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27.juillet.202027.7.2020 // Les Crises

Quand la Méritocratie justifie et aggrave les inégalités

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Source : Consortium News
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Un système qui repose apparemment sur les capacités de chacun est devenu le nouveau moyen d’exclusion, écrit Jomo Kwame Sundaram.

Combien de fois avez-vous entendu quelqu’un déplorer ou même condamner les inégalités dans la société, et finir en appelant à la méritocratie ? Nous aimons à penser que si seuls les méritants, les intelligents, ceux que nous jugeons compétents ou capables, voulant d’ailleurs souvent dire ainsi ceux qui nous ressemblent le plus, étaient aux commandes, les choses iraient mieux, ou tout simplement bien.

Depuis les années 1960, de nombreuses institutions, dans le monde entier, ont adopté la notion de méritocratie. Les idéologies néolibérales de l’après-guerre froide permettant une concentration croissante des richesses, les riches, les privilégiés et ceux qui en font l’apologie invoquent des variantes de la « méritocratie » pour légitimer les inégalités économiques.

Les entreprises et autres institutions sociales, qui étaient autrefois dirigées par des élites héréditaires, recrutent et promeuvent de plus en plus les gens sur la base de qualifications, d’aptitudes, de compétences et de performances. La méritocratie est donc censée démocratiser et niveler la société.

De façon ironique, le sociologue britannique Michael Young a péjorativement inventé le terme de méritocratie dans sa satire dystopique de 1958, The Rise of the Meritocracy (L’ascension de la méritocratie). La critique qu’il souhaitait en faire ayant été rejetée comme n’étant plus pertinente, le terme est maintenant utilisé dans la langue anglaise sans les connotations négatives voulues par Young.

Le terme a été adopté sans qu’il soit assorti de critiques par les partisans d’une philosophie sociale de la méritocratie par laquelle l’influence est censée être répartie en fonction des capacités intellectuelles et des performances des individus.

Beaucoup apprécient les deux vertus fondamentales de la méritocratie. Premièrement, l’élite méritocratique est supposée être plus capable et plus efficace, car son statut, ses revenus et sa richesse sont dus à ses capacités, plutôt qu’à ses liens familiaux.

Deuxièmement, l’épanouissement de l’élite censé reposer sur les capacités et les aptitudes individuelles est considéré comme cohérent et complémentaire de la « concurrence loyale ». On peut ainsi se prévaloir de la supériorité morale en invoquant l’égalité des chances, mais on prend alors généralement soin de souligner que l’égalité des résultats doit être évitée à tout prix.

Comme l’explique le professeur Daniel Markovits de la faculté de droit de Yale dans The Meritocracy Trap (Le piège de la méritocratie), à la différence des élites héréditaires qui les ont précédées, les élites méritocratiques doivent souvent travailler longtemps et intensément, par exemple en médecine, en finance ou en conseil, pour renforcer leurs propres privilèges et les transmettre à leurs enfants, frères et sœurs et autres proches parents, amis et partenaires.

La méritocratie du jeu

La méritocratie est censée fonctionner au mieux lorsqu’une « classe moyenne » inquiète s’efforce en permanence d’assurer, de préserver et d’augmenter ses revenus, son statut et ses autres privilèges en maximisant les bénéfices de son éducation exclusive. Mais l’accès à une éducation élitiste – qui permet à quelques personnes de condition modeste de gravir l’échelle sociale – fluctue sans cesse.

La plupart des familles de la classe moyenne ne peuvent pas se permettre de financer l’éducation privilégiée que la richesse peut offrir, alors que la plupart des écoles ordinaires, financées et gérées par le gouvernement, ont pris du retard par rapport aux écoles élitistes exclusives, dont certaines sont d’ailleurs financées par l’argent public. Au cours des dernières décennies, le fossé des financements entre les écoles publiques les plus performantes et les moins performantes s’est également creusé.

Les universités d’élite et les écoles privées continuent d’offrir une formation et une socialisation, principalement destinées aux enfants des riches, des privilégiés et des connectés. D’énormes dotations, d’obscures politiques d’admission et des exonérations fiscales permettent aux universités privées américaines d’élite de dépenser beaucoup plus que les établissements financés par l’État.

Entre-temps, les changements technologiques et sociaux ont transformé la main-d’œuvre et les économies en augmentant considérablement le rendement économique des attributs cognitifs, ascriptifs et autres, ainsi que les titres de compétences des « meilleures » institutions, notamment les universités et les guildes professionnelles, qui restent en fait exclusives et élitistes.

À mesure que les « méritocrates » s’emparaient d’une part croissante du gâteau de l’éducation, la valeur supposée de la « scolarité » augmentait, légitimée par la notion factice de « capital humain ». Si la méritocratie a transformé les élites au fil du temps, elle a aussi de plus en plus inhibé, et non pas favorisé, la mobilité sociale.

Une élite différente

Ainsi, bien que les méritocrates aiment à se considérer comme l’antithèse de la vieille élite « aristocratique », plutôt que de « démocratiser » la société par le biais d’une plus grande inclusion, la méritocratie peut même en fait accroître les inégalités et polariser davantage la société, quoique différemment.

Alors que l’ancienne élite « aristocratique » était souvent incapable de s’assurer que ses propres enfants étaient bien éduqués, compétents et excellents, les méritocrates – qui ont souvent obtenu leur statut et leurs privilèges grâce à leur éducation et aux diplômes qui s’y rapportent – ont souvent accru l’importance de ceux-ci.

Ainsi, un système méritocratique – apparemment ouvert à l’inclusion, ostensiblement basé sur les capacités – est devenu le nouveau moyen d’exclusion, attribuée par le professeur Raghuram Rajan de l’université de Chicago à la révolution numérique.

Les méritocrates ont accru l’importance de l’éducation, l’obtention de diplômes légitimant l’inégalité croissante des salaires, car ils assurent à leurs propres enfants une éducation bien meilleure, recréant et perpétuant ainsi les inégalités.

Les récents doutes de l’opinion publique concernant la hausse de la rémunération des cadres, l’enseignement des MBA, [Master of Business Administration, NdT] les cartels des corporations professionnelles et les disparités de rémunération du travail – ainsi que l’opposition à ces phénomènes – reflètent la délégitimation croissante des hiérarchies ostensiblement méritocratiques et des inégalités.

Une bonne dose de moralité

Pour ajouter l’insulte à l’injure, l’idéologie méritocratique laisse à penser que ceux qui en sont exclus sont indignes, voire méprisables. Les options progressistes ne bénéficiant pas du soutien de la classe moyenne et de l’élite, les marginalisés se tournent de plus en plus vers l’ethno-populisme et autres appels « communautaires » en cette ère de politique identitaire.

