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5.mai.20235.5.2023 // Les Crises

Révélations : Amazon a dépensé plus de 14 millions de dollars rien qu’en 2022 pour casser un mouvement syndical

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Même dans le secteur en plein essor du ‘consulting’ antisyndical, il s’agit d’un montant inhabituellement élevé.

Source : Truthout, Sharon Zhang
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Des membres du syndicat Amazon Labor Union et d’autres manifestent à l’extérieur du New York Times DealBook Summit, le 30 novembre 2022, à New York. Spencer Platt / Getty Images

Alors que le mouvement syndical révolutionnaire d’Amazon Labor Union prenait de l’ampleur – et, d’une certaine manière, s’essoufflait – en 2022, Amazon était occupé à débourser des millions de dollars pour des consultants antisyndicaux afin de s’assurer que le mouvement syndical échouerait, comme le montrent de nouveaux documents.

Comme l’a d’abord rapporté le HuffPost, de nouvelles déclarations financières déposées vendredi auprès du ministère du Travail montrent qu’Amazon a dépensé 14,2 millions de dollars pour des consultants antisyndicaux. Ces consultants sont engagés par des entreprises qui cherchent à briser les efforts des syndicats, en les conseillant sur les moyens de contourner ou de violer les lois fédérales afin d’écraser l’organisation syndicale.

Il n’est pas rare que les entreprises antisyndicales dépensent des sommes considérables pour engager de tels consultants, qui les aident à mettre en œuvre des mesures antisyndicales classiques, telles que l’organisation de réunions antisyndicales obligatoires, ce qu’Amazon a fait en masse. Les experts du travail ont estimé que l’élimination des syndicats est tellement répandue qu’elle a créé une industrie antisyndicale qui rapporte 430 millions de dollars par an.

Même dans ce contexte, les dépenses d’Amazon sont étonnamment élevées.

« Je n’ai jamais vu une autre entreprise divulguer des dépenses aussi élevées en une seule année », a déclaré sur Twitter Dave Jamieson, du HuffPost, qui a découvert les documents. Il ajoute qu’il est rare qu’une entreprise dépense plus d’un million de dollars en conseils antisyndicaux au cours d’une année, et encore moins qu’elle en dépense 14 fois plus. Selon le HuffPost, les documents montrent qu’Amazon paie environ 3 000 dollars par jour et par consultant. Amazon a également dépensé 4,3 millions de dollars pour des consultants antisyndicaux en 2021.

La divulgation de ces informations montre que l’entreprise a pris des mesures extrêmes pour empêcher la syndicalisation dans ses rangs, en particulier parmi ses cols bleus.

L’entreprise a expliqué dans sa déclaration que les consultants avaient été engagés pour « nous aider à exprimer l’opinion de l’entreprise sur la représentation syndicale » et « éduquer les employés sur les questions (…) et leurs droits en vertu de la loi ». Un porte-parole d’Amazon a expliqué au HuffPost que l’entreprise travaillait avec des sociétés antisyndicales pour « s’assurer que nos employés soient pleinement informés de leurs droits. »

En réalité, l’entreprise a violé le droit du travail à plusieurs reprises au cours des dernières années, comme l’ont affirmé des représentants des travailleurs. L’entreprise et ses consultants ont fourni aux employés des informations trompeuses sur les syndicats lors de réunions avec un auditoire captif, comme l’ont déclaré des travailleurs.

L’augmentation des dépenses antisyndicales d’Amazon l’année dernière est intervenue au moment où le syndicat prenait une ampleur sans précédent au sein de l’entreprise.

Au terme d’une année au cours de laquelle les travailleurs de Bessemer, en Alabama, ont vu leurs efforts historiques anéantis en raison de ce que les responsables syndicaux ont qualifié de démantèlement illégal de syndicats, l’entreprise a dû faire face à de nouvelles tentatives de création de syndicats dans deux entrepôts de New York sous l’égide d’un mouvement syndical indépendant connu sous le nom d’Amazon Labor Union (ALU) au début de l’année 2022. Les travailleurs ont dû faire face à une bataille extrêmement difficile, car l’entreprise s’est battue avec acharnement pour écraser ces deux initiatives.

