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25.mai.202325.5.2023 // Les Crises

« Écoterrorisme » : une proposition de loi américaine veut criminaliser les manifestations écologistes

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L’État contrôlé par les Démocrates pourrait devenir le vingtième État américain à adopter une loi dite sur les infrastructures critiques.

Source : Truthout, Naveena Sadasivam, Grist
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Des manifestants se rassemblent devant une banque pour dénoncer les investissements dans le Dakota Access Pipeline à Portland, dans l’Oregon, le 17 février 2017. Alex Milan Tracy / Anadolu Agency / Getty Images

Une proposition de loi susceptible de réduire au silence les manifestations en faveur de l’environnement a vu le jour dans un endroit improbable : le parlement de l’État de l’Oregon, contrôlé par les Démocrates. Les législateurs de l’État du Castor [Beaver State, NdT] examinent une proposition de loi qui pourrait faire de la « perturbation des services » assurés par ce que l’on appelle les infrastructures critiques un crime passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 250 000 dollars d’amende, cela comprend les routes, les pipelines, les postes électriques et certaines infrastructures pétrolières et gazières, . La proposition de loi qualifie ce type d’activité de « terrorisme intérieur. »

Paul Evans, auteur de la proposition de loi et représentant démocrate de l’État, ainsi que d’autres partisans affirment que la législation est nécessaire pour sanctionner de manière appropriée les extrémistes qui pourraient chercher à porter atteinte aux installations qui fournissent des services publics essentiels. Cette proposition semble être une réponse directe aux manifestations de 2020 en faveur de la justice raciale qui ont tourné à la violence à Portland et à l’intrusion, la même année, de manifestants d’extrême droite sur le site du capitole de l’État à Salem. Un rapport récent de la secrétaire d’État de l’Oregon [La secrétaire d’État de l’Oregon est la principale responsable des élections et la principale contrôleuse des comptes de l’Oregon. Elle supervise également les archives de l’État et la direction des entreprises de l’Oregon, NdT]affirme que l’État a connu l’un des taux les plus élevés d’extrémisme domestique violent dans le pays et que les infrastructures critiques « continuent d’être une cible à haut risque. »

« Que se passe-t-il lorsque quelqu’un décide, pour s’amuser au cours d’une soirée, de détruire un poste électrique, ce qui paralyse tout une communauté pendant un jour, voire une semaine ? » a déclaré Evans lors d’une audition en commission. « Le fait est que nous avons des carences dans la manière dont nous abordons ce type de crimes. »

Mais les lois existantes de l’État font déjà de l’intrusion et des dommages à la propriété des infractions pénales, et les défenseurs de l’environnement et des libertés civiles craignent que le fait de considérer la « perturbation des services » comme du terrorisme intérieur n’entraîne l’inculpation de manifestants non violents qui seraient susceptibles de bloquer une route, un pont ou un site pétrolier ou gazier lors d’une manifestation.

« Ce sont des choses qui pourraient se produire lors de manifestations ordinaires », a déclaré Nick Caleb, un avocat de l’organisation environnementale à but non lucratif Breach Collective. Caleb a ajouté que cette proposition de loi n’aurait peut-être pas rencontré beaucoup d’écho avant 2020, mais que les événements violents qui se sont produits cette année-là ont changé la donne pour de nombreux législateurs. « Tout d’un coup, il y a suffisamment de Démocrates qui pensent eux aussi que le fait de qualifier certaines choses de terrorisme aura pour effet de mettre un coup d’arrêt à ce type d’activité perturbatrice », a-t-il précisé.

La proposition de loi n’en est qu’à ses débuts. Elle a franchi avec succès l’étape de la commission de la Chambre des représentants et a fait l’objet d’une audition, mais il lui reste encore plusieurs obstacles à franchir dans les deux chambres avant de devenir une loi.

Alors que les assemblées législatives des États passent à la vitesse supérieure cette année, de nombreux autres États proposent et adoptent des lois du même type. Au cours des derniers mois, les assemblées législatives de la Géorgie, du Tennessee et de l’Utah ont toutes adopté des lois qui alourdissent les peines encourues en cas d’interférence avec des infrastructures essentielles ou de dommages causés à celles-ci. Un certain nombre d’autres États, dont le Minnesota, l’Illinois, la Caroline du Nord et l’Oklahoma, ont des lois similaires en cours d’adoption.

