Les Crises Les Crises
7.mars.20227.3.2022 // Les Crises

Rapport sur l’apartheid en Israël : une avancée pour la défense des droits humains

Merci 153
J'envoie

Les murs qui protègent Israël s’effritent rapidement. Il y a un an, c’était le groupe de défense des droits humains le plus célèbre d’Israël, B’Tselem. Quelques mois plus tard, c’était au tour de Human Rights Watch, basé à New York, dont les dirigeants ont souvent entretenu des relations avec le département d’État américain.

Source : Jonathan Cook
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Aujourd’hui, c’est Amnesty International qui s’exprime – une organisation largement considérée comme l’arbitre le plus autorisé de ce qui constitue des violations des droits humains. Au cours de l’année écoulée, tous sont parvenus à la même conclusion : Israël est un État d’apartheid. Selon le nouveau rapport d’Amnesty publié ce mardi : « Le système israélien de ségrégation et de discrimination institutionnalisées à l’encontre des Palestiniens, en tant que groupe racial, dans toutes les zones sous son contrôle, équivaut à un système d’apartheid. »

Il ne s’agit pas seulement d’une critique de l’occupation israélienne. Les trois groupes soulignent depuis des décennies le mépris flagrant d’Israël pour le droit international et la probabilité qu’il commette des crimes de guerre dans les territoires occupés.

Mais Israël n’était guère concerné, tant que le débat public se limitait à l’occupation. Ses défenseurs ont rapidement appris qu’ils pouvaient toujours dévier vers des questions de sécurité d’Israël, en présentant toute résistance palestinienne comme du terrorisme.

Aujourd’hui, le consensus se déplace sur un terrain entièrement nouveau – un champ de bataille discursif où Israël dispose d’armes moins efficaces pour se défendre. Les plus grands observateurs des droits humains s’accordent à dire que tout ce qui concerne la domination d’Israël sur les Palestiniens est lié, de l’oppression militaire des personnes sous occupation au système juridique civil israélien qui confère systématiquement des droits inférieurs à la grande minorité de « citoyens » palestiniens nominaux du pays.

En d’autres termes, les structures d’apartheid d’Israël ne peuvent être dissociées, en séparant les territoires occupés « d’Israël proprement dit ». Tout cela fait partie du même et unique système de domination d’un groupe ethnique-national, les Juifs, conçu pour opprimer et marginaliser un autre groupe ethnique-national, les Palestiniens.

Sur le tard, les champions des droits humains ont parfaitement compris que les divisions entre Israël et les territoires occupés sont simplement cosmétiques. Elles ont servi un objectif de relations publiques, en cachant la véritable intention d’Israël : déposséder les Palestiniens partout où ils se trouvent sous la domination israélienne.

« Pas parfait »

Il est essentiel de noter que tous les principaux groupes de défense des droits humains ont désormais abandonné la distinction artificielle sur laquelle insistait Israël. Israël partait du principe que ses 1,8 million de « citoyens » palestiniens – un cinquième de la population à l’intérieur d’Israël – étaient victimes d’une discrimination informelle et inconsciente, semblable à celle dont souffrent les minorités dans les démocraties occidentales, comme les États-Unis et le Royaume-Uni.

Le message se voulait rassurant : le traitement réservé par Israël à ses citoyens palestiniens n’était pas parfait, mais il n’était pas pire que celui des autres États démocratiques libéraux. Cela lui permettait de rationaliser son traitement brutal et répressif des Palestiniens sous occupation. L’occupation militaire était censée être une anomalie, imposée à Israël par la nécessité de protéger ses citoyens et ses structures démocratiques de la violence et du terrorisme palestiniens, constants et non provoqués.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Yair Lapid, a répété exactement cette ligne dans une attaque préventive contre Amnesty. Peu avant la publication du rapport, il a déclaré : « Israël n’est pas parfait, mais nous sommes une démocratie engagée dans le droit international, ouverte à la critique, avec une presse libre et un système judiciaire fort et indépendant. » Pour faire bonne mesure, il a accusé Amnesty de se faire l’écho des « mêmes mensonges que les organisations terroristes. »

En Grande-Bretagne, le Board of Deputies of British Jews a adopté une approche similaire : « Israël est une démocratie dynamique et un État pour tous ses citoyens, comme l’illustrent son gouvernement diversifié et sa société civile robuste. »

