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18.mars.202218.3.2022 // Les Crises

États-Unis : Un budget de la défense 2023 supérieur à 800 milliards de dollars ?

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La demande annoncée est grotesque, surtout si l’on considère le gaspillage incontrôlé actuel du Pentagone.

Source : Responsible Statecraft, William Hartung
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Image: Shchus via shutterstock.com

Des sources au Pentagone ont déclaré à Reuters que l’administration Biden s’apprête à proposer un budget pour la défense nationale qui pourrait dépasser les 800 milliards de dollars pour l’exercice 2023, une somme énorme qui dépasse de loin les niveaux atteints à l’apogée des guerres de Corée et du Vietnam, ou lors de la montée en puissance de Reagan dans les années 1980. C’est également plus de trois fois ce que la Chine dépense pour son armée, et dix fois ce que la Russie dépense. Ce chiffre inclut apparemment des éléments qui dépassent le budget du Pentagone proprement dit, comme les dépenses en armes nucléaires du ministère de l’Énergie, ainsi que des milliards de dépenses liées à la défense dans d’autres agences gouvernementales.

La proposition de l’administration est malavisée et contre-productive, mais elle n’est pas inattendue. La révision par le Pentagone du dispositif mondial des forces américaines, publiée à la fin de l’année dernière, était un document de statu quo qui n’appelait pas à des réductions significatives du déploiement militaire américain au Moyen-Orient, même s’il signalait l’intention de renforcer la présence américaine en Asie de l’Est. Et comme l’a noté Joseph Cirincione, Distinguished membre Non-Resident du Quincy Institute, la prochaine révision de la position nucléaire de l’administration Biden laissera probablement intact le plan de 30 ans du Pentagone visant à construire une nouvelle génération de bombardiers, de sous-marins et de missiles terrestres à armement nucléaire, pour un coût pouvant atteindre 2 000 milliards de dollars.

Les faucons militaires s’agitent déjà, suggérant que la proposition de Biden ne sera pas suffisante pour suivre l’inflation, au détriment de la préparation militaire. Ces cris d’orfraie ne tiennent pas compte du fait qu’il est largement possible de réduire les niveaux actuels, moyennant une meilleure discipline budgétaire au Pentagone et, surtout, une nouvelle stratégie plus réaliste qui ne place pas les États-Unis dans le rôle de gendarme du monde.

En ce qui concerne la discipline en matière de dépenses, le Pentagone est la seule grande agence fédérale à n’avoir jamais réussi un audit – il ne peut pas dire aux contribuables où va exactement son argent, et ne dispose pas non plus d’un inventaire précis des équipements et des pièces détachées, ce qui entraîne des doubles emplois et un gaspillage systématiques. Le ministère paie régulièrement trop cher des articles de base comme les pièces détachées. Dans un cas, impliquant le fournisseur notoire Transdigm, on a constaté une majoration étonnante de 3 800 % sur une seule pièce et des surfacturations sur un échantillon de composants pour un total de 20,8 millions de dollars. Ce n’est pas grand-chose selon les normes du Pentagone, mais multiplié par des milliers de fournisseurs, cela représente sans aucun doute des milliards de dollars de surfacturations.

À plus grande échelle, le Pentagone achète trop souvent des armes trop chères, dysfonctionnelles ou inutiles. L’avion de combat F-35, le programme d’armement le plus coûteux jamais entrepris par le Pentagone, en est un bon exemple. Il est mis en service à la hâte, avant même que les essais ne soient achevés, ce qui entraîne de coûteuses mises à niveau pour des défauts de conception qui sont encore en cours de détection. Il présente plus de 800 défauts non résolus, est extrêmement difficile à entretenir et coûte 38 000 dollars par heure de vol. Ces problèmes et d’autres problèmes graves ont conduit le président de la commission des services armés de la Chambre des représentants, Adam Smith, à déclarer qu’il en avait assez de « déverser de l’argent » dans le « piège à rats » du F-35.

Si l’on ajoute aux F-35 des porte-avions de 13 milliards de dollars qui ont du mal à catapulter et à faire apponter des avions, et des navires comme le Littoral Combat Ship qui ne peuvent pas opérer dans des environnements de combat de haute intensité, il est clair qu’il est possible de réduire les achats d’équipements coûteux sans compromettre notre sécurité.

La plus grande source d’économies dans les dépenses du Pentagone résulterait de l’élaboration d’une nouvelle stratégie qui privilégie la diplomatie, mette fin aux guerres perpétuelles, réduise l’arsenal nucléaire tout en maintenant la dissuasion et adopte une vision plus réaliste des risques pour la sécurité posés par la Chine, la nation que le Pentagone décrit comme la « menace permanente » qui guide ses plans de dépenses.

