Les Crises Les Crises
24.mars.202124.3.2021 // par Jacques Sapir

[RussEurope-en-Exil] L’impératif stratégique et le changement de paradigme en économie – par Jacques Sapir

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Texte traduit de l’article destiné à la revue de

L’Académie des Science

Стратегия: теория и практика

Texte à paraître en Juin 2021

Comment pourrait-on ne pas penser l’économie en termes de stratégie[1] ? Pourtant, la tradition de relier les choix des agents, individuels ou collectifs, au processus de maximisation sous contraintes a tendu à faire disparaître cette notion[2]. L’idée qu’à tous choix il n’y aurait qu’une réponse possible, que ces choix ne s’enracinent pas dans un processus séquentiel[3], a pourtant beaucoup fait pour discréditer la notion de choix stratégique, voire pour lui donner un sens négatif. Les règles ont été préférées à la décision[4].

Et pourtant ceci n’était ni cohérent, ni acceptable[5]. La théorie de l’équilibre général a fermé la porte à la notion de stratégie[6], tout comme la théorie du libre-échange généralisé a fermé celle de la souveraineté. Mais ce paradigme est en train de s’effondrer.

1 – La fin d’un paradigme

Penser stratégie, l’époque nous y invite que nous le voulions ou non. L’épidémie du Covid-19, qui a frappé le monde depuis le début de l’année 2020, a engendrée une réhabilitation de la notion de stratégie, tout comme celle de souveraineté. La montée du thème de la « souveraineté économique », en France comme dans divers pays[7], en témoigne. Or, ce retour à la souveraineté, dans le domaine économique, impliquera une pensée stratégique. Elle pourrait bien aussi signifier la fin d’une certaine forme de mondialisation. L’économiste en chef de la Banque Mondiale, Mme Carmen Reinhart, l’a elle-même reconnue : « La Covid-19 est de dernier clou dans le cercueil de la mondialisation »[8]. Elle n’est d’ailleurs pas la seule.

M. Kemal Dervis, dans une tribune publiée en juin 2020 par la Brookings Institution, l’une des plus célèbres « think tank » liés au Parti démocrate ajoutait pour sa part : « La catastrophe de la COVID-19 ayant mis à nu les vulnérabilités inhérentes à une économie mondiale hyper-connectée et du juste à temps, un retrait de la mondialisation semble de plus en plus inévitable. Dans une certaine mesure, cela peut être souhaitable »[9]. Cette déclaration est tout aussi significative, car la Brookings a été un des centres d’influence qui ont le plus œuvré pour la mondialisation ou la « globalisation ».

Cela ne veut pas dire que les pays cesseront de commercer les uns avec les autres. Mais, dans ce retour annoncé du protectionnisme, un retour même qualifié de souhaitable et dont on découvre les vertus[10], on voit ressurgir la notion de l’intérêt des Etats, et donc celle des grandes stratégies économiques.

Cette démondialisation est et sera la grande revanche du politique sur le « technique », de la décision sur l’automaticité des normes. Or, le « technique » s’incarne aujourd’hui principalement dans l’économique et le financier. La démondialisation est donc fondamentalement le retour de la souveraineté et donc de la pensée stratégique.

Être souverain, c’est avant tout avoir la capacité de décider[11], ce que Carl Schmitt exprime aussi dans la forme « Est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle »[12]. Sur cette question de la souveraineté il ne faut donc pas hésiter à se confronter à Carl Schmitt[13], et donc le lire, si l’on veut espérer avoir une intelligence du futur. La question du rapport de la décision politique aux règles et aux normes, et donc la question de la délimitation de l’espace régi par la politique par rapport à celui régi par la technique, est bien constitutive du débat sur la souveraineté[14].

Ainsi, cette épidémie ne fut-elle pas qualifiée de « guerre » par le Président de la République Française dans son allocution du 16 mars ?[15] Et, dans la polémique qui s’est développée sur le manque de masques mais aussi de matériels pour les tests PCR, n’a-t-on pas vu ressurgir le spectre des débats suscités par la défaite de 1940 : trop peu, trop tard ? Il y a eu, à l’évidence, une illusion sur les « bienfaits » d’une dépendance à l’étranger, quand l’arrêt de certaines usines peut priver les Français de médicaments.

Illusion de la mondialisation en général, quand on mesure ce que coûte aux entreprises la dépendance à grande échelle aux produits étrangers. On constate donc aujourd’hui que nous serions désarmés face aux maladies parce que la France importe de 60% à 80% des substances actives dans les médicaments de Chine ou d’Inde[16]. Ce constat à propulsé sur le devant de la scène la notion de « souveraineté pharmaceutique [17]» et marque un retour brutal à l’idée de stratégie.

Il convient alors de revenir à la notion d’incertitude. Car, cette pandémie a représenté l’irruption brutale de l’imprévu. Non qu’elle n’ait été pensée comme un élément probable du XXIème siècle. Nous avions eu en effet l’avertissement du SRAS de 2002-2004[18]. Mais, les responsables politiques et économiques, justement parce qu’ils étaient dans un paradigme refusant l’incertitude radicale, n’ont ni pu ni su en tirer les leçons. Cette incertitude radicale a été popularisée par Nassim Nicolas Taleb sous le nom de Cygne Noir[19].

Il s‘agit d’événements majeurs rares et extrêmement durs à prédire, qui peuvent jouer un rôle disproportionné, et qui sont hors des attentes normales en histoire, science, finance ou technologie. Ces événements se caractérisent par une impossibilité d’en calculer la probabilité à l’aide de méthodes scientifiques, ce qui est du à la nature même des très faibles probabilités[20]. Il en résulte des biais cognitifs induits justement par le paradigme probabiliste, qui rendent les gens aveugles, individuellement et collectivement, à l’incertitude et au rôle massif des événements rares dans l’histoire.

