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10.juillet.202310.7.2023 // Les Crises

Non, aucune urgence ne justifie une augmentation du budget militaire des États-Unis

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Au contraire, il faut les réduire. Commencez par réformer le financement des campagnes électorales et le pantouflage entre le Congrès, le ministère de la Défense et l’industrie de l’armement.

Source : Responsible Statecraft, William Hartung
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le Capitole (Ungvar/Shutterstock) et un F-18 survolant le Pentagone (Everett Collection/Shutterstock)

Pour l’année fiscale 2024, l’administration Biden a demandé 886 milliards de dollars pour la défense nationale, une somme bien plus élevée en termes réels que les pics des guerres de Corée ou du Vietnam, ou au plus fort de la Guerre froide.

Ce chiffre pourrait être encore plus élevé selon les termes de l’accord sur le plafond de la dette conclu par le président Biden et le président de la Chambre des représentants Kevin McCarthy, alors que les faucons du Congrès font pression pour un paquet urgent qui pourrait non seulement fournir l’aide nécessaire pour défendre l’Ukraine, mais aussi des dizaines de milliards de dollars de financement supplémentaire pour le budget ordinaire du Pentagone.

C’est une très mauvaise idée. Il n’y a aucune raison d’augmenter le budget du Pentagone, comme le montre un rapport publié aujourd’hui par l’Institut Quincy.

Les sommes énormes accordées au Pentagone sont utilisées pour soutenir une stratégie de défense nationale défectueuse qui tente d’aller partout et de tout faire, qu’il s’agisse de gagner une guerre avec la Russie ou la Chine, d’intervenir en Iran ou en Corée du Nord, ou de poursuivre une guerre mondiale contre le terrorisme qui comprend des activités militaires dans au moins 85 pays.

S’en tenir à la stratégie actuelle n’est pas seulement un gaspillage économique, mais rendra également l’Amérique et le monde moins sûrs. Elle conduit à des conflits inutiles qui drainent des vies et des trésors, et contribuent à l’instabilité dans les régions où ces conflits sont menés, comme cela s’est produit avec les guerres d’Irak et d’Afghanistan. En outre, le fait de privilégier les engagements militaires à durée indéterminée par rapport à d’autres défis sécuritaires – du changement climatique aux pandémies – risque d’intensifier les conséquences humaines et sécuritaires de ces menaces en réduisant les ressources disponibles pour y faire face.

Les coûts de la surenchère militaire américaine sont aggravés par l’influence indue exercée par l’industrie de l’armement et ses alliés au sein du Congrès, soutenue par plus de 83 millions de dollars de contributions aux campagnes électorales au cours des deux derniers cycles et par l’emploi de plus de 820 lobbyistes, soit plus d’un pour chaque membre du Congrès. L’industrie tire également parti des emplois créés par ses programmes pour amener les législateurs à financer des budgets toujours plus élevés, en dépit du fait que le rôle économique du secteur de l’armement a considérablement diminué au cours des trois dernières décennies, passant de 3,2 millions d’emplois directs à seulement 1,1 million aujourd’hui, soit six dixièmes d’un pour cent d’une main-d’œuvre nationale de plus de 160 millions de personnes. Pendant ce temps, rien que l’année dernière, le Congrès a ajouté 45 milliards de dollars au budget du Pentagone au-delà de ce que le département lui-même avait demandé, dont une grande partie pour des systèmes construits dans les États ou les districts de membres clés, un processus qui place les intérêts particuliers au-dessus de l’intérêt national.

Les États-Unis pourraient mettre en place une défense solide pour beaucoup moins d’argent s’ils poursuivaient une stratégie plus modérée qui adopte une vision plus réaliste des défis militaires posés par la Russie et la Chine, s’appuyaient plus fortement sur les alliés pour assurer la défense de leurs propres régions, passaient à une stratégie nucléaire de dissuasion uniquement et mettaient l’accent sur la diplomatie plutôt que sur les menaces ou l’utilisation de la force pour freiner la prolifération nucléaire. Cette approche permettrait d’économiser au moins 1 300 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, des fonds qui pourraient être investis dans d’autres domaines où les besoins nationaux sont urgents. Mais un changement d’une telle ampleur nécessitera des réformes politiques et budgétaires pour réduire l’immense pouvoir du lobby de l’armement.

