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13.novembre.201513.11.2015 // Les Crises

Actu Portugal et Catalogne – 13 novembre

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Portugal : le gouvernement de droite est renversé

Source : La Tribune, Romaric Godin, 10-11-2015

Le premier ministre portugais, Pedro Passos Coelho, est renversé. (Crédits : HUGO CORREIA)

Par 123 voix contre 107, la motion de censure contre le gouvernement minoritaire de Pedro Passos Coelho a été adoptée par le parlement. Le leader socialiste Antonio Costa pourrait former le prochain gouvernement avec l’appui de la gauche radicale.

Sans surprise, le 20ème gouvernement portugais depuis l’instauration de la Constitution portugaise de 1976, a été renversé par l’Assemblée de la République, le parlement du pays, après onze jours d’existence. Après plus de huit heures de débat et malgré une panne sur le vote électronique, 123 députés ont approuvé la motion de défiance déposée par le principal parti d’opposition, le PS. Il fallait 116 voix, soit la majorité absolue pour renverser le gouvernement. Les trois partis de la gauche radicale, le Bloc de Gauche (BE), le Parti communiste (PCP) et le parti écologiste (PEV) ont joint leurs voix au PS. Même le seul député du parti animaliste PAN a voté contre le gouvernement. Pour la première fois depuis la Révolution des Oeillets en 1974, la gauche portugaise a donc réussi à s’unir sur un projet gouvernemental.

Menaces à droite

Le gouvernement minoritaire de droite confirmé le 30 octobre par le président de la République Anibal Cavaco Silva, n’aura donc pas survécu à l’alliance des partis de gauche pour changer de politique. Les menaces du premier ministre sortant n’y auront rien changé. Il aura pourtant mis en garde contre la remontée des taux d’intérêt. Le titre à 10 ans portugais est passé de 2,31 % le 4 octobre, jour des élections législatives, à 2,84 % ce mardi 10 novembre. Les marchés s’interrogent en effet sur la stabilité et les intentions du prochain gouvernement de gauche, ainsi que sur la réaction de l’Europe.

Accord à gauche

Mais ces menaces n’ont eu aucune prise sur les députés de gauche, qui étaient décidés à renverser le gouvernement après leur accord difficile trouvé ce week-end. Les partis de gauche se sont mis d’accord sur un programme minimum qui prévoit notamment de rééquilibrer les efforts fiscaux, de relever le salaire minimum et de terminer le gel des pensions. Mais le PS s’est engagé également à respecter le cadre budgétaire européen. Antonio Costa, qui pourrait être, en tant que leader du PS, le chef du prochain gouvernement, a promis que la gauche resterait « plurielle », mais il a aussi promis la stabilité. Normalement, le prochain gouvernement sera un gouvernement socialiste soutenu de l’extérieur par la gauche radicale.

Le choix du président

La balle revient désormais dans le camp du président de la République Anibal Cavaco Silva qui, le 30 octobre, avait refusé d’écouter Antonio Costa qui lui jurait qu’un accord était possible à gauche. Cet accord existe désormais et on voit mal comment il pourrait refuser de nommer le leader du PS au poste de chef du gouvernement. Mais Anibal Cavaco Silva avait, le 30 octobre, justifié son choix par un risque sur les « engagements internationaux » du Portugal, notamment sa participation à la zone euro. Le PCP est ouvertement hostile à l’euro et le BE très dubitatif. Sa marge de manœuvre est cependant très limitée dans la mesure où le parlement ne peut être dissout dans les six mois qui suivent et précèdent l’élection présidentielle prévue en janvier. Antonio Costa pourrait donc devenir premier ministre du 21ème gouvernement constitutionnel du Portugal bientôt.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 10-11-2015


Chute du gouvernement au Portugal : risque du scénario grec

Source : Jacques Sapir, RT Français, 10-11-2015

Le Premier ministre portugais Pedro Passos Coelho pendant les débats au Parlement

 

Le gouvernement pro-austérité au Portugal devrait tomber sous la pression de la gauche, majoritaire au Parlement. En quoi cette situation rappelle-t-elle le scénario grec ? L’économiste Jacques Sapir s’explique pour RT France.

