Les Crises Les Crises
9.août.20159.8.2015 // Les Crises

Noam Chomsky : « l’Occident terroriste »

Merci 1825
J'envoie

Noam Chomsky raconte l’Occident terroriste

Noam Chomsky. (David Wagnières)

Qu’ont fait au monde le colonialisme et l’impérialisme? Noam Chomsky dialogue avec le reporteur André Vltchek et démonte quelques idées reçues

«George Orwell disait des humains vivant hors d’Europe, de l’Amérique du Nord et de quelques pays privilégiés d’Asie qu’ils étaient des non-personnes », écrit André Vltchek dans l’avant-propos. Tel est le fil conducteur de ce livre, où l’on évoque des millions de morts par lesquels la conscience occidentale n’a pas été marquée: «non-personnes» des colonies, puis du tiers-monde, victimes de la poursuite occidentale du pouvoir, des ressources et du profit, tuées et rendues insignifiantes.

Après quinze ans d’échanges épistolaires sur ce sujet, deux hommes décident de se rencontrer pour dialoguer, pendant deux jours, en enregistrant leur conversation en vue d’un film (actuellement en production) et d’un livre, publié en anglais en 2013 et aujourd’hui en français. L’un des deux est Noam Chomsky, figure majeure de la linguistique et intellectuel militant, attelé au dévoilement du système de propagande qui forge l’opinion dans les pays démocratiques et à la déconstruction de l’impérialisme américain. Son interlocuteur, André Vltchek, est Soviétique de naissance, New-Yorkais d’adoption, philosophe, romancier, cinéaste, reporter, poète, dramaturge et photographe, selon l’ordre qu’il retient lui-même pour énumérer ses activités.

«Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le colonialisme et le néocolonialisme occidentaux ont causé la mort de 50 à 55 millions de personnes», attaque Vltchek. A celles-ci, «mortes en conséquence directe de guerres déclenchées par l’Occident, de coups d’Etat militaires pro-occidentaux et d’autres conflits du même acabit», s’ajoutent «des centaines de millions de victimes indirectes qui ont péri de la misère, en silence».

Colonialisme, d’abord: histoires oubliées. «Les premiers camps de concentration n’ont pas été construits par l’Allemagne nazie, mais par l’Empire britannique, en Afrique du Sud»: c’était pendant la seconde guerre des Boers, à l’aube du XXe siècle. Quant à l’Allemagne, avant l’extermination des Juifs (et des Roms), elle avait été «impliquée dans de terribles massacres en Amérique du Sud et, en fait, un peu partout dans le monde» – mais qui connaît la décimation, par ses soins, des Héréros de Namibie, des Mapuches de Valdivia, d’Osorno et de Llanquihue (Chili), des natifs des Samoa allemandes? «A propos des connaissances des Européens sur le colonialisme, je répondrais qu’ils n’en savent presque rien.»

Néocolonialisme, ensuite. «Des atrocités parmi les plus abominables ont été commises ces dernières années dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). De trois à cinq millions de personnes y auraient perdu la vie. Qui doit-on montrer du doigt? Les milices. Mais derrière les milices se trouvent les multinationales et les gouvernements», affirme Chomsky. L’enjeu? «Avoir accès au coltan (utilisé par les Occidentaux dans leurs téléphones portables) et à d’autres minéraux précieux.»

Impérialisme, enfin. De l’histoire du Cambodge, on connaît essentiellement les atrocités commises entre 1975 et 1979 par le régime communiste des Khmers rouges. «En ce qui concerne les quelques années qui l’ont précédé, on nage dans l’ignorance.» Mais au début des années 1970, avant le règne de Pol Pot, la terreur venait du bombardement des zones rurales ordonné par le secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger: un «véritable appel au génocide». Comme au Laos, où «des millions de personnes ont ainsi été impitoyablement assassinées», l’objectif de l’opération était de «dissuader ces pays de se joindre au Vietnam dans sa lutte de libération». Massacre préventif, donc. Guerre secrète, en principe. «Eh bien, il a fallu une seule phrase du New York Times relatant la nouvelle pour que la campagne prenne fin.»

On s’étonnera peut-être, plus loin, dans le chapitre consacré au «bloc soviétique», de l’indulgence relative avec laquelle Vltchek considère les anciens pays de l’Est de l’après-Staline. L’existence d’un double standard de jugement en la matière semble pourtant peu contestable. La répression du Printemps de Prague par Moscou, en 1968, a marqué durablement les esprits de l’Occident comme une tragédie terrible: elle a fait 70 à 90 morts. Trois ans plus tôt, le «coup d’Etat commandé par Washington» contre l’Indonésie de Soekarno, pays coupable d’avoir attrapé «le virus du développement autonome», a été suivi de massacres faisant, selon les estimations, entre un demi-million et trois millions de victimes. On s’en souvient moins.

Et ce n’est pas tout. «L’URSS subventionnait ses satellites européens à un point tel que ceux-ci ont fini par devenir plus riches que leur puissance tutélaire. Dans l’histoire, le bloc soviétique représente le seul cas d’un empire dont la métropole était plus pauvre que ses colonies», ajoute Chomsky. Les Soviétiques «n’ont pas siphonné toutes les ressources du pays comme le font les Etats-Unis ailleurs».

L’étonnement continue lorsque les deux hommes parlent de la Chine: «La télévision et les journaux chinois sont beaucoup plus critiques du système économique et politique de leur pays que nos chaînes le sont du nôtre», relève Vltchek. «Pour avoir vécu sur tous les continents, je peux affirmer que les «Occidentaux» forment le groupe le plus endoctriné, le moins bien informé et le moins critique de la Terre, à quelques exceptions près, bien sûr, comme l’Arabie saoudite» – financière de l’islamisme radical et alliée de l’Occident.

Chomsky et Vltchek s’accordent sur le principal pôle d’espoir: «Presque toute l’Amérique est désormais libre. Même certains pays d’Amérique centrale sont enfin en train de conquérir leur indépendance», par rapport à la domination états-unienne. Les deux hommes divergent çà et là (c’est d’une conversation qu’il s’agit, avec ses flottements et ses quelques approximations), notamment sur l’avenir: le premier est plus optimiste que le second quant à la possibilité de «mettre fin au règne de la terreur» instauré par l’Occident pour faire régner, au mépris des vies humaines, le «fondamentalisme du marché».

Source : Nic Ulmi, pour Le Temps.ch, le 13 juin 2015.


«L’Occident terroriste, d’Hiroshima… aux drones»

Provocateur, globe-trotteur comme on n’en fait plus, il a rencontré beaucoup de monde pour conclure à l’injustice de ce monde.

Aujourd’hui à presque 88 ans, cet homme aux mille vies continue de s’interroger et d’interpeller les gens en multipliant les mises en garde.

Son dernier ouvrage : L’Occident terroriste : d’Hiroshima à la guerre des drones au titre significatif et ô combien accusateur, est une alerte qui n’est le fait ni d’un génie fauché ni d’un vagabond incompris.

