanisme caché (depuis la fondation du monde) du bouc émissaire, à savoir que la victime est sacrifiée non par ce qu’elle est coupable (alibi grossier), mais parce qu’il faut un coupable, l’Évangile rend impossible son recours ultérieur. Désormais, la société devra trouver d’autres remèdes pour exorciser la violence (en l’occurrence elle s’appuiera sur le message évangélique de la non- violence). Si le Nouveau Testament marque un tournant majeur dans l’histoire de l’humanité, c’est que la gestion de la violence, à partir de cette date, prend un aspect tout différent. L’une des conséquences inattendues de cette révélation du « pot aux roses » du bouc émissaire, c’est que le monde, privé de sa solution préférée, devient, selon Girard, de plus en plus violent, et cela bien que les formes de civilisations ne cessent d’évoluer pour contenir, dans les deux sens du terme, cette violence.

René Girard se montre en effet très pessimiste sur l’évolution de l’Humanité, à partir du moment où elle se prive de la possibilité d’user de la carte victimaire. L’efficacité du bouc émissaire reposait en effet sur la méconnaissance/ignorance du phénomène de la part de ses usagers : les peuples ancestraux croyaient sincèrement qu’il suf isait de sacrifier une victime, ou d’accomplir un rite symbolique équivalent, pour régler les conflits. À partir du moment où les peuples ont perdu cette foi, ils doivent inventer des solutions alternatives, soit recourir à l’Évangile et sa morale naïve de la non violence (l’amour du Prochain), soit se tourner vers la Justice et son droit compliqué (proportionnalité des peines au crime commis). Or, nous dit René Girard, il n’est pas sûr que les communautés puissent se passer de la fonction régulatrice du bouc émissaire : force est d’observer que les sociétés modernes, dans les périodes de forte crise mimétique, y ont recours, tout se passant comme si elles avaient oublié qu’elle était un procédé barbare et irrationnel. Dans l’entre deux guerres par exemple, l’Allemagne, frappée par une crise économique grave, est animées de tensions sociales extrêmes et de débordements de violence qui mènent le pays au bord de la guerre civile. Or cette violence intestine va se trouver spontanément redirigée vers des boucs émissaires tels que les homosexuels, les communistes, les Tsiganes et vers les Juifs. La propagande – ce travail de sape de la connaissance, cet apprentissage de l’ignorance – se chargera pour sa part de conforter la population allemande dans l’idée que les Juifs ne peuvent pas, par définition, être innocents, ouvrant grand la porte à la tragédie de la Shoah. En dehors de ces cas exceptionnels, le fait que nos sociétés ne soient plus protégées par le mécanisme victimaire constitue paradoxalement un danger majeur, car, sauf à convertir la population entière à l’amour chrétien (idée illusoire), il n’existe désormais plus aucun frein à la violence. Dans son dernier ouvrage, Achever Clausewitz (2007), Henri Girard va jusqu’à nous promettre l’apocalypse. On aimerait que l’avenir lui donne tort, mais l’explosion de violence à laquelle on assiste sur toute la planète semble hélas aller dans sons sens.

Conclusion

La théorie du bouc émissaire serait-elle trop belle pour être vraie ? Le fait est qu’elle est séduisante, et même fascinante, en ce qu’elle fournit une clé de compréhension simple et efficace pour des problèmes fort complexes. Avec Girard, tout devient lumineux : la question du désir (réglée via le principe du mimétisme), la question de la violence (résolue par l’intervention du mécanisme victimaire), la question enfin de l’apparition du sacré (expliquée par les pouvoirs miraculeux attribués à la Victime). Il n’a évidemment pas manqué de spécialistes de chacune des disciplines dont Girard s’est emparé sans prévenir pour contester les thèses du philosophe : jusqu’à ces dernières années sa pensée était très discutée, voire contestée par ses confrères, mais peu à peu elle s’est imposée ; elle fait désormais partie du paysage intellectuel. Le désir mimétique, la théorie du bouc émissaire, sont cités dans les travaux d’anthropologie4.

Le système girardien présente néanmoins, sinon des failles, quelques zones d’ombre. Le principal reproche qu’on pourrait lui faire, c’est de ne pas laisser de place à la singularité, à la différence, à la complexité. Soucieux avant tout de faire triompher sa théorie, Girard généralise sans nuance, parfois à outrance. N’existe-t-il pas des sacrifices qui n’entrent pas dans la logique du bouc émissaire (les sacrifices d’offrandes) ? Ne peut-on pas trouver des peuplades qui usent du bouc émissaire sans sacraliser ce dernier (ex : les aborigènes d’Australie qui ignorent les dieux). La théorie est aussi fragile à la base, en ce sens qu’elle s’appuie sur une conception du désir qui écarte toute dimension pulsionnelle (vouloir instinctivement une chose pour elle-même). Le désir, pour Girard, n’est que mimétique, c’est-à-dire un processus cérébral. Or, peut-on faire l’économie de la libido dans les rapports humains ? Ne peut- on pas penser que la difficulté d’assouvir son désir est autant sinon plus génératrice de violence que la rivalité mimétique ? Enfin n’est-ce pas accorder une importance exagérée au message évangélique que d’en faire le seul et unique texte à dire la Vérité sur le mécanisme victimaire ?

Reste que, en dépit de son caractère totalisant (une seule explication pour tout !) cette théorie est particulièrement bienvenue aujourd’hui pour expliquer ce qui nous arrive, à savoir la prolifération du désir consumériste, la résurgence de la violence en contexte civilisationnel, le processus de désignation du coupable (l’immigré, l’étranger, etc.), la recherche effrénée de spiritualité. La pensée de Girard n’a pas perdu de son efficacité car, contrairement aux apparences, ce qu’il y a de primitif en chaque homme n’est pas éradiqué et peut ressurgir à tout moment, surtout en temps de crise. Grâce à cette pensée originale, nous sommes donc en mesure de mieux comprendre conjointement la nature biaisée de notre désir, les causes profondes de notre violence, et notre aspiration instinctive au sacré.

Bibliographie

  • Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Grasset, 1961.
  • La violence et le sacré, Paris, Grasset, 1972.
  • Critique dans un souterrain, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1976.
  • Des choses cachées depuis la fondation du monde, Paris, Grasset, 1978.
  • Le bouc émissaire, Paris, Grasset, 1982.
  • La route antique des hommes pervers, Paris, Grasset, 1985.
  • Shakespeare, les feux de l’envie, Paris, Grasset, 1990.
  • Quand ces choses commenceront…, Paris, Arléa, 1994.
  • The Girard Reader, New York, édité par James Wil iams,Crossroad, 1996.
  • Je vois Satan tomber comme l’éclair, Paris, Grasset, 1999.
  • Celui par qui le scandale arrive, Paris, Desclée de Brouwer, 2001.
  • La voix méconnue du réel, Paris, Grasset, 2002.
  • Le sacrifice, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2003.
  • Les origines de la culture, Paris, Desclée de Brouwer, 2004.
  • Achever Clausewitz, Paris, Carnets Nord, 2007.
  • Anorexie et désir mimétique, Paris, Éditions de L’Herne, 2008.
  • La conversion de l’art, Paris, Carnets Nord, 2008.

Notes

1 La Nuit du chasseur (titre original : The Night of the Hunter) est un film américain réalisé par Charles Laughton en 1955. Le pasteur Harry Powell, le méchant persécuteur d’enfants, est lynché par les « bons » américains.