C’est cette incertitude radicale qui amena Keynes à considérer que la comparaison entre le taux d’intérêt et l’efficacité marginale du capital n’était pas une procédure de maximisation, mais une procédure de justification pour une décision relevant du « pari ». Il s’agissait d’une procédure qui, pour reprendre ses propres termes « sauve nos faces en tant qu’agents économiques rationnels[21]« . De fait, comme l’avait remarqué Herbert Simon, l’incertitude fait passer la rationalité des agents d’un modèle substantif à un modèle procédural, qui implique un choix stratégique[22].

2 – Stratégie et économie dans un monde de rapport de forces

Car, l’économie, n’en déplaise à ceux qui nous chantent les louanges de la « mondialisation heureuse[23], est bien un espace de rapports de force. C’est aussi un espace marqué par les spécificités des actions et des acteurs. C’est donc, si l’on suit la démonstration de Laurent Henninger, un espace « rugueux » et non un espace lisse ou un espace « fluide »[24], comme les économistes néoclassiques le rêvent. Ces économistes néoclassiques enferment en réalité l’économie dans le commerce et dans l’échange.

L’économie dont ils parlent s’apparente alors à la terre et non à la mer[25]. Mais, la rugosité de l’espace économique finit toujours par se rappeler à eux. L’antagonisme qui existe entre la pensée de l’économie néoclassique et celle de la stratégie avait déjà été repéré par l’un des grands spécialistes de l’analyse théorique des conflits, Alain Joxe, dans un livre publié il y a près de trente ans[26]. Le texte de Carl Schmitt, qui se présente comme un ouvrage « écrit pour sa fille », reprend des conférences prononcées au début des années 1940.

Il insiste sur l’opposition entre les puissances maritimes et les puissances terrestres, mais aussi sur l’influence de la terre et de la mer sur la naissance du droit, et en particulier de ce que Grotius nommait le « droit des gens » et qui est en réalité le droit des relations internationales. Les puissances maritimes, parce qu’elles tirent du commerce la plus grande part de leur richesse, voudraient donc imposer la grammaire de cette espace maritime comme la grammaire unique des rapports entre les Nations.

Laurent Henninger, dans son article de 2012, ne dit pas autre chose. Mais, et le point est important, il ajoute la notion d’interface. L’espace fluide ne peut exister en lui-même. Il doit, nécessairement, reconnaître et accepter l’espace rugueux pour exister. La Terre n’est pas recouverte par une Téthys. Les grandes thalassocraties ont toutes été confrontées à l’ancrage terrestre. L’hypothèse de Henninger[27] est donc qu’il y a un lien entre la domination maritime, celle des banques et celle des GAFA, des dominations qui se produisent toutes dans des « espaces fluides ».

Ces questions ne font que souligner l’importance d’une vision stratégique, l’importance donc de ce qu’il nous faut appeler l’impératif stratégique.

En développant l’analogie entre la stratégie économique et la stratégie militaire, on voit alors se déployer une réflexion théorique particulière sur la question de la stratégie. Alexandre Svechin, le grand penseur de la stratégie russe et soviétique, victime des purges staliniennes, décrit la stratégie comme un art mais aussi comme une théorie de cet art[28]. Ce point est important. Qui parle d’art évoque aussi l’artiste, celui qui arrive avec plus de bonheur que les autres à combiner les différents éléments de son art.

Mais, Svechin, qui considère que la stratégie est aussi l’art des dirigeants, introduit une typologie importante, distinguant la tactique de l’art opérationnel, et l’art opérationnel de la stratégie. La question se pose donc de savoir si une telle typologie peut s’appliquer dans l’espace économique. Si l’on comprend que la tactique renverrait alors à la gestion quotidienne des entreprises, l’art opérationnel impliquerait la concentration de moyens pour obtenir un résultat majeur dans un espace donné (un marché particulier par exemple) et la stratégie aux objectifs majeurs qu’un Etat se donne, comme de garantir sa sécurité sanitaire ou comme d’assurer, par son industrialisation ou sa ré-industrialisation, sa souveraineté économique[29].

Le livre que Vladimir Kvint a écrit cherche, lui aussi, à articuler les registres du militaire et de l’économique[30]. Il y affirme donc que : « La stratégie reste étonnamment sous-estimée, utilisée à mauvais escient ou mal comprise au sein de certaines sociétés, gouvernements et organismes militaires importants »[31].

Voilà qui est certain, mais pour des raisons qui peuvent être très différentes. Le dédain dans lequel on tient l’action stratégique, et le déclin de la pensée stratégique qui en découle, peuvent avoir des sources extrêmement diverses suivant les segments de la société auxquels on pense. Au sein de ces raisons il faut en distinguer une. La prééminence de l’idéologie des normes et des règles dans la pensée politique des sociétés contemporaines a été et reste l’un des facteurs majeurs de la disparition des préoccupations stratégiques chez les dirigeants[32]. Ce point avait d’ailleurs été largement souligné par Carl Schmitt dans son ouvrage de 1932[33].

La thèse de Schmitt est que la démocratie parlementaire et libérale ne peut se constituer qu’au travers d’un pouvoir de la norme et de la règle, pouvoir qui relègue alors celui du décideur-stratège, qui n’est autre que le Souverain, dans le néant[34]. La fascination pour la technique contribue aussi à enlever peu à peu toute volonté aux individus[35].