Celui qui veut aiguillonner la révolution des consciences est dépité par «la dégénérescence» des vertus cardinales, gangrenées par les puissances de l’argent. Dédaignant les joutes idéologiques imposées par des intellectuels assujettis, le philosophe cohérent et sincère veut sortir des carcans préfabriqués et des solutions prêt-à-porter. Hussard sur le toit brûlant d’une planète en ébullition voire en feu, ce saltimbanque de la pensée en mouvement perpétuel n’en finit pas de tirer la sonnette d’alarme et sur ceux qu’il considère à l’origine des désastres présents et à venir…Cet homme, c’est Noam Chomsky, ulcéré par le fait que la politique a été supplantée par l’économique. «L’ultralibéralisme économique a ceci de particulier.

En échappant aux institutions et aux régulations, celui-ci trouve un terreau propice à son expansion sauvage. En poursuivant avec la même arrogance son pouvoir si caduc en se déployant davantage de manière hégémonique. On a l’impression de vivre piégés. Cette situation fatale découlerait d’une ‘‘globalisation’’ dont on ne connaît ni les tenants, encore moins les aboutissants».

C’est à peu près autour de ces questions que le professeur en linguistique a consacré une bonne partie de ses travaux. Mais qui est au juste Noam Chomsky ? Il est né en 1928. Après des études studieuses en hébreu, il s’oriente vers la linguistique dont il devient l’une des références les plus en vue.

DE LA RELIGION À L’ANARCHISME

C’est vers 1964 que Chomsky a pris la décision de s’engager publiquement dans le débat politique. Depuis la publication de L’Amérique et ses nouveaux mandarins, en 1969, Chomsky a consacré l’essentiel de ses interventions publiques à une critique radicale de la politique étrangère des Etats-Unis.

Elle n’est guidée, selon lui, que par la volonté de favoriser coûte que coûte l’expansion ou le maintien de l’empire américain, si bien que «les Etats-Unis ne peuvent tolérer le nationalisme, la démocratie et les réformes sociales dans le tiers-monde parce que les gouvernements de ces pays devraient alors répondre aux besoins de la population et cesser de favoriser les intérêts des investisseurs américains».

A ce titre, Chomsky pense notamment que l’étiquette de «terroriste» est une arme idéologique employée par des gouvernements qui ont été incapables de reconnaître la dimension terroriste de leurs propres activités. Il critique largement la politique d’Israël vis-à-vis des Palestiniens et le soutien des Etats-Unis à cette politique.

Pour lui, loin de conduire à un véritable «processus de paix», le soutien diplomatique et militaire apporté depuis la résolution 242 par les Etats-Unis à leurs alliés israéliens au Moyen-Orient bloque toute initiative concrète en ce sens. En Israël, selon le quotidien Haaretz, Chomsky est vu par la droite, mais pas seulement, comme un déserteur, un traître et un ennemi de son peuple. Eveilleur Chomsky ? Il faut bien le croire en suivant son itinéraire chahuté.

En s’interrogeant en permanence sur notre incapacité à réagir, en acquiesçant presque toujours tétanisés, vivant non pas sous l’empire de la fatalité, mais plus banalement sous un régime planétaire dont l’idéologie évacue le principe même du politique et que sa puissance se passe du pouvoir et des institutions étant la source et le moteur des drames planétaires à propos desquels ce pouvoir invisible parvient à n’être même pas mentionné, car s’il détient la gestion véritable de la planète il délègue aux gouvernements soumis l’application.

Aussi, la question n’est pas pour ce régime international d’organiser une société, mais d’accumuler des richesses et des profits, prêt à tous les ravages. «L’Occident, nous prévient-il, voit la démocratie chez les autres à travers un prisme bien singulier. Une démocratie à géométrie variable, penchant au nom de ses intérêts plutôt vers la deuxième conception de la démocratie qui veut que le peuple doit être exclu de la gestion des affaires qui le concernent et que les moyens d’information doivent être étroitement et rigoureusement contrôlés.

On est loin de la participation efficace des citoyens à la gestion des affaires qui les concernent et qui a cours dans les sociétés avancées.» Aussi Noam rappelle-t-il certaines évidences, en allant puiser dans l’histoire tumultueuse de la plus grande puissance mondiale. «Lippmann, figure de proue des journalistes américains et grand théoricien de la démocratie libérale, avait déjà reconnu il y a un siècle l’impact de la propagande censée fabriquer le consentement, c’est-à-dire pour obtenir l’adhésion de la population à des mesures dont elle ne veut pas grâce à l’application de nouvelles techniques de propagande.» Démocratie, que de dégâts a-t-on commis en ton nom ? s’est interrogé Chomsky : «Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, le colonialisme et le néo-colonialisme occidentaux ont causé la mort de 55 millions de personnes, le plus souvent au nom de nobles idéaux comme la liberté et la démocratie. Pourtant, l’Occident parvient à s’en tirer en toute impunité et à entretenir aux yeux du reste du monde le mythe voulant qu’il soit investi de quelque mission morale.

Comment y arrive-t-il ?» Chomsky dénonce de façon magistrale l’héritage funeste du colonialisme et l’exploitation éhontée des ressources naturelles de la planète exercée par les pays du Nord. Chomsky parle de la censure avec beaucoup de dérision. «Chez nous, la censure s’exerce aussi d’autres façons.

Nos médias emploient des techniques qui, sans relever précisément de la censure, nous empêchent de dire quoi que ce soit.» Plus sérieusement, l’analyste lucide et au fait des choses livre certaines vérités sur les manipulations et les retournements de situations qu’on a de la peine à croire. «Au début de l’invasion américaine de l’Afghanistan, j’ai séjourné à Islamabad. La capitale pakistanaise était l’endroit le moins éloigné du théâtre des opérations auquel la presse avait accès.

Des hordes de journalistes s’y trouvaient donc pour couvrir l’événement, et j’ai constaté la même chose : ils étaient tous assis au bar de l’hôtel à s’amuser. Quand un missile a détruit les bureaux d’Al Jazeera à Kaboul, ils ont minimisé l’affaire en la qualifiant d’erreur de tir. Tous les journalistes présents s’en moquaient Ils admettaient tous qu’on cherchait à pulvériser cet immeuble, mais aucun d’eux n’a rapporté cette information. Ils ont tous écrit le même texte.

C’était en Afghanistan, mais j’ai constaté la même chose en Cijordanie et en Amérique centrale (…). Nombreux sont les reporters qui ne vont jamais sur le terrain. Il existe cependant de courageuses exceptions qui méritent tout notre respect.»

LE MAL, C’EST L’ULTRALIBÉRALISME

Chomsky évoque les collusions suspectes de l’Amérique. Si l’on s’intéresse aux tribunaux internationaux, on constate que ce sont surtout des Africains qui y sont accusés, ainsi qu’une poignée d’ennemis de l’Occident, tel Milosevic. Et ces Africains font toujours partie du camp auquel nous nous opposons.

