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9.juillet.20159.7.2015 // Les Crises

Le crépuscule d’une époque, par Frédéric Lordon

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C’est une photo comme il y en a des milliers, certaines sympathiques, d’autres grotesques : un selfie. Deux ahuris font un selfie, regards béats et satisfaits. Ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Ils sont visiblement très contents de leur coup, « on va le mettre sur Twitter pour les faire chier ». Arnaud Leparmentier et Jean Quatremer. On est jeudi 2 juillet, jour de manifestation de solidarité avec le peuple grec. Il y a une légende à la photo : « Ça va Bastille ? Nous on est rive gauche ».

En fait, oui, ça va, pas mal même. Et vous ?

***
Une victoire électorale, fut-elle massive, n’a par soi aucun vrai pouvoir de dessillement du camp d’en face, ni d’endiguement des contre-vérités. On n’attendra donc pas des deux ahuris au selfie qu’ils renoncent à leurs scies préférées : « les contribuables européens ne veulent pas payer pour les fonctionnaires grecs » ; « et si la Grèce fait défaut, ce sont les retraités slovaques et allemands qui paieront pour eux » — soit le bon sens à front de bœuf.

Les contribuables européens ne payent pas pour les fonctionnaires grecs. Ils payent pour les épargnants européens. Car c’est une tuyauterie financière désormais entièrement circulaire qui prête aux Grecs pour qu’ils remboursent les créanciers — de ces euros-là qui circulent sous leur nez, les Grecs ne voient pas la couleur. Les contribuables européens ont d’abord payé pour la reprise publique des titres grecs détenus par les banques privées — un grand classique. Maintenant ils payent directement pour eux-mêmes — enfin certains pour d’autres. On progresse…

Ils payent surtout en conséquence une des plus colossales erreurs de politique économique de l’histoire, inscrite il est vrai dans les traités européens et engendrée de leur fonctionnement quasi-automatique : forcer le retour vers les 3 %-60 % en pleine récession, a conduit à la destruction d’une économie, ni plus ni moins : 25 % de PIB en moins, 25 % de taux de chômage, tout le monde connaît ces chiffres qui sont désormais entrés dans l’histoire. Le plus étonnant, mais en réalité c’est un signe d’époque, c’est l’incapacité de ces données pourtant massives, données d’une faillite intellectuelle écrasante, à désarmer l’acharnement et déclencher le moindre processus cognitif de révision. Leparmentier et Quatremer continueront donc soit de soutenir que les traités n’y sont pour rien, soit de maintenir qu’il s’agissait de la seule politique possible, soit d’assurer que pour notre bonheur ça n’était pas seulement la seule possible mais la meilleure. Soit de regarder ailleurs — les fonctionnaires grecs. Autisme et quasi-racisme (car il faut voir ce que depuis 2010 ces deux-là auront déversé sur « le Grec »). Bellicisme aussi d’une certaine manière, pour ceux qui n’ont que « l’Europe de la paix » à la bouche mais s’acharnent à jeter les uns contre les autres Grecs et « Européens » (les autres) — « contribuables européens » contre « fonctionnaires grecs », ou quand l’aveuglement idéologique n’hésite plus à répandre la discorde pour se donner libre cours : si le contribuable européen veut obtenir justice, qu’il la réclame au fonctionnaire grec. Eh bien non : si le contribuable européen veut obtenir justice, qu’il la réclame à ses gouvernants qui, « en son nom », ont pris la décision éclairée de le charger pour sauver les banques, et puis de charger la Grèce en s’adonnant à la passion macroéconomique des traités.

En matière de passions, Leparmentier et Quatremer n’ont pas que celle des contribuables : celle des retraités aussi (pourvu qu’ils ne soient pas grecs).« Qu’est-ce que vous dites aux retraités de Bavière si la Grèce ne rembourse pas ? » demande Leparmentier à Piketty qui répond à base de grande conférence sur la dette en Europe [1]. On pourrait répondre aussi que si les Bavarois avaient une retraite entièrement par répartition, cette question n’aurait même pas lieu d’être. On pourrait répondre que c’est bien ce qui arrive quand depuis des décennies on fait le choix de faire passer le financement de toutes les activités sociales — retraites, études universitaires, bientôt santé, etc. — par les marchés de capitaux, ce fléau voué à toutes les catastrophes. Et que, là encore, ça n’est pas « aux Grecs », mais à tous les gouvernants qui ont pris ce parti de la financiarisation qu’il faut s’adresser. Ou bien accepter que la retraite confiée aux marchés, ça fait… comme les marchés : ça va, ça vient, un mauvais investissement et c’est le bouillon. On pourrait d’ailleurs, et enfin, répondre qu’on n’a pas le souvenir d’avoir vu Leparmentier prendre fait et cause pour les retraités de la capitalisation lorsque les marchés d’actions se sont effondrés au début des années 2000, et toute la finance dans un bel ensemble en 2007-2008, au passage pour des pertes autrement considérables que celles qui suivraient d’un défaut grec — mais il est vrai qu’il n’y avait alors ni fonctionnaires grecs ni gouvernement de gauche à incriminer.

***
Et maintenant que peut-il se passer ? L’« alternative de la table » est-elle dépassée si peu que ce soit ?

De 2005 à 2015, si l’on fait bien les comptes, on jouit une fois tous les dix ans. C’est bon à proportion de ce que c’est rare — avouons les choses, imaginer la tête des ahuris au selfie (et de tous leurs semblables) est spécialement délectable. Mais tout ceci n’implique pas de céder complètement à l’ivresse. Il n’y a rien de significatif à gagner dans la négociation avec la troïka. Le scénario le plus avantageux est donc celui d’une reprise de négociation d’où sortiront quelques concessions de second ordre — diminution de la décimale du surplus primaire exigé, licence laissée au gouvernement grec d’organiser l’ajustement budgétaire comme il l’entend (et non sous la menue dictée de la troïka), promesse éventuelle d’une discussion sur la restructuration de la dette (en étant vraiment très optimiste).