La stratégie peut aussi disparaître dans la tactique, ou plus précisément dans l’analyse des moyens immédiats[36]. Ceci constitue un problème classique chez les militaires et constitue l’un des cas les mieux documenté de perte de ce « sens du futur ». Un cas évident de cette perte du sens des priorités nous est fourni par l’analyse faite par Martin van Creveld de l’offensive britannique sur la Somme en 1916, lors de la Première Guerre Mondiale[37].

3 – Comment définir la stratégie

Mais, le problème n’est-il pas en réalité dans ce que Vladimir Kvint définit comme étant la stratégie ? La citation suivante pose ainsi le problème : « Les stratèges visent à une perception globale et interconnectée du monde »[38]. A première lecture, on ne peut qu’être d’accord avec cette citation. Pourtant, elle n’est pas sans soulever de nombreux problèmes.

La stratégie est nécessairement une réponse à l’incertitude comme nous l’avons dit dans la première partie de ce texte. Mais, la stratégie est aussi l’expression d’une volonté : celle qui consiste à refuser le cours des choses et qui vise à le transformer. Elle implique donc la présence de méta-préférences qui se construisent dans un processus délibératif et qui se distinguent donc des préférences individuelles, intrinsèquement instables[39] et dominées par le « framing effect »[40] tout comme par « l’endowment effect »[41].

Mais, quel est le statut du stratège ? Est-il le produit d’une agrégation de préférences individuelles[42] ou sommes nous en présence d’un acteur collectif, construit à la fois consciemment et inconsciemment ? L’économie rencontre ici la psychologie, mais aussi l’analyse institutionnelle.

Le statut du stratège et de la stratégie soulève Donc une interrogation. Il y a, naturellement, la question du débat entre l’individualisme[43] et le holisme méthodologique[44]. Sommes nous en présence d’individualités brillantes, ou ces individualités, quels que soient leurs mérites, ne représentent-elles pas des « collectifs », des institutions, dont elles sont l’expression tout autant que le produit ? Ce débat est en réalité aussi au centre de la controverse sur le rôle et sur la signification des institutions en économie[45].

Par ailleurs, l’économie aurait dû se poser la question du temps et de l’ignorance, qui est centrale au problème de la stratégie[46]. Or, la question du temps implique de penser des séquences de décisions interconnectées[47], et notre approche de la stratégie peut en être affectée[48]. La question de l’ignorance nous renvoie, quant à elle, à celle de l’événement imprévu qui, invalidant une partie de nos connaissances, nous fait toucher du doigt notre ignorance[49]. Assez fréquemment, d’ailleurs, l’événement imprévu nous oblige à développer une véritable stratégie de recherche[50], traversant les frontières disciplinaires, pour restaurer ou reconstruire un corps de connaissances qui soit utilisable[51]. Et l’on retrouve ici l’idée de l’impératif stratégique pour l’économiste.

La question de la perception du monde est certainement centrale à la question de la détermination d’une stratégie. La stratégie se révèle être à la fois le point d’union, mais aussi le pont de passage, entre le présent et le futur. De cela nait la notion des conflits de temporalité – notion qui est logiquement à la base d’une pensée économique refusant l’Equilibre Général[52] – comme l’une des notions clés de la stratégie économique.

Mais, les acteurs qui conçoivent et mettent en œuvre des stratégies, et ce quel que soit leur niveau, ne peuvent avoir du futur qu’une représentation qui a été façonnée par les expériences du passé[53]. Or, cette représentation est par nature en grande partie fausse. Car, si le futur n’était que la reproduction du passé, alors la stratégie ne serait pas nécessaire. La simple application de règles et de normes pourrait suffire. On voit ici ce qui justifie et nécessite l’action stratégique : c’est l’incertitude radicale. Cette incertitude détruit radicalement toutes les tentatives de concevoir l’action humaine à travers le prisme du mécanicisme[54].

Des auteurs pourtant à l’opposé politiquement, tels Hayek et Keynes, l’avaient bien compris. Même si leur concept d’incertitude peut diverger, il n’en reste pas moins qu’ils en font un point central dans leur approche de l’économie[55]. L’incertitude radicale implique l’invention[56] ; celle-ci met en lumière l’importance du point de vue subjectif. Se situer du point de vue de la stratégie c’est, en un sens, prendre parti pour le subjectivisme.

L’imaginaire de l’individu fait partie de ses connaissances. Ce n’est qu’au travers de ses expériences futures qu’il pourra faire le tri entre ce qui vient de son imaginaire est qui est soit faux, soit impossible, et ce qui peut lui permettre d’atteindre tout ou partie de ses objectifs.

Il convient maintenant de préciser qu’il existe une différence fondamentale entre la stratégie d’une entreprise et une stratégie décidée au niveau d’un Etat. Une entreprise vit, meurt, peut être rachetée par une autre entreprise, peut se développer tout comme elle peut disparaître[57]. La croissance d’une entreprise fait donc l’objet d’une stratégie[58]. Cette dernière intègre la concurrence, plus ou moins forte, à laquelle l’entreprise est confrontée[59].

Cela est intégré d’emblée par les responsables et les actionnaires et induit des relations étroites entre la structure d’une entreprise et sa stratégie[60]. L’Etat lui incarne la permanence, que l’on se souvienne de l’aphorisme « le roi ne meurt jamais » qui existe aussi sous la forme « la mort saisit le vif »[61], et sa stratégie vise aussi cette continuité. Car, la disparition d’un Etat relève d’un événement exceptionnel, alors que la disparition d’une entreprise est relativement courante. Aussi existe-t-il une spécificité radicale dans la stratégie adoptée par un Etat.