RT France : Qu’est-ce que la chute du gouvernement au Portugal pourrait changer pour le pays ?

Jacques Sapir : La chute du gouvernement du centre-droit était prévisible parce que le centre droit n’a plus de majorité au Parlement. Cette chute va entraîner une constitution du gouvernement de gauche qui va normalement commencer immédiatement le processus de renégociation sur sa dette. Il est clair que ce gouvernement de centre-gauche va se heurter aux institutions européennes et on voit qu’il y a désormais le risque d’un scénario à la grecque se produise au Portugal.

RT France : Est-ce que le nouveau gouvernement portugais pourrait faire face à l’UE et insister sur sa politique anti-austérité ?

Jacques Sapir : A l’évidence il y a un très gros problème dans la mesure où une partie du parti de gauche n’est pas en réalité disposé à aller jusqu’à une rupture avec les institutions européennes. Donc on ne peut pas exclure qu’il y ait aussi dans ce scénario à la grecque la même issue et que le gouvernement portugais finisse par capituler devant les exigences de l’Europe. Il faut comprendre que cette capitulation prendra un certain temps et de toutes les manières on voit en Grèce aujourd’hui que cette capitulation n’a rien réglé. Aujourd’hui, il y a à nouveau des problèmes importants entre le gouvernement grec et les institutions européennes, car ces dernières demandent au gouvernement de mettre en place des réformes que le gouvernement grec n’est simplement pas capable de réaliser. On comprend bien qu’il y a là un problème politique important, que ce problème politique venant s’ajouter au problème politique grec, puis au problème politique potentiel de l’Espagne et aux problèmes de la Grande Bretagne qui va tenir en 2016 un référendum sur son appartenance au sein de l’UE. L’ensemble de ces problèmes politiques créent un contexte très défavorable tant pour la zone euro que pour l’Union européenne.

RT France : Quelles similitudes pouvez-vous évoquer entre la situation en Grèce et au Portugal ?

Jacques Sapir : La principale ressemblance c’est que le Portugal comme la Grèce est un pays qui a terriblement souffert des politiques d’austérité qui ont été imposées au nom de l’euro par les institutions européennes. Mais les problèmes politiques ou sociaux qui sont soulevés au Portugal ne sont pas différents aux problèmes grecs. La seule véritable différence, c’est que la situation portugaise est peut-être non-désespérée, à la différence de la situation grecque. En effet, la dette portugaise reste sensiblement inférieure à celle de la Grèce. Mais si on regarde la situation politique, économique et sociale dans le pays, il est clair qu’on est en présence de cas de figure qui sont très similaires.

RT France : Le changement du gouvernement au Portugal peut-il changer quelque chose au niveau européen ? Est-ce que le pays peut sortir de la zone euro ?

Jacques Sapir : Ce n’est pas la possibilité la plus probable. Cependant, c’est toujours une possibilité ouverte dans la mesure où le pays rentre en conflit avec la Commission européenne et l’Eurogroupe. A partir de ce moment-là, il est clair que l’Eurogroupe refera le chantage qu’il a fait vis-à-vis de la Grèce jusqu’à la possible sortie de la zone euro. Même si les partis portugais ne souhaitent pas – ils l’ont dit – la sortie de la zone euro, on ne peut pas exclure néanmoins qu’il y ait une accumulation à la fois des maladresses et des conflits des deux côtés, on ne peut pas exclure qu’on aboutisse à la sortie de la zone euro. De toutes les manières, si on a cette situation de conflit entre le gouvernement portugais et l’Eurogroupe, il est évident qu’il y aura des conséquences importantes sur l’Espagne parce qu’on voit bien aujourd’hui que l’économie portugaise est largement intégrée dans l’économie espagnole et sauf s’il y a des troubles importants sur l’économie portugaise, cela aura nécessairement des conséquences sur l’économie espagnole.