2 M le maudit (M – Eine Stadt sucht einen Mörder) est un film allemand réalisé par Fritz Lang, sorti en 1931. Un meurtrier d’enfant jette les habitants d’une grande ville allemande dans la terreur et l’hystérie si bien que la police et même la pègre, tous alliés contre lui, se mettent toutes les deux à sa poursuite.

3 Œdipe roi (en grec ancien Οἰδίπoυς τύραννoς / Oidípous Týrannos, en latin Œdipus Rex) est une tragédie grecque de Sophocle, entre 430 et 415 avant J.-C.

4 La consécration du philosophe a eu lieu récemment, en 2005, avec son élection à l’Académie.

René Girard

René Girard

Source : Le « Bouc émissaire ».

Pour aller plus loin : Violence mimétique et géopolitique d’après une lecture systémique de René Girard, par Gérard Donnadieu.

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Commentaire recommandé

Alae // 18.04.2015 à 09h32

Girard ne laisse pas d’engendrer un vrai malaise. Il prend la partie pour le tout, le désir mimétique pour l’intégralité du désir humain, il met sur le même pied celui qui attaque pour s’approprier ce qui ne lui appartient pas et celui qui se bat pour protéger les siens, son pays ou son bien (les deux veulent la même chose, donc ils s’écharpent, point). Exit la notion d’amour, exit la notion de légitimité, exit l’innocence et la culpabilité, exit la justice, etc… c’est d’un relativisme arasant effrayant. Girard donne l’impression de parler d’une horde de singes mus par un seul et unique mécanisme, l’envie, et non d’humains.
Encore un qui, par mimétisme avec les libéraux (pour qui l’homme se résume à des rapports marchands), oublie que l’être humain est infiniment plus que cela.
Rien d’étonnant à ce que le très libéral Hobbes (avec « sa guerre de chacun contre tous » qu’Adam Smith récusait, mais seulement pour y substituer une coopération exclusivement fondée sur l’intérêt personnel tout aussi inhumaine), soit à la base de sa pensée. Rien d’étonnant non plus à son élection à l’académie.
Le laminoir libéral continue ses ravages dans les esprits.

36 réactions et commentaires

  • Caliban // 18.04.2015 à 01h15

    Passionnant !
    Merci pour cet article.
    (lien vers l’image en un peu plus grand : http://www.les-crises.fr/wp-content/uploads/2015/02/le-mecanisme-sacrificiel.png)

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  • Charles Michael // 18.04.2015 à 06h06

    C’est un sujet important qui propose un lien entre structures de groupes (inconscient collectifs, résilience des structures familiales inconscientes mais déterminentes (voir Emmanuel Todd) et le comportement personnel. Il y a là un problème central connecté à l’environement (lieu et époque) et aux rajouts culturels dominants.

    J’apprécie cette théorie pour ses évidentes qualités humaniste et relativiste; je rejoins cependant les réserves exprimées en conclusion.

    Il y a surement « mimétisme » dans tout groupe social, voir désir de conformité (exemple adhérer à une pensée unique, se rallier à la majorité, faire comme les autres,…). Mais il y a aussi dans les premiers ages de l’enfance un désir de s’opposer pour être.
    Ou pour faire le tri, dans cette phase d’éveil, entre ce qui est moi-tout indististinct de l’autre (la mère typiquement) et cette personne en devenir qui fait l’apprentisage d’un environement qui n’est pas lui.
    Cette obligation de s’identifier, s’autonomiser, apprendre à se nourrir, marcher, parler, bref d’être à la fois son centre unique et un réseau embryonnaire de relations avec l’autour qui ira bien sur en s’élargissant crée donc l’attention à soi qu’on peut définir comme le narcissisme (voir Henri Laborit La Colombe assassinée).

    La question de la Foi est l’affaire de chacun, le paradoxe de l’Individu est l’attachement au groupe, aux normes reçues pouvant aller jusqu’au sacrifice de sa vie (mimétisme) et sa fonction première instinctive qui est la préservation de ses structures biologiques. La recherche de gratification, plaisirs divers, ne passe pas forcément par le mimétisme à cause de cette part d’unique et l’extraordinaire complexité et différences donc des expériences vécues.

    Déterminés, certes nous le sommes, par tout ce que nous avons reçu et peu choisi, mais imprévisbles heureusement.

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  • coinfinger // 18.04.2015 à 07h01

    Ce phénoméne de mimétisme résoud bien des énigmes mais laisse insatisfait . Comme la théorie de l’information de Shannon avec laquelle j’entrevois un rapport ( ou méme la méthode de Newton : hypothésis non fingo , alors qu’on aimerait bien une hypothése quand méme ) .
    Donc Shannon nous formule comment se transmet l’information dans un canal entre émetteur et recepteur partageant la méme code . Donc il y a encodage et du coup perte d’information ( en sémantique) , mais ne serait pas le sens qui nous importe le plus ?

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  • Rose du sud // 18.04.2015 à 08h06

    Quand un personnage étouffe le téléphone symbole de communication cela veut dire qu’on ne souhaite pas la dite communication et déjà hier, j’ai longuement expliqué que toutes ces explications étaient rétrogrades.
    Les mythes anciens devant être expliqués, interprétés au sens symboliques ou spirituels et non pour des faits réels;
    Œdipe ne tue pas son père biologique mais seulement son langage sinon la notion de respect n’existerait plus.
    Œdipe ne couche pas avec sa mère mais fait tout ce qu’elle aime.

    Et ainsi tout s’explique beaucoup mieux Ce philosophe est du même rang que B.H.L. or je croyais que vous ne l’aimiez pas, B.H.L. ??

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    • Charles Michael // 18.04.2015 à 08h24

      Je n’ai pas voulu être aussi sévère, mais je suis bien d’accord avec vos remarques, pour tout dire je trouve cette théorie très superficielle, voire simpliste.

      spécialement sur la confusion entre faits et mythes.

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      • Crapaud Rouge // 18.04.2015 à 13h32

        « théorie très superficielle, voire simpliste » : si on veut, oui, évidemment, mais il faut voir qu’il s’agit d’une théorie basique qui ne prétend pas expliquer tous les détails. La théorie de la gravitation selon Newton est aussi « très superficielle, voire simpliste » !!! Que les corps tombent selon sa loi n’implique pas qu’ils ne seraient soumis qu’à la gravitation. etc.

        C’est aussi le moment de se rappeler de l’épisode fameux du Chevalier de la Barre qui finit torturé et brûlé pour avoir manquer de respect devant une procession. Cet acharnement montre que le sacré recèle une énorme énergie latente, toujours prête à se déchaîner, et qu’il est indissociable de la mort. Mais notre sens du sacré c’est tellement émoussé, qu’on ne s’en rend pas compte.

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  • valles // 18.04.2015 à 08h17

    Si au lieu d’écouter les despotes financé par l’Élysée que sont Atalli, Minc où la grande follasse on avait écouté des Girard, Levi-Strauss, Foucault ou Caillet, le fascisme ambiant d’aujourd’hui aurait été sûrement moins indigeste.

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    • cording // 18.04.2015 à 22h05

      Même pas des despotes!

      Mais des économistes stipendiés!

      La voix de leurs maîtres!

      Des intellectuels faussaires !

