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10.novembre.201910.11.2019
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[RussEurope-en-Exil] Le rond-point, carrefour des luttes sociales et politiques. Bilan d’un an de mouvement des « Gilets Jaunes » par Jacques Sapir

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Il y a donc près d’un an, à quelques jours près, démarrait ce que l’on a appelé le mouvement des Gilets Jaunes. Ce mouvement a profondément bouleversé le paysage politique en France. Il a durablement marqué notre imaginaire.

Ce mouvement a aussi eu des conséquences à l’international. Divers mouvements populaires de revendication et de contestation se sont emparés du gilet symbole. Ce mouvement a donné naissance à divers livres[1] et variés[2]. Certains furent publiés très (trop ?) précocement[3]. Les documents qu’ils ont produits ont été en partie édités[4]. Certains, et cela est aussi important, ont été écrits par des porte-parole du mouvement, comme c’est le cas avec François Boulo[5] ou avec Priscilla Ludosky[6]. Alors que ce mouvement, même s’il a perdu de son ampleur, survit en organisant des manifestations régulières tous les samedis, sous la forme des différents « actes », il convient de revenir sur l’origine de ce mouvement, ce qu’il a changé et ce qu’il a apporté.

 

L’origine du mouvement

 

Ce mouvement, il faut le rappeler, avait commencé comme un refus de l’augmentation du prix du carburant diésel. Au départ, ce fut la pétition « en ligne » contre cette hausse, pétition lancée le 29 mai 2018 par Priscilla Ludoski, qui agrégea le mouvement. Cette hausse, qui était justifiée par le gouvernement au nom de l’urgence écologique ne semblait pas importante. Elle mit cependant le feu aux poudres et provoqua l’explosion sociale la plus importante depuis les mouvements de grèves de 1995. La raison en est l’importance des « dépenses contraintes » dans le budget des ménages, et en particulier des ménages les plus modestes. Ces dépenses, que l’INSEE nomme aussi « dépenses pré-engagées », représentent ce que tout ménage doit donc dépenser obligatoirement. On y introduit les dépenses de logements, les services financiers et les frais d’abonnement aux différents services. Ces dépenses là, qui représentaient 12,5% du budget d’un ménage moyen en 1960, représentent aujourd’hui plus de 30%[7].

Mais, bien d’autres dépenses sont en réalités contraintes : on ne peut pas non plus éviter de s’alimenter, se vêtir, se soigner, de se déplacer pour aller au travail. Les estimations qui sont faites placent alors la barre de ces dépenses pré-engagées plus près de 60% que de 30%. Ajoutons que la proportion est d’autant plus forte que les revenus sont modestes. Pour les ménages dont le revenu est inférieur au revenu médian, le pourcentage monte probablement vers les 70-80%. De fait, le CREDOC[8] estimait en 2005 que la part des dépenses « incontournables » (qui est une définition plus large) pouvait atteindre 87% en 2005. Remarquons qu’il n’y a pas eu d’enquête plus récente, ce qui est dommage. Au bout du compte, ce qui reste « pour vivre », un terme qui est préféré par le Conseil National des politiques de Lutte contre la pauvreté et l’Exclusion sociale (CNLE), est de fait très inégal selon les ménages. Si l’on reprend la définition du CREDOC, il restait donc en 2005 80 € par mois au dixième le plus pauvre après ses dépenses contraintes et incontournables contre 1 474 € au décile le plus riche, soit un rapport de 18 à 1. Et encore, comme le note le CNLE, le « reste à vivre » des plus pauvres n’est le plus souvent que de quelques euros quand il n’est pas négatif. C’est dans ce contexte qu’il convient d’apprécier le rejet de la nouvelle augmentation du carburant qui a déclenché la crise.

Priscilla Ludoski, initiatrice de la pétition sur le prix du carburant

 

La montée des inégalités depuis l’élection d’Emmanuel Macron et la réaction des femmes

 

Un facteur de plus court terme a certainement pu jouer : l’accroissement des inégalités depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Car, Emmanuel Macron avait voulu se démarquer de ses prédécesseurs. Il a donc rapidement fait passer des réformes importantes, sur le droit du travail, qu’il a en partie démantelé, sur la fiscalité aussi, avec la suppression de l’ISF, dans les services publics enfin, avec la réforme de la SNCF. Deux ans et demi plus tard, cette politique a aggravé la pauvreté et conduit 566 personnes à mourir dans la rue en 2018 contre 511 en 2017.

Quand on regarde les effets de la politique tant fiscale qu’économique d’Emmanuel Macron, il est clair que les principaux gagnants ont été les revenus de la finance et du capital.

 

Figure 1

Source : INSEE

 

Il est ainsi frappant de constater qu’en 2018, première année où se sont fait sentir les effets des « réformes » d’Emmanuel Macron, les revenus de la finance, représentés par les intérêts et les dividendes, ont augmenté de 8,3%. Les travailleurs indépendants, les paysans ou les auto-entrepreneurs, ont été les plus mal traités et leurs revenus ont de fait moins augmentés que les salaires. Ce n’est donc pas étonnant si on les a retrouvés sur les ronds-points lors du mouvement des Gilets Jaunes. Parallèlement, les inégalités ont continué de se creuser ces deux dernières années. La suppression ou la baisse des allocations logements (APL) a eu un effet très néfaste. Mais, même sans tenir compte de cette baisse, le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté (calculé à 60% du revenu médian) ainsi que les inégalités, mesurées ici par le coefficient de Gini (qui est à 0 pour une répartition parfaitement égalitaire et à 1 dans une répartition parfaitement inégalitaire), ont augmenté.

 

Figure 2

 

Le déclenchement du mouvement des Gilets Jaunes n’est donc pas une surprise. Il traduit en réalité la réaction d’une population, majoritaire en France, qui travaille, qui touche de ce fait peu d’aides sociales, et qui a vu sa situation économique se dégrader fortement dans les 18 mois qui ont suivi l’élection d’Emmanuel Macron. On peut donc considérer que la hausse prévue des prix du carburant fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. L’importance de la question du « pouvoir d’achat » explique aussi que le mouvement des Gilets Jaunes fut bien plus « féminisé » que les mouvements sociaux revendicatifs habituels. L’une des apports importants de ce mouvement fut aussi la très forte implication des femmes en son sein, que ce soit sur les ronds-points ou que ce soit dans les manifestations. Les femmes constituent aussi, hélas, une proportion bien plus importante des blessés, et souvent des blessés graves, que dans les mouvements revendicatifs habituels.