Sans surprise, leur opposition aux inégalités éducatives et économiques et à la marginalisation est généralement dirigée contre l’Autre ethnique – que celui-ci soit réel, imaginé ou « construit » – généralement considéré comme « étranger », même s’il est national, comme « l’étranger en soi ».

Rassemblement "Build the Wall" à The Villages, Floride, janvier 2019. (Whoisjohngalt, CC BY-SA 4.0, Wikimedia Commons)

Markovits soutient que la méritocratie non seulement se sape elle-même, mais elle en fait tout autant des idéaux démocratiques et égalitaires. Il insiste sur le fait que la méritocratie fait également du tort à la nouvelle élite « méritocratique » et « technocratique », en espérant les rallier à la cause anti-méritocratique, ce qui reflète peut-être son sentiment quant à la nécessité de construire de larges coalitions intégratrices pour amener une transformation sociale.

« Les progressistes attisent le ressentiment de la classe moyenne et activent la résistance de l’élite tandis que les démagogues et les charlatans monopolisent et exploitent le mécontentement de la méritocratie. L’inégalité méritocratique induit donc non seulement un profond mécontentement mais aussi un pessimisme généralisé, proche du désespoir. » – D. Markovits

La réduction des inégalités est possible

Aux États-Unis et ailleurs, la politique fiscale, d’autres mesures incitatives et même la Covid-19 encourageront le remplacement des travailleurs moyennement qualifiés par l’automatisation et les professionnels hautement qualifiés, ce qui sera facilité par exemple par l’utilisation croissante des applications d’intelligence artificielle.

Une alternative consiste à réformer les marchés du travail ainsi que les politiques et réglementations fiscales afin de promouvoir des emplois plus qualifiés et de « classe moyenne ». Ceux qui adopteraient de nouvelles technologies seraient alors incités à créer au sein de la classe moyenne des emplois plus productifs, à revenus plus élevés.

Un système éducatif plus ouvert, plus inclusif et plus large fournirait également la main-d’œuvre nécessaire à ces technologies. Ainsi, les transitions de l’école au travail, qui ont eu tendance à accroître les inégalités, peuvent être transformées pour réduire celles-ci.

Plutôt que de déqualifier les travailleurs afin que bien que moins bien payés ils en deviennent plus rentables, il peut aussi devenir rentable, d’améliorer les compétences des travailleurs de sorte à les rendre plus productifs. Par exemple, un hôpital de chirurgie cardio-thoracique indien a formé des infirmières à de nombreux actes médicaux de routine, ce qui permet aux médecins spécialistes de se concentrer sur les tâches nécessitant réellement leur expertise.

À un coût comparativement moins élevé, le recours à des travailleurs qui ne sont pas des médecins pleinement formés, mais qui sont mieux payés et mieux traités, peut permettre de fournir des services de santé essentiels à moindre coût et à plus grande échelle. De telles innovations renforceraient la classe moyenne, plutôt que de la miner et de l’éroder.

Jomo Kwame Sundaram, ancien professeur d’économie, a été secrétaire général adjoint des Nations unies pour le développement économique et a reçu le prix Wassily Leontief pour avoir fait avancer les limites de la pensée économique, [un prix qui vise à reconnaître les contributions exceptionnelles à la théorie économique, qui traitent de la réalité contemporaine et le soutien juste et durable des sociétés, NdT]

Source : Consortium News, Jomo Kwame Sundaram
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Fabrice // 27.07.2020 à 07h42

Ce texte prouve que le rêve américain est maintenant une chimère qui s’éloigne mais son constat pourrait voir dans notre pays l’apothéose d’un verrouillage presque total quand on voit qu’il faut 6 générations pour progresser dans l’échelle sociale https://www.ouest-france.fr/economie/social/en-france-il-faut-6-generations-pour-qu-un-enfant-pauvre-s-eleve-dans-l-echelle-sociale-5825757, notre élite moribonde par l’entre soit à blindé les accès, la fuite de nos vrais cerveaux à l’étranger https://www.helloworkplace.fr/france-fuite-cerveaux/ et l’état pitoyable de notre pays en est la preuve.

54 réactions et commentaires

  • LibEgaFra // 27.07.2020 à 07h13

    Le principal mérite de certains c’est d’être fils de ou fille de, ou encore ami de ou amie de… Ou d’être né dans le 16me, ou d’avoir fréquenté tel lycée (au hasard Henri 4)…

    Le seul mérite de certains est d’avoir été coopté.

    Il n’y a aucun mérite d’être né dans une banlieue sauf à devenir trafiquant.

    Et quand je pense aux députés en marche, je cherche toujours quel peut bien être leur mérite… La soumission au monarque?

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    • calal // 27.07.2020 à 14h43

      et le cap vert se porte mieux?
      Donne t elle pour developper les ecoles ou les droits et les libertes la bas?Si les intellectuels des pays en developpement restaient dans leur pays,ils seraient frustres de ne pouvoir progresser et constitueraient des cadres revolutionnaires pour destituer les pouvoirs en place. Au lieu de cela,ils s’en vont a l’etranger pour gaganer des devises pour leur famille dont une partie sera detourne au passage par les autorites pour se maintenir au pouvoir et se construire des palais.
      c’est du pompage de matiere grise pour empecher le developpement et la future concurrence des ces pays.

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      • Patrick // 28.07.2020 à 09h45

        Cadres révolutionnaires ?? hahahahahah !!
        on les a vu à l’oeuvre les révolutionnaires, ça s’est toujours fini en désastre , famines ( Rhodésie , bientôt Afrique du Sud .. ) , corruption ( un peu partout ) .
        A Madagascar il y a une quarantaine d’années , après avoir chasser l’ignoble colonisateur , le clan qui avait pris le pouvoir avait mis en place le socialisme scientifique ( rien que le titre me fait peur ) .. bilan ? comme m’avait dit un Malgache : » avant on faisait 3 récoltes par an , maintenant on importe des brisures de riz pour manger « .

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    • Mouloud // 28.07.2020 à 10h14

      J’ai grandi en banlieue, mon père était ouvrier et ma mère à la maison. J’ai eu beaucoup de soucis, j’ai arrêté l’école à 16 ans, de grandes périodes d’errance, puis les petits boulots, les problèmes de santé, la tentation de l’illicite… Combien de « galériens » comme moi pour quelques « méritants » comme vous?
      Est-ce que c’est du fatalisme de regarder les chiffres? De voir les corrélations?

      C’est sur votre discours (« quand on veut on peut ») qu’est construit l’acceptation de toutes les politiques de concentration de richesses, d’élitisme et de culpabilisation des pauvres.