4 – Multiplicité des stratégies

Il y a donc plusieurs types de stratégies[62]. Mais, ces différents types de stratégies posent le problème de la rupture avec les perceptions antérieures ou de leur amélioration progressive. Or, sur ce point, se pose le problème de la saturation de l’esprit humain par le volume des signaux à traiter[63]. La multiplication du volume des signaux, alors que les capacités de traitement, elles, n’évoluent pas au même rythme est certainement l’un des problèmes les plus ardus à résoudre lors de la préparation d’une stratégie.

Plus que d’une révolution informationnelle, les systèmes modernes de collecte de l’information sont porteurs, si on n’y prend garde de ce que Martin van Creveld appelle la pathologie informationnelle[64]. Cette multiplication des signaux et ce déséquilibre entre la facilité de circulation des informations explicites par rapport aux informations tacites, va rendre le rôle de la connaissance encore plus important qu’il n’était auparavant.

C’est une profonde et dangereuse erreur que de croire que nous entrons dans une société de l’information où la décision serait simplifiée du fait de la multiplicité des informations disponibles. Suivant le point de vue nous nous dirigeons soit vers une société du signal, avec comme horizon la thrombose des interprétations et les pathologies informationnelles, soit vers une société de la connaissance.

Cette dernière requiert cependant qu’une priorité soit donnée aux formes structurelles qui permettent la mobilisation la plus facile des formes adéquates de la connaissance, la connaissance pertinente, la connaissance implicite, la connaissance procédurale, la connaissance réflexe et la connaissance-état d’esprit. Les notions de lignes informationnelles et communicationnelles seront au centre de l’efficacité des systèmes économiques et sociaux. L’exemple de la « réception » des informations issues du renseignement dans la Crise de Cuba de 1962 l’atteste[65].

Mais, on peut aussi penser à l’échec de la réception du renseignement lors de l’attaque de Pearl-Harbour en décembre 1941[66], ou lors de celle contre les Twin Towers de New-York le 11 septembre 2001[67]. Or, ces lignes imposent des rigidités, et ont des exigences de stabilité, qui ne sauraient être perçues tant que l’on reste à l’intérieur du paradigme de l’information[68]. Il faut donc réfléchir et analyser l’articulation entre le signal, l’information, les croyances et les connaissances. De fait, les décideurs devraient logiquement choisir d’ignorer consciemment certaines des informations afin de pouvoir continuer à prendre des décisions.

C’est très exactement ce que montrent les travaux de H. Simon et de A de Groot[69]. Ces décideurs doivent alors se tourner vers des règles heuristiques non par manque d’informations (thèse type du paradigme de l’information imparfaite à la Radner et à la Stiglitz[70]), mais en raison au contraire de l’excès de ces dernières. L’exemple donné par Martin van Creveld du processus de décision de l’armée américaine au Vietnam est une illustration parfaite des travers dans lesquels on peut tomber quand on ne raisonne que sur la base d’une volonté d’accumulation de l’information[71].

5 – Stratégie, appétence pour le risque et rationalité du stratège

Mais, chez le stratège, n’y aurait-il pas aussi un goût pour le risque ? On sait que l’idéogramme chinois que nous traduisons par « crise » signifie en fait risque et opportunité. Cela invite à considérer la part d’attrait pour le risque qu’il y a dans toute personne exerçant des responsabilités qui peuvent le mettre en position de prendre des décisions stratégiques.

Keynes, encore lui, en est conscient très tôt. Si l’on considère que pour lui l’investisseur joue le rôle de l’entrepreneur, on trouve sous sa plume ces phrases éclairantes: « Autrefois, lorsque les entreprises appartenaient pour la plupart à ceux qui les avaient créés ou à leurs amis et associés, l’investissement dépendait du recrutement suffisant d’individus de tempérament sanguin et d’esprit constructif qui s’embarquaient dans les affaires pour occuper leur existence sans chercher réellement à s’appuyer sur un calcul précis de profit escompté. (…) Si la nature humaine n’avait pas le goût du risque, si elle n’éprouvait aucune satisfaction (autre que pécuniaire) à construire une usine ou un chemin de fer, à exploiter une mine ou une ferme, les seuls investissements suscités par un calcul froidement établi ne prendraient sans doute pas une grande extension » [72].

Il y a donc nécessairement, dans toute pensée stratégique, une appétence pour le risque et pour l’imprévu. Un autre auteur qui s’est beaucoup intéressé à l’incertitude radicale, George Lennox Sharman Shackle, dit de fait des choses semblables[73].

Alors, est-ce à dire qu’en tout stratège sommeille un joueur de poker ? On sait que telle était l’opinion de l’Amiral Yamamoto, père de la stratégie navale japonaise dans la guerre du Pacifique[74]. On voit ici l’importance des facteurs psychologiques dans la décision stratégique. De fait, cette décision établit une tension permanente entre l’anticipation formée ex-ante et le résultat qui ne peut être constaté qu’ex-post comme le reconnaît le grand économiste suédois Gunnar Myrdal[75].

De fait, la question de la « rationalité » de la stratégie et du stratège se pose. Le terme est d’ailleurs polysémique. Si l’on revient à Vladimir Kvint, ce dernier pose les principes d’une élaboration entièrement rationnelle de la stratégie[76]. Que des calculs précis puissent être nécessaires dans le cours de l’élaboration d’une stratégie est indiscutable. Mais, jusqu’à quel point peut-on se baser sur le calcul ? Martin van Creveld insiste quant à lui dans son ouvrage sur le commandement sur le risque qui existe à vouloir réduire toute stratégie à des données quantitatives[77].

