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25.juillet.202225.7.2022 // Les Crises

La Grande-Bretagne renforce l’apartheid israélien

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La Grande-Bretagne redouble d’efforts pour soutenir l’apartheid israélien par le biais d’un nouvel accord commercial et d’importation de produits fabriqués dans les colonies israéliennes illégales. Le Royaume-Uni a choisi d’être un soutien actif de l’oppression brutale des Palestiniens.

Source : Jacobin Mag, Peter Frankental
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Gustavo Peres / Flickr

Ce mois-ci marque le cinquante-cinquième anniversaire de l’occupation par Israël de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza, ce qui en fait l’une des plus longues occupations militaires de l’histoire récente. Elle a infligé d’horribles injustices au peuple palestinien.

L’approche du Royaume-Uni à l’égard de l’occupation a été peu sincère. D’un côté, il a prétendu vouloir faire respecter le droit international en notant l’illégalité du réseau de colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés. De l’autre, il n’a rien fait pour dissuader Israël de les étendre. Pire encore, le Royaume-Uni a effectivement encouragé leur croissance économique en n’interdisant pas le commerce des produits des colonies israéliennes.

Aujourd’hui, l’engagement du Royaume-Uni en faveur du droit international est sur le point d’être à nouveau testé alors qu’il entame des négociations avec Israël sur un accord de libre-échange visant à « améliorer » un accord de commerce et de partenariat existant.

L’accord commercial actuel du Royaume-Uni avec Israël est un accord de continuité post-Brexit reproduisant les termes de l’accord commercial de l’UE qui couvrait le Royaume-Uni avant son retrait de l’UE.

Tout cela peut sembler assez simple. Après tout, il existe déjà un modèle européen. Cependant, les fonctionnaires du ministère du Commerce international [Department of International Trade ou DIT, NdT] tentés de copier-coller une grande partie du texte de l’UE devraient y réfléchir à deux fois. Comme Amnesty International l’a expliqué dans un récent briefing au DIT, l’accord d’association UE-Israël existant s’est avéré totalement incapable de distinguer de manière fiable les marchandises en fonction de leur lieu d’origine. Il s’agit d’une exigence de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui vise à garantir la transparence et la cohérence de l’application des accords commerciaux. Il est également essentiel d’éviter qu’un traitement préférentiel soit accordé aux marchandises provenant des colonies illégales d’Israël.

L’application territoriale de l’accord est devenue un test décisif de la détermination du Royaume-Uni à s’opposer aux projets d’Israël d’annexer les territoires qu’il occupe. Si le Royaume-Uni se trompe, Israël pourra continuer à faire passer des biens produits au sein de son réseau tentaculaire de colonies illégales situées sur des terres palestiniennes volées pour des produits « d’origine israélienne ». Cela encouragerait la politique israélienne d’expansion des colonies, qu’elle poursuit sans relâche depuis cinquante-cinq ans, parallèlement à la dépossession des Palestiniens et à la fragmentation de leurs terres. Cette politique n’est pas seulement une forme d’annexion rampante, mais elle est de plus en plus considérée comme un apartheid.

En vertu des règles défectueuses de l’UE, l’arrangement technique actuel visant à exclure les produits originaires des colonies israéliennes de l’accès préférentiel au marché repose sur le fait que les importateurs vérifient eux-mêmes les codes postaux figurant sur les preuves d’origine israéliennes, puis sur le fait que ces importateurs ne réclament pas de préférences commerciales lorsque les codes postaux indiquent que les marchandises proviennent des colonies israéliennes. Cela a créé une lacune dans l’application de la législation, car les autorités douanières restent largement ignorantes des volumes et des caractéristiques des marchandises qui proviennent des colonies et pour lesquelles un traitement préférentiel a été réclamé et accordé à tort.

De cette manière, le commerce international a pu soutenir l’occupation militaire. Malgré leur illégalité au regard du droit international, les colonies israéliennes de Cisjordanie continuent de produire une large gamme de biens industriels, dont beaucoup sont fabriqués dans des districts industriels spécialement construits à cet effet. Ces biens, qui sont exportés en Israël et dans le reste du monde, comprennent des produits en plastique et en métal, des textiles, des tapis, des cosmétiques, des aliments transformés et du vin. Si l’on ajoute à cela toute une gamme de produits agricoles issus des colonies – olives, dattes, raisins, avocats et agrumes –, c’est toute une gamme de produits qui se construit à partir de terres qui ont été illégalement appropriées.

