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20.décembre.202020.12.2020 // Les Crises

Censure numérique, Joe Biden, Liberté de la presse : Entretien avec Edward Snowden

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Source : Glenn Greenwald
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Comment avons-nous pu tant nous éloigner de la vision originale d’Internet, le seul endroit où les humains pouvaient communiquer et s’organiser sans le contrôle de l’État et des entreprises ?

Le rapport de la NSA de 2013, rendu possible par la dénonciation héroïque d’Edward Snowden, était largement perçu à l’époque comme portant sur des violations du droit à la vie privée. Il s’agissait bien sûr de cela, mais les révélations impliquaient de nombreuses autres libertés vitales, notamment la liberté d’expression, la liberté de la presse, le besoin de transparence sur les acteurs étatiques et en particulier sur l’État sécuritaire toujours à l’affût, et les dangers de laisser les gouvernements prendre les décisions les plus importantes dans l’ombre, sans consentement démocratique ni responsabilité.

Mais la cause primordiale qui unit toutes ces préoccupations spécifiques est la croyance en la liberté de l’internet et sa défense. Dans l’une des premières interviews que nous avons menées avec Snowden à Hong Kong, il a expliqué qu’il était en grande partie motivé par le rôle central et vital que la première version d’Internet a joué dans sa vie : une version qui était libre de tout contrôle des entreprises et de l’État, qui permettait l’anonymat et l’exploration sans surveillance et, surtout, qui favorisait la communication et la diffusion sans restriction de l’information par et parmi les citoyens du monde sans que les chefs d’entreprise et d’État ne réglementent et ne contrôlent ce qu’ils disaient.

C’est cette vision du Far West de l’internet qui a conduit tant de gens à le présenter dès sa création comme l’une des plus grandes et des plus puissantes innovations de l’histoire moderne pour favoriser la liberté individuelle, la libération humaine, l’autonomisation des citoyens ordinaires et la capacité des gens à s’organiser et à communiquer sans avoir à dépendre des géants de l’industrie et des gouvernements qu’ils financent et contrôlent.

À bien des égards, cette vision n’est plus qu’un vague souvenir – submergée par la surveillance de masse que Snowden a dévoilée mais qui persiste encore, la corporatisation des sites en ligne les plus influents et, de plus en plus, le contrôle de la circulation de la parole et de l’information par des chefs oligarchiques invisibles dont les décrets n’exigent aucune justification identifiable et n’offrent aucun recours. Le pouvoir de ces régulateurs invisibles du discours est définitif, arbitraire et absolu.

Il n’est pas nécessaire qu’il en soit ainsi. Un internet gratuit vaut toujours la peine de se battre et peut encore être sauvé. Mais il est confronté à des menaces croissantes : de la part des grands médias institutionnels, qui veulent étouffer tout ce qui menace leur discours-monopole en faisant pression sur la Silicon Valley pour qu’elle censure les différents dissidents et les voix indépendantes, encore plus qu’elle ne le fait actuellement ; de la part des partis politiques et des hommes politiques qui exercent une grande influence sur les géants de la technologie et savent qu’ils peuvent exploiter cette influence pour faire taire leurs critiques et leurs adversaires ; et de la concentration croissante du pouvoir sur l’internet entre les mains de quelques monopoles dont le pouvoir et la richesse rendent irrésistible la tentative des centres de pouvoir d’étouffer la dissidence.

A lundi, pour un épisode spécial de SYSTEM UPDATE, je me suis entretenu avec Snowden pendant environ 40 minutes, en ce qui concerne les dangers croissants de la censure dans la Silicon Valley, les raisons pour lesquelles une industrie technologique qui n’a jamais voulu le pouvoir ou la responsabilité de réguler le discours s’est vu imposer cette obligation par les politiciens et les journalistes, les dangers qui guettent la liberté de la presse et la manière dont une administration Biden/Harris pourrait aggraver tout cela :

Source : Glenn Greenwald, 25-11-2020
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Darras // 20.12.2020 à 10h06

Ce fut pareil pour l’imprimerie. L’orgie d’éditions libres qui a suivi la publication massive de la Bible en latin puis langues vulgaires, a lancé une séquence d’anarchie intellectuelle jouissive avec une percée pour les humanistes et philosophes.
Mais trés vite, l’Eglise Catholique tout comme les protestants, tout comme princes et rois ont mis un terrible et sanglant tour de vis. Le XVIe siècle et plus encore le XVIIe ont vu fleurir, les codex, les inquisitions, les procés en hérésie pour les libres penseurs, bûcher de sorcière pour les femmes récalcitrantes à baisser les yeux devant la loi des hommes. Les protestants furent aussi cruels, sanguinaires et déterminés que les catholique( Calvin fait brûler vif l’immense Servet)dans la répression de la libre pensée.
Ce fut 150 ans de frénésie zélée et sanguinaire de répression de la révolution intellectuelle née de l’imprimerie.
Ça n’a pas empêché les lumières, l’encyclopedisme, et la victoire des philosophies naturelles(sciences) et humaines(philo). Mais ce fut rude.
On entre dans une phase de contre révolution qui va durer et se durcir. Le wokenisme et sa cancel culture sont un des avatars de la reprise en mains. Demain les accusations de collusion avec des puissances étrangères vont se durcir. Face au totalitarisme libéral en croissance rapide, les totalitarismes Chinois ou Iranien ne seront d’aucun secours, pas plus que les prudents Russes. On entre dans un nouveau XVIe siècle.