On a insisté plus haut sur l’illusion qu’il y a de croire qu’une accumulation d’informations puisse, à un certain stade, être une aide dans l’élaboration de la stratégie. Le problème de la saturation des capacités cognitives est un problème incontournable et ce d’autant plus quand on évolue dans un espace, l’économie, qui se prête à l’accumulation de données quantitatives.

Quelle est donc la rationalité du stratège ? Existe-t-il donc des « lois » sur lesquelles on pourrait se fonder ? Le problème de la relation de l’action stratégique à une « science » a été abordé par Savkin, un autre auteur russe qui écrivait dans les années 1970, dans le contexte de la stratégie militaire. Dans la discussion qu’il mène sur l’existence de « lois de la guerre », dont on pourrait déduire la stratégie, mais aussi l’art opérationnel et la tactique, il est alors conduit à préciser le statut de ces lois[78].

Savkin reconnaît ainsi l’existence de principes de la stratégie, comme celui de l’économie des moyens, ou celui de la concentration de ses forces[79]. Cependant, analysant un certain nombre d’auteurs du XIXème siècle, il met en garde son lecteur contre une interprétation qu’il qualifie « d’idéaliste » de ces principes et qui consiste à croire qu’ils peuvent se matérialiser toujours et partout de la même manière, sans tenir compte des réalités économiques et sociales de l’époque[80]. De fait, Savkin isole des « lois » qui selon lui ont un pur contenu « objectif » des principes qui effectivement sont largement déterminés par la nature et l’état de développement de la société.

La question de la nature « éternelle » ou encore « intemporelle » des principes de l’art militaire fut contestée par d’autres auteurs. Le cas du Maréchal Foch est ici typique d’une pensée qui reconnaît bien l’existence de principes généraux, mais qui en dérive une application sans tenir compte des réalités tant économiques que sociales de l’époque, aboutissant ainsi à l’émergence du « culte de l’offensive » qui s’avéra coûteux pour la France en 1914 et 1915[81]. Des « lois » peuvent ainsi exister, mais elles sont sans effets si elles ne sont pas transformées en principes distincts. Ceux-ci, à leur tour, doivent être appliqués en tenant compte du contexte de développement de l’économie et de la société.

Ceci est encore plus vrai pour la stratégie économique. Les bases de calculs doivent ainsi être précisément contextualisées. Ces calculs peuvent être nécessaires, mais se laisser guider par eux pourrait avoir des effets catastrophiques si l’on était en présence de formes d’innovation, que ce soit sur les produits ou dans les institutions, qui rendraient ces calculs obsolètes. On mesure donc ce que peut apporter à un économiste la connaissance des problèmes et des principes de la stratégie et pourquoi la stratégie s’imposera comme un mode de pensée et une forme de réflexions pour tous les décideurs en économie.

Le gouvernement français a décidé, au mois de septembre 2020, de recréer un « Haut Commissariat au Plan »[82]. Cette décision se veut une réponse aux critiques, nombreuses, dont il fait l’objet lors du début de la pandémie pour son incapacité à mobiliser l’économie face aux conséquences de la Covid-19[83]. Le geste relève plus de la communication politique[84] que d’une volonté politique réelle à rétablir en France un « Etat Stratège ». Mais, elle dénote aussi que la nécessité d’avoir une stratégie dans les périodes de crise et d’incertitudes est désormais partagée par une grande partie de l’opinion. Rien ne pourrait mieux exprimer ce retour en grâce de la notion de stratégie.

Notes

[1] Dixit K.A., and B. J. Nalebuff B. J., Thinking Strategically: The Competitive Edge in Business, Politics and Everyday Life, New York: W.W.Norton, 1991.

[2] Weintraub E.R., General Equilibrium Analysis, Studies in Appraisal, Cambridge University Press, Cambridge, 1985. M. Blaug, « Ripensamenti sulla rivoluzione keynesiana », in Rassegna Economica, vol. 51, n°3, 1987, pp. 605-634

[3] Koopmans, T. C., « Stationary ordinal Utility and Impatience » in Econometrica, Vol. 28(2), 1960, pp. 287- 309. See also Robinson, J., « Time in economics » in Kyklos, vol. 33(2), 1980, pp. 219-229 and Shackle, G. L. S. Time in economics, Amsterdam, North-Holland Publishing Company, 1967.

[4] Kydland, F. E.; Prescott, .C., « Rules Rather than Discretion: The Inconsistency of Optimal Plans » in Journal of Political Economy Vol. 85 (3), 1977, pp. 473–492.

[5] O’Driscoll, G. P. and M. J. Rizzo, The economics of time and ignorance. Routledge, London-New York, second edition, 1996.

[6] Hahn F.H., « Keynesian economics and general equilibrium theory: reflections on some current debates » in G.C. Harcourt, (ed.), The Microfoundations of Macroeconomics , Macmillan, Londres, 1977

[7] Voir, https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/01/26/a-droite-comme-a-gauche-le-covid-19-remet-la-souverainete-economique-au-gout-du-jour_6067651_3244.html et https://www.iris-france.org/152202-les-consequences-economiques-du-covid-19-et-ses-enjeux-geopolitiques/

[8] 21 mai 2020, https://www.bloomberg.com/news/videos/2020-05-21/reinhart-says-covid-19-is-the-last-nail-in-the-coffin-of-globalization-video

[9] https://www.brookings.edu/opinions/less-globalization-more-multilateralism/

[10] Perez Y.A., Les vertus du protectionnisme. Crises et mondialisation, les surprenantes leçons du passé, Paris, Edition du Toucan, 2020, 288p.