Jerome Rodrigues, one of the leaders of the yellow vest movement, lies on the street after getting wounded in the eye during clashes with riot police in Paris during an anti-government demonstration called by the Yellow Vests « Gilets Jaunes » movement on January 26, 2019. (Photo by Zakaria ABDELKAFI / AFP)

Jérôme Rodrigues,

Porte-parole du mouvement, éborgné par la police le 26 janvier 2019

 

La fracture spatiale et territoriale

 

Il convient alors de rappeler que des changements importants ont aussi eu lieu dans la répartition spatiale de la société française et que ces changements peuvent aussi expliquer le mouvement des Gilets Jaunes car ils ont rendu une part de la population d’autant plus sensible à une hausse du carburant.

Chassés des centres villes par la hausse du prix des appartements et des loyers, elle-même liée au phénomène de « métropolisation » que connaît certaines villes, les français les plus modestes se sont repliés vers les banlieues les plus périphériques, puis vers les zones dites « campagnardes »[9]. On estime que près d’un français sur trois vit dans une des 33 000 communes dont la densité est inférieure à 64 habitants au km2[10]. A l’inverse, les 609 communes les plus densément peuplées (plus de 2969 habitants/km2) regroupent, elles aussi, un gros tiers de la population. Le dernier tiers vivrait dans les quelques 3 000 communes de densité intermédiaire (410 habitants/km2 en moyenne).

Aujourd’hui donc le nombre de français habitant dans des petites villes ou des bourgs ruraux, mais continuant de travailler en ville, est supérieur à 60% de la population.

Mais, en territoire rural, en raison de l’offre de transports en commun inexistante ou inadaptée aux besoins, ce qui renvoie à des politiques publiques qui ont privilégiées la desserte inter et intra-métropolitaine au détriment d’une couverture équilibrée du territoire, il devient impératif de posséder une voiture par adulte pour les ménages d’actifs comme pour les ménages de retraités. En ville moyenne, il devient impératif de posséder une voiture par ménage, que l’on soit ou non actif et que l’on ait ou non des enfants[11]. Pour les ménages comptant deux adultes, le besoin de mobilité est souvent complété par un abonnement aux transports en commun. On mesure ci la folie qu’il y a à rendre une grande partie de la population aussi dépendante de la voiture pour son transport.

Or, ces besoins entraînent des coûts à l’achat de véhicules mais aussi, les dépenses de carburant, les frais d’entretien, d’assurance et de contrôle technique. Les frais de transport représentent ainsi 10.3% des dépenses de consommation. Comment répondre à la valorisation de la mobilité lorsque les prix des carburants augmentent et que l’on est dépendant de la voiture ? On a là une des clefs du mouvement des Gilets Jaunes.

Les Gilets jaunes ont donc été en difficulté dans une société où les besoins se multiplient. Il est particulièrement significatif de savoir que 76% des Gilets Jaunes disent ne pouvoir s’en sortir que difficilement et déclarent qu’ils s’imposent régulièrement des restrictions sur leur budget. Le chiffre est par contre de 55% pour la moyenne de la population et de 35% chez ceux qui ne cachent pas leur hostilité au mouvement. Seulement 33% des Gilets jaunes disent être en mesure de faire face à une dépense imprévue de 2000 euros en puisant dans leurs réserves, contre 53% en moyenne et 70% des personnes hostiles au mouvement[12]. En cas d’entrée d’argent imprévue, un tiers des Gilets jaunes mobiliserait cette entrée pour rembourser une dette, contre seulement 14% des plus hostiles. Le mouvement des Gilets Jaunes a bien représenté une fracture de classe dans la société française.

 

Maxime Nicole dit « Fly Rider »

Porte-parole du Mouvement

 

L’Euro, la raison cachée de la surdité gouvernementale aux revendications des Gilets Jaunes

 

Ce mouvement a mis en cause non seulement le gouvernement mais aussi le Président de la République. Mail, il n’y a pas eu de réponse globale du gouvernement et du Président de la République sur cette question, si ce n’est par la répression qui fut d’une ampleur et d’un degré inusité face à un mouvement social d’ampleur[13]. L’usage systématique des LBD, une arme interdite dans bien des pays européens et qui fut confiés à des personnels non formés à son emploi, mais aussi l’apparition de formations non-identifiables de policiers ont conduit à un degré de violence inusité, renforcé par la quasi-impunité dont ces mêmes policiers ont pu jouir. Le nombre de condamnations prononcées par les tribunaux, plus de 3000, en dit aussi très long sur la peur du pouvoir et son incapacité de répondre à ce mouvement social par autre chose que de la répression. Assurément, le Président de la République fit des déclarations, en particulier celle du 10 décembre 2018. Il envoya, le 13 janvier 2019, une lettre à tous les français[14], lettre qui tout en reconnaissant une partie des problèmes en éludait les réponses[15].

 

Il y avait pourtant un aveu dans cette « lettre » : « parce que les salaires sont trop faibles pour que certains puissent vivre dignement du fruit de leur travail… »[16]. Tel était bien, en réalité, l’une des sources de la colère qui s’exprimait à travers le mouvement des Gilets Jaunes à côté de revendications concernant la démocratie. On remarquera cependant que, jamais, il n’écrivit les mots de « pouvoir d’achat ». La question d’une augmentation du SMIC était pourtant bien centrale dans l’ensemble des revendications des Gilets Jaunes. Le Président pensait, sans doute, y avoir répondu dans son allocution du 10 décembre[17]. Mais, ce ne fut pas le cas, même si le complément de revenu (car c’est de cela qu’il s’agit) d’environ 90 euros qui fut alors annoncé fut le bienvenu dans de très nombreux foyers. Il y a bien ici un blocage sur la question du SMIC. Or, depuis le « tournant de la rigueur » de 1982-1983, le SMIC, le principal instruments de garantie pour les bas salaires, n’a pas évolué avec la productivité. Il convient ici de rappeler un principe : si le salaire évolue au même rythme que la productivité le partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits ne change pas. Quand la productivité croit plus vite que le salaire, alors la part des profits augmente au détriment des salaires. L’écart, entre l’évolution du SMIC et celle des gains de productivité, est aujourd’hui important.

 

Ce blocage n’était pas, d’ailleurs, spécifique au pouvoir. Le Rassemblement National, ex-FN, s’y refusait aussi, préférant un système complexe d’exonérations des cotisations sociales[18]. Nicolas Dupont-Aignan, quant à lui liait une possible hausse du SMIC à une baisse des cotisations patronales (ce que l’on appelle, à tort, des « charges »)[19]. Jean-Luc Mélenchon proposait bien une forte hausse du SMIC mais semblait peu se soucier de l’impact sur la compétitivité de l’économie française d’une telle mesure. Les raisons de ce blocage renvoient à l’insertion de la France dans les institutions de l’Union européenne, mais aussi dans l’Euro. C’est en raison de l’attachement fanatique à l’Euro, que le Président évoque si peu, et de manière si indirecte, la question du SMIC et celle du pouvoir d’achat. A contrario, cela veut dire que l’on ne peut sérieusement aborder la question du pouvoir d’achat pour les « classes populaires » qu’en posant la question de la sortie de la France de l’Euro. Or, les différentes études réalisées par le FMI l’ont montré, la France pâtit d’une surévaluation de son économie dans le cadre de l’Euro, et elle n’est d’ailleurs par la seule, alors que l’Allemagne voit ses coûts largement sous-évalués.

