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19.octobre.201919.10.2019 // Les Crises

Fatima E. : « Je ne voulais pas craquer devant les enfants »

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Une information complémentaire face à la polémique du moment, très peu relayée – à prendre, bien entendu avec prudence et recul. Nous vous laissons en débattre (sans invectives en commentaires, sous peine de suppression directe)

EDIT : au vu des échanges, de petits rappels très utiles de l’Observatoire de la la laïcité :


Source : CCIF, 15-10-2019

Depuis l’agression verbale qu’elle a subie devant son fils le vendredi 11 octobre au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, madame Fatima E. ne répond plus trop au téléphone, et souhaite préserver son anonymat tout en prenant du recul quant à cette affaire. Elle ne peut s’empêcher pourtant de constater que son image circule partout, et que celle-ci est devenue un symbole : la part visible d’une douleur souvent enfouie et étouffée, mais aussi l’image troublante d’une parole confisquée. Du sourire à la détermination, en passant par la douleur et l’inquiétude, Fatima nous rappelle une seule chose : que l’enjeu majeur, au-delà des considérations politiques autour du foulard, est de préserver l’amour et la confiance chez les enfants. Rencontre.

NOUS AVONS LU ET ENTENDU PLUSIEURS VERSIONS DES FAITS QUI SE SONT DÉROULÉS. POUVEZ-VOUS NOUS RACONTER COMMENT VOUS AVEZ VÉCU CETTE AGRESSION ?

D’abord, il faut savoir qu’au départ, il n’était pas prévu que je participe à cette sortie. Parce que je suis en plein déménagement, et que j’ai une petite de quatre ans. Ça demandait que je m’organise, que je fasse garder ma fille, et que je tienne compte du trajet entre Dijon et Belfort. Mon fils a insisté pour que je vienne, et m’a dit que tous ses copains attendaient ma venue, car il est vrai que je participe régulièrement aux sorties scolaires. D’ailleurs la veille, la maîtresse m’a laissé un mot dans le carnet pour me demander d’y participer, car aucune autre maman n’était disponible. À la dernière minute, je change d’avis, et je décide d’y aller.

Le matin on a fait une visite au musée, et ensuite on est arrivés au conseil régional, où il était prévu qu’on y reste une dizaine de minutes, pour regarder comment ça se passe. On était dans un coin ; je pensais même que personne ne pouvait nous voir. Et là j’entends quelqu’un dire « Au nom de la laïcité », puis j’entends des personnes qui commencent à crier, s’énerver. Franchement, j’étais là sans être là. La seule chose que j’ai vue, c’était la détresse des enfants. Ils étaient vraiment choqués et traumatisés. Et on le voit bien dans la vidéo : ils n’arrêtent pas de bouger et de se retourner vers moi. Ils me disaient : « Mais c’est contre toi ! C’est à toi qu’ils disent d’enlever ton voile ?! ».

Et puis moi, je souriais. Ce n’était pas pour narguer, comme j’ai pu entendre certains le dire. Je souriais d’abord à sa bêtise. Et il ne fallait pas que je cède : si moi je panique, les enfants auraient été encore plus traumatisés. Donc j’ai essayé de les rassurer, en leur disant que les élus n’étaient pas d’accord. Il y a des choses qui ont été dites et que je n’ai entendues que dans la vidéo, car sur le moment, je vous le dis : j’étais là sans être là, j’étais concentrée sur les enfants.

J’avais les larmes qui commençaient à monter. À ce moment j’ai regardé Nisrine Zaibi, et c’est là qu’elle m’a dit : « Reste, on est tous avec toi. Tu es à ta place ». Beaucoup d’autres conseillers m’ont également souri, m’ont rassurée et m’ont demandé de ne surtout pas sortir, pour ne pas donner raison à Julien Odoul. Pendant ce moment où on m’encourage à rester, mon fils s’approche de moi et me saute dessus en pleurant. Et là aussi, je lui souris. Mais quand j’ai vu mon fils en train de craquer, je leur ai dit que je ne pourrai plus rester. J’avais aussi besoin de me retrouver toute seule. Je tremblais de la tête aux pieds et je me sentais en train de tomber. Je ne voulais pas craquer devant les enfants, donc je suis sortie.

Je prends les escaliers, je descends et je tombe face à Karine Champy [ndlr. élue qui était auparavant au FN]. Et là elle commence à m’attaquer : « Vous êtes contente ?! Vous avez réussi votre coup ? » Et elle commence à monter les escaliers en criant. Je lui dis que si elle veut parler, qu’elle me parle convenablement. Là elle redescend, très énervée, et s’approche de moi : « Vous allez voir, on va gagner. Les Russes vont arriver ! ». Je vous avoue que je n’ai pas du tout compris pourquoi elle m’a dit ça… Elle gesticulait beaucoup, et était à la limite de me bousculer. En y réfléchissant, je suis sûre qu’elle voulait me provoquer physiquement pour que je réagisse. J’ai gardé mon calme et je n’ai pas répondu à sa provocation. Ça ne l’a pas empêchée de continuer : « Tu veux que je te pousse, c’est ça ? Tu veux que je te pousse ?! ». Je vous assure, elle avait un regard… Quand je ferme les yeux, je le vois. Cette image, elle me hante. Jacqueline Ferrari, qui est également une élue, a assisté à la scène et a demandé à Karine Champy de se calmer. Il y avait aussi un vigile qui est intervenu, et qui m’a rassurée.

ET MAINTENANT, COMMENT VOUS ALLEZ ?