[11] Schmitt C., Légalité, Légitimité, traduit de l’allemand par W. Gueydan de Roussel, Librairie générale de Droit et Jurisprudence, Paris, 1936; édition allemande, 1932.

[12] Schmitt C., Théologie politique, Paris, Gallimard, 1988., p. 16.

[13] Balakrishnan G., The Ennemy: An intellectual portait of Carl Schmitt, Verso, 2002. Voir aussi Kervégan J-F, Que Faire de Carl Schmitt, Paris, Gallimard, coll. Tel Quel, 2011.

[14] Voir Sapir J., Les économistes contre la démocratie – Les économistes et la politique économique entre pouvoir, mondialisation et démocratie, Albin Michel, Paris, 2002.

[15] https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/03/16/adresse-aux-francais-covid19

[16] https://www.topsante.com/medecine/medicaments/grandes-familles-de-medicaments/medicaments-jusqu-a-80-des-principes-actifs-produits-en-chine-ou-en-inde-31746

[17] Mocquery S., « Retrouver la Souveraineté » in Le Pharmacien de France, URL : http://www.lepharmaciendefrance.fr/article-print/retrouver-la-souverainete . See also, https://fr.sputniknews.com/radio_sapir/201907181041711784-penurie-de-medicaments-la-souverainete-pharmaceutique-en-question/

[18] WHO, China’s latest SARS outbreak has been contained, but biosafety concerns remain – Update 7, May 18th, 2004. URL : https://www.who.int/csr/don/2004_05_18a/en/ and WHO, WHO post-outbreak biosafety guidelines for handling of SARS-CoV specimens and cultures, December 18th, 2003. URL : https://www.who.int/csr/sars/biosafety2003_12_18/en/

[19] Taleb, N.N., The Black Swan: The Impact of the Highly Improbable, London, Random House & Penguin (2007-2010 2nd. Ed.)

[20] See, Taleb, N. N. « Black Swan and Domains of Statistics », The American Statistician, August 2007, Vol. 61, No. 3, pp. 198-200 and Taleb, N. N. , « Fat Tails, Asymmetric Knowledge, and Decision making: Essay in Honor of Benoit Mandelbrot’s 80th Birthday. » Technical paper series, Willmott (March 2005) pp. 56–59.

[21] Keynes J.M., Collected Writings, vol. XIV – The General Theory and After, part II. Defense and Development , Macmillan, Londres, 1973, p. 114. Sur ce point, voir aussi A.M. Carabelli, On Keynes’s Method , Macmillan, Londres, 1988.

[22] Simon H.A., « From Substantive to Procedural Rationality », in S.J. Latsis, (ed.), Method ans Appraisal in Economics, Cambridge University Press, Cambridge, 1976, pp. 129-148

[23] Voir Minc A., La Mondialisation Heureuse, Paris, Pocket, 1999.

[24] Henninger L., « Espaces fluides et espaces solides : nouvelle réalité stratégique », in Revue de Défense Nationale, n°753, 2012.

[25] Schmitt C., Terre et Mer, Paris, Pierre Guillaume de Roux éditions, (1942), 2017.

[26] Joxe A., Voyages aux sources de la guerre, Paris, PUF, coll. Pratiques Théoriques, 1993. Voir les chapitres 1 et 2.

[27] Henninger L., « Espaces fluides et espaces solides : nouvelle réalité stratégique », op.cit..

[28] Svechin A.A., (1927), Strategia, Moscou, Voennyi Vestnik.

[29] Sapir J., Основы экономического суверенитета и вопрос о формах его реализации in Problemy Prognozirovanija, 2020, n°2, pp. 3-12.

[30] Sapir J., Отзыв на книгу В.Л. Квинта «Стратегия глобального рынка: теория и практические применения». in Экономика и промышленность [Economie et Industrie], Vol. 12, 2019, n°3, pp. 377-383.

[31] Kvint V., Strategy for the Global Market, New York, Routledge, 2016.

[32] Bellamy, R., “’Dethroning Politics’: Liberalism, Constitutionalism and Democracy in the Thought of F. A. Hayek” in British Journal of Political Science, vol. 24, no. 4, 1994, pp. 419–441.

[33] Schmitt C., Légalité, Légitimité, op.cit.

[34] Sapir J., Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, Michalon, 2016.

[35] Heidegger M., Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1958, p. 11.

[36] Kvint V., Strategy for the Global Market, op.cit., p. 102.

[37] M. Van Creveld, Command in War , Harvard University Press, Cambridge, Mass, 1958, pp. 155-168.

[38] Kvint V., Strategy for the Global Market, op.cit., p. 4.

[39] Lichtenstein S. and P. Slovic, « Reversals of Preference Between Bids and Choices in Gambling Decisions », Journal of Experimental Psychology, n°86,/1971, p. 46-55.

[40] Tversky A., « Rational Theory and Constructive Choice », in K.J. Arrow, E. Colombatto, M. Perlman et C. Schmidt (edits.), The Rational Foundations of Economic Behaviour, Basingstoke – New York, Macmillan et St. Martin’s Press, 1996, p. 185-197, p. 187. See also, Tversky A. et D. Kahneman, « Rational Choice and the Framing of Decisions », Journal of Business , vol. 59, n°4/1986, part-2, p. 251-278. Idem, « Loss Aversion in Riskless Choice: a Reference Dependant Model », Quarterly Journal of Economics , vol. 107, n°4/1991, p. 1039-1061.

[41] Kahneman D., J. Knetsch et R. Thaler, « The Endowment Effect, Loss Aversion and StatuQuo Bias », Journal of Economic Perspectives , vol. 5/1991, n°1, p. 193-206.