Pourtant, d’autres crimes n’ont-ils pas été commis ces dernières années ? «Prenez l’invasion de l’Irak : il n’y a rien là qui puisse être considéré comme criminel — si l’on oublie Nuremberg et le reste du droit international contemporain. Il en est ainsi pour une raison d’ordre juridique peu connue : les Etats-Unis se sont immunisés contre toute poursuite. En 1946, ils ont adhéré à la Cour internationale de justice en imposant une condition : celle de ne jamais y être poursuivis en vertu d’un traité international, qu’il s’agisse de la Charte des Nations unies, de la Charte de l’Organisation des Etats américains (OEA) ou des Conventions de Genève.

Ils se sont donc mis à l’abri de tout procès relatif à ces dispositions, ce que la Cour a accepté. Le cas du Sahara occidental est intéressant. Ses habitants, les Sahraouis, sont de véritables non-personnes ! Il s’agit de la dernière colonie officielle d’Afrique, si bien que les Nations unies ont été chargées de son administration et de sa décolonisation (…) Mais sitôt annoncée la rupture du lien colonial en 1975, le pays a été envahi par le Maroc, un satellite de la France.

La plus récente récrimination a été soulevée au tout début du Printemps arabe. En fait, c’est au Sahara occidental que le Printemps arabe a commencé avant la Tunisie.» Chomsk est formel quant au financement du terrorisme international alors que les Américains laissent faire. «Les Saoudiens financent généreusement les variantes les plus extrémistes de l’islamisme radical — le wahhabisme des madrasas du Pakistan aux groupes salafistes d’Egypte. Les Etats-Unis n’y voient aucun problème et ne font rien pour les en empêcher. La thèse voulant que les Etats-Unis s’opposent à l’islamisme radical est ridicule. L’Etat islamiste le plus fondamentaliste du monde est l’Arabie Saoudite, un favori de Washington. Le Royaume-Uni a lui aussi soutenu l’islamisme de manière assidue.

Cet appui découle de la nécessité de combattre le nationalisme séculier. La relation de proximité qui existe aujourd’hui entre les Etats Unis et Israël s’est établie en 1967 quand l’Etat hébreu a généreusement écrasé le nationalisme séculier.» Le Printemps arabe est une équation complexe, estime Chomsky, «ce n’est qu’au cours de la dernière décennie que l’Amérique latine, pour la première fois depuis les conquistadors, a emprunté le chemin de l’intégration et de l’indépendance.

Ce continent a aussi entrepris de faire face à certains de ses propres problèmes sociaux qui sont terribles. Son évolution récente a une portée historique. Si le Printemps arabe allait dans la même direction, ce qui est encore possible, l’ordre mondial en sortirait radicalement transformé. C’est pourquoi l’Occident fait tout pour l’en empêcher.»

UNE TRIBUNE POUR LES SANS-VOIX

«Je pressens que les gouvernements vont bientôt perdre toute crédibilité, incapables qu’ils sont de régler les problèmes fondamentaux qui ont donné lieu aux soulèvements, à savoir les politiques néolibérales et leurs conséquences. Ils ne font que les reconduire. Leurs pays vont ainsi s’enfoncer davantage dans le marasme. Prenons la Libye, par exemple. Le bombardement de ce pays n’a reçu pratiquement aucun appui au-delà des trois puissances impériales classiques que sont le Royaume-Uni, la France et les Etats-Unis.

On parle de la ‘‘communauté internationale’’, mais il s’agit d’une vue de l’esprit. Si les appuis ont été si rares, ce n’est pas sans raison : en mars 2011, les Nations unies avaient adopté une résolution appelant à l’établissement d’une ‘‘zone d’exclusion aérienne’’, à la protection des civils, à l’imposition d’un cessez-le-feu et à l’ouverture de négociations. Les puissances impériales ne souhaitaient pas emprunter cette voie. Elles voulaient prendre part à la guerre et imposer à la Libye un gouvernement correspondant à leurs attentes. Si le reste du monde s’opposait à l’offensive aérienne, c’est parce qu’il craignait que celle-ci, en menant à une guerre d’envergure, ne débouche sur une catastrophe humaine.

Et c’est ce qui s’est produit. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles plus personne n’en parle ; la Libye n’est plus qu’un champ de ruines.» Le terrorisme international qui semble avoir tissé une toile à travers le globe avec une facilité déconcertante restera comme une tache noire, mais aussi une énigme. «On classe les actes terroristes dans les catégories bien distinctes. Les ‘‘leurs’’ qui sont épouvantables, et les ‘‘nôtres’’ qui relèvent de la vertu». Vous avez dit vertu ? Et puis Chamsky de mentionner l’attaque de novembre 2004 contre Falloudja par les forces armées américaines, un des pires crimes commis dans le cadre de l’invasion de l’Irak. «Cela a commencé par l’occupation de l’hôpital général.

Cela constitue déjà en soi un grave crime de guerre. Des soldats en armes ont forcé les patients et les employés de l’hôpital à sortir des chambres, puis leur ont ordonné de s’asseoir et de se coucher par terre et leur ont ligoté les mains derrière le dos, rapportait l’article. Selon ce dernier, ces crimes étaient non seulement justifiés mais méritoires. En fait, l’hôpital général de Falloudja diffusait régulièrement des rapports sur le nombre des victimes civiles…».

Source : Hamid Tahri, pour El Watan, le 9 juillet 2015.


Genre: Essai
Qui ? Noam Chomsky, André Vltchek
Titre: L’Occident terroriste. D’Hiroshima à la guerre des drones (Trad. de l’anglais par Nicolas Calvé)
Chez qui ? Ecosociété, 174 p.

Noam Chomsky. (David Wagnières)

Noam Chomsky. (David Wagnières)

«George Orwell disait des humains vivant hors d’Europe, de l’Amérique du Nord et de quelques pays privilégiés d’Asie qu’ils étaient des non-personnes », écrit André Vltchek dans l’avant-propos. Tel est le fil conducteur de ce livre, où l’on évoque des millions de morts par lesquels la conscience occidentale n’a pas été marquée: «non-personnes» des colonies, puis du tiers-monde, victimes de la poursuite occidentale du pouvoir, des ressources et du profit, tuées et rendues insignifiantes.

Après quinze ans d’échanges épistolaires sur ce sujet, deux hommes décident de se rencontrer pour dialoguer, pendant deux jours, en enregistrant leur conversation en vue d’un film (actuellement en production) et d’un livre, publié en anglais en 2013 et aujourd’hui en français. L’un des deux est Noam Chomsky, figure majeure de la linguistique et intellectuel militant, attelé au dévoilement du système de propagande qui forge l’opinion dans les pays démocratiques et à la déconstruction de l’impérialisme américain. Son interlocuteur, André Vltchek, est Soviétique de naissance, New-Yorkais d’adoption, philosophe, romancier, cinéaste, reporter, poète, dramaturge et photographe, selon l’ordre qu’il retient lui-même pour énumérer ses activités.

«Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le colonialisme et le néocolonialisme occidentaux ont causé la mort de 50 à 55 millions de personnes», attaque Vltchek. A celles-ci, «mortes en conséquence directe de guerres déclenchées par l’Occident, de coups d’Etat militaires pro-occidentaux et d’autres conflits du même acabit», s’ajoutent «des centaines de millions de victimes indirectes qui ont péri de la misère, en silence».

Colonialisme, d’abord: histoires oubliées. «Les premiers camps de concentration n’ont pas été construits par l’Allemagne nazie, mais par l’Empire britannique, en Afrique du Sud»: c’était pendant la seconde guerre des Boers, à l’aube du XXe siècle. Quant à l’Allemagne, avant l’extermination des Juifs (et des Roms), elle avait été «impliquée dans de terribles massacres en Amérique du Sud et, en fait, un peu partout dans le monde» – mais qui connaît la décimation, par ses soins, des Héréros de Namibie, des Mapuches de Valdivia, d’Osorno et de Llanquihue (Chili), des natifs des Samoa allemandes? «A propos des connaissances des Européens sur le colonialisme, je répondrais qu’ils n’en savent presque rien.»

Néocolonialisme, ensuite. «Des atrocités parmi les plus abominables ont été commises ces dernières années dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). De trois à cinq millions de personnes y auraient perdu la vie. Qui doit-on montrer du doigt? Les milices. Mais derrière les milices se trouvent les multinationales et les gouvernements», affirme Chomsky. L’enjeu? «Avoir accès au coltan (utilisé par les Occidentaux dans leurs téléphones portables) et à d’autres minéraux précieux.»

Impérialisme, enfin. De l’histoire du Cambodge, on connaît essentiellement les atrocités commises entre 1975 et 1979 par le régime communiste des Khmers rouges. «En ce qui concerne les quelques années qui l’ont précédé, on nage dans l’ignorance.» Mais au début des années 1970, avant le règne de Pol Pot, la terreur venait du bombardement des zones rurales ordonné par le secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger: un «véritable appel au génocide». Comme au Laos, où «des millions de personnes ont ainsi été impitoyablement assassinées», l’objectif de l’opération était de «dissuader ces pays de se joindre au Vietnam dans sa lutte de libération». Massacre préventif, donc. Guerre secrète, en principe. «Eh bien, il a fallu une seule phrase du New York Times relatant la nouvelle pour que la campagne prenne fin.»

On s’étonnera peut-être, plus loin, dans le chapitre consacré au «bloc soviétique», de l’indulgence relative avec laquelle Vltchek considère les anciens pays de l’Est de l’après-Staline. L’existence d’un double standard de jugement en la matière semble pourtant peu contestable. La répression du Printemps de Prague par Moscou, en 1968, a marqué durablement les esprits de l’Occident comme une tragédie terrible: elle a fait 70 à 90 morts. Trois ans plus tôt, le «coup d’Etat commandé par Washington» contre l’Indonésie de Soekarno, pays coupable d’avoir attrapé «le virus du développement autonome», a été suivi de massacres faisant, selon les estimations, entre un demi-million et trois millions de victimes. On s’en souvient moins.

Et ce n’est pas tout. «L’URSS subventionnait ses satellites européens à un point tel que ceux-ci ont fini par devenir plus riches que leur puissance tutélaire. Dans l’histoire, le bloc soviétique représente le seul cas d’un empire dont la métropole était plus pauvre que ses colonies», ajoute Chomsky. Les Soviétiques «n’ont pas siphonné toutes les ressources du pays comme le font les Etats-Unis ailleurs».

L’étonnement continue lorsque les deux hommes parlent de la Chine: «La télévision et les journaux chinois sont beaucoup plus critiques du système économique et politique de leur pays que nos chaînes le sont du nôtre», relève Vltchek. «Pour avoir vécu sur tous les continents, je peux affirmer que les «Occidentaux» forment le groupe le plus endoctriné, le moins bien informé et le moins critique de la Terre, à quelques exceptions près, bien sûr, comme l’Arabie saoudite» – financière de l’islamisme radical et alliée de l’Occident.

Chomsky et Vltchek s’accordent sur le principal pôle d’espoir: «Presque toute l’Amérique est désormais libre. Même certains pays d’Amérique centrale sont enfin en train de conquérir leur indépendance», par rapport à la domination états-unienne. Les deux hommes divergent çà et là (c’est d’une conversation qu’il s’agit, avec ses flottements et ses quelques approximations), notamment sur l’avenir: le premier est plus optimiste que le second quant à la possibilité de «mettre fin au règne de la terreur» instauré par l’Occident pour faire régner, au mépris des vies humaines, le «fondamentalisme du marché».

Source : Nic Ulmi, pour Le Temps Livres, le 13 juin 2015.

Commentaire recommandé

lanQou // 09.08.2015 à 14h59

Il me semble que votre commentaire tient plus de la bave que de la critique.
Ainsi, outre des fautes telles qu' »en soit », des incongruités comme « (sic) », il aurait été de bon aloi de citer au moins deux évènements du « nombre considérable » passés sous silence.
Bref, un concept qui sonne comme dans les films -Gate Keeper- et une idée usuelle – le révolté qui sert le pouvoir qu’il dénonce- me paraissent bien pauvres en regard de l’oeuvre critique de Chomsky envers l’impérialisme nord américain, aussi bien sur le plan théorique que dans les nombreux faits qu’il a mis en lumière.
Si Chomsky n’est pas plus que n’importe qui exempt de toute critique, il me semble que celle-ci devrait être un minimum plus sérieuse qu’un commentaire aussi lapidaire et commun.

31 réactions et commentaires

  • Lysbethe Levy // 09.08.2015 à 09h41

    Hé oui Hitler n’a rien inventé, que se soit de l’eugénisme scientifique ou le massacre de masse déjà l’Empire britannique qui règnait sur les océans du monde, les génocides étaient courant et jusqu’à nos jours malgré Nuremberg qui ne fut qu’une mascarade :

    http://worldsworstmassmurderer.blogspot.fr/ Les capitalismes des grands Empire du XIX ème siècle étant en concurrence, ils se firent la guerre par pays ou peuples interposés, ce que fit que les victimes civiles furent si nombreuses, et le fait pour les suprémacistes anglox-saxons (anglais, allemand, hollandais ou plus tard américain) ou latins (espagnols, français, portugais) les indigènes des nouveaux continents n’étaient rien de plus que des animaux a peine évolués que les singes !