Sauf que tous les principaux politiciens israéliens rejettent avec véhémence l’idée qu’Israël puisse un jour être un « État de tous ses citoyens ». C’est l’opinion exprimée par l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu. Et il y a quatre ans, un conseil de législateurs a même pris la mesure rare d’interdire qu’un projet de loi soit débattu au parlement israélien parce qu’il promouvait Israël comme un « État de tous ses citoyens. »

En fait, cette phrase est le slogan des dirigeants palestiniens en Israël qui ont mobilisé leurs partisans dans une campagne pour un changement radical afin de mettre fin au statut actuel d’Israël en tant qu’État juif raciste. Les campagnes de diversion bien rodées d’Israël et de ses défenseurs semblent de plus en plus usées.

Amnesty a maintenant rejoint B’Tselem et Human Rights Watch en rejetant ce récit comme un écran de fumée. Tous ont reconnu que la minorité palestinienne d’Israël est confrontée à une discrimination systématique, structurelle et malveillante – et ont assimilé cette discrimination à l’oppression des populations noires et « de couleur » dans l’Afrique du Sud de l’apartheid.

En bref, le racisme d’Israël n’est pas un ajout ou un phénomène temporaire. Il est ancré dans l’idée même d’un État juif.

Une trajectoire de collision

L’implication de tous ces rapports sur l’apartheid est qu’Israël, tel qu’il est actuellement constitué, ne peut être réformé. Comme dans le cas de l’Afrique du Sud de l’apartheid, il doit y avoir un réalignement fondamental du pouvoir dans la région. Le changement doit être profond et global. Et comme ce fut le cas avec l’Afrique du Sud, il ne se produira pas sans une forte pression internationale.

C’est pourquoi Amnesty a appelé le Conseil de sécurité des Nations unies à « imposer des sanctions ciblées, telles que le gel des avoirs, contre les responsables israéliens les plus impliqués dans le crime d’apartheid, ainsi qu’un embargo complet sur les armes à destination d’Israël. »

La Cour pénale internationale, qui examine les violations du droit international commises par Israël, attend potentiellement dans les coulisses. Amnesty a demandé à la Cour des crimes de guerre d’étendre ses délibérations afin de déterminer si Israël est également coupable d’apartheid.

Ce moment risque d’être décisif pour Israël. Son discours et celui de la communauté des droits humains sont sur une trajectoire de collision.

Une fois que la justification de la sécurité d’Israël pour opprimer les Palestiniens est rejetée, comme l’ont fait Amnesty et d’autres en classant Israël comme un État d’apartheid même à l’intérieur de ses frontières reconnues, il ne reste plus qu’une seule position défensive : traiter les critiques d’antisémitisme.

C’est, bien sûr, exactement ce qu’Israël et ses partisans ont fait. Le ministère des Affaires étrangères, Yaïr Lapid a publié un communiqué de presse qualifiant le rapport de « faux, partial et antisémite ». Les groupes de pression pro-israéliens ont diversement décrit Amnesty comme « vilipendant » et « diabolisant » Israël. Le Board of Deputies du Royaume-Uni a accusé Amnesty de « mauvaise foi. »

Un racisme structurel

B’Tselem, Human Rights Watch et Amnesty savaient tous qu’ils seraient eux-mêmes confrontés à une campagne concertée de diffamation s’ils osaient présenter Israël sous un jour plus véridique – ce qui explique sans doute pourquoi ils ont attendu si longtemps.

Après tout, Israël n’est pas devenu un État d’apartheid il y a un an. Il l’est depuis 1948, date à laquelle il a été explicitement fondé en tant qu’État juif, sur la base de l’expulsion massive des Palestiniens de leur patrie. Jusqu’à récemment, identifier le caractère d’apartheid d’Israël était un sujet tout simplement trop explosif pour la communauté des droits humains.

Pendant des années, le groupe juridique Adalah, qui défend la minorité palestinienne, a tenu à jour une base de données en ligne des lois israéliennes qui établissent explicitement une discrimination selon qu’un citoyen est juif ou palestinien. Elle compte aujourd’hui plus de 65 lois.

Source : Jonathan Cook, 02-02-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

Commentaire recommandé

RGT // 07.03.2022 à 10h56

Vous croyez sincèrement que la CPI se penchera sur le cas israélien ou sur le cas de (très) nombreux membres de la « communauté internationale » ?