      Personne ne nie que certains travaillent plus que d’autres, méritent plus que d’autres (bien que l’indexation du mérite sur le travail et la réussite économique reste un axe culturel complétement arbitraire, auquel je préférerais une indexation sur les comportements altruistes et l’utilité sociale, bref). Mais quand le mérite devient un paravent pour cacher la violence sociale et les inégalités économiques, il est temps de se remettre en question. Vos anecdotes personnelles ne changeront rien à l’affaire.

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    • Ming Tong // 31.07.2020 à 09h44

      • Méritocratie doit être dissocié de la « diplomite » (la course aux diplomes surtout d’institutions reconnues et qui a remplacé les titres aristocratiques héréditaires)
      • Cela pose le problème de l’ascenseur social, qui dans nos sociétés a pratiquement disparu. Les membres de la société de « diplomite » font obstacle à la promotion sociale pour préserver leurs privilèges
      • La diplomite est un business pour des institutions de l’éducation et ceux qui en vivent; elle fait souvent fi du savoir faire opérationnel
      • Dans la société, le diplôme est vu comme une sécurité et garantie de savoir faire!
      • Cas : un africain qui pratiquait la chirurgie avec succès depuis des décennies s’est avéré sans diplôme et aussitot poursuivi et interdit d’activité. Fallait-il lui interdire de continuer d’exercer son talent.? Par contre, un médecin, dont un patient sur deux décédait des opérations qu’il faisait, a sévi jusqu’à sa retraite! Fallait-il lui faire un procès? l’interdire de continuer à pratiquer?
      • Dans toutes les branches de l’économie, on trouve des cas comme celui-ci.

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  • Pierre Darras // 27.07.2020 à 07h22

    Raz le bol de cet anglo-centrisme. Ce qui est vrai aux USA où le système est payant et hors de prix depuis la maternelle est différent enFrance où le système est gratuit.
    Je suis magasinier, ma femme est commis administratif, après 37 ans elle est au coef quasi le plus bas de l’administration.
    Notre fille est médecin spécialiste et notre fils finit son cursus dans une des deux plus prestigieuses écoles d’ingénieurs du pays.
    La méritocratie est encore possible. Mais plus que d’argent, il s’agit d’un engagement dés la naissance et même avant des cursus possible et des voies obligatoires. Nous souffrons plus d’un problème d’orientation et de connaissance du système par les parents et les enfants que d’un problème social.
    Quant aux USA, qu’est ce qui explique qu’il n’y a plus que moi si de 10% de wasp dans l’Ivy League ?

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    • kelkun // 27.07.2020 à 09h00

      La qualité des commentaires sélectionnés laisse à désirer, également… Car on peut noter pour qui peut encore que la méritocratie à la françaouése « sans argent c’est si merveilleux en soi et pour soi » est devenue dans les FAITS une machine à produire des dégénérés décisionnaires souvent médiocres et toujours très suffisants ; Covid l’a démontré une énième fois non???!
      En fait, c’est le logiciel républicain dans son essence même qui est non pas à retrouver comme vous le proposez en filigrane mais à dépasser avec grand balayage de printemps, et nous avons quelques leçons à tirer des anglo-saxons pour ce faire, entre autre!
      Tel est mon avis de Français à qui la France méritocratique et ses curés donnent des nausée.

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      • barbe // 27.07.2020 à 09h39

        Porte nain à queue.
        Le mérite ne peut être évalué. La soi disant méritocratie opère, en vérité, l’action de justifier les inégalités sociales. La seule question qui vaille est celle de savoir si le travail va être valorisé à la même hauteur que la propriété. Pour le reste, je rejoins tout à fait le message de Quintus plus bas.

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      • Scorpion Bleu // 27.07.2020 à 12h33

        La nausée ? Vous devriez vous souvenir de toutes les personnes qui sont passées, depuis 1793/94 par ces systèmes de formation (concours très exigeants) ont apporté à notre pays et au monde. (ESN, Polytechnique, Les Mines, HEC)
        L’effort, l’exigence, la qualité étaient les valeurs essentielles, aujourd’hui bien que la France résiste encore un peu, « on achète » !

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        • Decebalus // 28.07.2020 à 02h19

          koulak: Riche paysan propriétaire, dans la Russie tsariste et jusqu’en 1930.

          Quel lien avec:

          « Si ajoute la détestation des diplômés, des formations de haut-niveau on prèfère les koulaks.. » et ce qui précède!

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    • Quintus // 27.07.2020 à 09h04

      La seule chose qui change entre l’Europe non anglophone et les pays anglophones, c’est que les formations les plus prestigieuses pour les scientifiques n’ont pas de frais d’inscription exorbitants. Ainsi l’essentiel de l’ascenseur social se fait par les sciences, mais la barrière est ailleurs : la plupart des étudiants dans dans les grandes écoles d’ingénieurs et les facs de médecine viennent de familles aisées, et les enfants de familles modestes n’ont pas la tâche facile pour s’intégrer.

      Un autre aspect très discriminant de l’instruction publique française est la baisse des exigences en matière de démarche de résolution des problèmes complexes, en particulier en maths. Ce nivellement par le bas oblige les élèves les plus doués et leurs familles à aller chercher par eux-mêmes les ressources pédagogiques complémentaires. La chute dans le classement PISA est à ce titre alarmante.

      Enfin, ce sur quoi nous rejoignons voire dépassons les pays anglophones, c’est la valorisation excessive des formations les plus prestigieuses au dépens de formations qui mènent plus vite vers un métier avec des compétences techniques impossibles à délocaliser (ex. plombier, garagiste). La Suisse et l’Allemagne me semblent plus équilibrés de ce point de vue-là.

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      • Terminator // 27.07.2020 à 11h22

        Vu le tarif auquel je paie mon plombier, je ne suis pas sûr que ces formations courtes soient si dévalorisées que ça…

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        • Quintus // 27.07.2020 à 13h23

          Ces métiers sont bien davantage valorisés, financièrement parlant, que les formations qui y mènent.

          À l’inverse, des formations très valorisées (ex. doctorat SHS) peuvent conduire à des métiers mal rémunérés et du sous-emploi ou mal-emploi (ex. journaliste qui se fait retoquer des articles d’excellente qualité mais politiquement incorrects).

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        • Pierre Darras // 28.07.2020 à 07h38

          Trois fois bravo.
          Si mes enfants n’avaient pas eu goût aux études longues, je les auraient encouragé vers un métier manuel puis à vite monter leur propre bizz.
          Aujourd’hui, il y a une nouvelle classe sociale, artisans et techniciens indépendants, qui grâce au développement des technologies info, arrivent à se faire du 60 à 100 000€ net par an. Des copains vendeurs de voitures premium allemandes me confirment qu’il s’agit des gros bataillons de leur clientèle désormais.