RT France : Avec les déclarations du Premier ministre britannique David Cameron sur le référendum concernant sa sortie de l’UE, les crises que traverse l’UE avec la Grèce et le Portugal, est-ce que l’Union se trouve toujours dans une position de force ou risque-t-elle d’être déstabilisée ?

Jacques Sapir : La situation dans l’UE s’apparente en fait à la situation d’un bâtiment affecté par toute une série de petits tremblements de terre. Aucun de ces tremblements ne prend une allure catastrophique mais chacun de ces tremblements – la crise grecque, la crise portugaise, la possibilité d’une crise espagnole et l’éventuelle sortie de la Grande-Bretagne de l’UE – chacun de ces événements affaiblit un peu plus sa structure. Par ailleurs, on voit très bien qu’aujourd’hui l’UE n’est pas capable de gérer la question des migrants et des réfugiés, cela a aussi des conséquences sur la structure même de l’Union. On voit bien qu’il n’y a pas une crise qui pourrait emporter l’Union européenne, mais c’est bien l’addition globale de ces crises qui risque de provoquer une crise terminale ou une implosion de l’UE.

Source : Jacques Sapir, RT Français, 10-11-2015

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.


Catalogne : le processus de sécession freiné par l’absence de gouvernement

Source : La Tribune, Romaric Godin, 10-11-2015

Artur Mas n’a pas obtenu sa reconduction par le parlement catalan. (Crédits : © Susana Vera / Reuters)

Le président de la Catalogne, Artur Mas, n’a pas été réélu par le parlement, faute de soutien de la gauche radicale sécessionniste de la CUP. Cette désunion bloque le processus indépendantiste pour le moment.

Le président de la Generalitat, Artur Mas, n’a pas réussi son pari. Après près de neuf heures de débat parlementaire, où il s’est défendu des accusations de corruption et où il a tenté de se présenter comme la garantie de la poursuite du processus indépendantiste, le chef de l’exécutif catalan n’a pas obtenu les 68 sièges de la majorité absolue des sièges pour être réélu. Seuls les 62 députés de la liste indépendantistes Junts Pel Sí dont il était le candidat ont voté pour lui. L’autre parti favorable à la sécession avec l’Espagne, la gauche radicale de la CUP, qui dispose de 10 sièges, a refusé de voter en faveur la candidature d’Artur Mas qui, pour elle, représente un politicien responsable de l’austérité et corrompu. « Artur Mas n’a pas expliqué hier ce que demande le pays : soulever les tapis qui couvre la corruption », a justifié le leader la CUP, Antonio Baños qui a poursuivi : « je vote non parce qu’un homme doit se sacrifier pour le peuple. » La Catalogne n’a donc pas de gouvernement.

Processus indépendantiste déjà au point mort

Au lendemain du vote par Junts Pel Sí et la CUP de la déclaration qui enjoignait le futur gouvernement catalan d’engager un processus de « déconnexion » avec l’Espagne, le parlement catalan a donc été incapable de désigner un chef de gouvernement. Dès lors, bien davantage que toute action du gouvernement espagnol, c’est bien cette incapacité des indépendantistes à se mettre d’accord qui rend la déclaration du 9 novembre inopérante. Ce mardi 10 novembre, le processus de séparation avec l’Espagne est bel et bien au point mort. Le gouvernement d’Artur Mas n’est qu’un gouvernement intérimaire, il doit gérer les affaires courantes. Comment pourrait-il engager, sans l’appui du parlement, la feuille de route tracée par la déclaration votée lundi ?