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    • Philippe JOURDON // 23.04.2015 à 10h57

      Pour compléter mon commentaire du 22 avril à 02h49, et pour ma part finir de dire tout ce que j’avais à dire a priori au sujet de ce Post: aujourd’hui je veux conclure mon intervention sur la METHODE que je proposerais … quelle méthode pour ouvrir une fenêtre permettant de passer – selon moi – de ce débat à d’autres futurs débats?

      En fait, en France nous aurions un peu « inventé » le terme « intellectuel ».
      Il faudrait donc distinguer le rôle de l’intellectuel, souvent sur les plateaux télévisés, qui considère qu’il doit faire passer des idées, notions, valeurs, auprès du grand public, et le scientifique qui lui travaille sur le fond ( épistémologie , méthodologie , théorie , statistiques … comprises … et je dois en oublier … ].

      Mais dans une société hypermédiatisée, cependant, comment assurer le lien aussi entre les intellectuels – tels que je viens d’en proposer une définition – et les scientifiques ( si tant est que , selon Auguste COMTE , ils « dirigeront le monde » un jour … et que ce jour semble approcher … ] , ou bien , au-delà des jeux avec la sémantique ( y compris la sémantique des relations sociales ) comment empêcher les gens de parler ? Naturellement c’est impossible , et pas souhaitable non plus dans une société s’étant volontairement dotée des valeurs démocratiques …

      LA METHODE QUE JE PROPOSE:
      chercher à identifier des intellectuels majeurs du XX S dont l’œuvre pourra servir d’infrastructure aux travaux scientifiques des économistes du XXI S en quête de modéliser le développement durable.
      J’avais cité Virginia WOOLF et René GIRARD.
      Il faudrait citer aussi Georges BATAILLE qui lui aussi a été reconnu pour ses recherches ( dans de nombreux domaines ) y compris en lien avec la science économique , et ceci jusqu’à la Commission de BRUXELLES. Dans « la part maudite » et dans d’autres livres, il explique comment travailler « sur le lien » or c’est cela qu’il faut faire pour dépasser le désir mimétique quand on parle de science ( séparée souvent arbitrairement entre sciences exactes et sciences humaines ) car si on ne le dépasse pas on risque de rester au niveau de débat des « intellectuels » et ne pas pouvoir comprendre ou appréhender des œuvres des « scientifiques »: ce qui est dit est: ce lien peut toucher notamment la morale ( dont NIETSZCHE avait proposé une généalogie ) ou le droit ou d’autres formes de culture. Il permet si on partait du lien selon BATAILLE avant toute tentative de modélisation d’appréhender quasiment tous les problèmes majeurs qui se posent aujourd’hui sur cette terre et que souvent on refuse d’aborder: je citerai seulement ici la négociation sur le nucléaire entre l’Iran et le reste du monde ( la tradition juridique scientifique et culturelle en Iran ne sépare pas grosso modo « le-monde » et « l-univers » contrairement au reste-du-monde – en particulier occidental … ] et comme deuxième exemple la crise fiscale qui ne pourrait et devrait être abordée qu’en l’affrontant d’emblée d’un point de vue mondial.
      Concernant Virginia WOOLF je ne suis pas totalement sûr mais en tous cas cela signale pour moi deux choses:
      1)
      elle montre que Lord KEYNES savait s’entourer de bons amis et de bonnes amies.
      il y a je trouve chez Lord KEYNES un côté « Jésus Christ », dans son thème certainement, peut-être même dans sa personnalité.
      cela montre aussi que les très grands personnages tels KEYNES et RICARDO pensent, sont, se situent spontanément et naturellement au-delà des clivages, des catégories.
      RICARDO parlons-en:
      son exemple illustre la pertinence de mon commentaire précédent:
      car il était un libéral ( qui peut le nier ) et pourtant il défendait la valeur-travail et non la valeur-utilité ( contrairement à BENTHAM )
      2)
      parmi les grands intellectuels il faut des femmes

      Donc parmi les grands intellectuels du XX S sur les épaules desquels il faudrait essayer de se percher … certainement René GIRARD, Georges BATAILLE, CHOMSKY Noam …

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  • Patrick Luder // 18.04.2015 à 08h50

    Un bouc émissaire n’est pas toujours désigné comme tel d’une manière volontaire,
    il peut aussi le devenir par ouïe-dire ou par croyance non vérifiée.

    Bref la seule chose de sûre c’est que
    le bouc émissaire est une erreur judiciaire,
    il n’y a rien de plus à en dire !

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  • Jourdon // 18.04.2015 à 09h22

    La question que je me pose:
    qui est l’auteur de cet article?
    René GIRARD est toujours cité à la troisième personne dans cet article, donc a priori cela ne peut être lui qui en soit l’auteur… alors qui?
    Cela pourrait être intéressant de le préciser car la reconnaissance de l’importance de son œuvre est très grande aujourd’hui, et les débats qu’il a soulevés d’une incontestable actualité, sans nulle doute. Il est donc important de savoir comment les uns et les autres auraient pu souhaiter se situer par rapport à lui…

    Pour moi l’œuvre de René GIRARD est d’une grande importance pour plusieurs raisons principales ( et j’en oublie d’autres certainement )
    1)
    René GIRARD a étudié la littérature ( SHAKESPEARE d’abord, puis d’autres thème centraux … ] et ce qu’elle pouvait dire par rapport aux mythes, à la constitution de la culture, à l’identité de la nation, du groupe, au développement de la psychologie, et sans doute à d’autres sujets.
    Je trouve cette approche remarquable.
    Je ferai remarquer que dans l’excellent ouvrage de Thomas PIKETTY paru en 2013 « le Capital au XX Siècle » – qui traite de tout autre sujet – la méthode consistant à chercher dans la littérature le reflet des mentalités sociologiques de telle ou telle époque concernant tel ou tel thème en lien avec l’économie: est aussi utilisée. Cette méthode me semble excellente vraiment… ne serait-ce que pour rendre accessible au grand public la possibilité d’aborder des thèmes qui, en plus d’être éventuellement spécialisés, revêtent aussi une dimension « culturelle » acquise au cours du temps.
    2)
    Après tous ces travaux dans le long début de sa carrière de philosophe, René GIRARD qui faisait partie des Français qui ont été en Californie en lien avec l’Ecole de PALO ALTO travailler sur le langage et la communication ( Jean-Claude GUILLEBAUD, Jean-Pierre DUPUY, d’autres certainement aussi ) et ont beaucoup apporté, s’est intéressé d’encore plus près à l’analyse des textes et en particulier du texte biblique.
    Il aurait pu scandaliser en affirmant « LE CHRISTIANISME EST UNE SCIENCE HUMAINE », mais cette façon d’aborder la religion – en l’occurrence la religion chrétienne – me semble d’une terrible portée, actualité, et même – éventuellement -: perspicacité…
    3)
    Il ne s’est pas intéressé qu’à la religion au sujet du point 2) mais a toujours conjointement étudié en parallèle l’aspect religieux et l’aspect culturel.
    Il ne dit pas que tout groupe, toute religion, toute civilisation, s’est fondée sur un meurtre rituel REEL ( qui se serait réellement passé ); il n’exclue absolument pas l’aspect culturel, celui des mythes, etc.
    Mais il affirme qu’en plus de cet aspect qui est devenu LA CULTURE il y a en plus eu certainement l’aspect du meurtre rituel qui aurait eu lieu ( mais qui ne serait pas exactement ce qui aurait été retranscrit dans les textes ). Son analyse du mythe de Caïn et Abel est à cet égard proprement stupéfiante. Il affirme que Caïn est la première source culturelle de notre civilisation qui a créé en même temps l’économie le droit et la politique et s’appuyant sur un trépied devenait inaccessible au langage ordinaire ( il est possible que je sois ici relativement maladroit et qu’il parle plus du POUVOIR que de la POLITIQUE ): LE LANGAGE ET LA CULTURE QUAND ON LES RAMENE A LA RELIGION SERVENT AUSSI COMME LEURRE…
    Il dit exactement le contraire de ce qu’on lui prête parfois:
    le mimétisme ne consiste pas à se sacrifier, il consiste à la volonté tendue du groupe, ou de la société, contre le-bouc-émissaire.
    Il ne parle pas de la disparition du sens en tant que telle, mais plutôt du fait que le sens deviendrait pendant longtemps _largement_ invisible … à cause de la structure des relations: le sens pourrait être dans une certaine mesure le: bouc-émissaire… Mais il pourrait bien être le texte lui-même !
    MAIS IL POURRAIT BIEN AUSSI ETRE LE TEXTE LUI-MEME!!!..
    4)
    Finalement, ses théories ont eu un très grand succès dans les sciences humaines, et même en économie.
    En effet, AGLIETTA et ORLEAN, dans « La violence de la monnaie » (1982) réédité sous le titre « La monnaie entre violence et confiance », partent de la théorie du bouc-émissaire de GIRARD pour développer leur propre théorie selon laquelle la monnaie serait le bouc-émissaire!