C’est qu’il y a des raisons sérieuses à ce que rien de plus ne puisse être obtenu. On les connaît. L’Allemagne en fait partie. Qu’entre Sigmar Gabriel et Martin Schulz, la réaction du Parti social démocrate (SPD) ait été encore plus violente que celle d’Angela Merkel pourrait peut-être finir par faire apercevoir de quoi il y va vraiment dans la position allemande. Les principes d’orthodoxie dont l’Allemagne a exigé l’inscription dans les traités sont l’expression d’une croyance monétaire transpartisane et pour ainsi dire métapolitique – en amont des différenciations politiques. Elle n’est pas une affaire d’« idéologie politique » au sens ordinaire du terme, c’est-à-dire de quelque chose qui ouvrirait la perspective d’un retournement possible à échéance électorale, mais une construction symbolique de longue période qui donne leur cadre commun aux alternances.

C’est dire combien la thèse de l’« Allemagne de Merkel », cette argutie de raccroc pour tous les Bernard Guetta, faux appel à la patience d’une future « Europe social-démocrate » [2] quand le débris qu’est la social-démocratie européenne est entièrement passé à droite, c’est dire combien cette thèse était promise — par bêtise ou par cécité volontaire ? — à ne rien comprendre à ce qui se passe en Europe, et surtout à ce qui ne pourra jamais s’y passer, en tout cas dans sa configuration actuelle.

Ce qui ne pourra jamais s’y passer c’est qu’un pays, qui plus est du Sud, prétende s’être soustrait aux principes — le thème récurrent de tout le commentaire allemand sur la Grèce, c’est la règle enfreinte. Que cette règle ne convienne qu’à l’Allemagne, qu’elle soit la sienne même, que partout ailleurs ou presque son application forcenée ait tourné à l’un des plus grands désastres économiques de l’histoire européenne, rien de ceci ne produira le moindre bougé — et jusque dans les autres pays, notamment la France, en état de stupéfaction fusionnelle avec l’Allemagne, hommes politiques pour qui le « couple franco-allemand » est devenu un intouchable fétiche auquel tout sera aveuglément sacrifié, experts ressassant le catéchisme ordolibéral (dont même les économistes américains se tapent sur les cuisses qu’on puisse être bête à ce point de le prendre au sérieux), éditorialisme du gramophone.

C’est bien ici en tout cas que s’avèrera la malfaçon européenne. Le peuple allemand vit à sa manière la chose monétaire. C’est son droit le plus absolu. Mais il a choisi d’imposer sa manière à tous les autres. Et les problèmes ne pouvaient qu’apparaître. Après cinq ans d’épuisement, et même de persécution économique, le peuple grec vient de dire que cette manière, il n’en voulait plus. Ce sera donc manière contre manière, et voilà pourquoi l’« alternative de la table » se trouve reconduite à l’identique — aux concessions cosmétiques près dont on fait les communiqués de victoire des deux bords.

Il ne faut pas douter en effet de la réponse que donnerait l’électorat allemand s’il était consulté, sans doute d’autres avec lui, mais lui tout spécialement. Au lendemain du « non » grec, les incompatibilités européennes sont maintenant aiguisées à un point qui réduit à très peu l’espace des compromis, et ne permet plus du tout d’exclure par exemple que le Parlement allemand, écrasante majorité sociale réunie derrière lui, rejette tout nouvel accord de l’Eurogroupe. Le référendum de Tsipras avait évidemment (aussi) à voir avec la préservation de sa coalition. Le refus de Merkel procédera des mêmes mobiles – auxquels il n’y a pas grand-chose à redire : à un certain moment les hommes politiques sont rappelés aux nécessités de leur politique nationale, celle qui les a mis là où ils sont.

Comme toujours la chasse aux lièvres sera ouverte et l’on verra le commentaire se précipiter avec passion sur toutes les fausses pistes : l’irresponsabilité des uns, l’égoïsme des autres, le défaut de solidarité de tous. Soit le fléau du moralisme. Car le moralisme est bien cette pensée indigente qui rapporte tout aux qualités morales des acteurs sans jamais voir ni les structures ni les rapports : rapports de force, de convenance ou de disconvenance, de compatibilité et de viabilité. On ne compose une totalité collective viable que si l’on met ensemble des parties qui entretiennent entre elles des rapports de compatibilité minimale. Et si cette compatibilité tombe sous un certain seuil critique, alors la totalité — tautologiquement — court à la décomposition. Le rapport entre la croyance monétaire allemande et les blocs d’affects de certains autres peuples européens est en train d’atteindre ce seuil. L’incompatibilité, restée masquée tant qu’un environnement macroéconomique pas trop défavorable permettait de tenir à peu près les objectifs, était vouée à devenir criante au premier point de crise sérieuse. Depuis 2009, nous y sommes.

Le droit des Allemands de ne pas vouloir voir enfreintes les règles auxquelles ils tiennent par-dessus tout est finalement aussi légitime que celui des Grecs à ne pas être précipités aux tréfonds de la misère quand on les leur applique. C’est donc d’avoir imaginé faire tenir ensemble durablement ces deux droits sans penser aux conditions où ils pourraient devenir violemment antagonistes qui était une mauvaise idée. Ou alors il faut disposer des institutions qui rendent un peu plus compatibles les incompatibles, par exemple une union de transfert, sous la forme d’une (très significative) assurance-chômage européenne — le rapiéçage minimal quand, par ailleurs, tant de lourds problèmes demeureraient. Ceci en tout cas n’a rien d’une question de morale, c’est une question de structures, capables ou non d’accommoder des forces politiques centrifuges au sein d’un ensemble mal construit, et menacé d’une perte complète de viabilité pour n’avoir pensé aucune régulation de la divergence. Si l’Allemagne ne veut pas entendre parler d’annulation d’une (part de) dette qui ne peut qu’être annulée, il s’en suivra logiquement l’éclatement de la zone euro.

Et par tous les bouts. Car il ne faut pas s’y tromper : si d’aventure il se formait une coalition d’Etats-membres pour soutenir cette annulation, et plus généralement une réforme d’ampleur des principes monétaires de la zone, c’est l’Allemagne, éventuellement accompagnée de quelques semblables, qui menacerait de prendre le large, au nom de la défense de ses irréfragables principes — Gerxit et non Grexit, l’hypothèse constamment oubliée.

