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Afrique de l’Ouest : Quand les protégés des États-Unis multiplient les coup d’État

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Neuf protégés des États-Unis ont renversé des gouvernements depuis 2008, dont l’un la semaine dernière. Pendant ce temps, les attaques extrémistes ont augmenté de 70 %.

Source : Responsible Statecraft, Nick Turse
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le colonel Assimi Goita, leader de deux coups d’État militaires et nouveau président par intérim, pose avec les avocats lors de sa cérémonie d’investiture à Bamako, au Mali, le 7 juin 2021. REUTERS/Amadou Keita

La semaine dernière a été difficile pour la mission militaire américaine au Sahel. Pendant la majeure partie de deux décennies, les États-Unis ont mis en place une pléthore de programmes de lutte contre le terrorisme et de coopération en matière de sécurité, fournissant un flux constant de fonds, d’armes, d’équipements et de conseillers, déployant même des commandos pour des missions de combat discrètes afin de contrecarrer la montée des groupes islamistes militants en Afrique de l’Ouest.

Lundi dernier, le Centre d’études stratégiques pour l’Afrique du ministère de la Défense, une institution de recherche du Pentagone, a présenté une évaluation en ce qui concerne ces activités. Son sous-titre ne pouvait guère être plus sinistre. Selon le rapport, « Une augmentation annuelle de 70 % des événements violents liés à des groupes islamistes militants au Sahel a entraîné un nouveau record de violence extrémiste en Afrique en 2021. »

L’année dernière, les attaques partout dans la région ont bondi, passant de 1 180 à 2 005. « Ce pic a constitué le changement le plus marquant enregistré dans tous les théâtres de violence quand il s’agit des groupes islamistes militants en Afrique, a annoncé l’Africa Center. Cela prolonge une escalade ininterrompue de la violence impliquant des groupes islamistes militants dans la région, et cela depuis 2015. Bien qu’ayant pris naissance et restant largement centrée au Mali, la propension à cette violence s’est maintenant déplacée vers le Burkina Faso, qui concentre 58 % de tous les événements au Sahel. »

Ce sombre bilan a toutefois été éclipsé par des informations en provenance du Burkina Faso. Le jour même où l’Africa Center a publié son rapport, un jeune officier militaire est apparu à la télévision d’État pour annoncer que les militaires burkinabés avaient suspendu la constitution et dissous le gouvernement, remplaçant le président démocratiquement élu du pays, Roch Marc Christian Kaboré, par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, le commandant de l’une des trois régions militaires du pays.

Si l’effort américain de lutte contre le terrorisme n’a pas réussi à endiguer la vague de militantisme islamiste en Afrique de l’Ouest, il a produit un nombre surprenant de putschistes. Damiba a pris part à pas moins d’une demi-douzaine de séances formation américaines, selon le commandement américain pour l’Afrique, ou AFRICOM. En 2010 et 2020, par exemple, il a participé à Flintlock, un exercice annuel du Commandement des opérations spéciales en Afrique axé sur le renforcement des capacités de lutte contre le terrorisme des nations d’Afrique de l’Ouest, notamment le Burkina Faso, la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Niger. En 2013, Damiba a été accueilli dans un cours de formation et d’assistance aux opérations de contingence en Afrique. En 2013 et 2014, il a suivi un cours élémentaire d’officier du renseignement militaire-Afrique financé par les États-Unis. Et en 2018 et 2019, Damiba a participé à des missions avec le U.S. Civil Military Support Element (CMSE) au Burkina Faso.

« Les prises de pouvoir militaires sont incompatibles avec la formation et l’éducation militaires américaines », a déclaré Kelly Cahalan, porte-parole de l’AFRICOM, à Responsible Statecraft. Mais Damiba est le troisième officier burkinabé formé par les États-Unis qui renverse son propre gouvernement depuis 2014 et l’un des quelques neuf protégés de l’armée américaine en Afrique de l’Ouest qui organise un coup d’État depuis 2008. Ces mutineries concernent également trois coups d’état au Mali – dont deux par le même officier – et un dans chacun des pays suivants : Guinée, Mauritanie et Gambie.

Le rapport de l’Africa Center de la semaine dernière et le coup d’État burkinabé sont survenus après l’attaque – le samedi 22 février – d’une base militaire française à Gao, au Mali, qui a tué un soldat français et blessé un militaire américain. Ce militaire non identifié n’était que la dernière victime en date de la quasi-guerre américaine discrète au Sahel. En 2018, au moins quatre soldats américains ont été blessés dans une attaque menée par des militants contre un « super camp » des Nations Unies à Tombouctou, au Mali. Un an plus tôt, quatre soldats américains ont été tués et deux autres ont été blessés lors d’une embuscade tendue par des militants de l’État islamique au Niger voisin. Au cours de la dernière décennie, les forces américaines ont essuyé des tirs hostiles ailleurs dans la région, notamment au Burkina Faso, au Cameroun et en Mauritanie.

Si des troupes américaines ont été tuées et blessées lors de combats en Afrique de l’Ouest, les principales victimes de la violence dans la région ont été les populations mêmes, que les efforts antiterroristes américains étaient censés protéger. Et le bilan de cette effusion de sang est peut-être le constat le plus accusateur de l’Africa Center. Selon le nouveau rapport, on estime que les 4 839 décès liés à la violence islamiste dans le Sahel l’année dernière représentent une augmentation de 17 % par rapport à l’année précédente. Et cette envolée faisait suite à une augmentation de 57 pour cent entre 2019 et 2020. « La violence des groupes islamistes militants à l’encontre des civils au Sahel représente 60 % de l’ensemble de ces violences en Afrique, note l’Africa Center. Il y a maintenant plus de victimes dues aux groupes islamistes militants au Sahel que dans toute autre région d’Afrique. »

Source : Responsible Statecraft, Nick Turse, 31-01-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Fabrice // 01.03.2022 à 07h09

Franchement il faut le dire combien de fois le camp du bien prédomine sur les institutions, si le dirigeant élu démocratiquement s’oppose à un protégé du camp du bien c’est qu’il fait parti du camp du mal tout a été résumé par Bush fils si vous n’êtes pas avec nous (le camp du bien) vous êtres contre nous (le camp du mal) allez hop circulez il n’y a plus rien à dire.