Les compromis de Junts Pel Sí

A qui la faute de ce blocage ? Difficile à dire. Junts Pel Sí a toujours été clair sur la candidature d’Artur Mas et défend celle-ci au nom d’un certain poids international du personnage. Le groupe a fait beaucoup de concessions à la CUP en donnant une couleur très « sociale » à la déclaration commune votée le 9 novembre en donnant la priorité à la sécurité énergétique et au logement pour les familles les plus fragiles. Histoire de s’assurer qu’un nouveau gouvernement Mas ne sera pas un gouvernement « de droite. »

Les arguments d’Artur Mas…

Mais cet attachement au président sortant de Junts Pel Sí manque aussi de prendre en compte une nouvelle réalité politique de la Catalogne : l’indépendantisme a pris un tournant nettement à gauche le 27 septembre avec la poussée de la CUP. Conséquence : dans le spectre politique indépendantiste, Artur Mas est assez marginalisé par son positionnement centriste. Ceci est d’autant plus problématique qu’une candidature moins « marquée » aurait permis de ramener dans le camp sécessionniste une partie de la liste de gauche Catalunya Sí Que Es Pot (CSQEP) qui rassemble les Communistes, les Verts et Podemos.

… et leurs faiblesses

Lors du débat de ce mardi, le leader de CSQEP au parlement, Lluis Rabell, pourtant un de ceux qui avait défendu le « oui » à l’indépendance lors de la consultation du 9 novembre, a eu beau jeu d’insister sur le positionnement à droite d’Artur Mas, sur son opinion favorable au traité de libre-échange transatlantique ou sur ses coupes budgétaires, pour justifier le refus de voter pour lui. Pourtant, CSQEP est une liste fragile où le vote unanime des députés contre la déclaration de lundi n’y a été obtenu qu’en faisant pression sur un député et ne fait pas l’unanimité. Bref, disposer d’un autre candidat pouvait ouvrir des possibilités nouvelles au camp indépendantiste en élargissant sa base et en désamorçant l’argument de la majorité relative des voix.

Les arguments de la CUP…

Du côté de la CUP, l’intransigeance envers la candidature d’Artur Mas se justifie par sa volonté de créer, avec un Etat nouveau, une société nouvelle, plus sociale et moins corrompue. Comment la construire avec un président entouré par les affaires de corruption et, qui, partant, donne, comme ce mardi, des arguments rêvés, aux unionistes et particulièrement au Parti des Citoyens (« Ciudananos ») qui entend « régénérer » l’Espagne et accuse Artur Mas de chercher à échapper à la justice par l’indépendance ? La CUP avait, du reste proposé de voter pour un candidat de compromis, même issu de la CDC. Et Antonio Baños n’a pas fermé la porte mardi en insistant sur l’existence d’une « majorité indépendantiste » et il a refusé toute confrontation avec Junts Pel Sí.

… et leurs faiblesses

Mais il est certain que la CUP, en refusant de donner son vote au leader du parti le plus puissant du parlement, bloque un processus qu’elle a défendu pendant la campagne avec ferveur, celui de l’indépendance, pour des raisons personnelles. Elle pourrait poser des exigences programmatique (elle l’a fait) pour accepter de voter Artur Mas, mais ce refus ressemble davantage à une obsession qu’à un prise en compte de la réalité. Le processus vers l’indépendance doit durer 18 mois. Pendant ces 18 mois, Artur Mas sera dépendant du vote de la CUP. Et cette dernière est si peu sensible à la « couleur » politique du président de la Generalitat, qu’elle a accepté de voter pour une autre personnalité de la CDC, le parti centriste d’Artur Mas. Si la CUP est prêt à voter pour un candidat d’un parti tâché par les accusations de corruption, pourquoi centrer la critique sur Artur Mas ?

D’autant que ce dernier s’est beaucoup « social-démocratisé » avec son alliance avec la gauche républicaine d’ERC. La vieille CDC n’est plus que l’ombre d’elle-même. Mardi au parlement, Artur Mas a beaucoup critiqué les coupes budgétaires de Mariano Rajoy et il s’est présenté comme le défenseur des investissements dans les infrastructures et de la santé publique.