 

Tableau 1

Ampleur des surévaluation (+) et sous-évaluations (-) des économies du fait de l’Euro[20]

Valeur moyenne Valeur maximale Ecart avec l’Allemagne

(Moyenne-Maxi)

Ecart avec la France

(Moyenne-Maxi)

France +11,0% +16,0% 26-43%
Italie +9,0% +20,0% 24-47% -2/+4%
Espagne +7,5% +15,0% 22,5-42% -3,5/-1%
Belgique +7,5% +15,0% 22,5-42% -3,5/-1%
Pays-Bas – 9,0% -21,0% 6-6% -20/-37%
Allemagne -15,0% -27,0% -26/-43%

Source : écart des taux de change réels dans le FMI External Sector Report 2017

 

Tant que l’on se situe intellectuellement dans le cadre de l’Euro, il est effectivement très difficile, voire impossible, de penser une hausse du SMIC susceptible de redonner de manière importante du pouvoir d’achat.

Reprenons alors donc les termes du débat. Une hausse du SMIC accompagnée d’une sortie de l’Euro et d’une dépréciation de la monnaie aurait donc eu un fort effet redistributif sur les revenus, tout en redonnant du pouvoir d’achat aux revenus les plus modestes. N’était-ce point là l’une des principales revendications des Gilets Jaunes ? Mais, on comprend aussi pourquoi, dès que l’on abandonne la perspective d’une sortie de l’Euro et d’une récupération par la France de sa souveraineté monétaire, il devient impossible de penser une hausse du SMIC et ses effets sur l’économie. Et telle est la raison pour laquelle Emmanuel Macron, qui ne veut sous aucun prétexte toucher à l’Euro, n’a pas parlé pas du SMIC ni du pouvoir d’achat dans sa lettre.

 

Les revendications politiques

 

Le mouvement des Gilets Jaunes, centré au départ sur cette question du pouvoir d’achat, n’a cependant pas tardé à évoquer aussi des problèmes politiques. La crise de la représentativité politique qu’il a mise à jour est aujourd’hui flagrante. Elle conduit à faire émerger tant le Référendum d’Initiative Citoyenne que l’exigence d’une forte dose de proportionnelle dans le système électoral français comme l’une des revendications majeures du mouvement des Gilets Jaunes. Ces revendications ont été largement soutenues par l’opinion publique et j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet[21]. Ces deux mesures, l’introduction du RIC et de la proportionnelle, peuvent assurément contribuer à améliorer notre démocratie. Il convient de signaler que, dans son principe, le RIC n’est nullement une « révolution » [22], mais une extension de la procédure référendaire telle qu’elle existe aujourd’hui, en particulier via le RIP ou Référendum d’Initiative Partagée [23], mais dont la mobilisation est bien plus lourde et bien moins démocratique que le RIC. Ces procédures existent dans la constitution de la Vème République, et elles existaient déjà sous la IVème et sous la IIIème République. Les débats ont été nombreux à ce sujet[24].

Cette crise de représentativité se traduit par une participation de plus en plus faible lors des élections. Elle se traduit alors par un sentiment d’aliénation des citoyens d’avec le système politique. Au lieu et en place du « bien commun » et de la « chose publique » (la Res Publica[25]) monte une distinction entre « eux » et « nous ». Le premier terme, « eux », tend à désigner les représentants du « système », autrement dit un ensemble incluant le personnel politique, mais aussi les hauts fonctionnaires et les journalistes, qui se constituent, dans une vision grandissante au sein de la population, comme en surplomb, puis en extériorité avec cette dernière, qui se reconnaît dans le « nous ». Cette représentation a plus qu’un fond de vérité.

 

Les conditions d’existence, et ces dernières ne se limitent pas à des questions de revenus – souvent indécents il convient de le dire – mais incluent aussi l’environnement de vie, les lieux fréquentés, de ceux que l’on désigne comme « eux » divergent massivement de celles de la majorité de la population. Quant cette distinction prend la forme de l’évidence, l’autorité n’est plus légitime et le système s’effondre, que ce soit pacifiquement ou dans des convulsions violentes. Il faut le savoir, aucune démocratie, ce fameux pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple pour reprendre la phrase d’Abraham Lincoln[26], ne peut survivre à une telle division de la société.

La crise de la représentativité est donc, aussi, une crise de la démocratie[27]. Cette crise de la démocratie se manifeste aussi par des dénis de démocratie de plus en plus fréquents, de plus en plus manifestes, tel la violation du résultat du référendum sur le projet de traité constitutionnel européen de 2005 qui eut lieu avec l’approbation par le congrès (Assemblée nationale et Sénat réunis) du fameux « Traité de Lisbonne ». C’est pour cela tous ceux qui traitent de la crise de représentativité comme d’un phénomène superficiel, que des réformes de procédures pourraient à elles seules résoudre, se trompent.

La question posée par le RIC est donc d’élargir le pouvoir de l’initiative du référendum aux citoyens, soit parce qu’ils considèrent qu’une question n’est pas traitée par le législateur, soit parce qu’ils considèrent qu’une question a été mal traitée par ce dernier. Sous cette forme, le RIC est effectivement une mise en cause, indirecte ou directe, du législateur. Mais, cette mise en cause n’est que la conséquence de la primauté de la souveraineté du peuple sur celle du législateur. De fait, il y a une tendance dans les institutions actuelles à considérer que le législateur constituerait un « peuple juridique » qui pourrait s’opposer et contrôler le peuple politique. C’est l’une des dynamiques de l’ordre légal décrit par Weber[28], et une conséquence du primat de la légalité sur la légitimité[29]. Ce n’est pas nouveau.

François Boulot

Porte-parole du Mouvement

Un espace politique provisoirement en ruine

 

Quels sont aujourd’hui, un an après, les conséquences, tant politiques que sociales, du mouvement des Gilets Jaunes ? Très clairement, ce mouvement a marqué un réveil de la question sociale en France. Ce réveil est à l’automne 2019 évident. Le gouvernement est sous la menace constante de nouveaux mouvements sociaux. Il pourra y avoir, sur ce front des avancées comme des reculs. Mais, la question sociale est revenue une des questions centrales de l’espace politique en France.