Comment je vais… Fatiguée, j’ai peur de tout. Parfois le visage de cette dame me revient, j’ai des frissons et je tremble. Sincèrement, ils ont détruit ma vie… Moi je suis une adulte, je peux encore encaisser tout ça. Devant mes enfants, je fais comme si tout allait bien. Je suis obligée de rire avec mon fils de cette histoire. On regarde la photo, et je le taquine en lui disant qu’il est devenu une star. Je veux qu’il passe à autre chose. Mais moi, la première nuit, je me suis réveillée une dizaine de fois, avec une boule au ventre. J’étais en train de réaliser ce qui s’était passé. Je reprenais conscience, en fait.

VOTRE FILS, COMMENT A-T-IL VÉCU CE QUI S’EST PASSÉ ?

Une psychologue du CCIF est en train de le suivre. Elle lui a déjà parlé. La première nuit, il a fait des cauchemars. Ce qu’il m’a dit, quand il a pleuré, c’est qu’il avait l’impression que tout le monde était contre moi. Il va mieux, mais lui aussi, par moments, il est là sans être là. Il fixe un point, et c’est comme si son esprit partait. Depuis vendredi, il le fait souvent… Ses nuits aussi sont très agitées. Il se réveille souvent.

QUELLE EST LA SUITE DE CETTE AFFAIRE ?

Même si par moments je me dis « stop, j’ai juste envie de reprendre ma vie tranquille et de souffler », j’ai quand même l’intention de ne pas laisser faire. Mais je vous avoue que je comprends maintenant pourquoi les autres mamans voilées ne participent pas aux sorties scolaires. À un moment, quand j’ai entendu tout le monde réagir, je me suis dis : « Qu’est-ce que tu fais là ? Excuse-toi et sors ». J’ai senti un rejet que je n’avais pas senti avant. Et cela va avoir des conséquences.

AVEC LE RECUL, COMMENT INTERPRÉTEZ-VOUS CE QUI S’EST PASSÉ ?

Aujourd’hui, j’ai une opinion négative de ce qu’on appelle la République. Et je trouve que le ministre de l’Éducation a dit quelque chose de honteux, lorsqu’il a parlé du voile. J’ai parlé avec la maman d’un autre enfant qui participait à cette sortie scolaire, et elle m’a parlé de son fils en disant que depuis ce weekend, il a la rage et la haine. Je lui ai répondu que c’est exactement ce que veut l’élu du RN. Il vient de détruire tout un travail que je faisais indirectement auprès de cette classe, dont les élèves d’origine immigrée étaient parfois dans une attitude de penser que la France était contre eux et qu’ils sont rejetés. Et moi j’ai toujours argumenté contre ce discours. J’essayais tout le temps de les rassurer. Quand on est sortis du conseil régional, ils sont venus vers moi pour me dire : « Tu vois, on te l’avait dit ! Ils ne nous aiment pas ! ». Et là, je ne pouvais même plus parler. Les enfants sont venus là pour apprendre : qu’ont-ils appris ?

Source : CCIF, 15-10-2019

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Kaki // 19.10.2019 à 06h52

C est quand même vachement pratique d avoir des musulmans sur notre sol, en cas de réforme un peu difficile à passer ( en ce moment les retraites), on a eu, on a, et on aura toujours nos compatriotes musulmans prêt à mouillé le maillot pour l exécutif à l insu de leur plein gré. Que dire de plus ?

199 réactions et commentaires - Page 2

  • Seraphim // 22.10.2019 à 03h23

    Non, les esclaves n’étaient pas seulement de la force physique rendue inutîle par les machines. Jancovici ne voit dans les hommes que des bras des jambes et des calories…! L’esclavage serait rentable aujourd’hui même. D’ailleurs il existe bel et bien aujourd’hui. Que sont les prisonniers, les opérateurs de centre d’appel et même les conducteurs d’engin? Il est notoire qu’aux USA les pilotes d’avion sont si peu payés qu’ils survivent avec l’aide sociale…y’a de bonnes vidéos là-dessus

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  • Ambiorix // 22.10.2019 à 22h08

    Comment peut-on encore se voiler la face sur ce problème quand on sait qu’un bon % des musulmans veulent la sharia. Quand on sait que ce % explose chez les jeunes. Ces jeunes qui ont eu encore plus de libertés que leurs parents.

    Si vous voulez un exemple où on a tout laissé faire, où le bourgmestre(maire) même s’est converti a la religion de sa nouvelle population, c’est Molenbeek en Belgique. Commune belge tristement célèbre mnt.

    Depuis le temps qu’on parle de cela, il est fort regrettable que certaines personnes ne se soient tjs pas renseignées sur le sujet au lieu de crier au loup des que qqu’un pointe du doigt le problème. Vu que ces gens aiment jouer avec les images choques, je dirais qu’elles ressemblent fort aux faibles qui ont laisse Hitler grandir par peur d’agir.

      +1

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  • Sam // 23.10.2019 à 11h28

    Il faudrait une série à la « les crises » sur le terrorisme.
    C’est fou quand même qu’on l’appelle islamique, alors que les US ont investi massivement depuis les années 70 dans les fondamentalistes les plus imbéciles pour démettre tous les gouvernements progressistes et laïques du monde musulman : moudjaidins > talibans > al qaida > daesh.
    De même, cette pauvre femme est harcelée pour un bout de tissu alors que notre président va parader avec MBS et les saouds et leur refiler des armes pour jouer au génocide.
    En tout cas, nous parler de « terrorisme islamique » depuis 50 ans a bien fonctionné, aujourd’hui tout le monde est terrorisé (Cf. les débats enflammés pour un bout de tissu).
    Ce serait bien aussi, au lieu de taper sur les islamophobes sur le mode binaire (raciste/pas raciste), d’en comprendre l’origine : 50 ans de promotion quotidienne à la télé.

    N’oubliez pas d’avoir peur…

      +4

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  • marire // 24.10.2019 à 08h53
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