Cette approche permettrait de libérer des fonds pour faire face aux menaces les plus urgentes pour notre sécurité, des pandémies au changement climatique en passant par les inégalités économiques. Avec la démocratie dans la balance, il est temps de se concentrer sur la construction de la force et de la résilience chez nous plutôt que de préparer des aventures militaires malavisées à l’étranger.

Le maintien de plus de 750 bases militaires, de centaines de milliers de soldats à l’étranger, d’opérations antiterroristes dans au moins 85 nations et l’allocation de plus de 800 milliards de dollars à l’armée ne feront qu’affaiblir l’Amérique tout en détournant l’attention et en siphonnant les ressources nécessaires pour faire face aux défis non militaires qui menacent le plus les vies humaines et les moyens de subsistance.

Source : Responsible Statecraft, William Hartung, 18-02-2022
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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16 réactions et commentaires

  • Vincent // 18.03.2022 à 08h20

    Le seul petit problème dans tout ça c’est que le dollar tient seulement de par son privilège de monnaie de réserve. Et vu que la dette américaine est entre les mains de la Chine en grande partie, le Congrès peut soit continuer a utiliser la planche à billet mais ce n’est pas pour cela que le monde peut encore se permettre de laisser faire. Quand un système est trop corrompu il saute. Et il semble que nous soyons dans une phase ou en effet plusieurs économies pourraient sauter, littéralement. Les ‘élites’ ont depuis longtemps perdu le sens de la réalité et l’ont ignorée. Mais personne ne peut ignorer les conséquences d’ignorer la realité.

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    • MS // 20.03.2022 à 10h16

      C’est ce que j’ai longtemps pensé aussi … mais nos économies sont devenues tellement interdépendantes que je crains que si les US tombent ce soit la fin des économies mondiales et le repli des nations sur leurs frontières .. qui peut encore se permettre cela ?

        +1

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      • step // 20.03.2022 à 15h08

        Personne mais ironiquement les mieux armés si cette situation se présente seront les pays actuellement ciblés par des sanctions et mis à l’index et qui ont réussi à survivre malgré tout.

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        • RGT // 22.03.2022 à 10h39

          Depuis les sanctions de 2014, la Russie a bien compris la leçon et le gouvernement e ce pays (qui n’est pas exempt de critiques) a réussi à développer une stratégie d’autosuffisance alimentaire, a une dette publique qui ne représente que 17% de son PIB, n’a plus un seul Dollar dans ses caisses (convertis en stocks d’Or, cette « relique barbare ») et commerce en €uros, en Yuan ou dans toute autre monnaie non liée au Dollar.

          Et surtout, depuis l’arrivée de Poutine, le pouvoir d’achat médian de la population russe a été multiplié par 10 pendant que celui de la population des « démocrassies bénies des dieux » sombrait dans les abîmes de la misère pour compenser cette perte inacceptable de revenus des « élites ».

          Et tout ça au détriment des oligarques occidentaux qui envoient leurs toutous enragés tenter de mordre les chevilles de celui qui a l’insolence de leur résister.

          Même si les russes n’apprécient pas tous Poutine, ils reconnaissent au moins qu’il leur a permis de s’extraire de la misère et hormis quelques nantis qui vivent de subsides de l’occident l’immense majorité de la population se souvient de la « parenthèse libérale » et ne veut pas qu’elle s’ouvre à nouveau.

          Et il en va de même pour la Chine, l’Inde et de très nombreux autres pays qui attendent que l’empire s’effondre pour reprendre leur indépendance.

          Espérons seulement qu’aucun autre état ne prenne la place vacante pour dominer cette planète.

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  • ThomBilabong // 18.03.2022 à 14h48

    La guerre froide avec l’Union Soviétique a entraîné la fin de cette dernière.
    Maintenant c’est au tour des US de courir derrière la Chine.
    Pas sûr que la Chine perde cette course, pas sûr du tout.

    Quand on voit le chaos dans lequel ont été précipités la Russie et les pays du Pacte de Varsovie pour cette fichue course aux armements débile, on peut imaginer un sombre avenir pour les USA.

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    • Linder // 19.03.2022 à 08h30

      La situation n’est pas la même du fait du privilège du dollars. Les américains en fabriquent autant qu’ils veulent et le reste du monde l’accepte, même si sa valeur se déprécie lentement mais sûrement…
      Le système finira par craquer mais plus selon un scénario à la Jancovici qu’un scénario à la Gorbatchev.