En avril, l’impensable s’est produit : les travailleurs d’Amazon ont voté en faveur de la création du tout premier syndicat de l’entreprise dans un entrepôt d’environ 8 300 travailleurs situé à Staten Island, dans l’État de New York. L’élection a servi de paratonnerre au syndicat, puisque des travailleurs de plus de 100 sites ont contacté l’ULA pour faire part de leur volonté de rejoindre le mouvement. Plus tard au cours de l’été, les travailleurs d’Albany, dans l’État de New York, ont également déposé une demande de syndicalisation.

Mais la victoire éclatante du syndicat s’est également soldée par une défaite cuisante. En mars, les travailleurs de Bessemer ont perdu leur vote en faveur de l’adhésion au Retail, Wholesale and Department Store Union (RWDSU) lors d’une nouvelle élection ordonnée par les responsables (dont les résultats ont été contestés par le syndicat). Le deuxième entrepôt de Staten Island à se syndiquer a perdu ses élections et le syndicat a été écrasé par une marge de deux contre un à Albany à l’automne. Après la défaite d’Albany, un établissement de Californie a retiré sa demande de syndicalisation d’un autre entrepôt à Moreno Valley.

Peut-être en raison des actions antisyndicales d’Amazon, ces défaites ont apparemment provoqué des tensions au sein du syndicat. Comme l’a récemment rapporté Noam Scheiber pour le New York Times, ces pertes ont amené les travailleurs à remettre en question la direction du syndicat, l’entreprise ayant apparemment continué à marteler son message antisyndical.

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Sharon Zhang

Sharon Zhang est rédactrice à Truthout et couvre la politique, le climat et le travail. Avant de rejoindre Truthout, Sharon a écrit des articles pour Pacific Standard, The New Republic, etc. Elle est titulaire d’un master en études environnementales. On peut la trouver sur Twitter : @zhang_sharon.

Source : Truthout, Sharon Zhang, 03-04-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

nulnestpropheteensonpays // 05.05.2023 à 08h09

L’amérique nous avait parlé de la liberté , elle nous avait pas dit que c’était simplement celle des milliardaires , des riches contre celle de tout les autres .Et en plus aujourd’hui , ils promeuvent l’ i-lébéralisme et l’esclavage pour maintenir leurs privilèges .Alors il vaut mieux quoi ? Un pays corrompu mais avec encore un état ? Ou un pays corrompu sans état ? Je dirais que l’état est le dernier bien des pauvres quand il ne leurs reste plus rien .

15 réactions et commentaires

  • nulnestpropheteensonpays // 05.05.2023 à 08h09

    L’amérique nous avait parlé de la liberté , elle nous avait pas dit que c’était simplement celle des milliardaires , des riches contre celle de tout les autres .Et en plus aujourd’hui , ils promeuvent l’ i-lébéralisme et l’esclavage pour maintenir leurs privilèges .Alors il vaut mieux quoi ? Un pays corrompu mais avec encore un état ? Ou un pays corrompu sans état ? Je dirais que l’état est le dernier bien des pauvres quand il ne leurs reste plus rien .

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    • Yom // 09.05.2023 à 09h38

      Voilà bien une vision angélique de l’Etat.

      N’avez vous jamais envisagé que l’Etat, plutôt qu’un hypothétique rempart, soit aux contraire une courroie de transmission du pouvoir des milliardaires ? Qui garanti leurs « droits » à la propriété, même dans les conditions les plus iniques d’inégalité ? Qui fera cesser les occupations « illégales », d’usines, de logements vacants ? Qui fait la loi de façon si accommodante pour les ultra-riches ?

      L’Etat, même quand il est contrôlé par « la gauche », ne fait de concession au peuple que quand le rapport de force ne lui permet plus de faire autrement : voir comment la rue à du mettre la pression au front populaire pour que soient accordées les avancées sociales que l’on sait. Mais cela n’est jamais définitivement acquis : voir la période que nous vivons actuellement.

      Plutôt qu’attendre un hypothétique salut social venant de l’Etat, il serait temps de songer à d’autres formes d’auto-organisation du peuple pour défendre ses intérêts. Le syndicalisme s’inscrit dans cette démarche et c’est pourquoi il est si violemment combattu par Amazon, comme rapporté dans l’article que nous commentons. Amazon n’a, en revanche, rien à craindre de l’Etat, car il fait partie de ceux qui le font et le défont.