    Alors l’œuvre de René GIRARD me paraît toujours d’actualité…

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    • Thomas13 // 18.04.2015 à 13h57

      Merci pour ce commentaire, j’enfonce le clou : il faut dire QUI est l’auteur.

      Sinon, ça vole très haut mais un peu violemment. Je porte beaucoup de valeur à ce site qui porte du sens ; mais il porte dans le contenu et les commentaires pas mal des travers qu’il dénonce par ailleurs. Et qui son au final le reflet de la violence latente de la société française : idéologie et violence.

      Pour revenir à Girard, je soummet la critique suivante, qui est aussi au coeur de la critique du relativisme et des nombreux sous-systèmes intellectuels qui ont permis sa generalisation (déjà déclinante). Malgré tout, même très imparfaitement et seulement sur un temps relativement long, les capacités rationnelles de l’homme sont indéniables. Sinon il faut tout simplement arrêter de chercher à penser et s’exprimer : satisfaire ses désirs sans limite et sans jugement possible, nier toute valeur à tout.

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  • Alae // 18.04.2015 à 09h32

    Girard ne laisse pas d’engendrer un vrai malaise. Il prend la partie pour le tout, le désir mimétique pour l’intégralité du désir humain, il met sur le même pied celui qui attaque pour s’approprier ce qui ne lui appartient pas et celui qui se bat pour protéger les siens, son pays ou son bien (les deux veulent la même chose, donc ils s’écharpent, point). Exit la notion d’amour, exit la notion de légitimité, exit l’innocence et la culpabilité, exit la justice, etc… c’est d’un relativisme arasant effrayant. Girard donne l’impression de parler d’une horde de singes mus par un seul et unique mécanisme, l’envie, et non d’humains.
    Encore un qui, par mimétisme avec les libéraux (pour qui l’homme se résume à des rapports marchands), oublie que l’être humain est infiniment plus que cela.
    Rien d’étonnant à ce que le très libéral Hobbes (avec « sa guerre de chacun contre tous » qu’Adam Smith récusait, mais seulement pour y substituer une coopération exclusivement fondée sur l’intérêt personnel tout aussi inhumaine), soit à la base de sa pensée. Rien d’étonnant non plus à son élection à l’académie.
    Le laminoir libéral continue ses ravages dans les esprits.

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    • valles // 18.04.2015 à 10h18

      Si la comparaison de notre condition se démontre parfois sur des rats de laboratoire, le grand singe que nous étions il n’y a pas si longtemps est un sujet remarquable pour l’étude de certains principes sociaux.
      Celui notamment de la nécessité terrestre de l’échange matérielle, que tu sois libéral ou pas.
      https://www.youtube.com/watch?v=XacL4vh2F9g

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    • Jourdon // 18.04.2015 à 10h26

      Pour ce qui concerne Adam SMITH, certes un des pères sinon le père du libéralisme économique, on peut quand-même rappeler qu’il n’a pas parlé que des rapports marchands, puisqu’en fait il avait écrit trois œuvres majeures – ce que tout le monde ne sait pas …
      1)
      « Discours sur les causes et l’origine de la richesse des nations », où en effet il développe un programme d’économie politique libérale.
      2)
      « Théorie des sentiments moraux »:
      l’auteur de science morale ( comme d’autres grands auteurs de l’école écossaise , HUME, HUTCHINSON ) développe une pensée sur les « infrastructures » d’une pensée libérale ( laquelle pourrait être en économie mais aussi en politique ) définit les sentiments moraux comme des sentiments en lien avec la notion de justice ( par exemple la tempérance , ou encore des critères servant à la faculté de jugement )
      3)
      SMITH avait aussi écrit un livre sur sa pensée politique, puis l’aurait détruit car il aurait pensé que les mentalités n’avaient pas encore assez évolué et que son manuscrit aurait pu être mal utilisé, après avoir été détourné de son sens.

      Je ne veux pas me faire ici l’exégète de SMITH, mais remarquer que comme tous les « grands » il se signale par la relative « modestie » de son attitude humaine ouverte à autrui: en témoigne la façon dont il définit la manière dont la science peut avancer sans renier les travaux antérieurs: « nous sommes des nains perchés sur les épaules de géants ».
      Au chapitre des anecdotes la fameuse traduction en français « nous n’attendons pas notre bien-être matériel de la bienveillance et de l’altruisme du boucher: mais de son égoïsme bien compris »: en anglais il paraît qu’il s’agirait du boulanger…
      Enfin SMITH et l’actualité:
      après avoir fait un tour du monde il écrivit et publia l’ouvrage resté sous le titre « La richesse des nations » – après avoir été Professeur en Théorie Morale il devenait le fondateur principal de la Science économique …
      Cela s’est-il réellement passé quand il aurait pris sa retraite?
      Pas tout-à-fait:
      en fait il a pu se retirer d’une carrière très active et avoir plus de temps pour l’écriture, parce que sa mère avait un certain patrimoine – bout à bout patrimoine, « temps » et contrats de retraite: il avait trouvé un interstice pour s’appliquer à lui-même le vrai goût qu’il avait de la liberté y compris la défendre: et grâce à cela aura pu rester très longtemps actif!!!..
      Autrement dit dans les méandres de l’histoire de la pensée se cachent parfois l’essentiel…!?

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    • Crapaud Rouge // 18.04.2015 à 18h48

      « Exit la notion d’amour, exit la notion de légitimité, exit l’innocence et la culpabilité, exit la justice, etc… c’est d’un relativisme arasant effrayant » : vous n’êtes pas le premier (la première ?) à faire dire à un texte ce qu’il ne dit pas, ou à regretter qu’il ne dise pas ce qu’il ne dit pas. Une théorie n’est pas une explication du monde, seulement d’une petite partie de la réalité. En tout cas, il n’a pas tort de mettre le mimétisme à la base : sans lui il n’y aurait pas de société humaine. Rien qu’au bureau, si votre comportement ne se moule pas dans celui de l’équipe, ça pose un gros problème.