Le calcul risqué d’Artur Mas

Désormais, les deux partis disposent de deux mois pour se mettre d’accord. Si le 10 janvier prochain, aucun président de la Generalitat n’est élu, le parlement catalan sera dissout automatiquement et les Catalans seront rappelés aux urnes en mars. Et beaucoup à Junts Pel Sí commence à considérer que ce scénario est inévitable. Artur Mas pourrait alors tabler sur un affaiblissement de la CUP, jugée responsable de l’enlisement, pour assurer à Junts Pel Sí la majorité absolue qui lui a manqué le 27 septembre. C’est un calcul fort risqué, car cette incapacité à s’entendre risque d’affaiblir l’ensemble du camp indépendantiste en montrant que les partis sécessionnistes sont incapables de s’entendre sur des questions simples. Ce serait aussi prendre le risque de voir la puissance montante du parti des Citoyens se renforcer et bloquer la majorité à Junts Pel Sí.

Mariano Rajoy, en position de force

Celui qui, sans doute, se réjouit le plus de ce blocage est le président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy. Ce dernier peut montrer aux Espagnols son engagement pour l’unité du pays, en lançant la plainte contre la déclaration catalane au Tribunal Constitutionnel (TC). Ce mardi 10 novembre, le Conseil d’Etat espagnol a approuvé cette plainte, qui devrait être déposée mercredi, en estimant que le texte votée par le parlement de Barcelone contrevenait à trois articles de la Constitution espagnole. Le TC devrait censurer cette déclaration, mais Madrid n’a rien d’autres à faire puisque, faute de gouvernement, cette déclaration reste lettre morte. Là aussi, Mariano Rajoy peut attendre mars et faire campagne alors sur le « chaos » indépendantiste pour empêcher toute majorité sécessionniste et annuler par les urnes le vote du 9 novembre.

La proposition de la CUP

Les indépendantistes en sont conscients. Antonio Baños, de la CUP, a proposé une réunion des 72 députés indépendantistes dans une assemblée qui voterait à bulletin secret sur un candidat commun. Artur Mas a accepté. Reste à savoir si la CUP se soumettra à ce vote sans rechigner. Si c’est le cas, le processus indépendantiste pourrait rapidement reprendre du rythme…

Source : La Tribune, Romaric Godin, 10-11-2015


Le Tribunal constitutionnel espagnol défie le parlement catalan

Source : La Tribune, Romaric Godin, 12-11-2015

Le Tribunal Constitutionnel espagnol a suspendu la décision du parlement catalan (Crédits : JUAN MEDINA)

La haute juridiction espagnole suspend la déclaration du parlement catalan qui lançait le processus d’indépendance. Et 21 personnes seront mises en demeure d’appliquer cette décision. Mais le gouvernement catalan a déjà annoncé qu’elle poursuivrait la « déconnexion ».

Le Tribunal Constitutionnel espagnol (TC) n’a pas tardé. Vingt-quatre heures après la transmission par le gouvernement de son recours contre la motion du parlement catalan voté lundi 9 novembre et demandant le début d’un processus de sécession vis-à-vis de l’Espagne, le TC a suspendu cette déclaration, à l’unanimité.

Il n’y avait là aucune surprise, car cette motion était évidemment en infraction avec plusieurs articles de la constitution espagnole. Du reste, c’était même son but principal : sortir du dialogue de sourds juridique avec Madrid pour discuter réellement de la question de l’indépendance.

La déclaration indépendantiste contre la décision du TC

Ce but est loin d’être atteint. D’autant que le TC a ajouté que sa décision sera notifiée personnellement à 21 personnes – les membres du bureau du parlement catalan et du gouvernement catalan – et d’avertir ces dernières que, si elles cherchent « par quelque moyen que ce soit d’ignorer ou d’éluder » cette décision, elles s’exposent « à la suspension de leurs charges et à d’éventuelles poursuites, y compris pénales ».