      L’Etat, c’est avant tout l’outil dont se sert la bourgeoisie pour endormir le prolétariat, lui faisant croire que c’est cette institution qui sera (un jour peut être) chargée de garantir ses intérêts. Le cauchemar des ultra-riches, c’est que les endormis se réveillent pour se charger eux-même de cette question.

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    • utopiste observateur // 09.05.2023 à 17h23

      Il y a le gouvernement actuellement aux ordres des puissants, l’administration aux ordres du gouvernement, la loi généralement faite pour les riches, des élus plus ou moins locaux qui se prennent souvent pour des Élus, mais l’état … connais pas.
      Après, pour paraphraser un type dont on ne met généralement que le côté « chic » en lumière : « L’État, c’est nous ». Alors si vous attendez, comme tant d’autres, qu’il fasse quelque chose pour vous mais que, Vous, vous ne faites rien. Alors vous attendrez encore longtemps. La réforme des retraites en est un bon exemple. Les syndicats devraient avoir utilisé tous les moyens pour appeler tous les français au secours depuis au moins la seconde manifestation, mais c’est sans doute remettre en question leur dignité et leur importance. Peut-être aussi leurs directions étaient plus intéresser par leurs propres luttes de successions.

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  • John V. Doe // 05.05.2023 à 08h18

    Les travailleurs d’Amazon aux USA ont désormais 14,1 millions de raisons supplémentaires de se syndiquer. Si cette entreprise est prête à dépenser autant, c’est que la syndicalisation y promet d’être efficace et nécessaire.

    Notons aussi les séances d’endoctrinement obligatoires créés par des gens qui clament haut et fort la nécessité de liberté mais, visiblement, uniquement celle du renard libre dans le poulailler libre. Pas celle de l’association des poules pour s’opposer aux renards et encore moins celle de l’information libre et non-influencée.

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  • Lt Briggs // 05.05.2023 à 08h59

    C’est un pays où toute entrave à la maximisation des profits est vue comme un pas vers le totalitarisme stalinien. Les multinationales comme Amazon ou McDonald’s confirment cette règle. Il ne faut pas s’étonner de lire des articles comme celui-ci :
    https://www.bfmtv.com/international/amerique-nord/etats-unis/etats-unis-des-entreprises-ont-fait-travailler-illegalement-305-enfants-dans-des-restaurants-mc-donald-s_AN-202305030976.html

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    • Castor // 05.05.2023 à 18h35

      Cependant ils utilisent des méthodes du totalitarisme stalinien : sous ce dernier les ouvriers devaient écouter des émissions radiophoniques de propagande pendant les heures de travail puis les discuter. Quelle différence avec la participation obligatoire aux réunions anti-syndicales ?
      Les bonnes âmes nous expliqueront que les cols bleus ne sont pas obligés de croire ce qui s’y dit. Comme leurs frères d’Union Soviétique.

      Avec les Etats-Unis, le stalinisme en marche !

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      • Lt Briggs // 05.05.2023 à 18h58

        Je vois une différence, moi ! Je n’ai jamais entendu dire qu’un employé qui refuse d’assister à une réunion anti-syndicale aux Etats-Unis ait été fusillé pour sabotage et sa famille envoyée au goulag. Mais oui, la façon dont sont traités les travailleurs peu qualifiés est une honte, surtout dans un pays aussi riche.

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        • Castor // 06.05.2023 à 09h49

          La parenté entre le contenu de l’article et l’essence du totalitarisme (y compris stalinien) est profonde.

          L’auteur montre l’efficacité de la méthode : contestations internes, perte de confiance dans l’auto-organisation, et finalement éclatement des syndicats, et ce en très peu de temps.
          Or il faut constater que cette adhésion aux mots d’ordre de l’encadrement n’est pas forcée mais provoquée, que ce soit en régime de dictature « douce » (la nôtre) ou « dure » (Staline). On peut tout à fait dire dans ces conditions que le libre arbitre des individus est préservé. Seulement nous avons des failles et ce sont elles que les psychologues, qu’ils soient embauchés par Amazon ou qu’ils soient au service de l’état, exploitent.

          Pourquoi dans ces conditions certains états utilisent-ils la terreur pour renforcer un résultat qui, en soit, est satisfaisant du point de vue des détenteurs de pouvoir ?