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  • Lea // 18.04.2015 à 09h52

    En réponse à votre question (qui est l’auteur de cet article?)
    j’ai trouvé le texte original (ou en tout cas la base du texte repris dans le présent blog et dont une copie est téléchargable depuis l’article)
    http://lea.u-paris10.fr/IMG/pdf/2.le_bouc_emissaire_version_def_.pdf
    …il n’est pas signé non plus…
    Le texte provient du département de Langues Etrangères Appliquées de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense (Paris X).

    Bizarre de copier-coller ainsi des articles sans pratiquement d’enrichissement, autant nous donner le lien directement non?
    Et puis la mise en perspective via les deux tags « terrorisme » et « Charle Hebdo » (encore…) n’a pas vraiment valeur de démonstration.

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    • Jourdon // 18.04.2015 à 13h23

      Ce que dit René GIRARD dans « des choses cachées depuis la fondation du monde » ( et sans doute aussi d’autres ouvrages )))
      que toutes les CULTURE ( et aussi les religions , mais il pratique d’abord l’analyse culturelle avant d’aborder le TEXT ):
      sont fondées sur un mythe de meurtre primordial – du type  » la horde tue le PEERE

      mais il ajoute
      l’Evangile a dénoncé cela
      donc le christianisme n’est pas une religion comme les autres , car le christianisme se définit comme une science humaine

      il existe un point de retournement où:
      auparavant les Dieux étaient violents envers les humains
      et depuis le christianisme ce mécanisme s’est retourné
      ce qui compte est l Homme don le christianisme est un projet humain
      que le christianisme a commencé à dévoiler mais qui ne s’est pas encore révélé
      par conséquent le sens est demeuré caché

      le christianisme en même temps repose sur des fondements culturels communs à toutes les cultures humaines
      mais il réserverait son sens

      que ce texte soit de Gérard DONNADIEU ou d’un autre auteur
      en tous cas les contributeurs français en face l’Ecole de PALO ALTO
      Jean-Pierre DUPUY
      Jean-Claude GUILLEBAUD
      Edgar MORIN
      Michel SERRES
      ont déjà réalisé de grandes choses:
      montrer que non seulement techniquement la disparition apparente du sens entre l’émetteur et le récepteur n’implique pas forcément sa disparition réelle
      mais aussi que le filtre qu’on doit rechercher pour ressusciter ce sens: doit comporter un contenu humain !!

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  • Alae // 18.04.2015 à 10h39

    « “Théorie des sentiments moraux”:
    l’auteur de science morale ( comme d’autres grands auteurs de l’école écossaise , HUME, HUTCHINSON ) développe une pensée sur les “infrastructures” d’une pensée libérale ( laquelle pourrait être en économie mais aussi en politique ) définit les sentiments moraux comme des sentiments en lien avec la notion de justice ( par exemple la tempérance , ou encore des critères servant à la faculté de jugement ) »

    Il n’y a effectivement pas plus moraliste qu’un libéral. Une « morale » dont ils oublient de donner la définition, ou qui porte sur des points de détail (la « tempérance », par exemple) leur semble une nécessité, peut-être pour habiller leur inhumanité et la rendre plus présentable.
    C’est allé jusqu’à des absurdités comme « l’arithmétique morale » de Jeremy Bentham. Plus récemment, l’un des auteurs néolibéraux les plus grotesquement cyniques, Ayn Rand, met le mot « morale » quasiment à chaque phrase.

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    • Philippe JOURDON // 22.04.2015 à 02h49

      Au début du libéralisme, l’idéal était la liberté dont les foules avaient été relativement privées durant le Moyen Âge – encore que ce point puisse se discuter; mais de toutes façons les conditions matérielles relativement modestes + les famines et les épidémies rendaient la situation de la liberté pendant des siècles fort aléatoire en Europe -:
      par contre, les moyens d’y parvenir sans doute auraient pu faire accoucher le libéralisme d’une autre doctrine je vous l’accorde: Jérémy BENTHAM fut un défenseur de la vulgate libérale , mais le moyen qu’il choisit pour cela de mettre en avant était l’utilitarisme , soit la valeur-utilité.
      Par conséquent, je pense que le débat sur le libéralisme reste quand-même largement ouvert.
      Dans ces cas , moi : je reviens toujours à l’histoire.
      J’essaie de m’attacher à l’histoire des faits, mais dans ce cas précis ce serait avant tout de l’histoire des idées dont il serait davantage question; dans ce domaine que constatons-nous?
      Aux Etats-Unis l’épistémologie sur laquelle est née la science économique a été très influencée par les auteurs de l’économie institutionnaliste:
      ceux disciples davantage de VEBLEN qui discute le mode de vie des classes urbaines, la façon dont elles savent négocier un crédit auprès de leur banque, celle dont elles consomment et même aussi leur accès aux loisirs et aux progrès de la connaissance,
      ceux de l’école au contraire initiée par COMMONS et qui en appelle à une économie partageuse de fichiers et de connaissances, et apte à s’organiser localement y compris par des coopératives ou autres

      en Europe on aurait relativement moins parlé de cela il y a un siècle ou un siècle et demi, et c’est pourquoi on en serait resté volontiers plus souvent à l’opposition marxistes / libéraux , derrière laquelle les uns défendaient plus la valeur-utilité ( les libéraux ) et les autres les marxistes plus la valeur-travail.

      pourtant, défendre la liberté me paraît toujours un combat d’actualité,
      et un monétariste autrichien, Friedrich HAYEK, a de ce point de vue sans doute eu raison de parler de « la route de la servitude » dans le cas des sociétés quand elles sont par trop administrées : ce même HAYEK sans qui KEYNES n’aurait pas eu certains points de critique fort utiles sur les infrastructures et conditions de sa théorie en liens avec le Droit… qui n’auraient pas du tout donné sa même théorie sans ses échanges avec HAYEK

      ayant dit cela, il ne me paraît pas choquant que d’autres auteurs, au XX S, ayant connu parfois l’exil ou l’expatriation, aient défendu cette notion de liberté y compris sur de nouveaux thèmes à l’époque comme plus d’égalité entre les hommes et les femmes ( Ayn RAND ).

      Il serait utile de se demander, si MARX, FREUD ou NIETZSCHE furent de grands intellectuels du XIX S qui ont conditionné la pensée des grands économistes du XX S, quels pourraient être les grands intellectuels du XX S qui pourraient accompagner les économistes du XXI S dans leurs recherches sur le Développement Durable notamment et servir de « protection-intellectuelle » contre des risques d’incohérences ou de dérives ressenties par l’opinion au point où elles pourraient offenser les valeurs sociétales attendues par le Peuple : parmi ces intellectuel-le-s je peux distinguer avec certitude, entre autres, Virginia WOOLF, ou encore René GIRARD …

      Quant à la morale personne ne me semble en avoir le Monopole !