Bref, c’est un défi à la majorité parlementaire catalane qui est mise en demeure par le TC et, partant par le gouvernement espagnol, qui sera chargé d’appliquer la décision du TC, d’appliquer ou non le point 6 de la déclaration votée lundi, laquelle proclamait que « les décisions du parlement catalan prendraient le pas sur les décisions des institutions de l’Etat espagnol, en particulier le TC. »

C’est le point où en est la situation. Le TC a, conformément à l’article 161 de la Constitution espagnole, rendue caduque le lancement du processus de « déconnexion » lancé par le parlement catalan. Si le gouvernement catalan s’estime encore lié par cette déclaration en application de son point 6, l’épreuve de force entre Madrid et Barcelone sera lancée, car, désormais, l’exécutif catalan sera en état de désobéissance vis-à-vis de la Constitution espagnole. Le gouvernement espagnol sera alors chargé de faire appliquer la décision du TC. Il pourra se contenter de faire appliquer les sanctions envers les 21 personnes mises en demeure par le TC, ou, plus globalement de lancer le fameux article 155 et de suspendre l’autonomie catalane et ses institutions.

Un TC qui laisse une chance à la Catalogne ?

On notera cependant, comme le souligne le quotidien madrilène « El Pais », que le TC s’est voulu plus modéré que le gouvernement qui, dans son recours, demandait une suspension immédiate des responsables catalans. En clair, le TC laisse une chance à l’exécutif catalan d’abandonner le projet de sécession, autrement dit d’abandonner le principal point de son programme électoral.

C’est un peu comme si le TC avait déclaré : «Tirez les premiers, messieurs les Catalans.» Comme souvent dans ce genre de situation, on cherche souvent à faire porter la faute au premier qui franchit la ligne rouge. Une suspension immédiate aurait été vue comme une provocation par les Catalans. Le TC préfère que ces derniers « désobéissent » pour que le gouvernement madrilène se retrouve en position de devoir se « défendre »…

Barcelone décidée à désobéir

En attendant, la Generalitat, le gouvernement catalan, a d’ores et déjà annoncé qu’elle n’appliquerait pas la décision du TC et que le « processus » se poursuivra.

« La volonté politique est d’appliquer le mandat du parlement et la résolution approuvée lundi », a indiqué Neus Munté, vice-présidente du gouvernement catalan.

C’est une déclaration importante, parce qu’elle nie la légitimité du TC sur l’action d’un gouvernement catalan jusqu’ici soucieux de légalité.

La Generalitat affirme ainsi qu’elle se considère liée par l’article 6 de la déclaration du parlement et nullement par le TC. La désobéissance a donc commencé. Ceci est conforme au programme des partis indépendantistes qui avaient annoncé leur volonté de placer leur légitimité démocratique au-dessus de la légalité espagnole.

Trouver un gouvernement en Catalogne reste difficile

Mais pour que chacun soit en ordre de bataille, il manque encore une pièce importante : un gouvernement catalan légitime. Artur Mas n’a pas été élu mardi par le parlement catalan en raison du refus de la gauche radicale indépendantiste, la CUP, de voter en sa faveur. Il a encore échoué jeudi 12 novembre.

Mercredi 11 novembre, des discussions se sont tenues au Palau de la Generalitat, le siège barcelonais du parlement catalan, entre Artur Mas et la CUP. Le président sortant a proposé de disposer de moins de pouvoir en tant que président en s’adjoignant trois vice-présidents de trois secteurs différents de la liste indépendantiste Junts Pel Sí : Neus Munté, centriste comme Artur Mas mais appréciée à la CUP, Oriol Junqueras, leader de la gauche républicaine, et Raul Romeva, tête de liste de Junts Pel Sí et figure de la gauche catalane. Il a aussi proposé de soumettre son gouvernement à une motion de confiance en juillet 2016 pour confirmer la poursuite du processus.

Mais rien n’y fait. Malgré des dissensions internes, la CUP a annoncé jeudi qu’elle ne votera toujours pas en faveur d’Artur Mas. « Un non qui ne ferme pas la porte« , a indiqué le leader du parti, Antonio Baños. La décision du TC et l’injonction envoyée à 21 personnalités dont Artur Mas, pourrait changer la donne. Mais il faudra sans doute encore beaucoup de concessions de la part du président sortant.

