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30.mars.202230.3.2022 // Les Crises

Budget militaire : avec 800 milliards de dollars, Biden fera le bonheur de l’industrie de l’armement

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Joe Biden a demandé plus de 800 milliards de dollars de dépenses militaires pour l’année fiscale à venir. Son plan de dépenses ne rendra pas le monde plus sûr, mais il permettra probablement de canaliser plus de 400 milliards de dollars d’argent public vers des entreprises du secteur privé.

Source : Jacobin Mag, Stephen Semler
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Des soldats tirent avec le char M1A2 SEPv3 de l’armée américaine à Fort Hood, au Texas, le 18 août 2020. (Sergent Calab Franklin / US Army via Flickr)

Pour la deuxième année consécutive, Joe Biden prévoit d’augmenter le budget militaire.

La demande de budget pour l’année fiscale (FY) 2023 que Biden enverra au Congrès ce mois-ci proposerait plus de 800 milliards de dollars de dépenses militaires ; 773 milliards de dollars pour le ministère de la Défense (DOD) et la majeure partie du reste pour les programmes d’armes nucléaires du ministère de l’Énergie. Si l’on excepte la période des budgets militaires entre 2007 et 2011, qui a permis d’augmenter successivement les effectifs militaires, d’abord en Irak puis en Afghanistan, le plan de Biden prévoit de donner plus d’argent au Pentagone pour l’exercice 2023 que pour n’importe quelle autre année depuis la Seconde Guerre mondiale.

Un budget massif du Pentagone implique une redistribution massive des richesses, et le principal bénéficiaire n’est pas « nos troupes », comme les politiciens américains aiment à le dire. Au lieu de cela, la majeure partie du budget du DOD va à des entreprises à but lucratif : 55 % des 14 500 milliards de dollars que le Congrès a accordés au Pentagone entre les exercices 2002 et 2021 ont fini par être versés à des entreprises du secteur privé par le biais de contrats.

La part des dépenses annuelles du ministère de la Défense consacrée aux contrats a peu varié au cours de cette période de vingt ans ; la valeur des contrats a largement augmenté et diminué au même rythme que les budgets globaux. Le montant du financement fédéral que l’on peut s’attendre à voir privatiser dans un budget donné du Pentagone peut donc plus ou moins être déduit de son chiffre total. Cela signifie qu’une proposition de budget de 773 milliards de dollars pour le ministère de la Défense – comme le proposera Biden – est essentiellement une proposition de privatisation de 425 milliards de dollars de fonds publics.

Cela n’augure rien de bon pour les programmes sociaux du budget de l’exercice 2023. Le projet de loi sur les dépenses du ministère de la Défense – bien qu’il ne soit qu’un des douze projets de loi de crédits qui composent le budget discrétionnaire fédéral – absorbe généralement environ la moitié de tous les fonds discrétionnaires. La première demande de budget de Biden était similaire. Toutefois, la différence essentielle est qu’elle a été proposée peu après l’adoption du plan de sauvetage américain au Congrès et avant l’effondrement du plan de plusieurs milliards de dollars du président pour le climat, les infrastructures et la santé.

En d’autres termes, la proposition de Biden pour l’exercice 2023 ressemblera probablement au budget typique de la pandémie pré-COVID, où les dépenses de « sécurité nationale » supplantent les dépenses sociales. Ce n’était pas censé se produire. Même des personnalités de l’establishment, comme Hillary Clinton, ont affirmé que la pandémie entraînerait une « remise en question de la sécurité nationale », où les menaces non militaires seraient enfin prises en compte aussi sérieusement que les menaces militaires – de nouvelles priorités qui se refléteraient dans les budgets futurs.

Le président a semblé de moins en moins intéressé par cette question. Biden a fait tout son possible pour stigmatiser les dépenses sociales mais pas les dépenses militaires, même si ces dernières auraient été une cible plus appropriée. Par exemple, Biden a reproché aux chèques de relance de 1 400 dollars de provoquer l’inflation, même si le coût total de cette disposition (391 milliards de dollars) était inférieur au montant que les premier et deuxième budgets militaires de Biden détourneront probablement au profit d’entrepreneurs militaires à but lucratif (405 milliards et 425 milliards de dollars, respectivement).

