Les Crises Les Crises
2.mars.20232.3.2023 // Les Crises

Les politiques d’austérité sont responsables de la récession à venir au Royaume-Uni

Merci 102
J'envoie

Une grande partie du monde devrait connaître une récession cette année, et la Grande-Bretagne devrait être particulièrement touchée. Nous pouvons remercier les années de stagnation des salaires des travailleurs – aggravée par le retour des conservateurs à de cruelles politiques d’austérité.

Source : Jacobin Mag, Grace Blakeley
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Une flèche peinte sur le mur d’une maison oriente les gens vers une banque alimentaire locale à Leeds, en Angleterre. (Christopher Furlong / Getty Images)

L’année 2023 semble devoir faire entrer la plupart des pays du monde en récession, et le Royaume-Uni devrait être particulièrement touché.

Au niveau mondial, le plus grand risque est une crise massive du coût de la vie, due à la reprise inégale de la pandémie et à une série de problèmes de chaîne d’approvisionnement qui ne sont toujours pas résolus.

Tout d’abord, la guerre en Ukraine, combinée aux profits effrénés des entreprises de combustibles fossiles – et à notre lenteur à passer aux énergies propres – a maintenu les prix des carburants à un niveau élevé. L’Europe est la plus touchée car elle est plus dépendante du gaz naturel russe.

Deuxièmement, les blocages massifs du système mondial de transport maritime, dont j’ai parlé l’année dernière, se sont atténués, mais les prix à l’importation sont toujours affectés. Enfin, les chaînes de valeur mondiales qui relient l’extraction des ressources et la production de biens dans le Sud aux marchés de consommation dans le Nord n’ont toujours pas retrouvé leur niveau d’efficacité pré-pandémique.

Mais ces facteurs affectent principalement le coût des biens, et les pressions inflationnistes se sont déplacées des biens vers les services en 2023. Cela est dû en partie aux prix des carburants, qui affectent tous les secteurs de l’activité économique, mais d’autres facteurs sont également à l’œuvre.

Les responsables politiques se sont empressés de rendre les travailleurs responsables de la hausse des prix, comme ils le font toujours. Aux États-Unis, l’écrivain et historien Tim Barker a récemment eu accès à un communiqué rédigé en 1996 par l’actuelle secrétaire au Trésor Janet Yellen, dans lequel elle décrit le chômage comme un « dispositif de discipline des travailleurs ». Les perspectives n’ont pas beaucoup changé depuis : les décideurs politiques pensent maintenant que l’emploi, et le pouvoir de négociation des travailleurs, sont trop élevés, et que c’est ce qui alimente l’inflation.

L’absurdité de cet argument est très clairement révélée par les données. Avant la pandémie, les travailleurs américains avaient connu une stagnation de la croissance des salaires réels pendant quatre décennies. Et les immenses luttes auxquelles les travailleurs de toute l’économie sont confrontés en essayant de se syndiquer pour résister à l’érosion de leurs salaires mettent à mal l’idée qu’ils ont un pouvoir de négociation trop important.

Alors, que se passe-t-il vraiment ?

Pour comprendre ce qui alimente l’inflation aux États-Unis, il suffit de regarder le prix des œufs. Dans l’ensemble des États-Unis, le prix d’une douzaine d’œufs a plus que doublé dans certains endroits et triplé, voire quadruplé, dans d’autres.

Les producteurs prétendent que cela est dû à la pandémie et à l’épidémie de grippe aviaire de l’année dernière. Mais le problème est en réalité dû à l’appât du gain des entreprises. Comme c’est le cas sur de nombreux autres marchés, les oligopoles s’entendent pour augmenter les prix et utilisent l’inflation généralisée comme excuse.

Dans un marché concurrentiel, on pourrait s’attendre à ce que les nouveaux entrants sapent les pratiques des producteurs en place. Mais aux États-Unis, les marchés ne sont pas concurrentiels – ils sont hautement monopolistiques. Cela donne aux grandes entreprises un pouvoir énorme pour fixer les conditions du marché plutôt que de les suivre.