***
Il ne faut donc pas se tromper dans l’appréciation de la portée de l’événementoχi. Il est des plus que douteux que le gouvernement Syriza obtienne davantage que des concessions marginales — dont il lui appartiendra de faire comme il peut une présentation triomphale… Mais ça n’est pas ainsi qu’il faut juger de l’événement, car c’est un ébranlement d’une tout autre sorte qui s’est produit dimanche 5 juillet. L’ébranlement d’un peuple entier entré en rébellion contre les institutions européennes. Et l’annonce d’un crépuscule — donc aussi d’une aube à venir.

Ce qui s’est trouvé enfin condamné et appelé à l’effacement historique sous cette poussée d’un peuple, c’est une époque et ses hommes. Nous allons enfin entrer dans l’agonie de l’économicisme, cette dégénérescence de la politique, une vocation à la non-politique qui, comme de juste, ne cesse pas de faire de la politique — de même que la « fin des idéologies » est le dernier degré de l’idéologie —, mais de la pire des façons, au tréfonds d’un mélange de mensonge et d’inconscience. Seuls de grands cyniques étaient capables de voir que le règne gestionnaire, la réduction économiciste de tout, qui se targuent de préférer l’administration des choses au gouvernement des hommes, comme l’auront répété en boucle tout ce que le néolibéralisme a compté d’idiots utiles, seuls de grands cyniques, donc, étaient capables de voir qu’il y avait dans cette profession de foi anti-politique la plus sournoise des politiques.

Quitte à être du mauvais côté de la domination, il faut regretter qu’il n’y ait pas plus de cyniques. Eux au moins réfléchissent et ne se racontent pas d’histoires — ni à nous. On leur doit l’estime d’une forme d’intelligence. Mais quand les cyniques manquent ce sont les imbéciles qui prolifèrent. Le néolibéralisme aura été leur triomphe : ils ont été partout. Et d’abord au sommet. Une génération d’hommes politiques non-politiques. Le pouvoir à une génération d’imbéciles, incapables de penser, et bien sûr de faire de la politique. Le gouvernement par les ratios est le seul horizon de leur politique. On comprend mieux le fétichisme numérologique qui s’est emparé de toute la construction européenne sous leur conduite éclairée : 3 % [3], 60 %, 2 %. Voilà le résumé de « l’Europe ». On comprend que ces gens soient réduits à la perplexité d’une poule devant un démonte-pneu quand survient quelque chose de vraiment politique — un référendum par exemple. La perplexité et la panique en fait : la résurgence des forces déniées est un insupportable retour du refoulé. Qu’il y ait des passions politiques, que la politique soit affaire de passions, cela n’était pas prévu dans le tableur à ratios. Aussi observent-ils, interdits, les événements vraiment politiques : la quasi-sécession écossaise, les menaces équivalentes de la Flandre ou de la Catalogne — le sursaut grec, évidemment. Le choc de l’étrangeté est d’ailleurs tellement violent qu’ils s’efforcent spontanément de le recouvrir. Comme la guerre de Troie, les référendums n’ont pas eu lieu.

En une tragique prédestination à l’échec, c’est à cette génération qu’a été remise la construction européenne. On lui aura dû cette performance, appelée à entrer dans l’histoire, d’une monnaie unique sans construction politique — catastrophe intellectuelle typique de l’économicisme qui croit à la souveraineté de l’économie, et pense que les choses économiques tiennent d’elles-mêmes. Même leur réveil tardif, et brutal, est aussi pathétique que le sommeil épais d’où il les tire : « il faut une Europe politique ! » Mais le pyjama est de travers, le cheveu en bataille et les idées encore un peu grumeleuses. C’est qu’il ne suffit pas d’en appeler à une Europe politique pour qu’ipso facto elle advienne. La formation des communautés politiques n’est pas un jeu de Meccano. Comment fait-on vivre ensemble des idiosyncrasies hétérogènes ? Par quelles formes institutionnelles peut-on espérer réduire leurs incompatibilités ex ante ? Quelles sont les contraintes d’une économie générale de la souveraineté ? Quelles sont les conditions de possibilité d’acceptation de la loi de la majorité ? Sont-elles nécessairement remplies ? Et dans le cas présent ? Tiens, on va aller poser toutes ces questions à Michel Sapin.

Comme un symptôme du degré ultime de soumission à l’ordre des choses qu’aura incarné la « social-démocratie », c’est en effet au Parti socialiste qu’on trouve les plus beaux spécimens de la catastrophe : Sapin donc, mais aussi Macron, Valls, Moscovici, et bien sûr, primus inter pares, Hollande. Les figures ahuries du gouvernement des ratios et, en temps de grande crise, les poules dans une forêt de démonte-pneu. Un cauchemar de poules. Il faut les regarder tourner ces pauvres bêtes, désorientées, hagardes et incomprenantes, au sens étymologique du terme stupides. Tout leur échappe. D’abord il y a belle lurette que les ratios ont explosé à dache, mais la vague angoisse qui les gagne leur fait bien sentir que c’est plus grave que ça : ça pourrait ne plus être une affaire de ratios… La pensée par ratios risque de ne plus suffire. Il faudrait refaire « cette chose… » : de la politique. « Mais comment faire ? Nous ne savons pas ».

On le sait qu’ils ne savent pas. Le pire, d’ailleurs, c’est quand ils font comme s’ils savaient. Qu’ils s’essayent à la « vision ». « Il faut que les jeunes Français aient envie de devenir milliardaires », voilà la pensée des ratios dans son effort de « prendre de la hauteur ». Les ratios en hauteur, ça donne ça : la vision civilisationnelle d’Emmanuel Macron. Voici les gens que nous mandatons pour nous conduire. Mais où peuvent-ils nous emmener si ce n’est au désastre — civilisationnel, précisément ? Comment imaginer que l’Europe à tête de bulot ait pu aller ailleurs qu’au naufrage ? Quelqu’un depuis vingt ans a-t-il éprouvé le moindre tremblement à un discours européiste ? Senti le moindre souffle ? Peut-on composer une épopée autre que grotesque lorsqu’on met bout à bout les odes à l’Europe sociale d’Elisabeth Guigou et de Martine Aubry, les bafouillements de Jacques Delors, les chuintements de Jean-Claude Juncker, les hystéries de Cohn-Bendit, les commercialismes de Lamy, les fulgurances charismatiques de Moscovici, et tant d’autres remarquables contributions à la chronique d’un désastre annoncé ? La vérité est qu’il suffisait de les écouter, ou plutôt de tendre l’oreille, en fait de percevoir l’absence de toute vibration, pour se pénétrer de la certitude de l’échec : une entreprise historique conduite par des gens de cette étoffe ne pouvait qu’échouer.