    Les européens dans leur ensemble « se sont toujours » convaincus que Dieu leur avait donné le droit de supériorité sur les « peuples indigènes » de la planète au fur et à mesure des découvertes d’autres terres ou continents. A cette époque le racisme fut souvent « religieux »…

    Le pire de cette « croyance élective » fut le XIX siècle ou le racisme scientifique atteint son apogées après de nombreuses découvertes sur la connaissance de l’homme et de son milieu etc et ce .malgré « les Lumières ».passées. le racisme fut là dit scientifique ou biologique.

      +34

    Alerter
  • Fulanodetal // 09.08.2015 à 10h26

    Aucun homme n’est éternel et Noam Chomsky a 88 ans.
    Qui reprendra le flambeau lorsqu’il ne sera plus de ce monde?
    L’endoctrinement des occidentaux est tel que ce penseur exceptionnellement clairvoyant est pratiquement inconnu du grand public.
    Et c’est révoltant.

      +48

    Alerter
    • Pastèque // 09.08.2015 à 12h49

      Noam Chomsky est un Gate-Keeper, en soit le chien de garde de l’ordre social établi le plus efficace, car, en qualité de gate-keeper, il parle aux personnes qui ont un affect négatif de la société occidentale, et qui sont les plus à même de se révolter (sic).
      or Chomsky joue, à son corps défendant, le rôle de Gate-Keeper, on se dit, ‘avec chomsky, on sait ce qu’il en est’, alors qu’en fait chomsky passe sous silence un nombre considérables et décisifs d’événements, de liens oligarchiques.
      et lorsque les gate-keepers parlent de certains événéments, c’est alors d’une façon biaisée et malhonnête, seulement, comme ils ont un statut de ‘révolté’, tu adhères à leurs propos sur tous les sujets…

        +16

      Alerter
      • lanQou // 09.08.2015 à 14h59

        Il me semble que votre commentaire tient plus de la bave que de la critique.
        Ainsi, outre des fautes telles qu' »en soit », des incongruités comme « (sic) », il aurait été de bon aloi de citer au moins deux évènements du « nombre considérable » passés sous silence.
        Bref, un concept qui sonne comme dans les films -Gate Keeper- et une idée usuelle – le révolté qui sert le pouvoir qu’il dénonce- me paraissent bien pauvres en regard de l’oeuvre critique de Chomsky envers l’impérialisme nord américain, aussi bien sur le plan théorique que dans les nombreux faits qu’il a mis en lumière.
        Si Chomsky n’est pas plus que n’importe qui exempt de toute critique, il me semble que celle-ci devrait être un minimum plus sérieuse qu’un commentaire aussi lapidaire et commun.

          +56

        Alerter
      • pinaute // 09.08.2015 à 15h57

        Qu’en savez-vous réellement ?

          +1

        Alerter
      • Gilles // 11.08.2015 à 12h00

        « ce qui ravit les petits lecteurs de ce blog »
        quel dédain!! vous devez être une très petite personne pour employer de tels termes.

        Et ce qui est affligeant, ce sont les « like » qui soutiennent de tels propos

          +3

        Alerter
      • Jacko // 13.08.2015 à 15h25

        @Pastèque,
        Ton commentaire, pourquoi pas, mais tout ça, c’est assez sibyllin.
        ça serait drôlement plus intéressant si c’était étayé par des informations et argumentations détaillées non ?

        Donc merci de préciser certaines choses :
        – « chomsky passe sous silence un nombre considérables et décisifs d’événements, de liens oligarchiques »
        -> Lesquels svp ? de façon assez détaillée merci :°
        – « lorsque les gate-keepers parlent de certains événéments, c’est alors d’une façon biaisée et malhonnête, seulement, comme ils ont un statut de ‘révolté’, tu adhères à leurs propos sur tous les sujets… »
        Merci de développer ???

          +2

        Alerter
        • Pastèque // 20.08.2015 à 14h09

          @Jacko: j’ai déjà répondu et précisé, seulement la modération a bloqué le message..
          mediapart -autre gate-keeper, sauf que lui c’est consciemment- a sorti en 2012 une série d’articles sur les théories du ‘complot’, j’étais encore abonné à cette époque, j’en ai profité pour conserver les réactions des abonnés à ce qu’ils nous ont ‘offert’…

          et j’ai déjà lu des personnes rappeler ces ‘articles de télégraphistes’ d’aout 2012 sur les-crises.fr, c’est donc que cela les a marqué…

          mediapart a refait la même chose pour la syrie et l’ukraine…

            +2

          Alerter
    • Charlie Bermude // 09.08.2015 à 16h23

      Je dirais que Chomsky est un reste d’un monde englouti . Celui des trente glorieuses comme on dit où l’Occident se vautrait sans souci majeur . L’opinion était informée par les médias , journaux , puis radio , puis téle . La voix de son maitre . D’où la nécessité de l’intervention de sages , prophétiques , d’intellectuels de renom , frappant des symbales dans les rues pour annoncer le temps de la repentance et de la fin du monde . Aujourd’hui y a internet . Le role est désuet , surtout depuis que la science a changé de paradigme , il n’existe plus de systéme possible , exact et déterministe , mais conserve son charme .

        +0

      Alerter
      • Alfred // 10.08.2015 à 13h23

        C’est quand même franchement un peu fatiguant cet esprit réactionnaire qui consiste à considérer toute personne à la réputation établie (par l’action longue dans le temps et par le travail) comme un laquais du système (gatekeeper ici) ou quelqu’un de depassé (le reste d’un monde englouti).
        Franchement sans le mettre sur un piédestal la lecture de chomsky vous a t elle oui ou non aide à affiner votre compréhension du monde? oui ou non? Si oui baste!
        Par ailleurs n’est ce pas une référence explicite ou le plus souvent implicite dans ce qu’on trouve sur internet?
        Les gars si vous voulez regarder ce type de haut il vous faut d’abord produire. Et produire quelque chose d’assez fin, puissant et utile à vos semblables pour percer la muraille d’indifférence de l’ordre médiatique jusqu’au fin fond des campagnes. Ça fait du boulot. Bonne chance on vous lira peut être avec plaisir.

          +22

        Alerter
        • Jacko // 13.08.2015 à 15h32

          @Alfred,

          Bien d’accord, « la critique est facile, mais l’art est difficile » comme disait l’autre.
          Ils utilisent une technique de manipulation bien connue mais souvent efficace pour provoquer l’abandon.
          Comme tu dis, on attend toujours de les lire…

            +0

          Alerter
  • samuel // 09.08.2015 à 10h55

     » Pour avoir vécu sur tous les continents, je peux affirmer que les Occidentaux forment le groupe le plus endoctriné, le moins bien informé et le moins critique de la Terre, à quelques exceptions près, bien sûr, comme l’Arabie saoudite – financière de l’islamisme radical et alliée de l’Occident. »

    En tout endroit, chaque grand journaliste de l’Occident est en quête de scoop, pour le bien de la démocratie, mais une telle info dépasse de loin l’entendement de nos médias les plus corrompus par les seules valeurs dominantes. Il est vrai que l’Arabie Saoudite a beaucoup de sang sur les mains, depuis que l’Oncle Sam terrorise le globe par le biais de plusieurs officines secrètes, c’est pour cette raison aussi que la plus importante des valeurs a été perdue. Par moments nous sommes informés à travers des gens comme untel ou untel, mais toujours avec beaucoup de maquillage, c’est pourquoi cela laisse souvent croire que le monde de la finance ne recommencera pas les mêmes pratiques, quand bien même à travers l’élection du premier président Afro-américain de l’histoire des USA pour les minorités. Et puis les gens sont devenus tellement accoutumés aux nouvelles drogues comme à leurs médias, qu’on pourrait se demander comment les élites US pourraient-elle avoir une autre conduite comme vis-à-vis de leur pays.