[42] Olson M., The logic of collective actions, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, Cambridge, 1965. See also Becker G.S, « A Theory of Social Interactions » in Journal of Political Economy, vol. 82, n°6,1974, pp. 1063-1093, for an individualist point of view.

[43] Kincaid H., « Reduction, Explanation and Individualism », Philosophy of Science , vol. 53, 1986, Décembre, p. 492-513. Agassi J., « Methodological Individualism », in British Journal of Sociology, vol. 11, 1960, n°9, p. 144-155

[44] Ramstad Y., « A Pragmatist’s Quest for Holistic Knowledge: The Scientific Methodology of John R. Commons », in Journal of Economic Issues , Vol. 20, 1986, n°4, décembre, p. 1067-1105

[45] Sapir J., « Institutions and institutionalism: what, why and how » in Куда идти? Проблемы реформирования институциональной и экономической политики в России, Nekipelov A.D. ed., Moscow, Znanie, 2020, pp. 40-94. Also, Sapir J., Quelle économie pour le XXIème siècle, Paris, Odile Jacob, 2005, chap. 5.

[46] O’Driscoll Jr G.P. and M.J. Rizzo, Economics of Time and Ignorance, op.cit..

[47] Weiss, Joshua N. and Sarah Rosenberg. « Sequencing Strategies and Tactics », in Beyond Intractability G. Burgess and H. Burgess, Eds, Conflict Information Consortium, University of Colorado, Boulder, 2003.

[48] Uittenhove K., C. Poletti, S.Dufau, P. Lemaire, « The time course of strategy sequential difficulty effects: an ERP study in arithmetic », in Experimental Brain Research, Springer Verlag, 2013, 227 (1), pp.1–8.

[49] Söderholm A., « Project management of unexpected events », in international Journal of Project Management vol. 26(1), January 2008, pp. 80-86

[50] Kogut, B., Zander, U., « Knowledge of the Firm and the Evolutionary Theory of the Multinational Corporation », in Journal of International Business Studies, vol. 24(4), 1993, pp. 625-645

[51] Carlile, P. R., « Transferring, translating, and transforming: An integrative framework for managing knowledge across boundaries » in Organization science, vol.15(5), 2004, pp. 555-568.

[52] Sapir J., (2000), Les trous noirs de la science économique – Essai sur l’impossibilité de penser le temps et l’argent, Albin Michel, Paris.

[53] Priest K.L., and C. Seemiller, « Past Experiences, Present Beliefs, Future Practices: Using Narratives to Re(present) Leadership Educator Identity », in Journal od Leadeship Education, Vol. 17, (1), 2018.

[54] Georgescu-Roegen N., « Mechanistic dogma in economics », in British Review of Economic Issues, Vol. 2, 1978, pp.1-10.

[55] Shackle G.L.S., Uncertainty in Economics, Cambridge University Press, Cambridge, 1955. Une discussion récente de la parenté entre Keynes et les thèses autrichiennes peut être lue dans P. Davidson, « Some misunderstanding on uncertainty in modern classical economics », in C. Schmidt, (ed.), Uncertainty in Economic Thought, Edward Elgar, Cheltenham, 1996.

[56] And they are not the only ones: Carry, “Uncertainty in the writings of Kondratiev”, in C. Schmidt, (ed.), Uncertainty in Economic Thought, Edwar Elgar, Cheltenham, 1996, pp. 126-145

[57] Lehmann-Ortega L., F. Le Roy, B. Garrette, P. Dussauge and R. Durand, Strategor. Toute la stratégie d’entreprise (6e édition), Paris, Dunod, 2013, 704 p.

[58] Penrose E., The Theory of the Growth of the Firm, London, Blackwell, 1959, 272 p.

[59] Porter M., Choix stratégiques et concurrence. Techniques d’analyse des secteurs et de la concurrence dans l’industrie, Paris, Économica, 1982, 426 p.

[60] Chandler A., Strategy and Structure : Chapters in the History of the American Industrial Enterprise, Cambridge, MIT press, 1962, 480 p.

[61] Giesey R.E., Le roi ne meurt jamais – Les funérailles royales au temps de la Renaissance, Paris, Nouvelle Bibliothèque Scientifique, Flammarion, 1992, 360p.

[62] Kvint V., Strategy for the Global Market, op.cit., p. 50.

[63] Simon H.A., “Theories of Bounded rationalities”, in J. McGuire et R. Radner, (edits.), Decision and Organization. Essays in the Honor of J. Marschak, North Holland, Amsterdam, 1972, pp. 161-178. Simon H.A., « Rationality as Process and as Product of Thought », in American Economic Review , vol. 68, 1978, n°2, pp. 1-16.

[64] Van Creveld M., Command in War, op.cit..

[65] Garthoff R.L., Intelligence Assessment and Policymaking : A Decision Point in the Kennedy Administration, Washington D.C., The Brookings Institution, 1984.

[66] Morison, History of United States Naval Operations in World War II – Volume III – The Rising Sun in the Pacific , Boston, Little, Brown & company, 1988 (First ed. 1948), pp. 136-139 and Joint Congressional Investigating Committee, US Congress, Pearl Harbor Attack, US-GPO, Washington DC, 40 vol., 1946, (see part. 1, pp. 39-40 and part. 25).

[67] See Marrin, S. ‘The 9/11 Terrorist Attacks: A Failure of Policy Not Strategic Intelligence Analysis’, in Intelligence and National Security, vol. 26:2-3 (2011) pp. 182-202, and The 9/11 Commission Report: Final Report of the National Commission on Terrorist Attacks Upon the United States, New York, W.W. Norton & Co, 2004.