13 réactions et commentaires

  • LibEgaFra // 20.12.2020 à 08h02

    Après fakebook, gg, twtt, maintenant le « cloud »… La soumission volontaire n’a plus de limite.

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  • Darras // 20.12.2020 à 10h06

    Ce fut pareil pour l’imprimerie. L’orgie d’éditions libres qui a suivi la publication massive de la Bible en latin puis langues vulgaires, a lancé une séquence d’anarchie intellectuelle jouissive avec une percée pour les humanistes et philosophes.
    Mais trés vite, l’Eglise Catholique tout comme les protestants, tout comme princes et rois ont mis un terrible et sanglant tour de vis. Le XVIe siècle et plus encore le XVIIe ont vu fleurir, les codex, les inquisitions, les procés en hérésie pour les libres penseurs, bûcher de sorcière pour les femmes récalcitrantes à baisser les yeux devant la loi des hommes. Les protestants furent aussi cruels, sanguinaires et déterminés que les catholique( Calvin fait brûler vif l’immense Servet)dans la répression de la libre pensée.
    Ce fut 150 ans de frénésie zélée et sanguinaire de répression de la révolution intellectuelle née de l’imprimerie.
    Ça n’a pas empêché les lumières, l’encyclopedisme, et la victoire des philosophies naturelles(sciences) et humaines(philo). Mais ce fut rude.
    On entre dans une phase de contre révolution qui va durer et se durcir. Le wokenisme et sa cancel culture sont un des avatars de la reprise en mains. Demain les accusations de collusion avec des puissances étrangères vont se durcir. Face au totalitarisme libéral en croissance rapide, les totalitarismes Chinois ou Iranien ne seront d’aucun secours, pas plus que les prudents Russes. On entre dans un nouveau XVIe siècle.

      +46

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  • Géraud // 20.12.2020 à 10h08

    Il me paraît évident que Biden est une menace. Et pas seulement pour la liberté d’expression, mais combien de guerres prétendument préventives va t’il lancer ?

      +25

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    • Liv // 23.12.2020 à 21h32

      Biden est complètement aux fraises. Le pauvre homme n’a plus toute sa tête.
      Sur la photo où il se fait vacciner il a 2 masques, et lors de sa dernière conférence de presse il a enlevé son masque pour mettre la main devant sa bouche quand il a toussé. Il n’arrive pas à lire correctement les prompteurs et j’en passe…
      C’est une marionnette comme Bush l’était à son époque avec Cheney et sa clique qui tiraient les ficelles.
      Je constate avec grande tristesse que les crises n’a fait aucun ou presque aucun article sur ce qui se passe aux USA… c’est historique pourtant.
      Pour aller dans le sens du sujet de l’article Trump a fait quelques discours très importants ces derniers temps. Ils ne sont pas relayés voir complètement étouffés par les mainstream.
      Les crises n’a pas du tout été à la hauteur, omnibulé par le virus dont les plus gros dégâts seront pourtant plus psychologiques, économiques et liberticides que prophylaptique. Je me demande si Olivier Berruyer n’est pas hypocondriaque, cela expliquerait ceci.
      Bref…aux USA ce qui se passe là bas est inouï et pourtant à peine relayé.
      Encore une fois… tristesse

        +12

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      • Kriss34 // 26.12.2020 à 10h12

        Pour ce qui est de la diversité des articles sur Les Crises, ptetre aussi que c’est ce que les lecteurs attendent, cf. le sondage qu’il y avait eu il y a quelques mois.
        Je trouve en tout cas qu’il y a moins de prise de risque qu’avant (ah le dossier sur l’Ukraine en 2014 du pur bonheur d’érudition et d’information).

          +1

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  • RGT // 20.12.2020 à 10h53

    Joe Biden, comme tous les « dirigeants démocratiques », ne changera rien à la mécanique bien huilée qui permet aux « élites » autoproclamées de régner sur le monde et de continuer à préserver leurs propres intérêts.

    Tous ces « grands hommes » ne sont que des parasites qui manipulent les organismes (les sociétés humaines) qu’ils ont infecté en les transformant leurs membres zombies et profitent de l’aubaine pour vivre en toute tranquillité et bien à l’abri.

    https://www.youtube.com/watch?v=Go_LIz7kTok

    Finalement nous ne sommes que de simples escargots zombies qui seront sacrifiés pour que les « élites » prospèrent.