      +9

    Alerter
  • Alae // 09.08.2015 à 11h56

    « Elle [la politique étrangère des USA] n’est guidée, selon lui, que par la volonté de favoriser coûte que coûte l’expansion ou le maintien de l’empire américain, si bien que «les États-Unis ne peuvent tolérer le nationalisme, la démocratie et les réformes sociales dans le tiers-monde parce que les gouvernements de ces pays devraient alors répondre aux besoins de la population et cesser de favoriser les intérêts des investisseurs américains».

    C’en est au point que les pays souhaitant améliorer le sort de leur population au détriment des intérêts des corporations Étasuniennes sont perçus comme « des menaces envers la sécurité des USA, la liberté, la démocratie et l’American way of life ». En matière d’hubris, on peut difficilement faire pire : grosso modo, la planète appartient aux corporations des USA.
    Denièrement, je suis tombée sur une info: en ce moment, il y a une guerre d’indépendance ignorée, malgré un nombre considérable de victimes. Presque personne n’en parle, à peine une ligne par ci, par là dans les médias et pourtant, elle dure depuis 30 ans. La Papouasie Occidentale, colonisée par l’Indonésie, est l’objet d’un génocide soutenu par les puissances occidentales et la Banque mondiale.
    http://www.culturalsurvival.org/ourpublications/csq/article/west-papua-forgotten-war-unwanted-people
    Devinez quoi? On y trouve la plus grande mine d’or au monde, et qui est-ce qui extrait l’or ? bien évidemment, une compagnie Étasunienne, Freeport-McMoRan.
    http://www.eco-action.org/ssp/freeport_wpapua.pdf
    Ce qui leur manque en humanité, ils le compensent par une incessante propagande droit-de-l’hommiste écoeurante d’hypocrisie, le pire étant que ça marche. Pendant des années, nous avons considéré les Etasuniens comme des gens civilisés, et beaucoup le croient encore. Quelle blague !

      +48

    Alerter
  • RosettaPhilae // 09.08.2015 à 12h25

    Si je comprends bien, les Américains, les Français, les Japonais, les Anglais et l’URSS étaient, ont été et sont des terroristes patentés, les uns ne valant pas plus que les autres. Il ne fait pas bon être faible. Moralité: un pays ne doit compter que sur ses propres forces. Qu’on se le dise.

      +6

    Alerter
    • Macarel // 09.08.2015 à 13h06

      Il ont employé des méthodes qui ont semé la terreur parmi les peuples qu’il colonisaient. Afin de les mater, en ce sens ils ont terrorisé ces peuples, donc celui qui terrorise, mérite bien le qualificatif de terroriste. Mais c’est un terroriste qui a la légitimité que donne le fait de disposer de la plus grande force, celui qui dispose de la force la plus importante, est aussi celui qui établi les règles, donc les lois. Dès lors, les actes violents qu’il exerce sur plus faible que lui, sont exécutés dans le cadre de la loi, sa loi, la loi du plus fort, certes. Mais dès lors que cette violence est exercée dans un cadre légal, elle n’est plus considérée comme acte terroriste, et ce sont ceux, dominés par les premiers, qui réagissent à ces violences, par d’autres violences qui acquièrent le statut légal de terroriste.
      Dans une guerre asymétrique, le terroriste, est toujours celui, plus faible, qui attaque un plus fort qui cherche à lui imposer sa loi. Le plus fort exerçant toujours la violence dans le cadre de la loi, sa loi certes, il ne peut souffrir que ses actes soient qualifiés de terroristes, au contraire, ils exerce la violence pour rétablir l’ordre, son ordre, forcément bon. C’est une violence de « bon droit », alors que le terroriste exerce une violence de « mauvais droit ».
      En France occupée, les résistants étaient des terroristes pour les allemands, car ils défiaient l’ordre allemand, ils le rejetaient. Dès lors que la France a été libérée, ces résistants sont devenus des héros, de la France libre, et de l’ordre républicain qu’elle a rétabli sur le territoire.

        +18

      Alerter
      • RosettaPhilae // 09.08.2015 à 15h57

        Les résistants étaient des terroristes pour les Allemands, OK, mais aussi pour le pouvoir politique en place qui misait sur la collaboration. Une milice bien Française chassait les résistants. Il ne faut pas oublier que Pétain avait signé l’armistice et que Laval militait pour une nouvelle Europe sous domination Allemande. Je ne connais pas le nombre de ces résistants suite à l’appel du 18 Juin, mais le nombre des Français volontaires pour partir se battre sur le front Russe sous l’uniforme Allemand a été de 12000. Il y avait des degrés dans la collaboration, c’est certain.
        Lorsque vous dites que les résistants sont devenus des héros, vous avez raison car De Gaulle représentait la France légitime et Pétain la France légale. Ceci étant il y avait les collabos mal embarqués et les bien embarqués comme disait Mitterrand à juste titre. Ainsi, lorsque les alliés ont débarqués en Algérie, ils ont affrété un avion pour que Pétain puisse rejoindre Alger et se joindre aux forces alliées. Pour la petite histoire, si Pétain avait accepté, et il a hésité, il serait considéré aujourd’hui comme un « bien embarqué ».
        Je crois qu’il est important pour comprendre l’état où la France se trouve aujourd’hui avec cette UE que De Gaulle a gardé les fonctionnaires de Vichy à la libération car il se méfiait des communistes. Ce sont les collabos, et non un complot Américain, qui ont sont à l’origine de l’UE sous domination Allemande, l’Allemagne bénéficiant de sa pleine souveraineté au sein de cette construction.
        Bon… nous nous éloignons du problème, mais parfois les « vainqueurs » se mettent volontairement dans la situation d’un vaincu lorsque ce n’est pas lui qui a fait l’effort de se libérer.
        Si nous ne nous libérons pas par nous-mêmes, ce n’est pas nous qui réécriront l’histoire.