On peut aussi considérer le mouvement des Gilets Jaunes comme une forme particulière du populisme en France. Mais, alors, il convient de comprendre la montée de ces mouvements populistes comme une réaction pro-démocratie engendrée par les dérives que connaissent les principaux pays dits « démocratiques », dérives qui trouvent leur origine dans la globalisation et la « sécession » voulue des élites. Peut-on alors prétendre que ce sont les mouvements conservateurs qui incarnent le mieux ce populisme, et que ces derniers ont intérêt à trouver une forme d’accommodement raisonnable avec les élites, accommodement qui réinjecterait de la démocratie dans les systèmes « démocratiques » moribonds sous peine d’arriver à un chaos, à une forme d’anomie planétaire ? C’est la thèse d’un récent livre d’Alexandre Devecchio[30]. On peut lui opposer que la droite conservatrice se range désormais dans le « parti de l’ordre » qui est dorénavant représenté par le Président français[31]. L’effondrement des « Républicains » lors des élections européennes du printemps 2019, élections qui se sont déroulées dans le cours du mouvement des Gilets Jaunes, le prouve.

 

Emmanuel Macron s’était pourtant présenté comme le candidat du « parti du mouvement », au point d’en faire le nom de son parti, « en marche ». Il s’est transformé en représentant du « parti de l’ordre » comme l’a prouvé l’ampleur et la brutalité, parfois bestiale, de la répression. Car, il convient de le rappeler, la violence de cette répression a été sans égale depuis celle du mouvement de mai 1968. Les centaines de blessés, les dizaines de mutilés et éborgnés en témoignent.

Cette mutation n’est ni étonnante, ni accidentelle. Elle était même prévisible. Au début de l’année 2017 j’avais, à la télévision russe (RT en anglais), expliqué en quoi tant Emmanuel Macron que François Fillon représentaient des candidats du passé, ou si l’on préfère de la réaction. J’avais même à l’époque retraduit le texte en français et installé cette traduction sur mon blog[32], ce qui me fut d’ailleurs reproché. Relisons ce que j’avais alors dit d’Emmanuel Macron : « Se faisant le candidat de l’Ubérisation de la société, Emmanuel Macron, derrière un langage faussement moderne, n’est en fait que l’avocat d’un retour au début du XIXème siècle, un retour au « domestic system » d’avant la révolution industrielle. Il est ici frappant de constater que le candidat même qui se prétend le plus « moderne », celui qui ne cesse de vanter les vertus de ce qu’il appelle « l’économie numérique », est en réalité un homme du passé. Mais, Emmanuel Macron est un homme du passé à un deuxième titre. S’il se présente comme un « homme nouveau », voire – et cela ne manque pas de sel – comme un candidat « anti-système », il convient de rappeler qu’il fut étroitement associé, que ce soit comme conseiller de François Hollande ou comme Ministre de Manuel Valls, à la politique désastreuse mise en œuvre durant ce quinquennat. Or, cette politique à rajouté, de février 2013 au début de cette année, plus de 400 000 chômeurs au nombre considérable que nous avait laissé le tandem Sarkozy-Fillon. »

Emmanuel Macron est en réalité un parfait représentant des élites métropolisées et mondialisées face au soulèvement de la « France périphérique ». C’est le choc engendré par le soulèvement de ces couches sociales qui a provoqué le raidissement conservateur ultime de son pouvoir et qui l’a fait basculer, au vu et au su de tous, du « parti du mouvement » au « parti de l’ordre ». La droite, qu’il s’agisse de son courant conservateur ou de son courant bonapartiste (le Rassemblement National) ne semble pas en mesure d’enfourcher le tigre populiste car elle ne peut porter les revendications de ce populisme à leur terme.

Mais on doit aussi concéder à Alexandre Devecchio que la gauche radicale, qui était particulièrement bien placée pour ce faire, n’a même pas tenté d’enfourcher le dit tigre. Au même moment ou les Gilets Jaunes faisaient irruption sur la scène politique française, Jean-Luc Mélenchon et avec lui la France Insoumise abandonnaient la ligne populiste-souverainiste qui, seule, aurait permis à ce mouvement d’incarner politiquement cette révolution citoyenne en marche. On doit alors s’interroger sur la pertinence des choix politiques qui ont été faits. Au lieu de mener le combat sur la question du pouvoir d’achat de manière cohérente, ce qui impliquait de mettre en cause le projet de l’Union européenne et surtout le cadre de l’Euro, la France Insoumise a choisi de centrer son discours sur la question de la répression et celle du cadre politique. Il est vrai que seul cette position permettait de ne pas faire éclater la contradiction avec la ligne politique adoptée pour l’élection européenne, ligne qui se résumer en un vain appel à changer l’UE de l’intérieur. C’est très probablement l’abandon de la ligne populiste-souverainiste, cette ligne même qui avait porté la campagne de Jean-Luc Mélenchon lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2017 et lui avait permis de réaliser un fort bon score, qui explique l’incapacité de la France Insoumise à offrir un réel débouché au mouvement des Gilets Jaunes sans pour autant arriver à solidifier sa base électorale. Le passage des près de 19% réunis sur le nom de Jean-Luc Mélenchon aux quelques 6,6% obtenus par la liste FI lors des élections européennes en témoigne.

 

 

 

L’espace politique de la France est donc provisoirement en ruine. La perspective d’un nouveau duel entre Emmanuel Macron et Marine le Pen semble tacitement acceptée, même si ce duel est certainement le cas de figure le plus favorable pour l’actuel Président de la République. Du moins, le mouvement des Gilets Jaunes aura-t-il mis en échec le gouvernement et, au-delà, la ligne néo-libérale et européiste qui s’était imposée lors de l’élection présidentielle de 2017. C’est déjà beaucoup. Seul le futur pourra dire si ce mouvement saura et pourra engendrer une véritable alternative et si cette alternative sera en mesure de casser le cadre politique qui semble vouloir s’installer.

 

 

Notes

[1] Bibeau R. et Mesloub K., Autopsie du Mouvement des Gilets Jaunes, Paris, l’Harmattan, 2019. Thiebaut M., Gilets Jaune – Vers une démocratie réelle ? Paris, VA Presse, février 2019. Coll, Gillets Jaunes – Hypothèses sur un mouvement, Paris, La Découverte, 2019.

[2] Vernochet J-M., Les Gilets Jaunes, l’insurrection civique, Apopsix, 2019. Noiriel G., Les Gilets Jaunes à la lumière de l’histoire, Paris, éditions de l’Aube, avril 2019.

[3] François-Bernard Huyghe, Xavier Desmaison et Damien Liccia, Dans la tête des Gilets Jaunes, Paris, VA Presse, janvier 2019.

[4] Farbiaz P., Les Gilets Jaunes – Documents et textes, Paris, Editions du Croquant, janvier 2019 et Coll, Gilets Jaunes – Des clefs pour comprendre, Syllepse, décembre 2018.