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      • Fernet Branca // 27.07.2020 à 14h02

        En dehors du commerce point de salut.
        Des 1980 les ingénieurs ont été écartés des la direction des entreprises par les promotions des ecoles de commerce.
        Certains favorisés commecJacques Attali ou Alain Minc on ajouté une école d’ingénieur à leur cursus mais avaient déjà vu le vent tourner.

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        • calal // 27.07.2020 à 14h51

          « Des 1980 les ingénieurs ont été écartés des la direction des entreprises par les promotions des ecoles de commerce. »
          ce sont des cycles economiques qui expliquent cela.Or maintenant en fin de « super cycle »,il vaut mieux commencer a quitter le « tertiaire » et se remettre au « primaire,secondaire » car l’hiver (re)vient…

          1915-1945 dernier hiver (deflation- vaut mieux etre capable de produire dans cette phase)
          1945-1975 printemps ( la production est toujours valorisee mais faut commencer a se trourner vers le commerce en fin de saison-debut de l’inflation)
          1975-2005 ete ( inflation-passer du commerce a la speculation en fin de saison)
          2005-2035 automne ( fin de l’inflation debut de la deflation quand les debiteurs font defaut,quitter la speculation pour retourner a la production de biens reels et necessaires (medicaments,munitions,nourriture) en fin de saison)
          2035-2065 hiver suivant…

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          Alerter
          • Marie Pan-Pan // 27.07.2020 à 19h34

            Tiens,
            votre commentaire me fait penser au bouquin de Neil Howe et Willian Strauss  » The Fourth Turning » sur la théorie des cycles générationnels structurants dans l’histoire américaine.

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            • calal // 27.07.2020 à 22h29

              la correspondance entre la disparition des boomers ( cycle generationnel) et les saisons de kondratieff ( cycle economique liee au pilotage des masses monetaires par les capitalistes) a la periode actuelle,soit fin de l’automne debut de l’hiver,va aggraver les problemes.LEs boomers ont domine l’ete et ont empeche,empechent encore les « vraies » reformes pendant l’automne et vont nous laisser fort depourvu quand la bise reviendra en hiver…exemple la meritocratie dont ils ont profite quand ils etaient jeunes (printemps) qu’ils ont commence a verrouiller en ete pour la reserver a leurs enfants et dont ils veulent maintenant salir l’image pour eviter sa remise en place ce qui nous ferait emerger des chefs capables de nous conduire durant l’hiver qui va venir…

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    • Urko // 27.07.2020 à 09h06

      Oui, la méritocratie a longtemps constitué une réalité bénéfique : elle a fourni des bataillons d’ingénieurs, de scientifiques, de médecins issus des classes moyennes ou inférieures, aux Etats Unis comme en Europe d’ailleurs. Oui, elle existe toujours, mais elle semble s’estomper peu à peu, non pas parce qu’elle serait viciée en soi mais parce que tout système finit par se faire arbitrer et contourner par ceux qui s’installent à son sommet, d’où qu’ils viennent. La question de l’accès à l’éducation de qualité paraît primordiale, mais qui a saccagé ladite éducation de qualité, abandonnée de fait au privé ? Pas sûr que la soi disant intelligentsia libérale de la gauche américaine s’avère la mieux placée pour donner des leçons à ce sujet : elle a largement contribué à saboter le système dont elle a profité, et elle sait fort cyniquement comment faire éviter à sa progéniture les pièges qu’elle a elle même posés.

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      • V_Parlier // 27.07.2020 à 19h53

        D’accord avec vous. J’ajouterais que dans les pays communistes qui existaient ou existent encore en tant que néo-communistes stabilisés (URSS vers les années 50 puis après, Chine, etc…), la méritocratie est encore plus de mise qu’aux USA. Mais c’était de la dure et de la vraie. Cependant les études sont gratuites, tous frais compris, tant que le niveau est atteint.

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        • Urko // 27.07.2020 à 20h58

          Oui, ce fut l’une des réussites du régime soviétique et de certains de ses satellites que d’avoir su bâtir une vaste élite méritocratique à l’accès de laquelle servaient de solides études. Cela fut assez vite terni par la nécessaire allégeance au parti qui pouvait favoriser la carrière de fidèles du régime aux dépens de gens plus doués mais plus circonspects quant aux mérites dudit régime.

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    • barbe // 27.07.2020 à 09h47

      Merci mr D’arras (comme Robespierre d’ailleurs) pour votre témoignage. Mais inutile d’employer la notion MORALE et non SOCIALE de méritocratie ; on peut se contenter de mobiliser des notions comme celles d’ascenseur social (inverse du ruissellement où les riches prennent tout, et ne partagent que les coûts), de reproduction des classes, d’immigration pour faire les travaux que les autochtones délaissent…
      La méritocratie ne sert qu’à justifier les inégalités, qu’elle prétendrait combattre? Il n’y a que peu de voies pour abattre vraiment les inégalités : d’abord que le peuple vote les lois, que la collectivité reprenne la création de la monnaie (les banques privées nous coûtent trop cher et le public est toujours moins cher que le privé, puisqu’il n’y a pas un tiers à engraisser), puis que le travail soit autant valorisé que la détention de la propriété… Avec ça vous verrez poindre la fameuse libération des énergies tant prônée par nos très très chers et coûteux libéraux. C’est-à-dire l’inverse de ce qu’on vit actuellement, une société bloquée.

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    • RGT // 30.07.2020 à 09h33

      Je pense que vous fous faites de belles illusions.

      Désormais les médecins ne sont plus que les larbins de l’industrie pharmaceutique corvéables à merci et largement sous-payés par rapport aux services qu’ils rendent à la collectivité, et les ingénieurs sont les larbins des actionnaires et ont des revenus qui sont aussi lamentables compte-tenu de ce qui est exigé d’eux (je suis ingé).

      La méritocratie est le prétexte pour caser les fils à papa dans des postes « prestigieux » largement sur-payés dans lesquels ils exercent leur incompétence (sauf celle de promouvoir leur carrière qui est survitaminée) avec les grouillots qui rament désespérément en bas de l’échelle pour maintenir le navire à flot.

      Il y a eu le principe de Peter, étude sociologique des années 50 qui indiquait que chaque employé avait des promotions tant qu’il était compétent et qu’il cessait d’être promu quant il dépassait son seuil d’incompétence, ce qui se traduisait au final par tous les postes occupés par des incompétents,

      Il y a eu le principe de Dilbert (BD très sarcastique sur l’univers du travail) qui montrait que les incompétents étaient promus à des postes « à responsabilité » pour ne pas nuire et que les compétents restaient en bas de l’échelle pour maintenir l’entreprise à flot et corriger les conneries des « managers ».

      Désormais il y a le principe « E .M. » basé sur la copulation cooptation d’individus sortant de la même grande école, vendeurs de vent et pourvoyeurs d’idées « géniales » qui seraient d’une efficacité redoutable s’ils étaient placés devant des éoliennes.