À l’instar des entreprises de combustibles fossiles et des compagnies maritimes, de nombreux producteurs de biens de consommation s’entendent pour arnaquer les consommateurs en augmentant les prix bien au-delà de la hausse des coûts.

La plupart des marchés britanniques ne sont pas aussi oligopolistiques que ceux des États-Unis, mais nous devons tout de même faire face à la cupidité des entreprises de combustibles fossiles, des grandes entreprises énergétiques, des banques et de bien d’autres encore.

La cupidité des entreprises est donc un des facteurs de la hausse des prix. Mais la crise du coût de la vie ne concerne pas seulement la hausse des prix. Il s’agit de la disparité entre ce que coûtent les choses et ce que gagnent les gens.

Comme cela est désormais bien documenté, les salaires au Royaume-Uni ont stagné pour la plus longue période depuis des siècles dans la décennie qui a suivi la crise financière. Et cette année, nous avons connu certaines des plus fortes baisses mensuelles des salaires réels jamais enregistrées.

La situation tant au Royaume-Uni qu’aux États-Unis illustre le caractère totalement absurde de la volonté des décideurs politiques de favoriser le chômage pour faire baisser l’inflation, sous prétexte d’éviter une récession.

La gravité de la récession probable au Royaume-Uni est due au fait que les gens ne peuvent tout simplement pas se permettre de sortir et de dépenser de l’argent. Dans une économie comme la nôtre, dont le moteur est la consommation de manière disproportionnée, cela a des effets d’entraînement massifs.

Les entreprises gagnent moins, donc elles investissent moins, ce qui réduit les revenus de leurs fournisseurs. Les entreprises doivent licencier et le chômage augmente, ce qui aggrave le problème.

La cerise sur le gâteau est la décision du gouvernement de revenir à l’économie d’austérité ratée de David Cameron et George Osborne. Au moment même où les familles et les entreprises ont besoin de plus de soutien pour survivre, le gouvernement a freiné ses dépenses – l’une des sources les plus importantes de la demande dans l’économie.

Il est très facile pour les décideurs politiques de dépeindre la crise du coût de la vie – et la récession à venir – comme un problème de hausse des prix, et de dire aux travailleurs que leurs demandes d’augmentation salariale en fonction de l’inflation ne feront qu’aggraver le problème. Mais même si l’on ne tient pas compte du fait que la cupidité des entreprises exerce sur les prix de nombreux marchés une pression à la hausse bien plus forte que celle des salaires, les prix ne sont qu’un aspect de l’équation.

L’autre facette est celle des revenus, et au Royaume-Uni, grâce à des décennies de sous-investissement, de stagnation des salaires et de croissance hésitante de la productivité, ceux-ci étaient déjà à bout de souffle avant que l’inflation ne commence à augmenter.

Partout dans le monde, les travailleurs souffrent de la hausse des prix. Mais au Royaume-Uni, ils sont poussés à bout entre la hausse des prix et la stagnation des revenus. Et la seule réponse du gouvernement a été d’introduire des politiques qui vont limiter encore plus la croissance des salaires.

Contributeur

Grace Blakeley est rédactrice à la Tribune et l’auteur de Stolen : How to Save the World from Financialisation [Grugés : comment sauver le monde de la financiarisation, NdT].

Source : Jacobin Mag, Grace Blakeley, 31-01-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

17 réactions et commentaires

  • James Whitney // 02.03.2023 à 07h54

    Pas un mot sur la réponse de ceux qui travaillent. J’ai lu que les infirmières, les cheminots, etc. préparent des actions vigoureuse au Royaume Uni.