Il ne faut pas faire acception de cas singuliers : c’est bien une génération entière qui est en cause. La génération du néolibéralisme. Les autres pays ont les leurs, les mêmes : Barroso, Renzi, Monti, Zapatero, Verhofstadt, etc., tous ont été formés dans la même matrice, la matrice d’une époque. Comment l’économicisme néolibéral qui est une gigantesque dénégation du politique ne pouvait-il pas engendrer sa génération d’hommes politiques ignorants de la politique ? « Abandonnez ces sottises, regardez les ratios, ils ne sont ni de droite ni de gauche », on ne compte plus les décérébrés qui, répétant cet adage, auront cru s’affranchir de la politique, en faisant la pire des politiques : la politique qui s’ignore.

Et ceux-là auront été partout, pas seulement sous les lambris. Car c’est tout un bloc hégémonique qui aura communié dans la même éclipse. A commencer par ses intellectuels organiques, si vraiment on peut les appeler des intellectuels puisque, de même qu’il a fait dégénérer les hommes politiques, le néolibéralisme n’a produit que des formes dégénérées d’intellectuels : les experts. Et forcément : l’économicisme néolibéral ne pouvait se donner d’autres « intellectuels » que des économistes. Les dits think tanks auront été la fabrique de l’intellectuel devenu ingénieur-système. A la République des Idéesc’était même un projet : en finir avec les pitres à chemise échancrée, désormais le sérieux des chiffres — la branche universitaire de la pensée des ratios.

Et derrière eux toute la cohorte des perruches — les journalistes. Fascinés par le pseudo-savoir économique auquel ils n’ont aucun accès de première main, ils ont gravement répété la nécessité de commandements économiques auxquels ils ne comprennent rien — de la même manière, on peut le parier, que, têtes vides, ils se la laisseront remplir par le nouvel air du temps et soutiendront exactement l’inverse dès que les vents auront tourné.

Il faut déjà les imaginer perturbés et angoissés par le conflit renaissant des autorités, comme des enfants devant la dispute des parents. Car on entend des économistes dissonants — si ce ne sont que des hétérodoxes, ça n’est pas trop grave. Mais il y a aussi ces prix Nobel qui disent autre chose — c’est tout de même plus sérieux. Pire encore, de l’intérieur même de la curie, du dissensus se fait entendre : des économistes du FMI suggèrent mezza voce qu’il aurait pu y avoir quelques erreurs… du FMI, une sombre histoire de multiplicateur [4], mais on comprend bien que l’édifice doctrinal n’était pas, comme on le croyait, en marbre de Carrare. Que le monde ait été plongé en plein chaos en 2008, que des pays européens se tapent des descentes façon Grande Dépression années trente, non, cela ne pouvait avoir aucun effet sur les perruches, tant que la volière restait bien arrimée : ouvrir les yeux pour s’interroger ne sert à rien puisqu’il suffit d’écouter les réponses qui font autorité. Mais quand l’autorité commence à se craqueler, et que le clou menace de céder ?…

Pour l’heure il tient encore. On dépayse la volière et les perruches prennent le chemin d’Aix-en-Provence, où l’on va se réchauffer, et se rassurer, entre soi. On reviendra dûment regonflé en répétant les éléments de langage avec d’autant plus de conviction qu’ils ne sont pas reçus comme des éléments de langage mais comme des évidences qui parlent d’elles-mêmes : réforme, ne-pas-dépenser-plus-qu’on-ne-gagne (enfin-c’est-élémentaire), la-dette-qu’on-va-laisser-à-nos-enfants. Et puis pour les plus doués, ceux qui sont en classe supérieure : archéo-keynésianisme. C’est Emmanuel Macron qui le dit, et comme nous l’avons vu, c’est quelqu’un. Evidemment la perruche ignore cette phrase de Keynes, à qui ce serait faire insulte que de le mettre en simple comparaison avec Macron, cette phrase qui dit qu’il n’est pas de dirigeant politique qui ne soit l’esclave qui s’ignore d’un économiste du passé. C’est peu dire que Macron fait partie de ces esclaves inconscients et ravis. Et pour cause : il ne connaît même pas son maître. On va le lui indiquer. Son maître s’appelle Pigou. Une espèce d’Aghion de l’époque qui a si bien plaidé la cause de l’ajustement par les marchés que Hoover, Brünning et Laval ont dans un bel ensemble précipité leurs économies dans l’effondrement de la Grande Dépression. Emmanuel Macron, qui a appris à l’ENA l’économie dans la même version que son président l’histoire — pour les Nuls — ronronne de contentement en s’entendant dire« archéo-keynesien ». Et les perruches caquètent de joie tout autour. Le problème c’est qu’il est, lui, paléo-libéral. Et qu’il ajoute son nom à la série historique des années trente.

Et puis il y a l’élite : les twittos à selfie. Même au milieu des ruines fumantes de l’Europe effondrée, eux ne lâcheront rien : ce sera toujours la faute à autre chose, les Grecs feignants, les rouges-bruns, la bêtise des peuples, l’erreur, quand même il faut le dire, de trop de démocratie. Mais tous les systèmes ont leurs irréductibles acharnés et leurs obturés du jusqu’au bout.