          +12

        Alerter
      • RosettaPhilae // 09.08.2015 à 16h56

        Juste une dernière remarque relativement à la réécriture de l’Histoire par les vainqueurs, j’espère que Noam Chomsky n’est pas en train d’essayer de nous faire avaler la pilule des horreurs de l’Allemagne Nazie par une sorte de banalisation de l’horreur. Je dis pas que c’est le cas, je dis j’espère que ce n’est pas le cas.
        Les US ont intérêt à l’UERSS car il sera plus simple de négocier le marché transatlantique avec des commissaires non élus qui passent par dessus la volonté des peuples. Ceci étant, il faudra faire avaler la domination Allemande et la mémoire des pires crimes nazis. La réécriture de l’Histoire va peut-être consister à entrer dans un processus de banalisation de l’horreur (tous les mêmes). Peut-être…

          +4

        Alerter
        • Macarel // 09.08.2015 à 18h40

          Si les américains (Yankees), étaient un jour envahis par des extraterrestres disposant d’une force supérieure à la leur, alors ces envahisseurs feraient régner leur ordre, leurs lois sur le territoire américain, et tout résistant à ces envahisseurs deviendrait un terroriste à abattre.
          Bien sûr, il y aurait peut-être plus de collaborateurs, mais c’est dû aux faiblesses de la nature humaine. Enfin, c’est pour cela, que l’on n’est peut-être pas trop pressé de voir débarquer des visiteurs venus d’ailleurs sur notre belle orange bleue.

            +1

          Alerter
      • Macarel // 09.08.2015 à 18h26

        Justice, force.

        Il est juste que ce qui est juste soit suivi ; il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi.

        La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique.

        La justice sans force est contredite, parce qu’il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste.

        La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. Aussi on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et a dit qu’elle était injuste, et a dit que c’était elle qui était juste.

        Et ainsi, ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste.

        Pascal

        Mais aucun ordre quel qu’il soit ne peut être établi sans une forme ou une autre d’injustice.

        Donc quand Pascal dit : « on a fait que ce qui est fort fût juste. », cela signifie que pour citer cette fois La Fontaine : « La raison du plus fort est toujours la meilleure. »
        Et il est rare que le plus fort soit vraiment juste, ou qu’il n’abuse pas à un moment ou à un autre de sa force. En conséquence tout ordre aussi juste qu’il se prétende, repose quelque part sur quelques péchés originaux qu’il convient de cacher, à ceux auxquels cet ordre s’applique.
        L’Occident, a beaucoup de péchés originaux, et pas des moindres, dans ses soutes, évidemment il préfère ne pas en parler, et plutôt mettre en avant tous les principes humanistes universel dont il s’est fait le champion. Même s’il les a violés, plus d’une fois dans l’histoire. Mais je crois qu’il en va ainsi de tous les empires, simplement l’Occident a étendu le périmètre de son hégémonie à la planète entière. La suprématie de l’Occident, tient au fait que ses dirigeants, n’ont jamais hésité à utiliser la force la plus brutale, dès lors qu’il s’agissait de balayer toute opposition qui de dresserait devant eux. En application du principe que la force précède la loi : loi qui à son tour est au service du maintien de l’ordre établi par la force.

          +3

        Alerter
  • Macarel // 09.08.2015 à 12h50

    L’histoire est écrite, plutôt réécrite par les vainqueurs. C’est aussi simple que cela.
    Les vainqueurs considèrent toujours qu’ils défendaient une juste cause, puisqu’ils ont gagné.
    Les vaincus quant à eux étaient forcément mauvais, puisqu’ils ont perdu.
    C’est encore une fois une question de rapport de force, si les amérindiens avaient vaincus les colons européens, l’histoire de l’Amérique serait racontée de façon totalement différente.
    Sans doute que ces colons seraient les méchants de l’histoire, alors que comme ce sont eux qui ont gagné, ils racontent une histoire de l’Amérique qui leur est tout à fait favorable.
    Les vainqueurs n’accordent que peu d’importance à la vie des vaincus : « Vae victis » comme aurait dit le chef gaulois Brennus (ou Brennos), qui avait vaincu avec ses troupes Rome, et mis à sac la ville. Plus tard, les romains rendront la monnaie de la pièce aux gaulois, lorsqu’ils envahiront la Gaule.

      +14

    Alerter
  • Morane Duranton // 09.08.2015 à 12h52

    Livre dans ma bibliothèque : mais également téléchargeable en e-book sur le site de la librairie DECITRE, pour ceux qui sont loin d’un fournisseur…à avoir absolument…merci monsieur Chomsky d’avoir eu ce dialogue avec Monsieur Vitchek…

      +8

    Alerter
  • Odile // 09.08.2015 à 14h22

    Merci! Je viens de commander deux exemplaires de  » L’Occident terroriste », sans hésiter.

      +4

    Alerter
  • Xavier // 09.08.2015 à 20h55

    « Le mal, c’est le libéralisme », je dirais plutôt : le mal, c’est l’expansionnisme.

    Il a revêtu de nombreux atours depuis les temps historiques, et chacun a trouvé des excuses langagières à la conquête des autres, de leurs territoires ou de leurs richesses.
    Religions, monarchies, empires, républiques, « civilisation occidentale », industrialisation, et la prochaine est le « progrès », etc.

    Quand il n’y aura plus d’expansionnisme territorial, matériel, il deviendra immatériel et virtuel, il faudra que l’empire prenne possession de plus en plus de notre pensée pour rester en contrôle.

    Le « progrès » est la seule issue de ceux qui se transformeront inexorablement de « capitalistes matérialistes » en « progressistes humanistes » pour conserver leur empire, leur dominance.

    Je cite une énième fois ici Robert Buron :
    Reconnaître les autres civilisations, les accepter, c’est donc vouloir vivre avec elles, dans une relation d’égalité. Mais une civilisation qui, à un moment donné de l’histoire, devient dominante, a besoin pour se conserver de toujours dominer davantage.
    Alors est brisée toute idée de solidarité ? Peut-on lutter contre cela ?
    Là, ma réponse est, hélas, d’un terrible pessimisme :
    a) Je suis convaincu que la paix et l’équilibre du monde ne sont possibles que dans la coexistence de valeurs de civilisation différentes et harmonisées les unes avec les autres pour permettre une organisation planétaire valable.
    b) Je suis sûr, comme vous, que les civilisations les plus puissantes, techniquement et militairement, imposeront leurs valeurs aux autres.
    c) J’en conclus que le monde finira dans une catastrophe.
    d) Comme je n’aime pas l’idée de catastrophe, que j’ai le goût de la vie, et que tout ce qui bloque la vie est pour moi le mal et l’ennemi, je lutterai tant que je pourrai contre ce qui me paraît inéluctable. Je suis très pessimiste. Je suis persuadé que les technocrates occidentaux créeront une sorte de fascisme mondial, appuyé bien sûr sur les valeurs occidentales.
    Seulement je lutterai de toutes mes forces contre ces technocrates.