Tout comme ce pays (et de nombreux autres aussi) appliqueront les résolution de l’ONU en sachant pertinemment qu’ils n’encourent AUCUNE sanction en ne les appliquant pas ?

La seule chose qui puisse faire reculer les « élites » qui ont volé le pouvoir à la population et qui manipulent leur propre population est la peur de se voir balancer au bout d’une corde, ce qui est désormais devenu un risque inexistant.

Tant que les dirigeants brutaux de TOUS les états de cette planète auront le DROIT de massacrer leur propre population et celles de leurs voisins (plus ou moins éloignés) en étant protégés par les « constitutions » (qu’ils ont eux-mêmes votées) absolument RIEN ne changera.

Leur seule crainte est qu’une violence encore plus féroce que la leur ne s’abatte contre eux.

S’ils font partie d’un camp puissant et que leurs suzerains sont prêts à les défendre contre toute risque provenant de l’intérieur ou de l’extérieur ils pourront ad vitam æternam continuer leurs pratiques en toute quiétude.

Par contre ils noieront leurs « ennemis » sous une propagande guerrière (qui font exactement la même chose) et iront traquer les « complotistes » qui dénoncent ces pratiques jusque dans les chiottes.

Les systèmes politiques et les « valeurs » des pays ne sont en fait que des illusions uniquement destinées à continuer pour les « élites » à s’accaparer le pouvoir pour leur usage exclusif.

« Il est interdit de cracher par terre et de parler breton »…

9 réactions et commentaires

  • Fabrice // 07.03.2022 à 08h42

    Je me suis souvent posé la question de la similarité des relations entretenu entre l’état d’Israël et les palestiniens et celui des Usa avec les amérindiens toute proportion gardée et justement le fait que les USA restent insensible au sort palestinien car il leur renvoi le même sort des amérindiens ce qui reviendrait à condamner leur propre comportement.

    https://www.nationalgeographic.fr/histoire/2020/11/red-power-le-combat-des-amerindiens-contre-loppression-aux-etats-unis

      +8

    Alerter
    • Fernande Lombard // 14.03.2022 à 14h39

      Toutes proportions gardées, bien sur. Les trois études menées par des universités américaines dévoilent 14 millions d’indiens massacrés sur la région Ouest, 18 millions sur la région Est. La troisième étude sur ce génocide n’a pas été menée à terme… Et pour cause !…

        +1

      Alerter
  • Auguste Vannier // 07.03.2022 à 10h36

    Ça crève les yeux depuis longtemps! Et c’est largement documenté.
    Il était temps que des voix « audibles » se fassent entendre. Maintenant il faut en faire quelque chose, et là ça va devenir difficile. La puissance d’influence de ce petit pays est considérable et sa structure politique n’est pas du tout engagée dans la perspective de changer le sort des Palestiniens…Y-a-t-il un Mandela en Israël ?

      +5

    Alerter
  • RGT // 07.03.2022 à 10h56

    Vous croyez sincèrement que la CPI se penchera sur le cas israélien ou sur le cas de (très) nombreux membres de la « communauté internationale » ?

    Tout comme ce pays (et de nombreux autres aussi) appliqueront les résolution de l’ONU en sachant pertinemment qu’ils n’encourent AUCUNE sanction en ne les appliquant pas ?

    La seule chose qui puisse faire reculer les « élites » qui ont volé le pouvoir à la population et qui manipulent leur propre population est la peur de se voir balancer au bout d’une corde, ce qui est désormais devenu un risque inexistant.

    Tant que les dirigeants brutaux de TOUS les états de cette planète auront le DROIT de massacrer leur propre population et celles de leurs voisins (plus ou moins éloignés) en étant protégés par les « constitutions » (qu’ils ont eux-mêmes votées) absolument RIEN ne changera.

    Leur seule crainte est qu’une violence encore plus féroce que la leur ne s’abatte contre eux.

    S’ils font partie d’un camp puissant et que leurs suzerains sont prêts à les défendre contre toute risque provenant de l’intérieur ou de l’extérieur ils pourront ad vitam æternam continuer leurs pratiques en toute quiétude.

    Par contre ils noieront leurs « ennemis » sous une propagande guerrière (qui font exactement la même chose) et iront traquer les « complotistes » qui dénoncent ces pratiques jusque dans les chiottes.

    Les systèmes politiques et les « valeurs » des pays ne sont en fait que des illusions uniquement destinées à continuer pour les « élites » à s’accaparer le pouvoir pour leur usage exclusif.