Têtes politiques en gélatine, experts de service, journalisme dominant décérébré, voilà le cortège des importants qui aura fait une époque. Et dont les réalisations historiques, spécialement celle de l’Europe, seront offertes à l’appréciation des temps futurs. Il se pourrait que ce soit cette époque à laquelle le référendum grec aura porté un coup fatal. Comme on sait, il faut un moment entre le coup de hache décisif et le fracas de l’arbre qui s’abat. Mais toutes les fibres commencent déjà à craquer. Maintenant il faut pousser, pousser c’est-à-dire refaire de la politique intensément puisque c’est la chose dont ils ignorent tout et que c’est par elle qu’on les renversera.

L’histoire nous livre un enseignement précieux : c’est qu’elle a des poubelles. Il y a des poubelles de l’histoire. Et c’est bien. On y met les époques faillies, les générations calamiteuses, les élites insuffisantes, bref les encombrants à oublier. Alors tous ensemble, voilà ce qu’il faudrait que nous fassions : faire la tournée des rebuts, remplir la benne, et prendre le chemin de la décharge.

Notes

[1] Thomas Piketty, « Ceux qui cherchent le Grexit sont de dangereux apprentis-sorciers », Le Monde, 4 juillet 2015.

[2] Bernard Guetta, « De l’urgence de savoir défendre l’Europe », Libération, 26 février 2013.

[3] Cf. « La règle des 3 % de déficit est née sur un coin de table », Le Monde diplomatique,octobre 2014.

[4] Olivier Blanchard et Daniel Leigh, « Growth Forecast Errors and Fiscal Multipliers » (PDF),IMF Working Paper, janvier 2013.

Source : Frédéric Lordon, pour La Pompe à Phynance, le 7 juillet 2015.

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

Commentaire recommandé

romain // 09.07.2015 à 11h29

Bien content que Frederic Lordon ai repris ce tweet pour écrire un article car cette photo et la légende qui va avec sont tout simplement horribles !!!

On a la 2  »journalistes », soit disant de gauche et progressistes, qui, tout propres sur eux et attablés au frais sur un péniche de la seine (il est bon le cafe a 6 euros ?) se permettent de chambrer les populeux qui défilent sous la canicule a bastille pour supporter les grecs.
Ce tweet est le parfait reflet de l’arrogance et du mépris dont est habité la classe dirigeante (e.g. la plupart des politiques et leurs amis économistes et journalistes).

52 réactions et commentaires

  • georges glise // 09.07.2015 à 10h42

    trçs bon, mais avec schroeder, blair, lamy renzi papandreou et autre psoe, on n’est plus dans la social-démocratie, mais dans la social-démocrassouille, qui n’a d’ailleurs plus rien de social,

      +4

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  • yt75 // 09.07.2015 à 10h46

    Hélas Lordon, comme 99,9% des économistes, persiste à ignorer (ou à éviter) les raisons fondamentales de la crise actuelle ne faisant hélas que commencer, c’est à dire en gros cela :

    https://gailtheactuary.files.wordpress.com/2011/10/limits-to-growth-forecast.png

      +10

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    • Merle // 09.07.2015 à 11h16

      La vache, ça va être un peu médiéval 2100.

        +12

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    • Jmk011 // 09.07.2015 à 11h22

      J’ai bien compris Lordon, mais pas ce « graphique » qui dit tout et son contraire, voire le contraire de son contraire, et inversement comme aurait dit Pierre Dac.

        +8

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      • Dominique Gagnot // 09.07.2015 à 12h05

        Hélas, ce graphique est cohérent, issu de travaux scientifiques d’envergure, et publié en 1972 (!) dans le rapport Meadows…

        https://fr.wikipedia.org/wiki/Halte_%C3%A0_la_croissance_%3F

          +7

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      • SEBLEB // 09.07.2015 à 12h46

        C’est de la resucée de trucs déjà connus, synthétisés.

        Concept central le pic-tout (pas que le pic-pétrole) => Entraîne l’effondrement de la production de biens et services.

        Le plus critique des biens la production agricole entraîne une baisse de la population.
        Le plus critique des services la santé amplifie le truc par hausse de la mortalité.

        La mortalité infantile augmente également faute de soins, ce qui explique l’explosion de la natalité a la fin, l’animal grégaire régule … car il faut faire 6 mômes pour avoir une chance d’avoir un héritier adulte et donc perpétuer l’espèce.

          +4

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  • scipio // 09.07.2015 à 10h53

    Oui c’est toute une génération qui est en cause et cela ne fait que trop longtemps qu’elle est aux commandes.
    Mais quand on a dit cela on a résolu juste une partie du problème.
    Car maintenant: que faire? Qui prendra la relève? Et pour quoi faire? Car changer de tête n’est pas forcément changer de moeurs.
    Comme l’a fait remarquer Gaël Giraud sur ce blog la finance dérégulée fût notre veau d’or et nous a fait perdre de vue des choses plus importantes.
    Giraud qui filait la métaphore biblique dans son article (la terre promise) aurait pu rappeler que Dieu avait dit aux adorateurs du veau d’or que la terre promise serait pour leurs petits enfants!

    Bref, sauf coup du destin, cela va prendre encore du temps

      +15

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    • Dominique Gagnot // 09.07.2015 à 16h09

      Le moment charnière sera le renversement du discours des médias – qui font l’opinion – , toujours à la remorque de ceux qui dominent, et donc de ceux qui domineront…, Tsipras ayant (j’espère) enclenché le détonateur, dont l’effet sera amplifié par d’autres, et partout.

      Une fois cela atteint, tout peut aller vite. Quelques années pour connaître un nouveau Régime établi.

      Pour aller ou? La seule réponse positive que je connaisse est celle ci:

      Objectif:
      Remettre la planète à l’endroit, écologiquement et socialement.

      Comment:
      – Contrôle, et donc transfert de propriété, des Ressources premières du privé à (aux) collectivités.

      – Financement du transfert de propriété par émission monétaire (dans une nouvelle monnaie), servant à acheter les Ressources.

      – Le financement de la remise en état de la planète se fera par la perception, par la collectivité actionnaire et dans la nouvelle monnaie, d’une rente issue des droits d’usage des Ressources (en particulier le foncier) nécessaires au privé, qui auparavant étaient sa propriété.

      Par qui ?
      Par la communauté des peuples ayant enfin récupéré le pouvoir économique, qui est LE pouvoir réel.