    Pas besoin de grandes théories sur les « illuminati » ou les « reptiliens ».
    Il suffit simplement d’observer la nature (la vraie) et de regarder la stratégie que certains organismes emploient pour survivre.

    La différence entre les humains et les escargots, c’est que les humains pourraient tout à fait se débarrasser de ces parasites hautement nuisibles en les exterminant à la source.

    Mais c’est oublier que les organismes qui parasitent les humains sont largement plus sournois que ceux qui s’attaquent à de simples escargots.

      +5

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  • libvert.fr // 20.12.2020 à 16h16

    « Face au totalitarisme libéral … »
    => Ceci est un oxymore, car les libéraux sont contre le totalitarisme, et pour les libertés, dont l’une des plus importantes, la liberté d’expression (dans la limite de l’appel à la violence si possible..)

      +1

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    • Darras // 21.12.2020 à 09h03

      C’est totalement faux. Confusion savamment entretenue depuis plus d’un siecle, le libéralisme est une doctrine economique pas une pratique politique. Guizot s’était vu accusé d’avoir créé le totalitarisme libéral. L’aboutissement logique du libéralisme c’est le Chili de Pinochet. Lire Onfray sur le sujet.

        +11

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    • LS // 21.12.2020 à 12h10

      Les libéralismes sont des doctrines, je dis même que ce sont des constructions idéologiques dont les fondements sont tout sauf naturel ou évident.
      Quand « on » exige l’application de ces idéologies, mêmes sous des formes différentes, à tous les objets politiques, sociaux, économiques voire culturels, alors on peut parler de totalitarisme.
      Ceci dit, même la démocratie (au sens disons de E.Chouard) peut devenir totalitaire si elle exige de couvrir tous les aspects politiques, sociaux, économiques et culturelles de la vie.

      @Darras : Je dirais qu’ils s’agit de doctrines philosophiques qui fondent des pratiques politiques, sociales et économiques mais je suis en gros d’accord.

        +3

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    • utopiste // 21.12.2020 à 12h13

      Le capitalisme « libéral », c’est la liberté à l’aune du capital (pas de capital, pas de liberté).

        +3

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    • Recits d’Yves // 25.12.2020 à 22h33

      Vous faites erreur je crois. Les libertariens qui sont les grands défenseurs du modèle du Web ont tout fait pour s’imposer sur le Web et aux alentours selon les grandes règles du libéralisme: ils ont capitalisé d’abord en supprimant la concurrence. Ils ont même hérité d’un acronyme pour cela : GAFAM.
      Ils ne veulent par partager un espace mais y régner. C’est tout de même différent.

        +1

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  • paulo // 20.12.2020 à 18h59

    Snowden parle des débuts de l’internet , de cet espace ouvert et créatif que j’ai découvert moi-même complètement enthousiaste dans les années 90 . L’internet de cette époque était peut-être le dernier avatar des grandes aspirations autogestionnaires/libertaires des années 60 et 70 , surtout aux Etats-Unis où on aime l’alliance de la technologie et de l’anarchisme. L’internet des débuts a été d’abord une affaire américaine , et il l’est encore aujourd’hui . Ce n’est pas un hasard si c’est le monde anglo/américain qui a produit des Assange et des Snowden , la liberté d’expression n’y est pas un vain mot comme en France , et si on veut de l’info « alternative » c’est avant tout l’internet américain qui les fournit . Combien de temps encore c’est la question que pose Snowden. Sans parler de la commercialisation inévitable , il fallait être singulièrement naïf pour penser que les gouvernements allaient laisser se développer un tel médium sans chercher à le contrôler . Quant au respect de la vie privée , tout ceci a disparu dans les années 2000 , à commencer par les emails . J’aime quand même particulièrement le passage de l’interview où il dit que  » ne pas s’en faire pour le respect de sa vie privée parce que l’on n’a rien à cacher est similaire à ne pas s’en faire pour la liberté d’expression parce que l’on n’a rien à dire …. »

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  • mich3 // 20.12.2020 à 22h16

    Ce qu’il ne faut surtout pas oublier, c’est que la plupart du monde regarde le monde comme on regarde une télé (voir une série télé), avec donc une certaine distance méprisante ou adorative… il y a un aspect dissociatif parce que l’envers du décor et le d’écor s’embrasse et que la vérité devient donc complexe, beaucoup trop complexe, Inaccessible parce que pétri de doute, de chose cachée, d’inavoué potentiel et de fictionalité

    Tout ce bordel, ce grand chamboulement, va à mon avis générer des intelligences formidables et très juste ( mieux petri d’égalité et de justice mondial). C’est deja le cas quand une petite suédoise (ou je ne sais plus) horrifie le monde avec des discours terrifiants ! C’ est pathetique, le champ du mieux ou du meilleurs est incommensurable.

    Les grandes avancées sont souvent générationnelles, dans un monde qui se voudrait toujours plus accélérer ou « forcement moderne » il est sage de prendre en compte certaines lenteurs bonificatrices.

      +0

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