    Et Aldous Huxley, Préface de 1946 à « Le Meilleur des mondes » (1931) :
    « A mesure que diminue la liberté économique et politique, la liberté sexuelle a tendance à s’accroître en compensation. Et le dictateur (à moins qu’il n’ait besoin de chair à canon et de familles pour coloniser les territoires vides ou conquis) fera bien d’encourager cette liberté-là. Conjointement avec la liberté de se livrer aux songes en plein jour sous l’influence des drogues, du cinéma et de la radio, elle contribuera à réconcilier ses sujets avec la servitude qui sera leur sort. »

      +7

    Alerter
    • lon // 09.08.2015 à 22h20

      Cette planète est un hybride de prison et de Truman Show

        +1

      Alerter
  • Louis Robert // 09.08.2015 à 21h32

    Chuang Tse: « Le roi Wou est inférieur au souverain Chouen. C’est pourquoi il est réduit à user de violence. » (Œuvre complète, Gallimard/UNESCO)

      +1

    Alerter
  • Macarel // 10.08.2015 à 09h42
  • Macarel // 10.08.2015 à 10h32

    Juste pour info

    Un livre dont le titre est « Le terrorisme occidental » est paru en 2004, mais son auteur est devenu infréquentable suite à une affaire du même nom que le dit auteur.

      +1

    Alerter
    • Gibbs // 11.08.2015 à 09h45

      En effet, et c’ est ausi pour une affaire du mem genre que Chomsky est quasi inconnu en France …

        +1

      Alerter
  • Lysbethe Lévy // 10.08.2015 à 12h44

    Ca y est Terminator est arrivé ! Pour preuve la liste de personnes contre de nouvelles armes genre robot-cops ou robot-soldier » déjà en cours d’essais pour de nouvelles guerres dans un futur proche.

    Question terrorisme les Américains fan de Mickey mouse, Dieu, ou Batman, sont champions toutes catégories ! Ayant hérité des Empires européens, hollandais, britannique, pays latins, et de l’Allemagne nazie de ces experts, (Rat line, opération paper-clips) tout en ayant échappé aux destructions de deux guerres mondiales, qu’ils ont bien aidés à démarrer aussi, .il faut dire qu’ils ont bien réussi a berner leur monde avec Hollywood et Métro-Goldin Meyer…

    A partir d’opération secrètes maintenant connus possède la technique la plus avancée pour « installer la démocratie » à coups de gaz, chimie, industries militaires, l’atome la Planète de leur ultra-démocratie appelée Pax Americana !

    Sachez que 60 % des ressources mondiales sont syphonnés par seulement 6 % des habitants de la Planète terre, et ce n’est pas à force de travail mais bien par vols, génocides, agressions militaires, opérations secrètes, malversations, gangstérisme, pratiques mafieuses, assassinats, coups d’états, invasions, atomisation !

    Mais on vous dira que c’est pour raisons nobles : installation de la démocratie, humanitaires, civilisationnelles, bonté et même pour beaucoup Dieu est avec eux ! L’exceptionnalisme américain, le messianisme de la Nation au « destin manifeste » doit s’imposer à cette Planète par tous les moyens quitte à violer toutes les lois crées et imposées au « reste du monde » ou « ce qu’il en reste » juste après le passage des cow-boys !

    Il est temps que cela s’arrête, car depuis la fin de la « der des der » et surtout depuis la chute « du mur de Berlin », le messianisme triomphant américain fait de plus en plus de victimes, celles dont Noam Chomsky parle, balayées sous le tapis « made in américa », pendant « qu’ils » osent sans cesse, rabâcher ad viternaem, ad nauséam, des victimes du communisme, des russes, des chinois, de Kim Yil Jong, Saddam, S. Hussein, et autres « petits tyrans » qu’ils ont souvent aidés à mettre au pouvoir et armer jusqu’aux dents pour ensuite les lyncher à mort dès lors que ceux ci n’obéissent plus comme des pantins.

    Quand on voit la quantité de conflits ou coups d’états, opérations secrètes faites par les Usa, depuis qu’ils existent, comment cela se fait-il que personne encore n’a osé faire le PROCES de cette nation impérialiste ? Les Usa se sont eux mêmes désignés comme l’alter ego moderne de l’Empire Romain, leur seul problème ? Comment allons nous faire pour continuer à dominer le monde ?

    Noam Chomsky a peut-être quelques défauts mais au moins jusqu’à un âge avancé il a dénoncé son propre pays de naissance, comme étant la plus grosse entreprise de terrorisme sur la Planète. Rendons lui cet hommage au moins !.

      +6

    Alerter
  • zouzou // 10.08.2015 à 15h56

    J’apprécie en général Chomsky mais je suis surpris par ses propos que je trouve très simplistes, voire trompeurs, en ce qui concerne le Sahara occidental. La question est bien plus complexe car elle est à la fois liée à la colonisation du Maroc par l’Espagne et à une conception différente de la notion de frontière, qui va poser un vrai problème juridique.

    Pour fixer les idées il faut savoir que le Sahara occidental est en quelque sorte pour les Marocains ce que l’Alsace-Lorraine a pu être pour les Français.
    Historiquement, le Maroc définissait son territoire par l’allégeance des tribus. Le Sultan devait d’ailleurs souvent faire la guerre aux tribus qui ne lui obéissaient plus, ou bien épousait la fille d’un puissant chef pour « resserrer les liens ». Les limites du pays ont même atteint le fleuve Niger, englobant la Mauritanie et une partie du sud-ouest de l’Algérie actuelle (perdue lors de la colonisation française de l’Algérie).
    Le Sahara occidental était de ce point de vue un territoire marocain avant la colonisation espagnole.

    Les espagnols ont occupé le nord (région du Rif) et le sud (Sahara occidental) du pays. A son indépendance le Maroc a récupéré le nord sauf Ceuta et Melila (qui sont au Maroc ce que Gibraltar est à l’Espagne) mais pas le sud, qui n’était pas selon l’Espagne un territoire marocain. La question a été portée par l’ONU devant la cour international de la Haye qui a établit qu’il y avait bien des liens d’allégeance des tribus du Sahara aux sultans marocains mais qu’il n’y avait pas de documents attestant de possessions territoriales.

    Du point de vue marocain la reconnaissance les liens d’allégeances suffisaient pour récupérer le territoire et « la marche verte » a été lancée : plusieurs centaines de milliers de civils sont partis (aidés par des militaires tout de même) vers le Sahara occidentale. Les Espagnols se sont retrouvés avec des soldats faisant face parfois à des femmes et enfants. L’Espagne a rapidement jeté l’éponge.

    Bref, écrire « Mais sitôt annoncée la rupture du lien colonial en 1975, le pays a été envahi par le Maroc, un satellite de la France. » passe sous silence les liens historiques du Maroc avec ce territoire, ne mentionne pas le rôle de l’Espagne et sous-entend qu’il s’agissait d’une opération militaire pilotée par la France.

      +7

    Alerter
  • Afficher tous les commentaires

Les commentaires sont fermés.

Et recevez nos publications