Les colonies israéliennes sont fondées sur la dépossession, la discrimination et la violence, mais elles sont également motivées par des intérêts commerciaux. Les activités commerciales sont essentielles à pratiquement tous les aspects du maintien, du développement et de l’expansion des colonies. Elles bénéficient de la confiscation illégale par Israël de terres et d’autres ressources palestiniennes. Elles bénéficient des politiques discriminatoires d’Israël en matière de planification et de zonage, d’incitations financières et d’accès aux services publics et aux infrastructures. En fait, elles bénéficient de tout un système discriminatoire qui, comme Amnesty et d’autres l’ont montré, équivaut à un apartheid organisé par l’État.

C’est ici que la rhétorique du Brexit sur le fait « d’aller au-delà » des règles de l’UE pourrait réellement faire la différence.

Le Royaume-Uni doit améliorer de manière significative les accords actuels entre l’UE et Israël, en comblant les lacunes qui permettent aux produits des colonies d’être livrés avec des étiquettes bidon « Made in Israel ».

Tout d’abord, les bureaucrates britanniques doivent veiller à ce que l’accord entre le Royaume-Uni et Israël contienne trois éléments clés : premièrement, une déclaration claire, explicite et sans ambiguïté soulignant la non-reconnaissance par le Royaume-Uni des territoires palestiniens occupés comme faisant partie de l’État d’Israël.

Deuxièmement, une définition du champ d’application territorial qui exclut explicitement et sans équivoque les produits et services des colonies israéliennes du champ d’application de l’accord, sans pour autant compromettre tout accord commercial distinct conclu avec l’Autorité palestinienne.

Et troisièmement, un arrangement mutuellement convenu selon lequel les « règles d’origine préférentielles » empêchent clairement les produits originaires des colonies d’être désignés comme originaires d’Israël.

En outre, le Royaume-Uni devrait interdire une fois pour toutes l’importation de tous les biens produits dans les colonies illégales d’Israël et contribuer à mettre un terme aux bénéfices de plusieurs millions de livres qui ont encouragé les violations massives des droits humains contre les Palestiniens.

L’enjeu est de taille. Si le contexte des droits humains est ignoré, le Royaume-Uni conclura un accord qui renforcera le système cruel d’apartheid d’Israël contre les Palestiniens.

Contributeur

Peter Frankental est le directeur des affaires économiques d’Amnesty International UK.

Source : Jacobin Mag, Peter Frankental, 20-06-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

James Whitney // 25.07.2022 à 08h35

J’ai lu plusieurs articles, par exemple par le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, condamnent membres de la France insoumise pour leurs critiques de l’apartheid pratiqué in Israël, et pour leur amitié avec le britannique Jeremy Corbyn qui critique également cet apartheid.

Pour nos lecteurs qui comprennent l’anglais, permettez-moi de signaler le site « Tikun Olam », https://www.richardsilverstein.com/ dirigé par un Juif étasunien, historien expert dans l’histoire d’Israel. Tous les jours il présente l’actualité israélienne. Il partage le point de vue de Corbyn et les gens de LFI.

Et il n’est pas le seul Juif américain qui critique l’apartheid israélien. Il y en a plein d’autres.

8 réactions et commentaires

  • James Whitney // 25.07.2022 à 08h35

    J’ai lu plusieurs articles, par exemple par le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, condamnent membres de la France insoumise pour leurs critiques de l’apartheid pratiqué in Israël, et pour leur amitié avec le britannique Jeremy Corbyn qui critique également cet apartheid.

    Pour nos lecteurs qui comprennent l’anglais, permettez-moi de signaler le site « Tikun Olam », https://www.richardsilverstein.com/ dirigé par un Juif étasunien, historien expert dans l’histoire d’Israel. Tous les jours il présente l’actualité israélienne. Il partage le point de vue de Corbyn et les gens de LFI.

    Et il n’est pas le seul Juif américain qui critique l’apartheid israélien. Il y en a plein d’autres.

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  • yannos // 25.07.2022 à 09h51

    Quand on voit l’efficacité du lobby israélien dans l’histoire de Jeremy Corbyn, on est pas étonné que les politiques anglais se mettent au pas.