Le choc se prépare, tandis que l’Europe change de trottoir

Si Artur Mas est finalement élu, le nouveau gouvernement, appuyé par la majorité indépendantiste, pourra appliquer la désobéissance prévue par la déclaration de lundi. Tout sera alors mis en place pour le choc entre Madrid et Barcelone.

Quand ce choc se produira-t-il? Madrid attendra-t-elle un acte concret de la Generalitat ? C’est probable. Quelle forme prendra alors la réponse espagnole ? La prise de contrôle de la police catalane est-elle possible et souhaitable ou provoquera-t-elle l’escalade ?

La situation se tend singulièrement en Catalogne, alors que, plus que jamais, les regards européens s’en détournent.

Source : La Tribune, Romaric Godin, 12-11-2015

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Commentaire recommandé

Eleutheria // 13.11.2015 à 12h14

« Portugal : le gouvernement de droite est renversé par Romaric Godin »

Il faudrait peut-être reformater ce titre, par exemple mettre une partie en italique, ajouter une virgule, quelque chose comme ça, parce que là on dirait que Romaric Godin vient de faire un coup d’État.

Bon, je sais, on comprend quand même, et c’est probablement parce que je suis fatigué, mais pendant 2 ou 3 secondes je suis resté interloqué devant cette phrase. Après, j’ai ri.

12 réactions et commentaires

  • Fabrice // 13.11.2015 à 09h24

    rien d’étonnant Juncker l’avait dit :

    https://www.les-crises.fr/juncker-il-ne-peut-y-avoir-de-choix-democratique-contre-les-traites-europeens/

    et nos médias embrayent ce matin j’ai entendu chez Bourdin un des duellistes qui « s’affrontent » lors d’un débat dire que Macron serait la référence pour diriger (sous entendu) afin de faire les réformes nécessaires (on se demande qui décide lesquelles sont des réformes ou des régressions) au rétablissement de la France, car il n’était pas élu et donc pas sujet au clientélisme (même pas de la finance ah bon vous êtes sûr ?).

      +1

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  • Eleutheria // 13.11.2015 à 12h14

    « Portugal : le gouvernement de droite est renversé par Romaric Godin »

    Il faudrait peut-être reformater ce titre, par exemple mettre une partie en italique, ajouter une virgule, quelque chose comme ça, parce que là on dirait que Romaric Godin vient de faire un coup d’État.

    Bon, je sais, on comprend quand même, et c’est probablement parce que je suis fatigué, mais pendant 2 ou 3 secondes je suis resté interloqué devant cette phrase. Après, j’ai ri.

      +11

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    • Crapaud Rouge // 13.11.2015 à 13h16

      Au contraire, il faut laisser ce titre comme il est, un brin de fantaisie ne dépare pas ce blog dont la réputation de sérieux n’est plus à faire. 🙂

        +4

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      • lvzor // 13.11.2015 à 18h39

        Parfaitement!
        Et si Romaric Godin, que j’aime beaucoup, pouvait sur sa lancée renverser quelques autres gouvernements de droite, ou même d’extrême droite (je pense à Valls, bien sûr), je n’y verrais aucun inconvénient. 😀 😀

          +8

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  • Crapaud Rouge // 13.11.2015 à 13h26

    J’ai l’impression de lire du Kafka : « Même si les partis portugais ne souhaitent pas – ils l’ont dit – la sortie de la zone euro, on ne peut pas exclure néanmoins qu’il y ait une accumulation à la fois des maladresses et des conflits des deux côtés, on ne peut pas exclure qu’on aboutisse à la sortie de la zone euro. » (Sapir)

    A comparer à du vrai Kafka : « Tout est service de contrôle au Château ! Je ne dis pas que ces services soient faits pour retrouver des erreurs au sens grossier de ce mot, car il ne se produit pas d’erreurs, et, même s’il en survient une, comme dans votre cas, qui a le droit de dire une fois pour toutes que c’en soit une ?« 

      +5

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  • SanKuKai // 13.11.2015 à 13h36

    Pour etre plus clair disons le facon F. Lordon:
    Au Portugal, le gouvernement de droite [décomplexée] est renversé par le gouvernement de [droite complexée]/gauche.