[5] Boulo F., La Ligne Jaune, Indigène éditions, 2019.

[6] Ludoski P., En France, donner son avis peut coûter cher, Books on Demand, septembre 2019.

[7] http://www.observationsociete.fr/modes-de-vie/logement-modevie/depenses-contraintes-le-poids-du-logement.html

[8] Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie. Il s’agit d’un organisme d’études et de recherche au service des acteurs de la vie économique et sociale qui fut créé en 1953.

[9] Ceci a été analysé dans les travaux de géographes. Voir Guilluy C., La France périphérique : comment on a sacrifié les classes populaires, Paris, Flammarion, 2014.

[10] http://www.observationsociete.fr/population/donneesgeneralespopulation/la-part-de-la-population-vivant-en-ville-plafonne.html

[11] CREDOC, Hoibian S., « Les Gilets jaunes, un « précipité » des valeurs de notre société », Note de Synthèse n°26, avril 2019.

[12] Idem.

[13] https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/04/28/gilets-jaunes-un-collectif-de-victimes-de-violences-policieres-appelle-a-une-manifestation-nationale_5455937_3224.html

[14] https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/01/13/lettre-aux-francais

[15] Lettre à laquelle on a répondu : https://www.les-crises.fr/russeurope-en-exil-la-lettre-du-president-la-question-du-pouvoir-dachat-et-celle-de-leuro-par-jacques-sapir/

[16] https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/01/13/lettre-aux-francais

[17] https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/gilets-jaunes-pourquoi-l-augmentation-du-smic-promise-par-macron-n-en-sera-pas-vraiment-une_3094307.html

[18] https://www.rtl.fr/actu/politique/marine-le-pen-est-l-invitee-de-rtl-du-19-decembre-7795973392

[19] https://www.publicsenat.fr/article/politique/gilets-jaunes-nicolas-dupont-aignan-annonce-qu-il-presentera-une-proposition-de

[20] Voir http://www.imf.org/en/Publications/Policy-Papers/Issues/2017/07/27/2017-external-sector-report et http://www.imf.org/en/Publications/Policy-Papers/Issues/2016/12/31/2016-External-Sector-Report-PP5057

[21] Voir https://www.les-crises.fr/russeurope-en-exil-crise-de-la-representativite-crise-de-la-democratie-par-jacques-sapir/ et ma discussion des thèses d’Etienne Chouard, https://www.les-crises.fr/russeurope-en-exil-a-propos-du-livre-detienne-chouard-notre-cause-commune-par-jacques-sapir/

[22] Favoreu L., Gaia P., Ghevontian R., Mélin-Soucramanien F., Roux A., Oliva E., et Philip L., « 6 novembre 1962 – Loi référendaire », dans Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, coll. « Les Grands arrêts », 2013.

[23] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000019241004&cidTexte=JORFTEXT000000571356&categorieLien=id&dateTexte=vig

[24] Conac G., « Les débats sur le référendum sous la Vème République », in Pouvoirs n°77 – Le référendum, avril 1996, p. 97-110.

[25] Moatti C., Res publica – Histoire romaine de la chose publique, Paris, Fayard, coll. Ouvertures, 2018,

[26] Lincoln A., The Gettysburg Address, 19 novembre 1863. Voir Barton, William E. Lincoln at Gettysburg: What He Intended to Say; What He Said; What he was Reported to have Said; What he Wished he had Said. New York, Peter Smith, 1950.

[27] Sapir J., Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, Michalon, 2016.

[28] Weber M., Le savant et le Politique, Paris, UGE, 1963.

[29] Primat dont les conséquences sont analysées dans Dyzenhaus D., The Constitution of Law. Legality In a Time of Emergency, Cambridge University Press, Londres-New York, 2006 et Dyzenhaus D, Hard Cases in Wicked Legal Systems. South African Law in the Perspective of Legal Philosophy, Oxford, Clarendon Press, 1991. Voir aussi Schmitt C., Légalité, Légitimité, traduit de l’allemand par W. Gueydan de Roussel, Librairie générale de Droit et Jurisprudence, Paris, 1936; édition allemande, 1932.

[30] Devecchio A., Recomposition. Le nouveau monde populiste, éditions Le Cerf, Paris, 2019.

[31] Ce que j’analysais sur le blog « Les Crises » dès le 5 janvier 2019. https://www.les-crises.fr/russeurope-en-exil-emmanuel-macron-president-du-parti-de-lordre-par-jacques-sapir/

[32] https://russeurope.hypotheses.org/5888

Commentaire recommandé

SPO // 10.11.2019 à 08h16

Pour abonder les propos de Sapir sur l’euro et ses conséquences sur la France, il est intéressant de se pencher sur la dégradation de la balance commerciale de la France passant d’un solde positif en 1999 au territoire négatif depuis cette date. La France a le 2 eme plus gros déficit commercial après le Royaume uni. Ce déficit est en 2018 de 59.9 milliards. Cette indicateur économique majeur n’est plus relayé, ni par le gouvernement, ni par les médias.
https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676781?sommaire=3696937
(Voir le graphique de l’évolution depuis 1900)
Quand on compare la balance commerciale de la France et de l’Allemagne depuis 1999. On voit très bien les divergences au profit de l’Allemagne.

29 réactions et commentaires

  • SPO // 10.11.2019 à 08h16

    Pour abonder les propos de Sapir sur l’euro et ses conséquences sur la France, il est intéressant de se pencher sur la dégradation de la balance commerciale de la France passant d’un solde positif en 1999 au territoire négatif depuis cette date. La France a le 2 eme plus gros déficit commercial après le Royaume uni. Ce déficit est en 2018 de 59.9 milliards. Cette indicateur économique majeur n’est plus relayé, ni par le gouvernement, ni par les médias.
    https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676781?sommaire=3696937
    (Voir le graphique de l’évolution depuis 1900)
    Quand on compare la balance commerciale de la France et de l’Allemagne depuis 1999. On voit très bien les divergences au profit de l’Allemagne.

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  • Fritz // 10.11.2019 à 09h13

    Excellente analyse de M. Sapir. Elle nous montre qu’on n’est pas sorti de l’auberge. C’est même désespérant : les deux partis qui pourraient donner une expression politique au mouvement des Gilets jaunes, FI et le RN, se retranchent dans leur identité et refusent la solution radicale, la seule solution réaliste : SORTIR de l’euro, SORTIR de l’UE.