8 réactions et commentaires

  • Fabrice // 01.03.2022 à 07h09

    Franchement il faut le dire combien de fois le camp du bien prédomine sur les institutions, si le dirigeant élu démocratiquement s’oppose à un protégé du camp du bien c’est qu’il fait parti du camp du mal tout a été résumé par Bush fils si vous n’êtes pas avec nous (le camp du bien) vous êtres contre nous (le camp du mal) allez hop circulez il n’y a plus rien à dire.

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  • J // 01.03.2022 à 08h32

    Je ne vois pas d’autre logique à cet article que celle-ci : une lutte contre une mouvance terroriste se mesure et se juge uniquement au nombre de violences commises en son nom. On voudrait l’encourager à en commettre encore plus qu’on pourrait difficilement trouver mieux.

      +3

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  • Auguste Vannier // 01.03.2022 à 09h15

    @Fabrice synthétise bien l’action US, que ce soit en Afrique ou dans le reste du monde. Avec l’expérience nous avons tous compris (?) que le « bien » ce sont les intérêts de l’économie US et que le « mal » ce sont tous les obstacles qui s’opposent à l’hégémonie de la « nation exceptionnelle » et parfaitement démocratique.
    Cela fait longtemps qu’au nom des principes de Wilson les US se mêlent des affaires de toutes les entités des anciens empires coloniaux pour les « libérer »d’une colonisation brutale et leur faire goûter une colonisation économique et culturelle soft, imposer leur conception de la démocratie et instaurer le libre échange du Renard et des Poules…
    Pourtant il est bien difficile de trouver un pays ou l’intervention US n’a pas semé la corruption, le chaos, la mort, la misère et la désolation. Après l’Asie qui leur échappe, il semble bien que leur cible soit l’Afrique. L’Ukraine fixe l’attention des Européens et fait diversion.

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  • RGT // 01.03.2022 à 10h27

    « Les prises de pouvoir militaires sont incompatibles avec la formation et l’éducation militaires américaines »…

    Ben voyons…

    Les militaires US, comme tous ceux du monde, suivent directement les ordres des « dirigeants démocratiques » du pays pour lequel ils se battent.

    Et si les dirigeants de « leur » pays leur donnent l’ordre de procéder à un génocide ils se contenteront d’obéir jusqu’à ce que l’un d’entre eux (plutôt gradé, donc moins de risque pour les dirigeants car il veillera à sa propre carrière) au soudain l’idée saugrenue de ne plus obéir aveuglément et décide de suivre son propre agenda.

    Ensuite, tout dépend de la « morale » du dirigeant… S’il est un nouveau Pinochet au service des « élites » internationales on sait ce qu’il adviendra mais parfois (rarement) il s’agit d’un véritable humaniste qui souhaite simplement améliorer la condition de la population en balayant toute la corruption des « grands politiciens » et de leur soumission aux « élites » internationales.

    Selon le cas les médias et les « dirigeants du monde libre » auront un regard très différent sur la situation.

    N’oubliez JAMAIS que les critiques à l’égard de Pinochet ont été formulées parce que c’était la « guerre froide » et que la vision des faits présentée par les médias et les politicards US a été contrebalancée par la « propagande complotiste » de Moscou…

    Aujourd’hui, un coup d’état favorable au « camp du bien »® sera encensé comme une « révolution chatoyante » par l’ensemble des relais de « l’information objective »© alors qu’un même événement contraire aux intérêts des « élites » sera criminalisé.

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  • Fernet Branca // 01.03.2022 à 17h59

    J’ai de gros doutes sur le fait que les USA maîtrisent leurs marionnettes en Afrique.
    Il faudrait le temps pour rechercher pas mal d’articles sur l’historique des coups d’État et contre-coups en Afrique.
    Mais je regarde ailleurs.
    L’époque n’est plus au plus beau coup US , la mise en place du général Mobutu.

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    • Grd-mère Michelle // 02.03.2022 à 15h32

      Heu… vous oubliez sans doute celui de la mise en place de Joseph Kabila, après l’assassinat de son père(?) Laurent-Désiré (commandité par qui? nous ne le saurons peut-être jamais…)

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  • Grd-mère Michelle // 02.03.2022 à 15h23

    Il serait utile et nécessaire de savoir aussi par qui sont formées et surtout ARMÉES les multiples factions de « rebelles », islamistes ou simples bandits motivés par la misère et le désespoir, qui sévissent en Afrique(et ailleurs…)
    Car sans leurs actes abominables, point de prétexte pour y aller jouer au gendarme…

    À quoi pensent actuellement la multitude de salarié-e-s, partout dans le monde, en travaillant dans les usines d’armement et de munitions? À leurs factures de gaz et d’électricité, sans doute… et au nouveau smartphone qui va leur « faciliter la vie »…

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  • Auguste Vannier // 05.03.2022 à 08h54

    Juste en appui à mon commentaire, une précision fournie par un diplomate Chinois, une source qui vaut bien nos propres diplomates:
    « 83% des guerres depuis 1945 sont le fait des seuls USA »

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