        +7

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  • romain // 09.07.2015 à 11h29

    Bien content que Frederic Lordon ai repris ce tweet pour écrire un article car cette photo et la légende qui va avec sont tout simplement horribles !!!

    On a la 2  »journalistes », soit disant de gauche et progressistes, qui, tout propres sur eux et attablés au frais sur un péniche de la seine (il est bon le cafe a 6 euros ?) se permettent de chambrer les populeux qui défilent sous la canicule a bastille pour supporter les grecs.
    Ce tweet est le parfait reflet de l’arrogance et du mépris dont est habité la classe dirigeante (e.g. la plupart des politiques et leurs amis économistes et journalistes).

      +54

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    • Astro Popote // 10.07.2015 à 00h55

      Bonjour,

      C’est un détail, mais il vaudrait mieux écrire « soutenir » les grecs
      que « supporter » les grecs, car cet américanisme de plus en plus adopté
      prête à confusion.
      J’aime ma langue !

        +5

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  • jo // 09.07.2015 à 11h29

    La couverture du point !

    « Les charlatans contre l’Europe »
    http://www.lepoint.fr/versions-numeriques/

      +8

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  • Jean-Paul B. // 09.07.2015 à 11h42

    Bonjour,
    si nous avons un léger doute sur notre rejet de l’U.E allemande, il nous suffit de regarder et d’écouter (ou lire) ces deux têtes de c… et le doute s’évapore comme une brume matinale au soleil de la Grèce.
    Merci encore 4Mers de Libération et Legachiparmentier du Le Monde!!!

      +27

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  • Bece // 09.07.2015 à 12h02

    Tout juste un ébranlement, et pas encore les tsunamis de grands soirs. Mais ça fait quand même plaisir de voir à quel point les « ahuris » robotisés au service de l’ordre mondial mouillent sans vergogne la chemise (blanche, échancrée) pour construire les digues préventives.

      +12

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  • bardamus // 09.07.2015 à 12h05

    « Alors tous ensemble, voilà ce qu’il faudrait que nous fassions : faire la tournée des rebuts, remplir la benne, et prendre le chemin de la décharge. »

    Je n’ai pas arrêté de penser à cette phrase (ou similaire: je pensais à mettre tout ce petit monde europeiste au fond de la cuvette et de tirer la chasse !) tout en lisant ce beau (comme toujours) billet de F.Lordon !

    Comment ? Un seul et unique chemin : l’union politique !

    Il n’y en pas d’autre hélas !

      +9

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  • Grim // 09.07.2015 à 12h08

    Je ne vois pas pourquoi tout le monde critique cette photo, elle est très bien, elle ferait une parfaite affiche pour promouvoir le « non » au référendum grec.

    On pourrait même la réutiliser pour des référendums contre l’austérité, contre l’euro et bien plus encore !

      +19

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  • willybear // 09.07.2015 à 12h12

    « quand depuis des décennies on fait le choix de faire passer le financement de toutes les activités sociales — retraites, études universitaires, bientôt santé, etc. — par les marchés de capitaux, ce fléau voué à toutes les catastrophes. »
    Tres juste Monsieur Lordon, (et sans être Marxiste ou prôner quelque autre idéologie brillante autant que difficilement applicable), cette constatation de notre épouvantable société romaine a la « panem et circences », qui amène cette classe dominante a forcer le musellement du peuple par la vulgarité et les miettes de prébendes.
    Celle ci devrait, comme l´ancien empire précité, s´effondrer d´elle même.
    Les grandes questions, après le pourquoi, restent les quand et comment ?
    Et ou sont les barbares qui vont réveiller nos oies du capitole ?

      +13

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    • JPS1827 // 09.07.2015 à 20h09

      Je suis complètement en phase avec Lordon sur ce point. Comme l avait très bien dit la remarquable Esther Duflo, ce n’est pas le « marché » aussi libre soit-il qui fait que les enfants apprennent à lire et à compter, qui fait que la mortalité infantile diminue et qui fait que m ensemble d un peuple peut être soigné et bénéficier de conditions d hygiène globalement correctes.

        +2

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  • mephisto // 09.07.2015 à 12h16

    MODERATION:
    extraits de la charte

    ceux qui ne seront manifestement pas en lien avec le billet commenté, et dont nous jugerons souverainement qu’ils sont de nature à tirer la discussion dans des directions qui feront perdre aux échanges leur densité

    ceux ne visant pas à faire partager une thèse, une position, une information, une objection ou une question aux autres lecteurs, mais se contentant de pures et simples affirmations non étayées

      +0

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  • bruno // 09.07.2015 à 12h21

    C’est intelligent et drôle. Quel style ce Lordon! J’adore.

      +13

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  • Stéphanie // 09.07.2015 à 12h24

    Deux réactions au discours de M. Tsipras au Parlement :
    M Yannick Jadot (France) et M Herbert Reul (Allemagne)

    http://europarltv.europa.eu/fr/player.aspx?pid=4f55ca75-95c1-4d77-92c5-a4cf00ca2b50

    C’est à désespérer pour le côté allemand.

      +2

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  • Stéphanie // 09.07.2015 à 13h00

    13h23
    Juncker pour voir les partis grecs de l’opposition et de la Nouvelle Démocratie Pour Potami
    Le porte-parole de la Commission européenne a déclaré que la présidente de la Commission, Jean-Claude Juncker, se réunira une délégation de la Nouvelle Démocratie aujourd’hui, suivie par une délégation de Potami Pour demain. (Trad. Google)

    http://www.thepressproject.gr/details_en.php?aid=78984

      +1

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  • Pic et Puce // 09.07.2015 à 13h13

    Vous vous moquez du monde quand vous dites que  » le peuple allemand  » décide. Il ne décide de rien du tout. Ce sont ses élites qui décident, elles-mêmes complètement formatées par la puissance occupante état zunienne qui s’accroche depuis 70 ans sur les terres allemandes et maintenant polonaise, balte, ukrainienne…Le citoyen allemand subit et obéit c’est tout. Le citoyen français bien que râleur obéit tout autant… Il a été donné aux citoyens grecs de s’exprimer. L’histoire dira plus tard pour quelles raisons exactement. Tout cela n’est qu’un jeu de rôles… entre les mains d’une banque plus que malfaisante, Goldman Sachs outil de conquête du pouvoir de la FED. Arrêtez de prendre les gens pour des imbéciles ; tous ne sont pas incultes….