Outre l’adoption d’une stratégie de défense plus modérée, un certain nombre de mesures initiales – certaines petites, d’autres majeures – peuvent être prises pour affaiblir l’emprise économique de l’industrie de l’armement sur les dépenses et la politique du Pentagone.

Tout d’abord, il devrait être interdit aux officiers supérieurs et aux hauts fonctionnaires du Pentagone de travailler pour toute entreprise militaire qui reçoit plus d’un milliard de dollars par an du Pentagone. Au minimum, il devrait être interdit aux grandes entreprises d’embaucher des fonctionnaires du ministère de la Défense une fois qu’ils ont quitté le gouvernement, comme le prévoit la loi de la sénatrice Elizabeth Warren sur l’éthique et la lutte contre la corruption au sein du ministère de la Défense.

Deuxièmement, il faut mettre fin à la pratique selon laquelle l’industrie de l’armement finance les campagnes des membres des commissions des services armés et des sous-commissions des crédits de défense de chaque chambre du Congrès. L’idéal serait d’interdire légalement ces contributions, mais si une telle mesure ne passe pas la rampe, la pratique devrait être stigmatisée au point que les membres concernés renoncent volontairement à ces dons.

Troisièmement, il convient de développer des stratégies économiques régionales qui créent des alternatives civiles pour les zones fortement dépendantes de la défense. Compte tenu de la menace urgente que représente le changement climatique, une grande partie de cette activité peut être centrée sur la création de nouveaux centres de développement et de production de technologies vertes.

Le budget du Pentagone va dans la mauvaise direction, au détriment de notre sécurité et de nos perspectives économiques. Nous devrions redoubler d’efforts pour le maîtriser, sous la houlette d’organisations citoyennes et avec l’aide de dirigeants du Congrès qui ne soient pas sous l’emprise du complexe militaro-industriel contre lequel le président Eisenhower a lancé un avertissement il y a 62 ans.

Source : Responsible Statecraft, William Hartung, 08-06-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Ke20 // 10.07.2023 à 08h40

Les usa sont un pays en guerre depuis leur naissance . C’est ds leur essence . Ils veulent incarner la toute puissance.
Rien ne change ! A part les armes de plus en plus sophistiquées

6 réactions et commentaires

  • Ke20 // 10.07.2023 à 08h40

    Les usa sont un pays en guerre depuis leur naissance . C’est ds leur essence . Ils veulent incarner la toute puissance.
    Rien ne change ! A part les armes de plus en plus sophistiquées

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    • E Grenier // 11.07.2023 à 15h46

      Pas exactement depuis leur naissance, mais presque : ils ont été en guerre 230 de leurs 247 années d’existence. Il y a eu quelques courtes périodes de paix, dont la dernière fut les années 2000 et 1997. A noter aussi une période de trois années consécutives de paix après la fin de la guerre du Vietnam (1976-1978). Et la présidence Roosevelt avant la deuxième guerre mondiale, unique : aucune guerre entre 1935 et 1940 !

        +1

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      • Ke20 // 13.07.2023 à 22h48

        Soit la guerre, soit la préparation de la/les future(s) guerre(s) en gros quoi !!

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  • john // 10.07.2023 à 20h09

    Pour ma part j’ai toujours en mémoire les fameux mots employés par Mike Pompéo : We lied, we cheated, we stole.
    Cela résume assez bien l’état d’esprit et l’action du pouvoir américain chez eux et ailleurs.

      +7

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  • Alain // 11.07.2023 à 06h23

    Le lobbyisme de la transition énergétique et celui du big pharma sont tout aussi toxiques que le lobbyisme militaire; alors si c’est l’alternative proposée …..

      +4

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  • DomDan // 16.07.2023 à 19h34

    Pourquoi le budget de la « défense » américaine est aussi important ? Parce que ce n’est pas un budget de défense nationale mais un budget de conquête impériale et de volonté de domination de la planète. Avec 847 bases militaires et des soldats présents dans 159 pays nous ne pouvons plus parler de défense nationale mais bien d’un empire comme il y avait l’empire romain ou autres. Et surtout en ces temps où l’empire vacille sur ces bases et a donc besoin de plus en plus de moyens pour se maintenir.

      +2

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