      +36

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    • Marie Pan-Pan // 10.11.2019 à 17h58

      Fritz,
      Oui mais quel gouvernant européen prendra le premier la poudre d’escampette et allumera la mèche? même si je suis convaincue que la plupart savent qu’il n’y a pas d’autres issues, aucun ne prendra le risque de porter la « responsabilité » de l’écroulement du château de cartes…alors rien.
      Convaincue également que le noeud du gilet c’est bien la camisole germano-bruxelloise,pas seulement mais en grande partie.
      La sortie de l’euro et de l’UE ne se fera pas par le haut mais façon puzzle à la Audiard.
      En attendant de sortir de l’auberge c’est le bourrage de pifs.

        +8

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      • Fritz // 10.11.2019 à 18h08

        Sapir est convaincu qu’il faut sortir de l’euro. A nous de faire connaître cette nécessité autour de nous, car trop de braves gens, intoxiqués par les médias qui mentent, croient que cette sortie n’est réclamée que par des extrémistes ou des farfelus. Et à nous d’agir dès que l’occasion s’en présentera.

          +13

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        • Marie Pan-Pan // 10.11.2019 à 18h25

          Fritz,
          Bien d’accord, c’est le minimum à faire à l’échelle individuelle mais pas donné à tout le monde: maitriser les arguments, maitriser ses nerfs, sa voix face au monceau de conneries, de provocation, d’ignorance ( comme lors d’une discut’ sur les GJ).
          Pour moi le plus dur ce sont les babies-boomers ( je parle de ceux qui touchent bien au-delà de 1500 euros), population majoritaire par chez moi et majoritairement votant comme l’on sait.Souvent aucune discussion pertinente ne les dessille tant leur terreur est grande de perdre leur patrimoine et l’illusion de leur statut social.
          Je les plains (ou pas) car leur fin de vie risque fort de se briser sur un pain sacrément noir auquel ils ne s’attendent pas.

            +12

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          • herve_02 // 11.11.2019 à 11h35

            On est devenu tellement un pays du tiers monde que la limite de ceux qui sont riche c’est 1500 boules ?’

            Pourquoi pas 3000 ou 5000 ? pourquoi un montant si faible pour fixer une limite ?

              +2

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            • Marie Pan-Pan // 11.11.2019 à 17h25

              herve_02,
              Je vous invite à relire posément mon commentaire.
              Il est écrit dans la même langue que celle que vous employez: « bien au-delà « .
              Votre réaction exauce mon voeu,il me tardait de lire ce genre d’émoi…merci Hervé.
              Soit dit en passant, oui j’estime qu’un revenu mensuel pour une personne retraitée qui dépasse les 2000 euros et qui vît dans une petite commune de province, la met à l’abri de quelques vicissitudes, bien plus qu’à 1500 et moins.
              Et lorsque l’on vît avec une retraite individuelle de 3000 et plus ( propriétaire, avec deux suv et un camping-car), comme c’est le cas pour nombre de retraités de ma commune ( de plus en couple), oui j’estime qu’il n’a pas lieu véritablement de se plaindre.
              J’écris et parle de ce que je constate autour de moi, en périphérie comme on dit.
              Bien-sûr je sais pertinemment que dans les grandes villes il en va autrement.

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    • Frexit // 11.11.2019 à 14h02

      [modéré]
      Il devient urgent que les classes populaires comprennent que la source de leurs malheurs provient
      1/ de l’euro (ce que montre bien J. Sapir); la différence de compétitivité avec l’Allemagne (de 26 à 43%) tue notre industrie et donc les emplois industriels qui sont mieux rémunérés que les emplois dans les services (surtout ceux liés au statut d’autoentrepreneur)
      2/ de l’UE : l’UE impose les GOPE; chaque année, l’UE envoie une feuille de route économique et sociale spécifique, à chaque Etat membre. Ce ne sont pas des « recommandations » (novlangue européenne) mais des obligations. Si un Etat tarde à mettre en œuvre les « recommandations » qu’il a reçues, il risque une énorme amende. Désobéir, comme le prônent la LFI, le RN et DLF, c’est entamer un bras de fer avec la commission européenne dont personne ne sait où il mènera; aucun Etat n’a osé le faire. La Grèce et l’Italie se sont « couchés ». Il faut bien comprendre que ces recommandations sont, comme celles du FMI aux pays qui demandent une aide financière à ce dernier, d’inspiration ultralibérale : mesures d’austérité, privatisation des services publics, « flexibilisation » du marché du travail, diminution des dépenses sociales, diminution des impôts et des charges pesant sur les entreprises : on retrouve là tout ce qui augmente les inégalités et la paupérisation des classes populaires.

        +8

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  • Macarel // 10.11.2019 à 10h28

    Le « zélites » françaises ne croient plus que la France seule peut peser dans le monde (« La France n’est plus ce qu’elle était. » de J. Sapin à Varoufakis lors de la crise grecque et le bras de fer avec l’UE). C’est pourquoi ils se raccrochent comme des arapèdes au rocher qui se nomme l’UE. Le gros du peuple français qu’il a fallu des siècles à constituer, se retrouve, de ce fait, abandonné par ces mêmes « zélites » qui elles tirent leur épingle du jeu dans la mondialisation et la supra-nationalité « européenne ». Macron a été pour ces « zélites » en 2017 le sauveur face au péril populiste représenté par ce peuple abandonné et donc en colère contre ces mêmes « zélites ». Les gilets jaunes sont l’incarnation dans les rues de ce peuple abandonné et en colère. Les « zélites » le savent, et c’est ce qui explique la répression policière et judiciaire, particulièrement dure, qu’elles exercent sur cette contestation de leur pouvoir et donc de leurs choix politiques. Choix qui paupérisent de plus en plus de français.

      +25

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  • Ando // 10.11.2019 à 10h37

    Sapir fait bien son travail d’intellectuel : mettre en perspective et transmettre avec pédagogie. La justification de la révolte sociale des GJ, qui ne sont pas « eux » mais nos compatriotes (de notre pays et non de « ce » pays) est parfaitement rappelée. Les causes n’ayant pas été traitées cette révolte resurgira à un moment où à un autre.

      +26

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    • LA ROQUE // 10.11.2019 à 19h21

      . » Les causes n’ayant pas été traitées cette révolte resurgira à un moment où à un autre. »

      Non seulement les causes n’ont pas été traitées mais Macron en rajoute plusieurs couches avec notamment les reformes de l’assurance chômage de l’APL et la mise en difficulté voulue de la sécurité sociale dans son ensemble.
      Je ne parle meme pas ici des violences policières qui ont lieues sous l’œil bienveillant de l’IGPN et donc du gouvernement.
      Je pense également que cette révolte resurgira car non, le mouvement des gilets jaunes n’a pas mis en échec le gouvernement c’est une fable, preuve en est les reformes sus cités qui vont plonger encore plus de personnes dans la misère.