      +11

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    • Chris // 09.07.2015 à 13h22

      « Le citoyen allemand subit et obéit c’est tout »
      C’est même pour ces « qualités » que l’Allemagne a été choisie par les USA comme interlocuteur privilégié lors de la mise en place l’Union Européenne, les Français ayant été déclaré « non fiables ».

        +12

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    • Carabistouille // 09.07.2015 à 13h23

      Le citoyen allemand, suit à 80% les délires les plus sévères de Schaube. Donc, oui, le peuple allemand décide.

        +5

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      • GUS // 09.07.2015 à 13h36

        D’un autre côté, je trouve la position de Schauble plus cohérente que celle de Merkel. UN Grexit est souhaitable, il aurait dû être fait depuis longtemps, cela aurait épargné bien des souffrances aux grecs et bien des milliards € aux contribuables européens. Si cela n’a pas été fait avant c’est qu’il s’agissait de sauver l’€, pas la Grèce. Tout le monde est incohérent de ce point de vue, Tsipras, les Allemands etc…

          +5

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        • Carabistouille // 09.07.2015 à 20h39

          Non mais je crois que vous ne comprenez pas. Schaube veut une sortie EXPIATOIRE. C’est à dire qu’après la sortie il veut déchiqueter, écraser, liquider la Grèce. Surtout depuis qu’elle a résisté. Il ne veut absolument pas la sortie pour son bien. C’est là que Sapir se plante. Une fois sortie, la Grèce aura droit aux foudres du système.

            +5

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      • Alae // 09.07.2015 à 18h26

        Vous avez raison, Carabistouille.
        On peut ne pas aimer Nigel Farage, mais il a eu le mérite de décrire, avec ses mots bien à lui (et un panneau OXI sur son pupitre), les problèmes de la zone euro hier face aux messieurs du PE, en particulier un clash culturel entre les pays du sud de l’Europe et les Allemands.
        https://www.youtube.com/watch?v=94UcyJnRcGU
        Même si son analyse est un peu courte et s’il élude la culpabilité du système financier de l’UE, les mots « clash culturel » soulignent le rigorisme de l’Allemagne, sa crispation autiste sur ses législations, clauses, codicilles et réglementations, et son incapacité à comprendre autre chose que ses intérêts. On en voyait presque un défilé au pas de l’oie.
        Il s’agirait, en plus, de ne pas oublier que l’accord implicite de l’UE à des néo-nazis en Ukraine a dû les déculpabiliser et que donc, oui, l’esprit boche conquérant est peut-être bien de retour. De sorte que ce ne sont pas seulement les pays du sud qui ont un problème de clash culturel avec l’Allemagne, mais bientôt l’UE entière. Moins, bien sûr, les collabos. Comme avant.

          +4

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  • passerby // 09.07.2015 à 13h14

    MODERATION: extrait charte

    ceux qui sont susceptibles d’être condamnés par la loi ;

      +1

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  • Olposoch // 09.07.2015 à 13h23

    A noter que Lordon, comme Sapir, et même Piketty (le socialiste qui commence à avoir un peu les abeilles…) trouvent les mots pour exprimer l’exaspération, sinon, l’indignation devant nos pitoyables fonctionnaires en responsabilité…

      +4

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  • Ovni de Mars // 09.07.2015 à 13h32

    Les 2 journalistes sur la photo voulaient un symbole : les extrémistes, les réfractaires et les fous à la Bastille, nous avec les raisonnables sur la rive gauche : réalistes, heureux de vivre, intégrés à la mondialisation.

    Le symbole s’est inversé : la photo va effectivement rester à la postérité comme symbole de la phase terminale de notre époque : selfie, morgue, journalistes de garde, bouffonnerie …

      +28

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    • Inox // 09.07.2015 à 16h31

      « Bouffonnerie », exactement.

      Ce ne sont que des bouffons de cour. Ça sert à rien de s’acharner contre eux, moi je trouve qu’ils remplissent très bien leur rôle. Le plus délicieux est qu’ils ne s’en rendent pas compte.

        +9

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  • Macarel // 09.07.2015 à 13h32

    Tout le billet est délectable, particulièrement la fin :

    L’histoire nous livre un enseignement précieux : c’est qu’elle a des poubelles. Il y a des poubelles de l’histoire. Et c’est bien. On y met les époques faillies, les générations calamiteuses, les élites insuffisantes, bref les encombrants à oublier. Alors tous ensemble, voilà ce qu’il faudrait que nous fassions : faire la tournée des rebuts, remplir la benne, et prendre le chemin de la décharge.

      +15

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  • luc // 09.07.2015 à 14h15

    je trouve que le style est trop lourd, quasi-illisible, qu’il me pardonne

    il parle de « politique économique » en mode poésie en raison du fait qu’il est anti-capitaliste

    il n’a pas tort du tout dans ce texte, mais à part la fin d’une époque, je n’y vois pas beaucoup de perspective d’avenir…

    ça me fait penser à cette obscure idée, à laquelle je pense qu’il adhère, de mettre des limites à la propriété privée : facile à dire aussi en mode poésie

      +3

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  • tintin // 09.07.2015 à 14h32

    Un des très bons papiers de Lordon, peut-être le meilleur. Il y a de tout, de l’humour, de l’impertinence, des « piques »justes, des analyses très perspicaces des évènements et des descriptions de personnages ciselées.
    Quel talent !! il redonne du sens à une parole politique (un peu pamphlétaire quand même) disparue depuis longtemps chez ceux qui nous gouvernent (les « costumes gris » ou les gras-du-bide).

      +11

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  • Alain // 09.07.2015 à 15h41

    Il ne faudrait quand même pas oublier que l’orthodoxie monétaire à l’allemande est l’ADN même de l’euro tel qu’accepté par Mitterand and Co. il ne faut pas aujourd’hui faire semblant de découvrir cela.