Au cours des six dernières années, pas moins de 19 États ont adopté ce type de loi sur les infrastructures critiques. Les lois ont été proposées pour la première fois après que les manifestations de 2017 à Standing Rock contre l’oléoduc Dakota Access ont attiré l’attention du pays. En réponse, les législateurs, principalement républicains, ont explicitement cité les manifestations de Standing Rock comme étant à l’origine de la législation. Mais cette année, les législateurs ont surtout mis en avant une série plus récente d’attaques contre des postes électriques en Caroline du Nord, dans l’État de Washington et en Oregon pour en justifier la nécessité.

Des avocats de l’Oregon ont évoqué d’autres événements survenus en Géorgie pour illustrer la manière dont une loi sur le terrorisme intérieur pourrait être utilisée pour cibler les manifestants. Les législateurs de Géorgie ont élargi pour la première fois la définition de terrorisme intérieur en 2017 pour inclure les crimes commis dans l’intention de « modifier, changer ou faire pression sur la politique du gouvernement ». Depuis, la loi a été utilisée pour cibler des militants écologistes qui manifestaient contre la construction d’un centre d’entraînement de la police familièrement appelé « Cop City » (Ville de flic). Concernant les quelque deux douzaines de manifestants arrêtés en vertu de cette loi, les mandats délivrés ont révélé que plusieurs d’entre eux étaient accusés de terrorisme intérieur, même si aucune activité illégale spécifique ne leur était reprochée, à l’exception d’une intrusion sur une propriété privée.

« La loi [de Géorgie] a été adoptée pour une raison précise : cibler les fusillades de masse », a déclaré Sarah Alvarez, avocate au Civil Liberties Defense Center [Centre de défense des libertés civiles, NdT]. « Aujourd’hui, elle est détournée pour s’appliquer aux manifestants écologistes qui n’ont fait de mal à personne. C’est ce qui me préoccupe lorsque je me penche sur le projet de loi de l’Oregon.

Cet article a été reproduit par Truthout avec autorisation ou licence. Il ne peut être reproduit sous quelque forme que ce soit sans l’autorisation ou la licence de la source.

Naveena Sadasivam

Source : Truthout, Naveena Sadasivam, Grist, 23-04-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

POPOV // 25.05.2023 à 07h33

Plusieurs questions se posent :
– le sabotage de « North Stream » I et II est-il un acte écoterroriste?
– peut-on envisager l’extraterritorialité de cette loi, ou bien une procédure en interne suffit?
– cette loi peut-elle s’appliquer à un président des USA défaillant?
– cette loi a-t-elle été validée par la rédaction de LCI?

11 réactions et commentaires

  • POPOV // 25.05.2023 à 07h33

    Plusieurs questions se posent :
    – le sabotage de « North Stream » I et II est-il un acte écoterroriste?
    – peut-on envisager l’extraterritorialité de cette loi, ou bien une procédure en interne suffit?
    – cette loi peut-elle s’appliquer à un président des USA défaillant?
    – cette loi a-t-elle été validée par la rédaction de LCI?

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    • eiuaei // 31.05.2023 à 08h44

      > le sabotage de « North Stream » I et II est-il un acte écoterroriste?

      Non. Le terme d’écoterrorisme est réserver aux actions écologistes pacifiques. On ne l’utilise pas pour les interventions militaires ou paramilitaires.

      > peut-on envisager l’extraterritorialité de cette loi, ou bien une procédure en interne suffit?

      Pour le moment, il s’emble qu’il s’agisse d’une loi étatique, donc même pas valable sur l’intégralité du territoire des EU.

      > cette loi peut-elle s’appliquer à un président des USA défaillant?

      C’est très rare qu’une loi s’applique à un président.

      > cette loi a-t-elle été validée par la rédaction de LCI?

      Elle est au stade de proposition de loi, donc elle n’a été validée par personne.

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  • manuel // 25.05.2023 à 08h36

    En France la création de la cellule Demeter de la gendarmerie a le même objectif.

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  • Arcousan09 // 25.05.2023 à 09h46

    Les américains copient la France ?????
    C’est étonnant !!!!
    D’habitude le gouvernement français obéit via les diktats de McKinsey
    Nous avons déjà un génial et inspiré ministre démocrate qui a déclaré « terroristes » les manifestants écolos

      +7

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    • jp // 25.05.2023 à 15h09

      je crois que cette fois c’est le Canada qui est « copié »
      cf https://reporterre.net/Comment-assimiler-les-ecologistes

      C’est une tendance générale depuis 2001, dans tous les pays qui ont une industrie et agriculture très polluantes, les écolos dérangent et le patriot act donne de idées »idées ».
      La Russie vient de virer Greenpeace du pays et mis le WWF dans la catégorie des « agents étrangers » il y a quelques jours.

      qui est le « génial et inspiré ministre démocrate  » dont vous parlez ?