        +12

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      • Robert // 13.11.2019 à 08h50

        Macron a été placé (élu ?…) au pouvoir pour mettre en œuvre un certain nombre de mesures néo-libérales impulsées par l’ Europe et la finance internationale. Il le fera car c’est un mercenaire, même s’il peut donner l’illusion de reculer pour mieux avancer ensuite.
        Oui la révolte des GJ n’est pas finie… le problème c’est qu’il n’ y a aucune alternative politique crédible à ce jour…

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  • charles // 10.11.2019 à 11h32

    > Il envoya, le 13 janvier 2019, une lettre à tous les français[14],

    faux! Il fallait être inscrit sur les listes électorales. Pour ce monsieur macron il faudra toujours établir des bons et des mauvais français, c’est la base de sa méthode de gouvernance.

    Coquille mis à part, remercions l’auteur pour ce travail très complet qui nécessite des compétences dans bien des domaines. Trop timoré dans son jugement à l’égard des hommes qui nous avilissent, ses analyses minutieuse en focal multiple prennent l’allure d’un exercice de tergiversation.

      +1

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  • Owen // 10.11.2019 à 12h27

    N’oublions pas Éric Drouet à l’album photos, grâce à qui la protestation de Ludosky n’est pas restée qu’à l’état de pétition. Et la colère de Jacline Mouraud, même si elle est devenue une tendance « menchevik » du mouvement.

    Éric Drouet est d’ailleurs le seul porte-parole à qui Wikipedia a daigné lui concéder une fiche biographique.
    Plus exactement le Wikipedia français, car celui anglais a dressé les biographies de tous les porte-paroles, même des moins connus.

    J’avais déjà remarqué que le Wiki français est plus ravagé par le neoconservatisme que celui anglais.

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    • Logique // 10.11.2019 à 15h42

      Le wiki anglais est complètement ravagé par le néoconservatisme anglais et US. Vous pouvez en être sûr. Il y a des armées qui veillent à la pensée unique sur wiki.

        +6

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  • René Fabri // 10.11.2019 à 14h11

    La blessure de Jérôme Rodrigues est horrible, et je n’oublie pas les morts écrasés par les voitures. Le mouvement des Gilets Jaunes ne se résume pas à une question de pouvoir d’achat, mais inclut aussi une grande demande d’honnêteté morale.

    Macron, contrairement à Hollande, a triché sur sa déclaration de patrimoine, a supprimé l’ISF, a augmenté les dépenses de l’Elysée, a créé un secrétariat pour sa femme, n’a pas retiré la légion d’honneur au commandant Andrieux malgré les vidéos de sa brutalité, n’a pas le courage d’avouer que Benalla était employé pour sa sécurité, couvre Ferrand à l’Assemblé Nationale quand il se trompe sur le décompte des voix, couvre ceux qui envoient des flashball dans les yeux, etc.

      +34

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  • bhhell // 10.11.2019 à 15h39

    Que de pouvoirs maléfiques l’on prête à cette pauvre union européenne! A croire qu’elle est un île sinistrée et tyrannique dans un océan de croissance et de démocratie. Depuis 20 ans, la voix des Australiens, des Américain ou des russes est-elle davantage entendue que celle des habitants de l’Union Européenne? Non. Partout, les mêmes schémas économiques imposés d’en haut, partout le même déclin social

      +3

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    • Fritz // 10.11.2019 à 16h44

      Tiens ? Je ne savais pas que les Gilets jaunes étaient apparus en Australie ou en Russie. Quant aux États-Unis, malgré tous leurs défauts, ils gardent des restes de démocratie, comme le 2e amendement qui reconnaît le droit naturel du peuple à porter les armes :

      « the right of the People to keep and bear arms shall not be infringed »

      Avec des citoyens armés en face, les flics feraient moins les marioles. A commencer par celui qui a éborgné Jérôme Rodrigues.

        +12

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      • bhhell // 10.11.2019 à 19h27

        Le port d’arme massif a moins à voir avec la démocratie qu’avec la culture décomplexée du colon. Quand à la faiblesse des mouvements sociaux aux Etats Unis, elle témoigne plutôt de la dégradation plus avancée de leurs institutions démocratiques. Et pour prolonger la comparaison avec les Etats Unis, le port généralisé des armes n’a pas, c’est le moins qu’on puisse dire, inhibé les policiers. Leur brutalité et leur impunité sont plus grandes que jamais. Plus de gilets jaunes et moins d’armes, je trouve personnellement que la démocratie a tout à y gagner

          +5

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        • Fritz // 10.11.2019 à 19h31

          De l’Athènes antique jusqu’à la Suisse moderne, en passant par l’Islande médiévale, toutes les sociétés démocratiques ont reconnu le droit du peuple à porter les armes.

          C’est la mutation féodale qui a retiré ce droit au peuple. Les machines étatiques qui se sont développées par la suite n’ont fait qu’aggraver le désarmement du peuple face au « monopole de la violence légitime ». Toute une pédagogie de la soumission…

          Il y eut un retour en arrière : 1789, la prise d’armes qui a permis la prise de la Bastille, la formation de la Garde nationale (supprimée par les Versaillais en 1871), et le droit de chasse donné à tous les citoyens.

            +8

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  • Larousse // 10.11.2019 à 19h35

    SPO et Fritz vous avez raison comme Sapir,
    mais mon ami autour de lui travaille avec des CSP + (si les couples restent stables, après… ça peut dégringoler … on le sent, dit-il) Eh bien, sa conclusion : « Ils » ne veulent surtout pas sortir de l’euro, parce que cela leur a permis d’acheter des SUV allemands, volkswagen, bmw… Vous imaginez le retour au franc !! ? Quelle horreur !!! Ils seraient obligés d’acheter à nouveau des Renault, Peugeot, Citroën et encore en pleurant …parce qu’elles sont faites dans des pays pauvres…» dit-il en souriant, parce que le Franc serait dévalué…
    J’en conclus qu’il n’y a pas encore assez de pauvres en France, pour qu’ « ils » comprennent que l’on s’est fait avoir bien ! au profit de l’Allemagne.
    Donc l’optimisme n’est pas à l’horizon. C’est l’effondrement par une crise financière sans précédent qui nous attend… Et l’Allemagne ne nous fera aucun cadeau (ce qu’elle a toujours su faire ! elle s’y prépare d’ailleurs parce que sa puissance s’essoufle déjà, faute d’avoir réussi totalement son « merdier » en Ukraine… La « Merkel » enrage en ce moment… Bizarre, la « Stasi » n’a jamais repéré qu’elle était une « anticommuniste primaire »… alors qu’on vient de nous bassiner sur les « horreurs de la RDA »…

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    • Gg // 11.11.2019 à 15h07

      Merkel fait un éloge funéraire a Thatcher sans ambiguïté aucune.