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  • Fabrice // 27.07.2020 à 07h42

    Ce texte prouve que le rêve américain est maintenant une chimère qui s’éloigne mais son constat pourrait voir dans notre pays l’apothéose d’un verrouillage presque total quand on voit qu’il faut 6 générations pour progresser dans l’échelle sociale https://www.ouest-france.fr/economie/social/en-france-il-faut-6-generations-pour-qu-un-enfant-pauvre-s-eleve-dans-l-echelle-sociale-5825757, notre élite moribonde par l’entre soit à blindé les accès, la fuite de nos vrais cerveaux à l’étranger https://www.helloworkplace.fr/france-fuite-cerveaux/ et l’état pitoyable de notre pays en est la preuve.

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    • Casimir Ioulianov // 27.07.2020 à 13h49

      Le rêve américain ne fonctionne que sur les endormis. Les éveillés vivent un cauchemar.
      La méritocratie est un système infecte, il se pâme dans un certain sens de la justice en faisant fi des réalités, cependant, il va promouvoir très sélectivement des individus sur des critères qui lui son propre et discrédite tout ceux qui sortent des clous. Il est autant exclusif que l’aristocratie du passée ou l’oligarchie actuelle.
      Les empires chinois ont pratiqués pendant longtemps une forme de méritocratie pour leur administration qui n’aurait rien eut à envier à l’ENA… enfin l’ENA castre pas … enfin pas physiquement. Au final le résultat n’a pas été à la hauteur vu que la plupart des révoltes et révolutions ont eut pour origines les errement des eunuques (tiens donc…) et qu’en définitive ce qui fait la richesse et donc la stabilité des nations c’est pas tant la compétence de leurs dirigeants que le bonheur de leurs habitants.

        +7

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      • Touriste // 28.07.2020 à 03h30

        « enfin l’ENA castre pas … enfin pas physiquement. »

        Et pourtant, quand je les voit le doute m’habite.

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  • Jibal // 27.07.2020 à 08h27

    « À un coût comparativement moins élevé, le recours à des travailleurs qui ne sont pas des médecins pleinement formés, mais qui sont mieux payés et mieux traités, peut permettre de fournir des services de santé essentiels à moindre coût et à plus grande échelle.  »
    Toujours cette obsession du coût, alpha et oméga de toute pensée politique actuelle: c’est fatiguant…

      +10

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  • Pascaltc // 27.07.2020 à 08h37

    Très bon article. Je vous renvoie à mon texte sur Causeur.fr
    https://www.causeur.fr/meritocratie-nation-souverainisme-176541

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  • METZGER // 27.07.2020 à 09h33

    Ce texte explique en fait que les ressorts de la méritocratie sont cassés. Le penchant héritier dans la tête de ceux qui ont réussi favorise dès la seconde génération les fils et filles à papa. Tant que l’on aura pas compris que l’héritage doit être réparti entre les enfants de la génération suivante, on ne pourra pas parler de méritocratie, juste d’élaboration de nouvelles castes. J’ai eu le plaisir de lire le livre de Michael Young en son temps, et n’ai pas le souvenir d’un ton sarcastique de critique, mais plutôt amusé du bouleversement de l’ordre social. La méritocratie forge des élites dont chaque nation a un urgent besoin à travers toutes les couches sociales : elle est bonne et juste pour la société. Mais elle est en rade. L’élite actuelle des « fils de » tient pouvoir et argent et bloque toute nouvelle donne. Peut-être quelqu’un pourra m’expliquer pourquoi la réforme de l’héritage provoque de si violentes oppositions parmi les plus pauvres ? Cela reste un mystère pour moi.

      +9

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    • calal // 27.07.2020 à 14h57

       » Tant que l’on aura pas compris que l’héritage doit être réparti entre les enfants de la génération suivante »

      personne n’a plus besoin d’heriter,puisqu’on a le cheat code « credit illimité » maintenant… Ah,faut etre gentil avec le banquier plutot qu’avec son pere par contre….heureusement les banquiers sont plus sympas que les vieux males blancs…

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    • JBB // 28.07.2020 à 09h36

      Les droits de successions reposent uniquement sur la classe moyenne, les plus riches ayant les moyens de les
      contourner. Cela détruit notre tissu de PME ( en plus de l’ISF ou les impôts de production ).
      Promettez aux gens qu’à leur décès , leurs enfants ne toucherons rien du fruit de leur travail et vous verrez qu’assez rapidement il n’y aura plus aucun héritage à redistribuer.

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      • Patrick // 28.07.2020 à 09h52

        Pendant des décennies , les droits de succession étaient tels que les héritiers n’avaient d’autre recours que de vendre l’entreprise le plus vite possible, avec à la clef la destruction du tissu de PME rachetées et dépecées par des groupes plus gros.
        Approche totalement inverse en Allemagne , et ensuite les gouvernements français pleurent parce que nous n’avons ce tissu de grosses PME familiales qui font le succès de l’industrie Allemande ( et les emplois ).
        … Toujours pleurer sur les conséquences dont on chérit les causes

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  • Cornelius // 27.07.2020 à 10h15

    Emmanuel Todd fait le même constat dans son dernier livre.

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  • Scorpion Bleu // 27.07.2020 à 12h22

    Depuis des décennies on note des coups de butoir dans l’organisation de l’Ecole française à tous les niveaux, du Bac, de l’entrée à l’Université, dans les Grandes Ecoles, à Science Po école dont les centres et les tarifs ont explosé. Les nouveaux arrivants aux manettes du pouvoir, depuis les années 90 à aujourd’hui ont tout fait pour dénoncer les valeurs d’efforts et d’excellence. Leurs enfants bobos, malgré des cours particulier non stop, ne pouvant pas accéder par le Concours aux Grandes Ecoles ni même à ScPo, depuis 2015 environ, tout a été mis en place pour supprimer « cette seule sélection juste et équitable » Le concours a été un acte démocratique arraché à la bourgeoisie qui ne pouvait plus faire passer sur recommandations leurs jeunes et exclure totalement les autres. A nouveau, ils ont gagné et l’on veut nous faire croire que c’est une victoire. Aujourd’hui le « concours  » est vu comme une inégalité sociale !! Il serait bon d’ analyser les origines sociales des jeunes qui sont élèves dans les classes terminales d’Henri 4 et de Louis Le Grand, ceux qui réussissent au concours des ENS et de Polytechnique ? Pour réussir il faut en vouloir et surtout beaucoup travailler. Les enfants gâtés des riches, des politiques, du monde médiatique et installés dans leurs privilèges dans leur destin d’héritier en ont rien à foutre, ils veulent juste la « marque ». et se dire « Normalien ou Polytechnicien » qu’ils arrachent avec leur dossier manipulés. Plus juste laissez moi rire ? Pour quelques jeunes défavorises socialement, le non concours ne favorise que des jeunes privilégiés qui n’ont pas le niveau ou les nerfs pour franchir l’étape très difficile du concours. Ces concours permettaient à tous les jeunes formés à l’Ecole de la République d’y accéder. Or l’excellence et le sens de l’effort sont devenues des valeurs ringardes en France . L’élite Chinoise, ou celle du Japon sont confondues par la destruction du système de sélection des Grandes Ecoles et par l’affaissement intellectuel en France. Plus aucune chance des enfants des classes populaire ou des classes moyennes d’accéder à des postes importants.