En outre, il existe de nombreuses preuves que les dépenses sociales – comme les chèques de relance – réduisent les difficultés et renforcent la sécurité, alors que les dépenses militaires ne le font pas. Le budget du Pentagone donne vie à une architecture impériale qui comprend 750 installations militaires à l’étranger et des opérations antiterroristes actives dans au moins quatre-vingt-cinq pays. Par ses budgets et sa politique déclarée, Biden a déjà établi qu’il n’envisageait pas de modifier de manière substantielle l’empreinte mondiale de l’armée américaine, malgré les preuves empiriques indiquant que cette position favorise l’insécurité. Des études ont montré que le stationnement de personnel militaire américain à l’étranger augmente la probabilité d’attaques terroristes contre les États-Unis, que les États connaissent davantage de terrorisme après avoir mené des interventions militaires et que les bases à l’étranger aggravent souvent les tensions géopolitiques.

L’establishment de la politique étrangère décrit souvent les dépenses militaires en utilisant des expressions telles que « investissement dans notre sécurité nationale », comme si le simple fait de financer le Pentagone produisait en quelque sorte la sécurité comme résultat politique. Biden s’appuiera probablement sur cette hypothèse – à savoir que plus de dépenses militaires signifient plus de sécurité – pour justifier sa demande gargantuesque de financement du Pentagone pour l’exercice 2023.

Des sondages récents suggèrent que la plupart des Américains rejettent ce raisonnement. Le Congrès devrait en faire autant.

A propos de l’auteur

Stephen Semler est cofondateur du Security Policy Reform Institute, un groupe de réflexion sur la politique étrangère américaine, financé par la population.

Source : Jacobin Mag, Stephen Semler, 03-03-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Alain // 30.03.2022 à 09h47

Cela ne devrait pas s’appeler un budget de « sécurité nationale » mais d’un budget de « domination internationale sans égard pour la sécurité nationale »

14 réactions et commentaires

  • Yann // 30.03.2022 à 07h58

    Pourriez indiquer combien ça fait en roubles, svp?

      +15

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  • max // 30.03.2022 à 08h47

    En fait c’est plus précisément 813 milliard de $, une augmentation de 9,8% par rapport a 2021, ce budget pouvant être augmenté en cours d’année.
    Biden a souligné que plus l’Amérique dépense pour son armée plus elle est prospère (Elle peut mieux piller les reste du monde).
    Les USA bénéficient d’une situation exceptionnelle unique au monde avec le Canada au Nord et le Mexique au sud et deux océans qui les isolent, ils ne peuvent pas être envahis.
    Le PIB des USA c’est 20% du PIB mondial mais 40% des dépenses militaires du reste du monde.
    Comme l’inflation redémarre aux USA la valeur réelle de ce budget militaire diminue forcément et il faudra donc l’augmenter et approcher des 1.000 milliards et donc augmenter encore la dette des USA et donc obliger le reste du monde a participer a l’effort militaire des USA et de continuer a contraindre le reste du monde être vulnérable militairement a son armée.

      +12

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    • Gaspard des Montagnes // 30.03.2022 à 08h58

      C’est d’ailleurs de cette façon que l’Empire Romain a disparu ! le budget militaire avait fini par représenter les 2/3 du budget de l’état !

        +9

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      • fab // 30.03.2022 à 09h04

        Le budget fédéral américain sera de 6 000 Milliards de dollars pour 2022 ! Le budget militaire représente donc 14% de ce budget, ce qui est énorme, mais encore très loin des 2/3.

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        • Gaspard des Montagnes // 30.03.2022 à 10h50

          Le budget militaire romain est passé d’un tiers à deux tiers du budget à la fin de l’empire. C’est ce gonflement militariste qui est souligné dans l’article.
          Le paradoxe est que le budget militaire augmente mais l’Amérique recule un peu partout.
          Ce budget est financé par de la création monétaire ex nihilo (planche à billets électronique). Or la confiance des états dans le dollar vient de chuter avec le gel des réserves de change russe en dollars..