        +3

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  • Grd-mère Michelle // 25.05.2023 à 15h28

    « Les législateurs de Géorgie ont élargi pour la première fois la définition de terrorisme intérieur en 2017 pour inclure les crimes (?) commis dans l’intention de modifier, changer ou faire pression sur la politique du gouvernement. » (Dans quel cas un délit devient-il un crime, aux USA?)
    (Et quelle marge de manœuvre une association comme le « Centre de défense des libertés civiles » a-t-elle pour contrer de telles lois?)
    « Au cours des 6 dernières années, pas moins de 19 États ont adopté ce type de loi sur les infrastructures critiques »
    Tout ceci me semble manifestement relever de l’autoritarisme d’Etat… dans ce pays qui se pose en hérault de la démocratie…

    Bon, on nous dira que les opposant-e-s aux politiques gouvernementales peuvent toujours faire changer les gouvernements lors des élections…
    Mais quand on connait le poids (financier) et l’influence(qui en découle) des deux principaux partis, les électeurs/trices qui ne sentent pas représenté-e-s n’ont guère d’autre choix que de rappeler leurs doléances/exigences à leurs élu-e-s… en manifestant…
    En France, il me semble que la « société civile » organisée (enfin, pas très, et trop souvent politisée/donc divisée) devrait pouvoir se lever en masse contre de telles lois iniques, non-démocratiques?
    Pourquoi les associations coalisées ne lancent-elles pas de larges « sondages », ou « questionnaires » à propos de tels sujets cruciaux? Qu’est-ce qui les en empêche?
    Ils auraient au moins le mérite d’informer un plus grand nombre de citoyen-ne-s… et obligeraient les élu-e-s (et candidat-e-s futur-e-s) à se positionner…

      +0

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    • Savonarole // 26.05.2023 à 10h58

      Un sondage ne devient un instrument d’influence que s’il est largement relayé. Quand les relais sont fagocités , ça fonctionne moins bien 🙂
      Les élus peuvent écrire des lois sur du papier ou promettre n’importe quoi en campagne , si il n’y a aucune volonté d’application ça devient comme les lois sur la fraude fiscale : au mieux une contrainte , au pire un blanchissage en règle du pire.

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      • Grd-mère Michelle // 27.05.2023 à 13h40

        C’est celà! Donc, autant rester sur son canapé à tapoter sur son ordi pour se lamenter et communiquer son désarroi…?!

        Le 25/5, plus de 200 personnes (issues d’une centaine d’associations civiles) ont participé à un débat avec des représentant-e-s des divers partis au gouvernement à propos d’un projet « d’Ordonnance numérique » concocté par la Région de Bruxelles/Capitale(entité belge fédérale, compétente en la matière sur son territoire) afin d’exiger que cette réglementation inscrive l’obligation de maintenir des « guichets humains », ainsi que des possibilités de contacts téléphoniques avec des employé-e-s, dans tous les services publics.
        Ce qui peut améliorer la vie, l’accès à leurs droits, de centaines de milliers de personnes(un demi-million, en fait, car le pourcentage de gens incapables, pour toutes sortes de raisons, de remplir et envoyer valablement un formulaire « en ligne » est estimé, dans la Région/Bxl, à + ou- 50%).

        L’action est toujours en route, mais il faudra encore beaucoup « se bouger »!

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        • Hiro Masamune // 02.06.2023 à 22h37

          Les étâts défaillent à patir du moment où ils ne sont plus l’ensemble des citoyens réunis en tant que corps constitués mais un ensemble de citoyens qui se consituent en temps que corps.
          La nuance n’est pas évidente ; mea culpa. :p

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  • Louis // 27.05.2023 à 09h42

    C’est une très vielle question que cette compétition entre les possédants et les possédés et hélas elle a souvent tourné au bénéfice des premiers. Comme le soulignait Victor Hugo dans sa lettre au capitaine Butler relative au sac du palais d’été: » les gouvernements sont parfois des bandits, les peuples jamais ». Désormais nous assistons à la puissance des disons dictatures et à la faiblesse des quelques rares démocraties de plus en plus déshabillées des indispensables contre-pouvoirs si cher à Montesquieu..

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    • Grd-mère Michelle // 27.05.2023 à 13h58

      Oui! D’où la nécessité de revaloriser nos démocraties en s’impliquant et en coalisant les « petit-e-s » possédant-e-s (en péril d’être dépossédé-e-s de leurs quelques « biens » chèrement acquis) et les gens qui ne possèdent rien…ces deux groupes qui forment quand même la grande majorité des êtres humains…
      Car le bien le plus précieux, le plus à même de remettre les « puissants » à leur place de simples mortels, c’est la solidarité.

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