    Todd est très intéressant souvent, mais il oublie de dire que s’ il a obtenu son bac en 68, dans des conditions particulières, sa famille appartenait à une élite intellectuelle et ses manques ont été compensés pr d’autres apprentissages.

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    • jean-pierre.georges-pichot // 27.07.2020 à 19h53

      [modéré] en anglophonie, l’insertion dans la haute société s’achète, comme s’achetaient les charges dans l’ancien régime. Elle s’achète à travers les frais d’études universitaires exorbitants. Un point de vocabulaire : la phrase « I was educated at…. » suivi forcément du nom d’une université traduit « J’ai fait mes études à …. ». Mais à noter : sans études supérieures, on n’est pas considéré comme ‘éduqué’ du tout. La coupure est radicale. Pour l’Angleterre, brève parenthèse entre 1945 et le blairisme, qui fut en effet une tentative méritocratique. Désormais, retour à la normale. Pour la France, comme pour le reste, alignement progressif sur l’anglophonie.

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    • kerk // 27.07.2020 à 20h25

      Durant les 30 glorieuses, on a eu quelque chose qui ressemblait à un système un peu plus inclusif, mais il suffit de relire Bourdieu ou d’écouter Franck Lepage. Ils les ont analysées justement les origines sociales des « gamins » qui réussissent les concours de CPGE ou de médecine. Et la reproduction sociale joue à plein.
      Et un autre petit article pour la route http://zet-ethique.fr/2019/07/17/la-meritocratie-une-croyance-tenace/

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      • jean-pierre.georges-pichot // 28.07.2020 à 08h42

        Non. Il ne s’agit pas des ‘trente glorieuses’. Même si factuellement la grande ouverture du secondaire long coïncide avec l’après-guerre, la césure importante est la Révolution française, et rien moins que cela, qui en finit avec la vénalité des charges. C’est le principe qui est important et non pas les statistiques, comme le voudraient les sociologues en général et l’école bourdieusienne en particulier. Après 89, on PEUT devenir officier, ingénieur, fonctionnaire sans provenir d’une caste par la naissance ni acquitter un droit d’entrée considérable, et cela change tout, même si les pesanteurs sociologiques limitent la rapidité des ascensions sociales. C’est sur cela que reviennent les tendances actuelles, qui se présentent comme modernes parce qu’elles consistent à imiter le monde anglo-saxon, supposé à la pointe de la modernité, alors qu’il est sur ce point tout simplement un monde de ce que nous appelons l’ANCIEN REGIME.

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        • kerk // 30.07.2020 à 16h13

          Même sur ce site, je suis sidérée par votre empressement à défendre les mécanismes qui créent votre impuissance. Il est clair que 1789 représente un progrès en matière d’accès à la connaissance et à des fonctions sociales prestigieuses mais cet accès est resté ensuite cantonné à des groupe sociaux malgré tout très restreints. Je ne comprends pas votre référence au modèle anglo saxon. Et c’est dommage que seul le principe vous intéresse car dans ce cas, si je comprends bien, vous adhérez à l’idée que la société française est globalement juste et que les gens ont le statut qu’ils méritent à hauteur de leur travail, leur efforts et qualité personnelles. Mais les faits sont têtus, et le monde n’est pas beaucoup plus juste qu’en 1788 et la sociologie « bourdieusienne » permet entre autre de le mesurer et de le démontrer. Tant que vous ne l’acceptez pas, vous cautionnez une fable qui assoit l’hégémonie d’un petit groupe social sur le reste d’entre nous.

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  • Quintus // 27.07.2020 à 13h47

    Oui mais à condition de donner les moyens aux enfants doués de familles modestes de réussir :
    – en dotant les professeurs des outils pour évaluer le potentiel de ces enfants et déjouer les plans des parents, avec des exercices et des questions de difficulté progressive à ne faire que si l’élève s’en sent capable et y trouve le temps (un peu dans le style des épreuves progressives de certains concours comme à l’X) ;
    – en dotant suffisamment de bourses et de facilités pour qu’un bachelier brillant issu d’un milieu modeste n’ait pas à se soucier de sa subsistance le temps de ses études supérieures (mes parents gagnaient trop pour que je bénéficiasse de la bourse de mérite, ce qui les aurait bien soulagés financièrement) ;
    – en favorisant la formation continue, de manière à permettre à ceux qui avaient moins de facilités avec les exercices scolaires d’évoluer professionnellement.

    Le passage de la monarchie à la république s’est traduit par la substitution de l’aristocratie héréditaire, où la vie était fortement déterminée par la situation à la naissance, par une aristocratie méritante, où c’est la situation à 20 ans qui détermine la vie qu’on va mener.

    Les armées et, dans une moindre mesure, la fonction publique favorisent la mobilité sociale hors système scolaire (ex. les différents recrutements d’officiers) au moyen d’une formation continue et d’un entraînement permanent des personnels. Ainsi des sous-officiers brillants qui entrent avec un bac peuvent repartir dans le civil 10 ou 15 ans plus tard avec un brevet équivalent à une licence professionnelle voire un diplôme d’ingénieur, ou finir officiers à un niveau élevé s’ils réussissent l’école de guerre.

    De ce point de vue le revenu d’existence peut faciliter la mobilité sociale. Mais il faut garder en tête que, matériellement parlant, sans croissance économique si certains « montent, » d’autres « descendent. » J’en connais guère qui acceptent de « descendre » sans s’accrocher un minimum à leurs acquis…

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  • Fernet Branca // 27.07.2020 à 14h17

    Les créatifs que vous citez ont bien abaissé la France, au moins son commerce extérieur depuis 1975.
    Il y eu des super créatifs comme Jean Pierre Mustier polytechnicien très créatif sur les produits dérivés.
    Il y a eu aussi le major de Sciences Po ,puis Énarque, Jean-Yves Haberer dont il est inutile de rappeler le parcours glorieux.

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    • jean-pierre.georges-pichot // 28.07.2020 à 07h42

      Excusez-moi, mais je ne comprends pas du tout ce que vous entendez prouver. Que tout va bien ? Que tout va mal ? Que ce qui est bien c’est que nos grandes écoles forment gratuitement des ingénieurs qui vont ensuite se vendre très cher à l’ennemi ? Que tout ça c’est de la faute aux Gilets jaunes ? Explication, s’il-vous-plaît.