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  • Alae // 18.04.2015 à 11h30

    « Ou le groupe reste égal à lui même dans tous ses défauts ou après réflexion le groupe évolue mais sans le “bouc émissaire sans le sacrifié”. »

    Rose du sud, j’ajoute à ce que vous dites que le groupe ne peut pas évoluer tant qu’il ne s’est pas racheté auprès du bouc émissaire, a priori un sujet innocent (c’est la différence entre un bouc émissaire et, par exemple, un criminel : le bouc émissaire n’a rien fait, il est juste pris pour cible pour cimenter le groupe contre un ennemi commun). Comme vous le soulignez, la haine contre un bouc émissaire est un symptome d’immaturité (même si l’imitation et l’identification au plus fort perdurent, d’après mes observations, bien au delà de 10 ans. Chez les ados, on l’identifie souvent au moins jusqu’à 14-15 ans, voire plus tard). Or, personne n’accède à la maturité sans développement de l’empathie. La maturité affective, si elle veut s’installer, doit donc logiquement redresser les torts causés à la personne injustement sacrifiée.
    Le mécanisme du passage à l’age adulte est le même pour un individu que pour une collectivité.

    Qu’on y croie ou non, le christianisme a si bien compris ça qu’il est carrément fondé sur la déification du bouc émissaire. Impossible de présenter des excuses encore plus claires qu’en mettant la personne lésée au centre de sa doctrine…

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  • RGT // 18.04.2015 à 12h37

    Cette théorie est intéressante mais je pense qu’elle est fausse ou incomplète, et comporte de profondes erreurs.

    Dire par exemple que le christianisme a erradiqué le phénomène du bouc-émissaire est en effet un grossière erreur.
    Je me demande sincèrement pourquoi cet homme si cultivé a balayé d’un revers de main tous les bouc-émissaires utilisés par le christianisme.
    Il suffit simplement de se remémorer l’inquisition, qui ne fut pas un phénomène strictement réservé à l’Espagne mais qui a été fortement utilisé dans tout le monde chrétien, avec son lot de « sorcières », bouc-émissaires utiles pour « conjurer les mauvais sorts »…
    Pendant l’épidémie de peste noire, entre autres, de nombreux « suppôts de Satan » furent brûlés vifs sur la place publique pour « éloigner le mal »…
    D’autres bouc-émissaires furent aussi « sacrifiés » publiquement sur de magnifiques bûchers uniquement pour faire comprendre aux populations qu’elle n’avaient pas à se rebeller contre l’ordre établi au profit des plus puissants.

    La seconde grosse erreur de René Girard qui est dûe à sa vision occidentalisée concerne le fait que phénomène de de bouc-émissaire n’est pas présent dans toutes les civilisation et (cette opinion ne concerne que moi) il me semble que plus la société est « primitive » moins elle uilise ce subterfuge.

    Je pense sincèrement que la cause principale de l’existence du bouc-émissaire est causée par l’apparition de sociétés centralisées ET dirigées par des personnes qui utilisent ce subterfuge pour préserver leur pouvoir et obtenir facilement des avantages auprès des autres.
    Ce pillage entraine de la part des pillés le désir de faire de même, l’exemple des puissants qui « se
    servent » légitiamant à leur yeux cette pratique dans toute la société.

    Dans les sociétés « archaïques », qui sont la plupart du temps gérées en commun par tous leurs membres et qui s’organisent sur des consensus permettant de satisfaire TOUS les membres de la communauté ils n’ont pas besoin de bouc-émissaire car la violence causée par l’injustice d’une décision arbitraire contraire aux souhaits d’une partie (même infime) de la population ou celle d’un pillage par certains membres influents n’existe pas.

    A mon avis le bouc-émissaire sert certes à circonscrire une violence civile très importante, mais l’origine profonde de cette violence n’est pas, comme le pense René Girard, l’envie de s’appropier le bien d’autrui mais un sentiment d’injustice sociale larvé profondément enfoui dans les consciences.

    Les phénomènes de jalousie et désir de posséder les biens d’autrui sont à mon avis une conséquence de ce sentiment d’injustice qui se manifeste par ce biais.

    Et ce désir exacerbé de s’approprier les biens d’autrui est aussi inconsciemment amplifié par le constat que certains membres de la communauté possèdent une quantité de biens pillés « légalement » incommensurable et vit dans un luxe indécent tandis que la plus grande partie de la population ne possède rien, se fait dépouiller de ses biens les plus précieux (nécessaires à la survie) et vit dans des conditions déplorables.

    Je pense donc que l’utilisation intensive du bouc-émissaire est nécessaire pour détourner la vindicte populaire de la cause réelle de son courroux afin de la canaliser sur un de ses membres (un « petit » bien sûr qui ne pourra pas se défendre) afin de calmer la populace et de faire peur à ceux qui seraient tentés de révéler le pot aux roses.

    Les sociétés « archaïques » étant plus égalitaires ce sentiment d’injustice n’est pas ressenti car il n’y a pas de raison de posséder le bien d’autrui, l’autre ne possédant pas plus que tous les membres de la communauté.
    De plus, comme il n’existe pas de « puissant » qui abuse de son pouvoir pour s’approprier ce qu’il désire au dépens de tous les autres le pillage abusif des biens d’autrui est un concept qui leur échappe totalement.
    Si ce concept de cupidité exacerbée n’existe même pas, il n’y a aucune raison d’en faire un idéal de vie transcendental et les conflits causés par des appropriations abusives n’existent pas.

    Certaines sociétés « archaïques » n’ont même pas la notion de propriété (dans le sens occidental du terme) et les biens sont partagés équitablement, sont prêtés ou donnés sans contrepartie pécuniaire.
    Ce système est très efficace car en « démonétisant » les relations sociales on créée une plus grande solidarité entre les membres de la communauté.
    On aide son prochain et on est aussi aidé par ce dernier en cas de difficulté, ce qui permet socialement d’éviter la nécessité de tésorisation personnelle en prévision de jours difficiles.
    Il n’est pas nécessaire de « préparer sa retraite » ou de prévoir une « assurance coup dur » car l’ensemble des membres prennent en charge les vieux et les victimes « d’accidents de la vie ».

    Ces sociétés n’ont pas besoin de bouc-émissaire car elles n’ont pas besoin de canaliser un quelconque sentiment d’injustice…
    Jusqu’à l’arrivée des occidentaux cupides qui vont profiter de la situation en les dépouillant intégralement puis en les exterminant pour profiter de leur environnement.

    Le plus bel exemple concerne les tribus amérindiennes qui vivaient aux USA…
    Elles ont spontanément aidé les colons anglais qui sont venus s’installer sur leurs terres.
    Ensuite ces colons les ont dépouillés de tout et ils ont parqués dans des zoos dans des conditions déplorables afin de montrer au monde entier « l’immense générosité » des « Grands Civilisateurs » à l’égard de ces « sauvages »…

    ————————————

    La théorie de René Girard est intéressante mais contient à mon avis certaines lacunes.
    Le point le plus gênant à mon avis concerne son « universalité » : Je pense que ce phénomène est apparu avec la hiérarchisation de certaines cutures. Leurs dirigeants ont trouvé ce moyen pour canaliser les sentiments d’injustice sociale et surtout pour erradiquer toute vélleité de rebellion contre le système établi.
    Cette théorie est sans doute applicable dans les sociétés occidentales et « capitalistes » – entendez par là que certains individus prédateurs ont légalement le droit de « parasiter » les biens et le travail des autres tout en étant à l’abri d’une remise ne cause de leur statut privilégié. Leur « prestige » social et leur « exemplarité » incite l’ensemble des membres de la société à se comporter de la même manière, mais comme ils n’ont pas le même statut social les « puissants » veillent à ce qu’ils ne puissent pas le faire.

    Salutations.