    Merci de ne pas vous faire d’illusions sur le PS Portugais. Les Portugais ne sont représentés par personne dans ce gouvernement.

      +5

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  • Charles // 13.11.2015 à 14h42

    Stathis Kouvelakis, ex dirigeant de la gauche de Syriza qui a rompu pour créer « Unité Populaire » annonce justement, sur la base du désastre grec, que la gauche portugaise va au désastre dans un alliance avec le PS, parti du système. C’est ici:
    http://wp.me/p5oNrG-fZv

      +6

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    • Olposoch // 13.11.2015 à 18h08

      2001 – 2005 – 2007
      Les trois dates qui marquent la victoire totale des 0,1%…
      2011, ils ont réussi le 11/9 (roughly) et « got away with it ».
      2005 le référendum perdu, puis renversé par les médias et les petits personnels politiques.
      2007, la crise qu’ils n’avaient pas planifiée, mais qui a été dans le plus pur style « stratégie du choc » va faire payer aux 99% les paris des 1%.
      Les petits portuguais n’ont qu’à attandre pour voir comment ils vont être atomisés…

        +2

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  • Olposoch // 13.11.2015 à 18h15

    La Catalogne ne pourra juste pas être indépendante, au milieu d’une oligarchie qui se serre les coudes pour assurer le pouvoir absolu.
    Il suffira d’exclure le FCB des championnats européens pour que tout le monde rentre dans le rang.
    La classe politique de Barcelone se fait des films, ils n’ont pas compris ce qui s’est passé en Grèce, visiblement…

      +2

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    • boubanka46 // 13.11.2015 à 22h37

      La je suis d accord avec vous tout la zone d influence Souleimane financière est contre l Independance et la dégradation de la note relative a la dette.en est une preuve . Sur l oligarchie, je suis plus partagé, une bonne matières in dépendantistes n en font pas partie et ciutadans a du en récupérer beaucoup car l indépendance va surement nuire aux affaires

        +0

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      • boubanka46 // 13.11.2015 à 22h40

        Americano a été changé par Souleymane par mon portable. Lapsus révélateur des connivence US et extrémistes musulmans?

          +0

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  • Jaime Horta // 13.11.2015 à 19h44

    La politique d’austérité avait déjà commencé au Portugal avec le précédent gouvernement PS de José Socrates (austérité d’un côté et de l’autre explosion de la dette, ce n’est pas incompatible).

    Pedro Passos Coelho, actuel Premier Ministre (le gouvernement est toujours en place) PSD a été élu après une campagne anti-austérité particulièrement musclée, ce qui n’a pas empêché que malgré toutes ses belles paroles qu’il fasse exactement tout le contraire de ce qu’il avait promis, de façon tellement extravagante qu’on a parlé de fraude électorale.

    C’est donc parfaitement inutile de se répandre en spéculations de toutes sortes au sujet de ce que serait un bras de fer entre un gouvernement PS et l’Union Européenne, car la politique portugaise est complètement bidon, totalement surréaliste, et cela depuis maintenant plus de 40 ans où pour la 3ème fois ils ont conduit le pays en situation de banqueroute.

    Maintenant, le Bloc de Gauche et les communistes peuvent très s’agiter avec des sauts de cabris, il ne se passera absolument rien du tout ! Et quand bien même il se passerait quelque chose dans les rues vous pouvez faire confiance à l’autorité de l’état pour mater tout ça, et pour devenir encore plus méchant si la situation le nécessite.

    En ce qui me concerne sans être communiste moi-même, je partage l’opinion des responsables du parti maoïste, le MNRPP, selon laquelle il est totalement impossible de sortir de l’euro par la voie politique gouvernementale et parlementaire.

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