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  • 78 ans // 27.07.2020 à 14h27

    Soyons bref, rien ici de bien « compliqué »…

    La COVID-19 me semble avoir montré fort éloquemment, hors de tout doute raisonnable, que la méritocratie vaut infiniment mieux que la médiocratie. En d’autres termes, la maitrise très rapide d’une telle pandémie vaut mieux que la débâcle et l’effondrement honteusement tus par nos médiocres.

    Nous en aurons la preuve ruineuse, irréfutable, durant les années qui viennent.

    Qui vivra verra!

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  • Anfer // 27.07.2020 à 19h50

    On peut remonter aux examens impériaux de la Chine antique pour voir les effets de la « méritocratie ».

    Ces examens étaient ouverts à tous, et permettaient en théorie à n’importe qui de suffisamment talentueux d’accéder à une charge publique.

    Évidemment, les fils de familles fortunés avaient plus de temps pour étudier et se préparer.

    Ça aboutissait à terme à un groupe fermé qui auto entretien ses privilèges.
    La captation de ressources et la fraude fiscale généralisée qui accompagnait la création de ce groupe, composé généralement de propriétaires terriens étaient une cause majeur de fin des dynasties.

      +1

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    • jean-pierre.georges-pichot // 28.07.2020 à 07h50

      Le fils de riche réussit mieux ses études que le fils de pauvre. Soit. Du Bourdieu pur sucre. Donc, est-ce que l’on supprime l’examen ou est-ce que l’on limite les inégalités de fortune ? Pour l’instant on a choisi de supprimer l’examen. Du coup, le fils de riche sera riche et puissant et le fils de pauvre sera pauvre et soumis. A cent pour cent. Merci Bourdieu.

        +8

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      • Scorpion Bleu // 28.07.2020 à 12h55

        Faire des études, obtenir des diplômes, restent de plus en plus vus comme « une arme » permettant de « prendre sa place au coeur du pouvoir financier » de gagner le + d’argent possible.
        Pourtant le savoir, acquérir des connaissances, n’est-ce pas tout autre chose ?
        Mais, permettre à tous d’apprendre à apprendre, comprendre et s’ouvrir au monde, apprendre des langues et leurs cultures. Apprendre pour permettre de penser, de se découvrir, choisir son univers, un métier, un emploi.. .
        Tous ces jeunes des classes populaires et moyennes « poussés » par la discrimination positive ou à faire des efforts énormes, car ils sont « intelligents » se retrouvent souvent à l’issue de ce système, quoique diplômés, amers, dans la honte sociale, jamais satisfaits, des cadres supérieurs qui en font toujours plus pour être soi-disant reconnus. Une nouvelle forme de soumission aux maîtres dans laquelle ils s’oublient.
        Certains enfants des classes moyennes et supérieures issus milieux éduqués, mais sans héritage, avec des valeurs où la priorité restent le savoir, les diplômes Pour eux, l’abandon de la méritocratie, ou le contournement des concours sont graves. Ce changement redonne priorité aux possédants et à des méritants sélectionnés. Ces possédants écrasent les classes moyennes.

        Notre système d’enseignement actuel est bâti sur une société où l’argent est Roi
        Comment donner à tous une place au bonheur d’apprendre, à la qualité dans les recrutements, au plaisir de participer à une évolution positive de la société ?

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      • Anfer // 28.07.2020 à 15h40

        A noter que déjà dans la Chine ancienne, les copies étaient anonymisé et recopié par un scribe pour ne juger que les réponses, et tout était centralisé dans la capitale.
        Avant les examens, les étudiants étaient fouillés, et la pièce dans laquelle ils passaient leurs examens étaient scellée.

        Un fonctionnaire ne pouvait pas être nommé dans sa région d’origine pour éviter le clientélisme.

        Toutes ces questions liés à l’administration ont été retournés dans tous les sens par les chinois pour limiter au maximum les dérives possibles.

        Toutes sauf une, la répartition plus équitable de la richesse et de la propriété.
        Principalement pars que la classe dominante est resté pendant des millénaires une classe de propriétaires terriens féodaux.

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  • Lois-economiques // 27.07.2020 à 21h23

    La Noblesse justifiait sa domination par des ancêtres glorieux issus de l’époque féodale, la bourgeoisie a inventé la méritocratie.

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    • jean-pierre.georges-pichot // 28.07.2020 à 07h30

      Non. La charge contre la supposée ‘méritocratie’, qui n’a jamais vraiment existé en Anglophonie, sinon à titre d’embryon dans l’Angleterre d’après-guerre parce que l’inamovible aristocratie, incontestée dans sa fortune et son pouvoir depuis Guillaume le Conquérant, avait eu chaud aux fesses devant Adolf Hitler, et n’avait été sauvée que par ses serviteurs coloniaux et sa classe ouvrière, semble bien hors de saison. Je répète : l’entrée dans la classe dirigeante s’y achète, comme dans notre ancien régime on devenait noble en achetant une charge qui faisait entrer dans la ‘noblesse de robe’, ou une terre à laquelle s’attachaient des droits seigneuriaux. En France, la révolution avait balayé cela. D’où un effet méritocratique réel et incontestable dont l’instrument était la gratuité d’un enseignement d’État et le système des concours et examens anonymes. Tout ceci sapé par la propagande dénonçant le caractère illusoire de ces dispositifs, dont le porte-drapeau le plus célèbre aujourd’hui fut le désastreux Bourdieu. L’alignement sur l’Anglophonie qui résulte de leur victoire d’opinion se traduit par la montée des écoles de commerce payantes. Normale Sup tombe bien en dessous de HEC, et aussi les écoles d’ingénieurs. Ceci explique l’effondrement industriel, la ruine du niveau d’éducation, et jusqu’aux déraillements dans les chemins de fer. C’est aussi un refoulement, applaudi par les milieux bourgeois et mondialistes, de la république honnie. Retour, avec les dénationalisations, des grandes fortunes, du mécénat, des polices privées. Bon appétit, messieurs.