        +0

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  • Tel est comme // 11.11.2019 à 07h48

    Le travail a été rondement mené pour diminuer le coût de l’emploi en France : désindexation du salaire sur l’inflation, 35h ayant permis de ne pas augmenter le salaire payé 39h, passage à l’euro, primauté du droit européen, crise de 2007, réforme du droit du travail
    Parallèlement, le nouveau système a détruit l’Etat Providence et privatisé le château de cartes équilibré spécifique à la France (trop social probablement) :
    EDF, GDF, SNCF, France Télécom, La Poste, la Santé, l’éducation etc. Alors, certes le fonctionnement n’était pas parfait – loin s’en faut – mais il fonctionnait plutôt bien.
    On nous vante la grande réussite économique allemande mais derrière se cache un pays devenu vieux, avec des travailleurs pauvres de plus en plus nombreux et où les vieux démons deviennent de plus en plus difficiles à contenir : le pouvoir en place perdant davantage de pouvoir et de légitimité à chaque élection passant au profit des extrêmes. Derrière les chiffres pompeux des exportations se cachent des déséquilibres économiques qui risquent de finir de couler le pays (solde TARGET 2). Non, l’Allemagne ne se porte pas bien, en tout cas pas mieux que la France et les allemands en ont conscience.
    Si l’euro a été une malédiction pour la France, il sera assurément le fossoyeur de l’Allemagne. Et si l’euro s’écroule, il emportera l’UE avec elle. Seuls les pouvoirs économiques (et derrière eux les Etats-Unis ravis de voir des pays concurrents ruinés) maintiennent coûte que coûte ce paradis.
    La vraie question est : qui sortira de ce système moribond en premier pour se préserver au mieux ?

      +13

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  • SPO // 11.11.2019 à 08h24

    Hier, je suis allé voir le film »the adultes in the Room » sur les quelques mois de Bras de fer entre la commission européenne et la Grèce (notamment son ministre des finance Yanis Varoufakis).
    Il voulait réduire les effets de la Troïka sur la Grèce, mais sans sortir de la zone euro.
    Film impressionnant qui démontre bien la culture non democratique de l’UE qui se résume bien par la formule de Junker « il ne peut y avoir pas de choix democratique (d’un peuple) en dehors des traités européens ».
    Ce film démontre bien le pouvoir et le noyautage de l’UE par l’Allemagne.
    https://www.liberation.fr/planete/2019/10/21/commission-ursula-von-der-leyen-veut-des-allemands-partout_1758701
    Dans ce film, Macron, jeune ministre conseille à Varoufakis d’aller et « de discuter directement avec Berlin car c’est la qu’est le pouvoir ».
    L’Allemagne a en plus un pouvoir entre ses mains qu’elle abuse à sa guise, celui de la BCE de Francfort, qui loin d’être indépendante peut être une arme politique en coupant les liquidités d’un pays rebelle.

    Je n’ai rien contre l’Allemagne, elle joue ses intérêts, ses strategies, défend ses industries et son économie.
    Par contre, j’en veux à notre oligarchie et élite française qui ne défend nullement le peuple français, son industrie, son agriculture….et qui n’a aucune anticipation et stratégie pour l’avenir et déteste son peuple (/gilets jaunes).

      +11

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    • Robert // 13.11.2019 à 08h53

      La « Kollaboration » est bien une réalité historique dans notre pays !

        +0

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  • SPO // 11.11.2019 à 08h48

    Pour répondre à « tel est comme », de par leur capacité à anticiper, la présidence Europeenne et le noyautage visible actuellement de l’Allemagne sur l’UE. Je crains que l’Allemagne ait tout compris et sorte la première. Des postes qu’elle dispose, elle peut tout voir venir.
    Surtout que notre cher President Français, tellement europhile, naïf et sans stratégie ne verra rien venir. Nous finirons dindon de la farce.
    Mais l’Allemagne tombera malgré tout de haut et risque de perdre beaucoup de ses amitiés européennes et de ses 250 milliards d’euros d’excédents commerciaux, si autour d’elle (l’Europe), elle ne laisse que des pays en ruine.
    La resolution du solde TARGET va être une belle affaire à suivre…

      +7

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  • tchoo // 11.11.2019 à 11h29

    Je doute que la sortie de l’UE soit possible, comme ça de facto parce que on l’a décrété.
    Quand on voit le Brexit, qui n’aura probablement pas lieu, cela ne fait que conforter
    La seule solution c’est de trouver appui avec les pays du sud, et passer outre les directives bruxelloise, qui devrait aboutir a l’effondrement de cette machine infernale.
    Et parler de compétitivité lorsque l’on parle d’augmentation du SMIC me fait bien rigoler. J’aimerai bien connaitre la part de salaire au SMIC dans les entreprises exportatrices de notre pays.
    La majorité des entreprises qui ont un nombre important de salariés au SMIC n’entre pas dans le champ de concurrence internationale (la grande distribution entre autres, et les entreprises artisanales locales

      +1

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    • ouvrierpcf // 12.11.2019 à 12h34

      La sortie de l’euro est possible car elle est prévue dans le TFUE et dans le Traité e Maastricht
      C’est comme est improprement dit écrit ou nommé l’effondrement de l’ex URSS c’était prévisible. Un article une disposition de la constitution de l’URSS existait et elle a été mise en place et exécutée pour la dissolution de URSS
      Dans le sens ou dans toute constitution tout Traité (MAASSTRICH ) TFUE traité de fonctionnement union européenne, il existe une clause un article ou soit on met en application les lois décret directives ,paquets ferroviaires, GOPE grandes orientation de politique économique ou sortie , de l’UE , de l’EURO de l’ OTAN En France pourquoi les lois dites d’état d’urgences parce que elles sont applicables selon des critères définis par les articles à appliquer a proposer d’appliquer
      le Brexit en tant que tel n’existe pas (BR pour Britain EXIT pour sortie )
      la sortie de l’UE par la proposition la mise en place l’exécution dite de l’article 50 existe De plus un referendum organisé a permit de consulter le Peuple Britannique EN GB on respecte le vote du Peuple En France on le contourne comme pour le NON de 2005 travesti en OUI de 2007 et ou le TCE est transformé en accord (du gouvernement du Parlement en OUI au traité de Lisbonne Mais là aussi existe une disposition pour en sortir
      Tout n’est que volonté politique programmatique

        +1

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      • Robert // 13.11.2019 à 08h56

        La sortie de l’ Euro est possible… en théorie. Dans la pratique, le Franc nouveau sera vite mis « à genoux » par la spéculation financière. Pourquoi croyez-vous que la Grèce été l’ Italie sont toujours dans l’ Euro ?
        La France n’est pas la Grèce ? Et bien si dans la mondialisation heureuse !

          +0

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