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  • Alain // 19.03.2022 à 08h10

    Tout cela est plutôt positif pour le monde, imaginez ces dépenses devenues efficaces, toute la planète deviendrait un champ de ruines

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  • RGT // 19.03.2022 à 09h37

    N’oublions jamais que la guerre, particulièrement depuis l’aube du XXème siècle, a surtout été un moyen pour les « élites » de faire payer les « gueux » (tant financièrement que par le prix du sang) pour des opérations qui leur étaient très fructueuses.

    Souvenez-vous de la « grande guerre » durant laquelle un nombre incommensurable de « moins que rien qui ne comptent pas » ont été sacrifiés sans complexe par les « grands dirigeants » pendant que l’industrie de l’armement tournait en surchauffe pour le plus grand bonheur des marchands de canons.

    Le grand concours de quéquettes dans lequel « on » développait l’obus capable de percer tous les blindages, puis le blindage résistant à tous les obus et ainsi de suite a permis à cette oligarchie de pouvoir siphonner profitablement l’intégralité des ressources de « leur » nation, l’objectif principal n’étant pas de gagner la guerre mais de la faire durer le plus longtemps possible pour engranger des profits toujours plus insolents.

    Ensuite, en cas de « victoire » ils auront droit à la « cerise sur le gâteau » en allant piller sans vergogne la population du pays vaincu et verront leurs profits atteindre des sommets.

    Et en cas de « défaite » ils se contenteront de conserver leurs « acquis » sans pour autant indemniser les vraies victimes, ce qui leur permettra de se recycler dans des activités « pacifiques » tout aussi profitables en collaborant avec leur ancien « ennemi » pour dépouiller les gueux.

    Pile je gagne, face les gueux perdent.

    La guerre n’a AUCUN autre objectif, le reste n’est que propagande et manipulation.
    Des deux côtés bien sûr, pour se battre il faut bien être deux.
    Hélas il y a bien souvent l’un des deux protagonistes qui est bien plus cupide que son opposant et c’est toujours le plus « fort » et le plus riche qui souhaite augmenter sa richesse.

    Souvenez-vous à jamais des soldats allemands qui violaient et égorgeaient les petites filles belges ou des « armes de destruction massive » de Saddam Hussein.

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    • Grd-mère Michelle // 26.03.2022 à 14h06

      Hum… Le problème, selon moi, est que (ce que vous appelez) « les gueux » sont en fait devenus des riches(possédant plus que le nécessaire) pendant les fameuses  » 30 glorieuses », et avec l’aide du crédit à la consommation.
      De sorte qu’ils/elles ont été entrainé-e-s dans la spirale funeste du profit à tout prix(au point de payer pour apprendre à « se vendre »), et se sont fait (laissé-e-s faire) complices de ce système essentiellement marchand en y « travaillant » (notamment dans les armées et l’industrie de l’armement), en y consacrant toutes leurs forces et leur énergie, oubliant ce qui a constitué la chance de l’humanité: la solidarité dans l’adversité.
      Étant donné que les principaux périls qui menacent aujourd’hui l’ensemble du genre humain sont d’ordre « naturel » (environnemental- ce que les jeunes générations semblent avoir compris, contrairement à la plupart de leurs aînés), nous pouvons peut-être espérer avancer vers des ententes, des dispositions qui rétabliront les équilibres bouleversés.
      Mais il faudra sans doute renoncer au « confort moderne », aux « facilités » imbéciles, inutiles et nuisibles auxquels nous avons « consenti » lâchement, en y sacrifiant nos idéaux… tout en mettant « la main à la pâte », en œuvrant tou-te-s ensemble pour un monde plus juste.
      LIBERTÉ DE CHOIX, ÉGALITÉ DE DROITS, SOLIDARITÉ AVEC LE VIVANT.

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  • max // 19.03.2022 à 14h49

    Quand les USA ont quitté le Vietnam ont était persuadé que le budget militaire allait baisser et que l’ont allait gagner les dividendes de la paix.
    Quand ils ont quitté l’Afghanistan on a encore pensé la même chose.
    En fait guerre ou paix le budget militaire doit continuellement augmenter.
    Peut importe que les infrastructures civiles soient a l’abandon.
    Que les ménages soient surendettés.
    Que les étudiants stop leurs études fautes de finances
    Que la dette soit de fait payée par le reste du monde.
    La dette et le budget militaire c’est sacré, le monde entier doit payer.

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