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  • Renaud // 28.07.2020 à 10h56

    Le marché tranche sans aucunes pensées, encore moins d’états d’âme et il faut être présent aux rendez-vous des profits. Le marché n’attend jamais ni ne repasse les plats à l’identique. C’est un autre problème et tout le monde dit que c’est un autre problème, donc personne n’est prêt à y toucher … Mais le capitalisme à l’état brut, qu’il soit noir, gris ou vert, à pois ou à rayures, étant ce qu’il est : intouchable, sauf à être foudroyé par une crise fatale à laquelle d’ailleurs je crois très peu (mais je peux me tromper lourdement) paraît d’une plasticité à toute épreuve.
    Je crois davantage à un empoisonnement financier progressif et létal du capitalisme jusqu’au moment où le socialisme aura triomphé avec les moyens du capitalisme … autrement dit le mondialisme s’accomplissant.
    C’est-là l’exact projet fabien, c’est à dire de la Société Fabienne dont, dans le monde, beaucoup d’institutions, de fondations, d’universités, de grandes écoles économiques, etc. portant d’autres noms que Fabienne sont les diffuseurs des idées fabiennes depuis de nombreuses décennies, formant des dirigeants presque tous sortant du même moule… Nous sommes en plein dedans.
    Jusqu’à quand ??

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  • Dissonance // 28.07.2020 à 20h40

    Une nuance à apporter à ce texte, apparemment d’origine anglo-saxonne: En France l’élitisme s’exprime principalement dans ce qu’on appelle « les Grandes Ecoles », qui sont pour une bonne part publiques. Polytechnique, les Mines, l’ENS, l’ENA sont autant d’écoles sous la responsabilité de l’État (Polytechnique est même une école militaire), ce qui pourrait éventuellement expliquer l’extrême porosité entre les milieux d’affaire, la haute fonction publique et les responsabilités politiques (E. Todd parle à ce sujet de classe stato-financière), porte ouverte à toutes les corruptions et autres conflits d’intérêts. En cela, Macron est un cas d’école, sans jeu de mots.

    Mais au delà de ça, l’idéologie du mérite comme justification des inégalités n’est absolument pas une dérive contemporaine, mais sa raison d’être depuis l’invention du concept. Déjà dans les théocraties antiques, c’est par le mérite et son pendant le sacrifice qu’on justifiait la bienveillance ou la malveillance des dieux. On expliquait une mauvaise récolte ou tout autre calamité par le manque de telle ou telle action prouvant la dévotion de la population, c’est à dire par le manque de mérite religieux, et inversement.

    Par ailleurs, il serait sans doute temps de s’interroger sur le sens d’une société qui se réclame de l’égalité et de la démocratie à tous bouts de champs mais se revendique par ailleurs de la méritocratie, comme si ces termes n’étaient pas fondamentalement contradictoires.

      +2

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  • Guise // 28.07.2020 à 22h32

    La méritocratie est biaisée en France par un apprentissage très difficile à compenser sans argent : la maîtrise d’une langue étrangère, qui fait baisser ou au contraire augmenter la note finale aux concours ou aux examens . Qui peut se permettre de parler correctement une langue étrangère, sans papa-maman qui payent des séjours réguliers depuis l’enfance ? Pas les pauvres.

    L’enfumage de la méritocratie passe aussi par là. On fait « comme si » les enfants avaient des possibilités égales d’apprendre des langues (avec leurs trois pauvres cours à l’éducation nationale), et ensuite on fait des séléctions où la langue compte. Le résultat est logique : les enfants de la classe bourgeoise partent avec une longueur d’avance, n’ont pas besoin de réviser aussi dur que les enfants de pauvres, et peuvent se concentrer sur les autres parties du concours.
    Et ensuite, on nous dit que c’est quelque chose d’égalitaire, qui permet de sélectionner les « meilleurs »…

      +4

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  • METZGER // 30.07.2020 à 08h31

    Pourquoi vouloir polluer le concept de méritocratie avec celui d’égalité ? La méritocratie consiste à former une élite réelle, contrairement à notre actuelle élite financière parasitaire. Et prétendre que l’héritage confiscatoire ne peut toucher les hyper-riches est une illusion sans fondement. Enfin, pourquoi opposer démocratie et méritocratie, qui sont complémentaires ? Imaginons que l’héritage Arnault, Bettencourt, Dumas, Mulliez, soit réparti vers des bourses d’études aux plus méritants, que tous les bien privatifs soient touchés par cette redistribution en laissant le capital industriel intact ? Nous devons notre dette à la cupidité d’une classe politique cynique criminelle qui a vendu le peuple aux financiers. L’éducation, la santé en souffrent. Ce ne serait qu’un JUSTE retour des choses. La méritocratie est une affaire de justice avant tout. Enfin prétendre que confisquer l’héritage rendrait les gens fainéants est une idée saugrenue, comme si le travail servait à transmettre… Les revenus du capital peuvent seuls expliquer cette aberration. Apprenons à protéger et transmettre un héritage intellectuel, culturel. Ainsi, à chaque génération un new deal, sans que les fils à papa se réservent toujours les meilleurs places, les plus grands domaines, etc…Il faut que cela circule au détriment de la spéculation d’une caste maffieuse.

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    • Dissonance // 30.07.2020 à 09h57

      La méritocratie s’oppose à l’égalité puisqu’elle est productrice de hiérarchie sociale. Par définition, hiérarchie et égalité sont des antonymes sur les plans politique et social. La validité des critères de cette hiérarchisation (« élite réelle » vs « élite parasitaire ») n’est finalement qu’une question de points de vue relatifs aux valeurs morales de chacun. Pour ceux dont la réussite économique est le critère pertinent, ce que vous appelez « élite parasitaire » est « l’élite réelle ». Le mérite est en définitive non seulement la justification des inégalités, mais aussi celle de l’oppression d’une classe sur les autres.

      Comme le rappelle Guise ci-dessus, la reproduction sociale implique que même dans l’hypothèse d’une « remise à zéro » économique à chaque génération, la transmission d’un héritage culturel au sein d’une famille conduit de fait à des inégalités culturelles entre familles, elles-même génératrices d’inégalités économiques par la suite. C’est un cercle vicieux. La méritocratie idéale dans laquelle tout le monde partirait à égalité et les plus méritants arriveraient les premiers est un mirage. Les inégalités préexistent à la méritocratie, et celle-ci, loin de les atténuer, les aggrave au contraire.

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  • METZGER // 30.07.2020 à 08h50

    Il n’y aura jamais d’élite méritante, compétente, républicaine, sans une redistribution des héritages, une remise à zéro des compteurs à chaque génération. Ceux qui luttent contre cette idée font feu de tout bois pour dénaturer la fonction de la méritocratie dans une république. Guise a entièrement raison en citant l’apprentissage des langues, mais il en est de même pour la culture générale, l’appétence à l’effort, la musique… Nos grandes écoles ont été le creuset d’une génération qui profitait de l’ascenseur social. Le pantouflage devrait aussi être combattu avec la dernière énergie : il s’agit d’une dérive clanique, et nos stato-dirigeants sautent dans leur stratosphère. Lutter contre un héritage redistributif est une position archaïque et destructrice. Cela est indéfendable, et incompréhensible. Pas un argument avancé à son encontre ne tient debout, alors, pourquoi un tel rejet ? Mystère…

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