    Je retourne travailler sinon je vais me retrouver sur le bûcher 😉 .

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    • pipo // 18.04.2015 à 13h46

      Bien d’accord avec vous sauf,
      Je vous cite:
      « A mon avis le bouc-émissaire sert certes à circonscrire une violence civile très importante, mais l’origine profonde de cette violence n’est pas, comme le pense René Girard, l’envie de s’appropier le bien d’autrui mais un sentiment d’injustice sociale larvé profondément enfoui dans les consciences.

      Les phénomènes de jalousie et désir de posséder les biens d’autrui sont à mon avis une conséquence de ce sentiment d’injustice qui se manifeste par ce biais. »

      Je dirais l’inverse,
      le sentiment d’injustice est la conséquence du phénomène de jalousie (plutôt l’envie) et désir de posséder les biens d’autrui.

      Cette envie viendrait d’un sentiment d’abandon causé par l’absence ou le manque de l’image du père pendant l’enfance et ce formaliserait par un besoin de dominer autrui. (donc posséder ses biens).

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      • pipo // 18.04.2015 à 14h05

        J’ai lu un peu vite,
        je suis donc d’accord avec René Girard, sauf que c’est bien un problème d’Œdipe.

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        • Rose du sud // 18.04.2015 à 14h42

          En effet, c’est bien un problème d’évolution mentale vers la maturité. Et celle-ci peut se réaliser peu à peu grâce à l’ECOUTE qui elle est bien universelle.
          Nous avons tous besoin de respecter notre mère biologique d’abord, et ensuite de pouvoir accéder à son désir propre à son identité grâce au père, s’il est absent ou s’il ne peut écouter il faut s’adresser à des REpères.
          Ainsi les êtres humains individualisés se respectent, se parlent communiquent et s’aident.

          Une société en régression comme la notre actuellement est gouvernée par des immatures, des hommes et des femmes restés des enfants dans leurs jugements, qui mentent, qui veulent tout, qui sont cyniques, qui pratiquent l’injustice et la violence…même s’ils les dénoncent par ailleurs.

          Même si un enfant avait un père Saint, il est bien obligé de suivre sa propre évolution. Et ceci est réconfortant pour tous ceux qui veulent progresser vers le Royaume (non pas des cieux) mais de gens respectueux les uns des autres qui s’ECOUTENT.

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          • pipo // 18.04.2015 à 15h32

            Oui, malheureusement notre société n’aide pas nos enfants à trouver des REpères, au contraire, elle les brouillent et poussent à la guerre de tous contre tous.
            C’est un cercle vicieux, et « les gens respectueux les uns des autres qui s’ECOUTENT » deviennent des « Boucs émissaires ».
            Un non violent face à un violent ne peut pas s’en sortir sinon en devenant violent lui-même.Il vaut mieux croire au royaume des « cieux ».
            A moins que nous prenions tous conscience que « notre société en régression est gouvernée par des immatures » (au final pervers).

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            • Rose du sud // 18.04.2015 à 17h52

              Absolument!

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    • coinfinger // 18.04.2015 à 20h55

      Il y a un coté bon sauvage Rousseauiste dans ce post . Mais dans les sociétés primitives , on cherche à se distinguer aussi , Voir par exemple le potlatch chez les Indiens du Nord Ouest , c’était à celui qui ferait la plus belle plaque de cuivre . Pour la reproduction sexuelle , il me semble que c’est prégnant , non ?
      Egalité , oui , ce fut pervers , aussi , un chef s’enterrait avec ses biens et ses femmes . Pour ne pas laisser d’héritage indu .Un chef avait des cadeaux , plus que les autres .
      Quant au christianisme , dés l’institutionnalisation , la reconnaissance ( et l’utilisation …) par le pouvoir apparait l’ érémitisme puis le monachisme , opposé farouchement à l’église , déjà stigmatisée comme ‘temporelle’ . Quoique l’histoire du monachisme , tiens du chat et de la souris , du gendarme et du voleur avec l’église , sans cesse récupéré , dévoyé , sans cesse renouvelé , témoigne d’un féroce attachement à l’égalité . C’est quand méme spécifique du christianisme , parce que méme le monachisme chez les boudhistes est à l’origine temporaire , ce n’est que tardivement qu’ils s’identifient aux moines Chrétiens .

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  • Crapaud Rouge // 18.04.2015 à 13h09

    « les aborigènes d’Australie qui ignorent les dieux » : d’une certaine façon, oui, mais tous les peuples premiers ont des dieux dans leur mythologie. Il se passe simplement que ce sont des dieux créateurs (du monde) qui ne se mêlent pas de la vie des hommes et que ceux-ci ne sollicitent pas (dans leurs pratiques religieuses).

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  • Crapaud Rouge // 18.04.2015 à 13h53

    Il me semble que la politique d’austérité suivie par l’Europe confirme amplement la théorie de Girard. On y trouve en effet le mimétisme imposé par les traités qu’aucune nation européenne n’osent dénoncer, et ce mimétisme nous fait désirer la richesse selon les règles édictées par les plus riches : l’Europe, c’est le mimétisme institutionnalisé. On y trouve aussi l’absence de lien de causalité entre cette politique et l’effet espéré : rétablir la croissance. On y trouve aussi le bouc émissaire, la Grèce bien sûr, même si le rôle qu’on en attend est a contrario : celui de donner l’exemple aux autres, (payer les dettes), non de les en dispenser. On y trouve enfin l’esprit de sacrifice dont le néolibéralisme nous bassine depuis 30 ans : il faut payer maintenant sous prétexte que ça ira beaucoup mieux plus tard.

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  • christian gedeon // 18.04.2015 à 15h09

    Je ne veux blesser personne sincèrement…mais c’est de la branlette pseudo intello…et quel meilleur contre exemple à cette « théorie » que l’exemple des Aztèques qui ne faisaient la « guerre fleurie  » que pour massacrer des DIZAINES DE MILLIERS DE PRISONNIERS sur les degrés de leurs temples<;;;le christianisme vrai a tué cette théorie fumeuse…dommage qu'elle soit apparemment en train de ressusciter…et puis réinterpréter Sophocle,quelle prétention… quelle arrogance…tout çà pour arriver à dire cette intense banalité que c'est le profane qui a créé le sacré…possible…ou pas,selon qu'on est croyant…ou pas…c'est d'un commun!Tout çà pour çà…nac…

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    • Crapaud Rouge // 18.04.2015 à 18h29

      Vouloir expliquer le sacré c’est déjà le profaner, il est intouchable par définition… Vous pourrez traiter cette théorie de « branlette pseudo intello » quand vous en aurez une meilleure à proposer.

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  • Crapaud Rouge // 18.04.2015 à 19h07

    Ce qui m’amuse, c’est le caractère « viscéral » de certains commentaires critiques. C’est toujours comme ça face à une « explication » de l’humain. L’être humain se flatte d’être une horloge infiniment compliquée qu’il serait impossible de comprendre, il tient à garder son mystère sous peine de se sentir ravalé au rang d’animal. C’est triste à dire, mais l’être humain, d’un point de vue naturaliste, n’est qu’un animal parmi les autres, les « primitifs » le savaient mieux que nous. Un animal certes plus sophistiqué, mais un animal quand même. Force est de constater que ni son « esprit » ni sa « conscience » ne l’ont empêché de se comporter comme une espèce invasive, allant jusqu’à éliminer toutes espèces concurrentes. Un sacré tueur, l’être humain, et le seul à pouvoir s’octroyer la bénédiction des dieux… René Girard, avec ce grand coup de canif dans l’auto-célébration de l’espèce humaine, mérite tout notre respect.