      +16

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  • Photomen // 25.07.2022 à 10h23

    Quand le deux poids deux mesures prendra t’il fin? L’actualité est flagrante et ce n’est pas d’aujourd’hui.
    Les lois et la justice ne devraient pas être à géométrie variable si nous voulons vivre en paix et nous regarder dans une glace.

      +10

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  • max // 25.07.2022 à 19h39

    Je n’arrive pas a être anti-israélien même après avoir lu l’article et ne me faire non plus aucune illusion sur les dirigeants israéliens et de la GB.
    Pourquoi, tout simplement dans le quotidien de ma vie passé ce que je voyais c’était des actes anti-juifs quasiment tous les jours dans l’usine d’un grand groupe ou je travaillais, sur les lieux de travail si un salarié était connu comme de confession juif, il devait partir sinon gare a son intégrité physique.
    Ca englobait tous les aspects de la vie quotidienne.
    Je me rappel d’un supermarché ou j’allais faire mes courses ou des activistes nous interdisaient d’acheter des fruits et légumes israéliens et ils allaient au contact quasi-physique.
    Donc je suis sensible a ce qui est arrivé a cette journaliste tué semble t’il par des soldats israéliens mais mon vécu est également sensible a ces juifs que je vois au quotidiens et qui ne peuvent pas ici aussi vivre normalement.
    Je ne pense pas non plus qu’Israël soit un état d’apartheid.

      +3

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    • jp418 // 25.07.2022 à 22h50

      Bonsoir,

      Le problème avec Israel c’est qu’on comprend bien que si les arabes arrivent à la tête du pays, les juifs ne seront pas mieux traités que ne le sont actuellement les arabes. Il est donc assez logique qu’ils cherchent à avoir le dessus.
      Pour y arriver, ils mènent très clairement une politique expansionniste, comme tous les jeunes pays, et promulguent des lois ouvertement ségrégationnistes. Ils ne s’en cachent pas en plus.

      Par exemple,
      la loi sur la citoyenneté de mars 2022 interdit aux arabes israéliens de procéder à des regroupements familiaux. Commentaire des politiques : « Il est inutile d’esquiver ce qui est l’essence même de cette loi. Elle est l’un des outils dont nous disposons pour garantir qu’Israël, qui est l’État-nation du peuple juif, restera un pays à majorité juive. Notre objectif est qu’il y ait une majorité juive « .
      Autres articles de la loi :
      « l’exercice du droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est propre au peuple juif »
      « l’État considère le développement des colonies juives comme une valeur nationale »

      Quand un pays commence à faire des lois favorisant une partie de la population au détriment d’une autre, institutionnalisant la ségrégation ethnico religieuse, on est quand même pas loin de l’apartheid non ?

        +13

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      • Ellilou // 26.07.2022 à 11h41

        « Le problème avec Israel c’est qu’on comprend bien que si les arabes arrivent à la tête du pays, les juifs ne seront pas mieux traités que ne le sont actuellement les arabes.  »
        Votre postulat est pour le moins sujet à caution et des exemples dans l’histoire récente (Afrique du Sud notamment où l’arrivée au pouvoir – politique pas économique… – d’hommes et de femmes noirs n’a pas donné lieu à un apartheid à l’envers) nous montrent que le pire n’est jamais certain 🙂

          +8

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        • Lt Briggs // 26.07.2022 à 15h09

          « Afrique du Sud notamment »

          C’est vrai… et faux. S’il n’y a pas eu d’apartheid à l’envers, l’énorme émigration des sud-africains Blancs depuis la fin de l’apartheid traduit un profond malaise. Ce n’est d’ailleurs pas qu’un sentiment, des milliers de fermiers Blancs ont été tués.
          Bien sûr cela ne légitime en rien la politique israélienne à l’égard des Palestiniens. Mais cela souligne la difficulté de prendre du recul quand on est au cœur d’un conflit. Les partenaires occidentaux d’Israël, par cynisme, suivisme ou aveuglement, appuient cette fuite en avant, et eux n’ont aucune excuse.

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        • Christian Gedeon // 29.07.2022 à 15h45

          Intéressante remarque. Ça a juste porté au pouvoir une classe politique complètement corrompue dès que Mandela a renoncé. Jamais il n’y a eu une telle violence une telle corruption et une telle pauvreté chez les noirs d’Afrique du Sud. Un peu comme en Angola en fait ou au Zimbabwe au hasard.

            +1

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