      +2

    Alerter
  • Urko // 02.03.2023 à 07h59

    Que je sache, les travaillistes, surtout sous l’égide du New Labour de Brown et Blair, ont alimenté avec zèle cette stagnation des revenus des classes populaires et moyennes en encourageant l’importation en masse d’une main d’oeuvre moins chère d’une part et l’exportation des outils de production vers des zones à bas coût d’autre part. Officiellement, il s’agissait bien sûr d' »ouverture sur le monde » et autres fariboles vouées à donner bonne conscience à la haute bourgeoisie trouvant là le moyen cynique de réduire le coût d’emploi de ceux travaillant pour elle sans risquer que ces derniers ne protestent, sous peine de recevoir l’infâme accusation de xénophobie. Du reste, on leur a offert des taux bas pour qu’ils puissent compenser la perte de revenus par le recours à l’endettement : de quoi se plaignaient ils, vraiment ? Et oui, la Mondialisation qu’ont soutenue les travaillistes autant sinon plus que les conservateurs, c’est ça : la mise en concurrence à l’échelle mondiale de la main d’oeuvre pour abaisser les coûts. Évidemment, maintenant que la paupérisation sous jacente qu’elle a induite a abouti à creuser les déficits sociaux et à gonfler les dettes publiques et privées partout en Occident, le système ne tient plus dès lors que les prix des approvisionnements gonflent sous l’effet de l’accroissement de la demande et des salaires en Asie. Incriminer un camp politique plutôt qu’un autre apparaît dans ce contexte bien puéril et minable. L’auteur croit il un seul instant que le Royaume-Uni dispose des moyens d’une politique de relance ? Bien sûr que non.

      +5

    Alerter
  • alain maronani // 02.03.2023 à 13h59

    Mentionnons que la GB est lays en EU qui va souffrir le plus en 2023 et que les promesses du Brexit mais qui se souvient ENCORE des promesses de Bojo et compagnie…les 350 milliards d’euros (annuels) volés par Bruxelles et qui allaient servir au systeme national de santé, les marchés mirifiques qui attendaient le pays de sa Gracieuse Majesté..résultat RIEN.

    Les polonais, les bulgares, les ukrainiens, etc qui torchaient les personnes âgées sont rentrés chez eux et les sujets de sa Gracieuse Majesté ne se précipitent pas…comme pour le ramassage des poubelles, etc.

    Ceux et celles qui se trémoussaient de joie après le résultat du Brexit sont silencieux, les exportations de la GB vers l’EU sont en chute de plus de 20 %, etc, la livre est en baisse, le secteur financier a vu plus de 20 % des entreprises déménager a Francfort, le rétablissement des frontières a permis le retour de la paperasse dans tous les domaines.

    Pour le reste depuis Maggie la GB est dirigée par des gouvernements conservateurs obscurantistes si l’on oublie le passage de Tony Blair un socialiste mais pas trop.

    Les sondages en GB donnent les travaillistes largement en tête, un parti pour lequel les centristes éternels français style Bayrou seraient de dangereux gauchistes…

    Bojo s’il ne se présente pas à l’élection présidentielle aux USA (il est né aux USA…donc il peut..une rumeur) semble bien placé pour succéder a Stoltenberg pour diriger l’OTAN.

      +3

    Alerter
  • leprolo // 05.03.2023 à 01h30

    Notre situation , en FRANCE , n’est guère plus enviable que la crise de l’Angleterre !……
    79 % de l’électorat Français n’ont pas voté pour la macronie ……De l’ordre de 21% de l’électorat a voté pour porter Macron aux pouvoirs …….Dont beaucoup de voix , de l’électorat de la France d’en bas = Qui ont ainsi voté pour les mauvais traitements et pour les celles et ceux qui réduisent leur niveaux de vie …..Qui leurs sont infligés AINSI AUSSI = Contre les intérêts de toute la France d’en bas !!! = fumiers de lapins !

      +1

    Alerter
  • Afficher tous les commentaires

Les commentaires sont fermés.

Et recevez nos publications