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  • coinfinger // 18.04.2015 à 20h34

    Le mimétisme évoque un moyen de défense dont on attribue la découverte à Freud , celui de l’identification . C’est un moyen de défense , çà veut dire, paradoxalement car l’identification provoque un rapprochement , qu’il existe une hostilité entre les deux personnes concernées , tout au moins imaginée .
    Par ailleurs , il faut se rappeler que Freud était médecin , quand méme , donc munis de connaissances biologiques , ce qu’on exige d’ailleurs aussi dans la formation de psychologue , pour dire qu’il ne faut pas trop s’éxagerer , le coté psy ,( esprit séparé du corps ) . le langage , les mythes …et tutti canti .
    Quand deux personnes s’approchent à la limite de leur périmétre de sécurité , çà existe , il se produit des phénoménes qui leur échappent à l’un et à l’autre . C’est peut étre ce que Freud désignait par inconscient , tout au moins en partie . C’est par exemple que leurs pas s’accordent , ou leurs respirations , et celà indépendemment de toute conscience ou volonté .
    En général …Parce que des fois çà ne se produit pas , il se produit alors une forte aggressivité , pouvant aller jusqu’au meurtre . Ces phénoménes ne sont pas d’ordre ‘psychologique’ , on aurait du mal à les qualifier de biologiques , et pourtant …Disons que c’est l’interface .
    Qui pourrait expliquer celà ? Sauf qu’il doit exister un profond ‘instinct de sociabilité’ chez l’homme , mais çà va au delà de l’homme . Les explications , les mots qui viennent se greffer là dessus , ou accompagner en dehors de toute conscience , ne peuvent donc avoir de rapport que d’une maniére tout à fait exceptionnelle .

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  • Philippe JOURDON // 18.04.2015 à 20h58

    « Le système girardien présente néanmoins, sinon des failles, quelques zones d’ombre. Le principal reproche qu’on pourrait lui faire, c’est de ne pas laisser de place à la singularité, à la différence, à la complexité. »
    En toute modestie, il me semble que la pensée de GIRARD se nourrit de la complexité, et n’est pas compréhensible sans elle… En effet, sa théorie qui a commencé par un long travail de documentation originé à l’étude de la très grande littérature ( SHAKESPEARE , CERVANTES : sans oublier DOSTOÏEVSKY … ] est une théorie en sciences humaines qui comprend de très longs détours de PSYCHOLOGIE: me semble-t-il…
    « Soucieux avant tout de faire triompher sa théorie, Girard généralise sans nuance, parfois à outrance. »
    Il s’agit d’une théorie.
    Plus une théorie est caricaturale, plus elle a de chances d’être utile…
    « N’existe-t-il pas des sacrifices qui n’entrent pas dans la logique du bouc émissaire (les sacrifices d’offrandes) ? Ne peut-on pas trouver des peuplades qui usent du bouc émissaire sans sacraliser ce dernier (ex : les aborigènes d’Australie qui ignorent les dieux). »
    Absolument, c’est peut-être une dimension n+1 de la théorie de GIRARD … qui pourrait la placer en échec temporairement avant de la renforcer par contrecoup.
    « La théorie est aussi fragile à la base, en ce sens qu’elle s’appuie sur une conception du désir qui écarte toute dimension pulsionnelle (vouloir instinctivement une chose pour elle-même). Le désir, pour Girard, n’est que mimétique, c’est-à-dire un processus cérébral. Or, peut-on faire l’économie de la libido dans les rapports humains ? »
    Non, on ne peut assurément pas en faire l’économie.
    Voilà pourquoi l’analyse de GIRARD au sujet de la psychanalyse comme au sujet des grands fondateurs de SYSTEMES_ INTELLECTUELS est très acérée et porte le fer dans la faille des penseurs du XIX S dont nous croyons souvent être redevables:
    dans « Des choses cachées depuis la fondation du monde », GIRARD reproche à FREUD, à NIETZSCHE et à MARX d’avoir une vision des relations entre l’humain et ce que l’humain désigne comme le divin, du type des relations « maître – esclave » telles que définies par HEGEL. Alors que Jésus en acceptant d’endosser un rôle de « bouc-émissaire » nouvelle – génération , se serait lui-même décalé par rapport à son propre procès en se faisant l’analyste et le commentateur des textes _dits – sacrés_ !!!
    GIRARD nous dit que Jésus est là où on ne l’attend pas.
    A MON HUMBLE AVIS , UNE LECTURE PERTINENTE ET INSTRUCTIVE DE L’OEUVRE EXTREMEMENT RICHE DE RENE GIRARD SERAIT POSSIBLE EN CONSIDERANT A) LA COMPLEXITE PRESENTE DANS SON OEUVRE B) OU LA POSSIBILITE D’Y AJOUTER DE LA COMPLEXITE SI ON ESTIME QU’ELLE Y MANQUE ( CELA ME PARAIT DEFENDABLE ; PERSONNELLEMENT JE PENSE QUE LA COMPLEXITE … EST BIEN LA ) EN ADMETTANT L’APPORT EXTRAORDINAIRE: LE TEXTE VIT SA PROPRE VIE.

    D’où la résolution de la contradiction: Jésus aurait compris, dénoncé le mécanisme, et y aurait fait face, mais la violence humaine continue…
    « Ne peut- on pas penser que la difficulté d’assouvir son désir est autant sinon plus génératrice de violence que la rivalité mimétique ? »
    Mon interprétation personnelle ici sera plus courte: en effet GIRARD explique aussi le mécanisme du BIAIS: ce dernier inclue entre de nombreux aspects la psychologie interrelationnelle, les aspects liés au caractère parfois difficilement pénétrable du texte lui-même, voire, des aspects a priori « scandaleux … «  » »# tels le fait de devoir se coltiner avec la complexité ET MEME L’ASPECT DU TEXTE-BOUC-EMISSAIRE!!!!!.?
    « Enfin n’est-ce pas accorder une importance exagérée au message évangélique que d’en faire le seul et unique texte à dire la Vérité sur le mécanisme victimaire ? »
    Le texte continue de vivre sa vie.
    La théorie de GIRARD permet justement de séparer les différents et nombreux aspects du problème et les analyser un à un , notamment en usant de l’analyse de la littérature.
    Néanmoins aussi sa théorie d’abord se veut de neutraliser les raccourcis trop rapides..!!!

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  • Marie Genko // 19.04.2015 à 16h16

    René Girard me fait penser à ces vers que Molière attribue à Clitandre dans Les femmes Savantes

    « Je m’explique, Madame, et je hais seulement
    La science et l’esprit qui gâtent les personnes.
    Ce sont choses de soi qui sont belles et bonnes ;
    Mais j’aimerais mieux être au rang des ignorants,
    Que de me voir savant comme certaines gens. »

    Il aurait suffit de dire que le Christ est venu faire comprendre aux hommes que la guerre entre les peuples nous mène au suicide collectif…
    Le 11ème commandement: Nous aimer les uns les autres…Voilà où est notre Salut.
    Mais pour le comprendre peut-être faudrait-il encore observer le premier des Commandements, celui qui nous demande d’honorer le Seigneur et de le prier

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