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  • Alain // 30.03.2022 à 09h47

    Cela ne devrait pas s’appeler un budget de « sécurité nationale » mais d’un budget de « domination internationale sans égard pour la sécurité nationale »

      +19

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    • Fritz // 30.03.2022 à 17h52

      Le budget de l’impérialisme, tout simplement. Mais que vaudra le dollar lorsqu’il faudra des roubles pour acheter des richesses réelles, pétrole, gaz, blé ? Le monde pourrait changer de base à partir de demain soir, 31 mars. La monnaie de singe des Zétazunis et de leurs caniches européens sera rendue à son néant.

        +6

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  • Morne Butor // 30.03.2022 à 10h42

    Le plus malin, c’est le Canada qui se cache derrière les épaules bodybuildées de son voisin et qui va bénéficier du réchauffement climatique sans grand risque de voir débarquer des migrants du sud et sans surcout de protection militaire.

      +2

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  • jp // 30.03.2022 à 12h51

    « Au Yémen, le manque de financement oblige l’ONU à mettre fin à des programmes d’aide humanitaire » en 2019

    je n’arrive pas à retrouver le montant exact de la dette des USA à l’ONU mais
    « http://seneposte.com/la-chine-demande-aux-etats-unis-de-payer-leurs-dettes-a-lonu/ »

    « mon très très gros budget militaire d’abord et pff les pauvres de chez moi ou d’ailleurs » pensent les dirigeants yankees, rien de bien nouveau non ?

      +3

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  • popcorn // 31.03.2022 à 08h59

    Les USA n’ont pas attendu BIDEN pour gaver de milliards de dollars les industriels de l’armement

      +2

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    • Ellilou // 01.04.2022 à 15h49

      Certes mais il a été vendu comme l’anti-trump, le gars posé, calme, propre sur lui, sentant bon entre les doigts de pieds et prêt à discuter…et les ricains se retrouvent avec un gars à moitié sénile et les emmenant droit vers le mur.

        +1

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  • RGT // 31.03.2022 à 09h26

    « Des sondages récents suggèrent que la plupart des Américains rejettent ce raisonnement. Le Congrès devrait en faire autant. »

    Mais comme dans toute démocrassie il n’en fera rien.

    La première fonction des budgets militaires consiste simplement à enrichir les marchands de canons, qu’on soit « en guerre » ou non.

    Et quand PAR CHANCE un conflit survient il est accueilli par les cris de joie des marchands de canons qui voient leurs commandes exploser, particulièrement au niveau des « consommables ».

    Ensuite, en fonction de l’issue du conflit, les « élites » du vainqueur pourront allègrement piller les « vaincus » DANS LEUR PROPRE INTÉRÊT sans que la population puisse profiter d’autre chose que quelques miettes après s’être serrée la ceinture pour financer ce bouzin, soit les « élites » du vaincu « négocieront » avec les vainqueurs pour préserver leurs intérêts au détriment de l’ensemble de leur population.

    Avec dans le pire des cas quelques lampistes mis en avant durant le conflit qui seront sacrifiés pour simuler un « mea culpa » ce qui permettra de ne strictement RIEN changer pour les « élites » qui continueront à s’engraisser sur le dos des populations.

    Pourquoi se gêner ?

    Pile les « élites » gagnent, face les « gueux » perdent.

    Et c’est ainsi depuis que les humains ont abandonné leur droit de choisir leur destin pour le plus grand profit des « meilleurs ».

      +1

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  • Christian Gedeon // 31.03.2022 à 13h14

    Lol… c’est compter sans les mirifiques commandes «  européennes ». J’ai fait une petite addition, ajoutez déjà 200 milliards . War what is Good for , absolutely business! Pour les anciens ils comprendront vite la référence. Pour les jeunes… renseignez-vous. C’est le titre détourné d’un hit des grandes années anti guerre du Vietnam. 😄

      +3

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