          Dans les régimes libéraux ou néo-libéraux, cette violence n’est pas nécessaire car les cadres sont soudés par leur intérêt personnel, qui sert de ciment collectif (théorie d’Adam Smith).
          Par contre, lorsque l’ordre social n’est pas régi uniquement par l’intérêt personnel (société étatisée, sociétés tribales, etc), l’opposition a toujours moyen de désagréger les piliers du pouvoir (dont la police) en suscitant cet intérêt personnel, y compris au nom de motifs nobles comme la justice (voyez les moyens employés pour les révolutions « de couleur »).
          A mon sens, c’est pour éviter cela que l’opposition fut impitoyablement traquée et exterminée en URSS, mais aussi sous le régime Nazi. Mais en régime libéral comme dictatorial il n’y a pas de vraie liberté collective.

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          • Lt Briggs // 06.05.2023 à 14h19

            « lorsque l’ordre social n’est pas régi uniquement par l’intérêt personnel (société étatisée, sociétés tribales, etc)… »
            Je ne suis pas convaincu. En URSS, les cadres trouvent leur intérêt personnel dans le régime. D’ailleurs Staline ne s’y est pas trompé en augmentant le train de vie des cadres du parti, créant une nomenklatura toute dévouée au « petit père des peuples ». Sous le régime nazi, l’aryanisation a libéré un grand nombre de postes aux non-Juifs ainsi qu’un « transfert » de biens tout sauf négligeable, d’abord en Allemagne, puis étendu à toute l’Europe occupée.

            « Pourquoi dans ces conditions certains états utilisent-ils la terreur pour renforcer un résultat qui, en soit, est satisfaisant du point de vue des détenteurs de pouvoir ? »
            Excellente question. La réponse me semble être une intolérance viscérale dans les régimes totalitaires. Le régime classe certains segments de la population comme ennemis irréductibles : aristocrates, paysans riches (koulaks), agents de l’étranger dans le cas de l’URSS, et Juifs, communistes, et asociaux ou infirmes pour le nazisme. Pour ces catégories, leur soumission n’est pas l’objectif du régime mais plutôt leur destruction. D’où la violence qui ne peut aller qu’en augmentant. Dans un régime libéral, quelqu’un qui n’adhère pas au système en place se condamne à perdre son emploi, à s’appauvrir, à être stigmatisé, mais ne sera pas collé contre un mur pour être fusillé.

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          • utopiste rationnel // 09.05.2023 à 17h31

            La terreur est distillée chez nous quotidiennement dans tous les « bons » médias. Et ces même médias nous apprennent comment éviter les nombreux crimes et catastrophes : il suffit de sortir son chéquier et d’obéir aux puissants. Et le tout est appeler Information (avec majuscule).

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        • Castor // 06.05.2023 à 11h20

          En effet, on ne sait pas à quoi sont exposés ceux qui refusent d’assister à ces réunions.
          Peut-être ont-ils le droit de crever de faim et de maladie, eux et leur famille. Et gare à eux s’ils se mettent à voler : le système carcéral états-unien est le plus étendu au monde.

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  • Tokvil // 05.05.2023 à 09h04

    La liberté aux Usa c’est une statue sur une île. Le symbole est révélateur. Tout est dit. Le reste c’est du « free », qui signifie libre et gratuit comme les terres des indiens. Donc on est libre de se servir. Après on comprend mieux l’histoire de ce pays.

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    • Lt Briggs // 05.05.2023 à 13h57

      « La liberté aux Usa c’est une statue sur une île »
      Comme dit Patrick Timsit dans un de ses sketches, la liberté à sa statue aux Etats-Unis car c’est là-bas qu’elle est enterrée !

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  • Didier // 05.05.2023 à 09h32

    «Consultant antisyndical»… il y a vraiment des métiers qui font rêver. D’autant qu’il suffit de traverser la rue (Wall Street?) pour les décrocher, je suppose.

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  • Savonarole // 05.05.2023 à 12h36

    Et dire que si Amazon et semblables avaient investit pour offrir des conditions de travail décentes à leur salariés , ils auraient dépensé moins qu’avec tout ces efforts pour imposer un dogme et sans doute gagné plus de fric au final.
    Y sont finis à la pisse, malheureusement on peut pas demander à leur mère de les refaire …

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