    Revenons aux bases même de ce projet stupide: pour éviter que l’Allemagne ne se tourne vers l’est et laisse l’Europe telle qu’elle existait à ce moment dans son dos, Mitterand a imaginé enchaîner l’Allemagne par la monnaie. Comme la monnaie est le symbole même de la renaissance allemande, il a dû accepter qu’elle soit en fait le DM car, à défaut, il essuyait un refus poli mais ferme.

    Donc en voulant enchaîner l’Allemagne, il a en fait enchaîné la France mais également les autres pays européens.

    La solution finale de cette tragédie ne serait-elle donc pas de retourner aux fondamentaux qu’on a voulu éradiquer (ce qui ne peut être qu’un échec): une Allemagne avec l’Europe de l’est (pas du nord dont elle n’a que faire mais est devenue une annexe de facto) et une France avec l’Europe du sud?

      +3

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  • Julian // 09.07.2015 à 16h08

    Du grand Lordon.

    Caustique certes, mais surtout frémissant d’indignation et d’écœurement.

    A la mesure du dégout qu’inspire la pose de ce couple de perruches si illustratif du naufrage intellectuel et éthique de notre temps.

      +11

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  • SPlissken // 09.07.2015 à 16h41

    Comme je l ai dit sur le site de Lordon

    En d autre temps, ces 2 la seraient accusés et jugés pour « Complicité de terrorisme, complicité de crime contre l humanité, collaboration avec l’ennemi »

      +5

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  • Zasttava // 09.07.2015 à 16h52

    http://brunobertez.com/2015/07/08/la-grece-nest-quun-revelateur-un-messager-de-mauvais-augure/

    Je découvre une étonnante proximité d’analyses entre le libéral Bertez et le marxiste Lordon, deux personnes que j’ai toujours plaisir à lire.

      +4

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  • Louise // 09.07.2015 à 17h08
    • Carabistouille // 09.07.2015 à 17h41

      Sauf que c’est pas l’Express, c’est le Point…..

        +1

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      • Alfred // 09.07.2015 à 23h22

        C’est pas pareil?
        D’ailleurs je les confonds avec le nouvel obs: je me plante toujours quand je doit acheter le palmarès des hôpitaux. Paf! je me retrouve avec le spécial sur les francs maçons sur les bras.
        Heureusement que je retrouve mes pubs préférées en égale quantité dans tous ces beaux journaux.

          +7

        Alerter
  • bardamus // 09.07.2015 à 18h08

    Tout le monde aura bien compris que tant qu’il n’y aura pas une unité politique capable de contrer le parti unique oligarche qui nous gouverne depuis maintenant plusieurs decennies (usant de procédés très astucieux comme créer — du moins sortir de l’ombre, grâce au médias, un parti de neutralisation des mécontents – le Front de Neutralisation, s’assurant ainsi la pérénnité) nous sommes condamnés à critiquer seulement (du moins tant qu’il nous sera permis).

    Le moment est donc venu de sonner le rassemblement !

    Peu importe le parti politique (contestataire il va de soi : exit UMP/PS/FN) qui assumera ce rôle.

    Il y a urgence, URGENCE !!!.

      +5

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    • Alfred // 09.07.2015 à 23h30

      Bien d’accord
      Juste pour qu’il n’y ait pas de méprise vous avez oublié /le modem/les verts dans votre liste (plus eurobeats tu meurs)

        +3

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  • Suzanne // 09.07.2015 à 20h07

    Ils ont la rage, nos Grands Intellectuels Familiers, c’est superbe.
    « Les obturés du jusqu’au bout », celle-là, je la garde dans mon herbier.

      +0

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  • Semaphorum // 09.07.2015 à 20h19

    F. Lordon est exaspéré et d’une certaine manière rassure un quidam comme moi, exaspéré au même niveau, mais doutant forcement face à ces aréopages jacassant et sans contradicteur de politiques, experts, journalistes…
    La fin du papier très « cinématographique » m’a rappelé aux dernières images d’un film fort en critique sociétale: « il était une fois l’Amérique »

      +2

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  • Samarkand // 09.07.2015 à 21h17

    Excellente analyse politique.
    Les Grecs avaient remis la politique au premier plan avec ce référendum.
    Ce que nous devrions faire depuis longtemps.
    Mais ce soir, il semblerait que les concessions demandées par la Troïka soient tout d’un coup acceptées par les Grecs….
    A voir effectivement demain.
    Alors à quoi ce référendum aura t il servi, en tout cas, son résultat?

      +1

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  • Alex // 09.07.2015 à 22h36

    Deux parfaites têtes à claques qu’on voudrait bien balancer dans la flotte juste derrière eux !

      +1

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  • Benjamin // 09.07.2015 à 23h07

    Cette photo peut facilement être mise en lien avec le magnifique discours de l’Abbé Pierre :
    https://www.youtube.com/watch?v=uAqlg36aUi0

      +1

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  • Morane Duranton // 10.07.2015 à 07h26

    Haaaa….la belle colère…merci d’avoir les mots justes, et fasse que tous ces sus nommés lisent ce billet…évidemment ils ne se sentiront pas concernés ! et les faire réfléchir sur leur incurie point n’en sera question…Mdrci Mr Lordon de semer les bonnes graines de réflexion…

      +0

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  • Krisko // 10.07.2015 à 09h14

    La notion de « génération politique », implicitement libérale, atlantiste et évidemment « européenne » me paraît effectivement assez pertinente.
    Il me semble qu’Olivier avait utilisé ce terme dans une vidéo il y a quelques temps, en terme de bilan politique de cette génération, dans laquelle on peut (on doit) évidemment inclure les rigolmen médiatiques.
    .
    En une phrase, tout était dit.

    Y a t’il un lien sur cette vidéo…a voir et à revoir ?.

      +0

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  • eltrovar // 10.07.2015 à 11h23

    Pour ceux qui avaient encore des illusions sur le journalisme de gauche en France, ce tweet vient les doucher définitivement.

    Prochain tweet de Renard et Le CHat sur le yacht de Bolloré.?

      +2

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