    « Il est interdit de cracher par terre et de parler breton »…

      +12

    Alerter
  • Savonarole // 07.03.2022 à 13h32

    Pour infos, Israël n’a pas ratifié le statut de Rome. La CPI va donc se prononcer ‘par principe’ vu qu’elle n’a de toutes façons pas de pouvoirs contraignants.
    La CPI c’est de la vertu à pas cher, pendant que sur place, ça continue la politique des petits pas et que le monde joue aux trois petits singes en attendant qu’il n’y ait plus rien à voir, entendre et condamner…
    Le deux poids deux mesures est encore plus visible aujourd’hui vu que toutes les mesures de rétorsion économique sont aujourd’hui prises sur un autre « dossier » malgré le suicide économique qu’elles représentent alors qu’Israël continue de vendre des armes à des dictatures en guerres contre leurs voisins (nous aussi on en vends d’ailleurs).

      +7

    Alerter
  • Fernet Branca // 07.03.2022 à 16h07

    L’avancée peut continuer à suivre son petit bonhomme de chemin à la vitesse de l’escargot , pendant ce temps les frappes israéliennes peuvent toucher d’autres habitants de la région que les Palestiniens.
    Sur RFI dépêche d’agence de ce lundi 7 mars

    Syrie: deux civils ont été tués lors de frappes israéliennes près de Damas (agence)
    Publié le 07/03/2022 – 10:05
    Au moins deux civils ont péri dans des frappes israéliennes, lundi 7 mars, près de la capitale syrienne Damas, a rapporté l’agence de presse officielle SANA. Les «systèmes de défense ont intercepté la plupart des missiles» mais «deux civils ont été tués et des dégâts matériels infligés» lors de ces frappes menées avant l’aube contre des positions au sud de Damas, a rapporté sans plus de détails l’agence syrienne, citant une source militaire. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les frappes ont visé «un dépôt d’armes et de munitions exploité par des milices soutenues par l’Iran près de l’aéroport international de Damas», relate l’AFP.

      +3

    Alerter
  • Daniel // 07.03.2022 à 21h06

    Suite à une conférence sur le sujet de la CPI et de la Palestine, Il faut noter que l’intérêt de cette procédure est que la Palestine est reconnue comme un Etat. on voit enfin le bout du tunnel : « la Chambre a par ailleurs estimé, à l’unanimité, que la Palestine était un État partie au Statut de Rome. » https://news.un.org/fr/story/2021/03/1090822
    Donc, maintenant, ne reste plus qu’a envisager une solution à 2 Etats ou tout autre solution ayant comme base : la Paix par le développement

      +1

    Alerter
  • Fernet Branca // 07.03.2022 à 22h45

    Avec les derniers événements l’attitude des USA peut changer. Il viennent de se rapprocher avec la République. Bolivarienne ( le Venezuela )

    Sur le journal la Tribune

    Pour remplacer le pétrole russe, les Etats-Unis se tournent vers… le Venezuela
    Les pressions pour bannir les importations de pétrole et de gaz russes augmentent dans le camp occidental. Washington veut négocier avec le Venezuela, à qui il a imposé des sanctions sur ses exportations pétrolières depuis 2019, pour augmenter sa production en attendant qu’un accord sur le nucléaire iranien permette de lever les restrictions sur le pétrole iranien.

    C’est le New York Times qui l’a révélé dimanche, une délégation d’officiels de haut rang de l’administration Biden s’est rendue à Caracas (Venezuela) pour négocier la levée des sanctions économiques imposées à la république bolivarienne, notamment les restrictions imposées par l’administration Trump en 2019 sur les exportations pétrolières.

    https://www.latribune.fr/economie/international/pour-remplacer-le-petrole-russe-les-etats-unis-se-tournent-vers-le-venezuela-905600.html

      +1

    Alerter
  • Christian Gedeon // 09.03.2022 à 10h46

    Étonnant article. Israël est un pays épouvantable? Ok, soit. Il va falloir trouver des adjectifs adaptés pour qualifier ses voisins. Ça ne va pas être facile. Un israélien m’a dit un jour en paraphrasant: quand je nous regarde je doute beaucoup, quand je nous compare ça va mieux. Quelqu’un peut il sérieusement lui donner tout à fait tort? Grande question n’est ce pas ?

      +0

    Alerter
  • Afficher tous les commentaires

Les commentaires sont fermés.

Et recevez nos publications