[68] Betts, R. ‘Analysis, War, and Decision: Why Intelligence Failures are Inevitable’, in World Politics, Vol. 31, n°1, 1978, pp. 61-89.

[69] de Groot A., Thought and Choice in Chess , Mouton, La Haye, 1965. See also : H.A. Simon, « Theories of bounded rationality », in C.B. Radner et R. Radner (eds.), Decision and Organization, North Holland, Amsterdam, 1972, pp. 161-176

[70] The founding fathers of this approach today have doubts, and even more, about its validity, and they explore a vision of the company in terms less directly related to incentive and purely reactive mechanisms. See: K.J. Arrow, (1985), « The Informational Structure of the Firm », in American Economic Review, vol. 75, n°2, pp. 303-307; R. Radner, (1996), « Bounded Rationality, Indeterminacy and the Theory of the Firm », in Economic Journal, vol. 106, n°6, pp. 1360-1373

[71] M. Van Creveld, Command in War, op.cit., pp. 232-260.

[72] J.M. Keynes, Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie, Paris, Payot, 1988, p. 162-3.

[73] Shackle G.L.S., Expectations in Economics, op.cit.. Idem, “On the Nature of Profit”, in G.L.S. Shackle, Business, Time and Thought. Selected papers of G.L.S. Shackle, edited by S.F. Frower, New York University Press, New York, 1988, pp. 107-123.

[74] Agawa H., (1979), The Reluctant Admiral. Yamamoto And The Imperial Navy, Tokyo, Kodansha International Ltd.

[75] Myrdal G., Monetary Equilibrium, Londres, Hodge, 1939

[76] Kvint V., (2016), Strategy for the Global Market, op.cit., pp. 102-107.

[77] Van Creveld M., (1985), Command in War, op.cit..

[78] Savkin B. Ye, Osnovnye Principy Operativnogo Iskusstva i Taktiki, Moscou, VoennIzdat, 1972, pp. 66-86 et 89-92.

[79] Savkin B. Ye., (1972), Osnovnye Principy Operativnogo Iskusstva i Taktiki, op.cit. p. 20-21.

[80] Savkin B. Ye., (1972), Osnovnye Principy Operativnogo Iskusstva i Taktiki, op.cit. p. 21 et Ssq.

[81] Foch F., (1903), Les Principes de la guerre. Conférences faites à l’École supérieure de guerre, Paris, Berger-Levrault.

[82] https://www.gouvernement.fr/haut-commissariat-au-plan

[83] https://www.gouvernement.fr/francois-bayrou-haut-commissaire-au-plan-presente-sa-methode-et-son-agenda-au-conseil-economique

[84] https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/haut-commissariat-au-plan-francois-bayrou-pose-ses-conditions-1222428

4 réactions et commentaires

  • Erwif // 24.03.2021 à 11h19

    Attention petit lapsus calami, c’est Joffre, pas Foch. Sinon, le lien « anthropologique » entre guerre et économie paraît de plus en plus évident, et le texte de J. Sapir en fait une belle démonstration.

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  • Savonarole // 24.03.2021 à 14h20

    C’est amusant , j’ai l’impression de lire une comparaison entre AGIL et Merise … une déformation professionnelle sans doute. Par contre je suis surpris de ne pas retrouver la classique dichotomie stratégie/tactique dans le papier qui s’est souvent révélé clef dans les conflits armés. L’exemple actuel c’est le conflit au Yémen , la strat initiale du « défonce l’infra et roule sur les cendres » ça a pas bien marché dans un pays composé de cendres à la bases et presque dépourvu d’infrastructures, la stratégie concomitante ; le blocus a aussi foiré : c’est pas comme si il y avait eut de gros besoins d’import/export autre qu’alimentaire , donc passé les deux trois premières famines , en fait ça va … c’est la tactique afghanne : difficile de piquer des trucs à des gens qui n’ont littéralement rien à piquer. Donc statut Quo et une guerre pour rien vu que les Saouds veulent pas verser le sang pour un peu de kat, trois caféier et des tribus d’hérétiques. Ha ben la politique par d’autres moyens c’est quand même écrit depuis le début que c’est une strat de merde.

      +1

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  • vert-de-taire // 25.03.2021 à 14h51

    J’ai un peu de mal à suivre – cerveau très limité probablement.
    Mais pourquoi aller pêcher de la stratégie dans tant de domaines différents ?
    On croirait une tentative encyclopédique mais impossible dans le cadre manifestement limité. Donc sentiment de butineur, frustré.
    Exemple : comparer stratégie d’État et stratégie d’entreprise. Je comprends que vu d’un économiste fou cela puisse avoir un sens. Difficile de comparer la stratégie pour des systèmes et leurs besoins contraintes avec si peu de points communs sauf dans les délires de nos marionnettes au pouvoir. L’entreprise France.

    Le besoin de tenir compte des conditions contextuelles m’a bien fait rire.
    Il faut vivre dans le virtuel pour en arriver à se perdre ainsi.
    Est-il envisageable de se passer du contexte ?
    A part dans les films ou les fables ? Et les fous.

    La perte de la stratégie (économique) est venue de l’économie financière casino.
    On fait un coup et puis on verra.
    C’est ce qui pourrait expliquer l’effondrement du capitalisme.
    Pas de stratégie, on fonce, on détruit, on coule. Exactement la définition de la folie, l’irresponsabilité dans les effets.
    Et donc catastrophe civilisationnelle : demain on le voit comment ?
    La question ne sera pas posée.

    La stratégie comme choix politique est soluble dans le capitalisme fou et criminel.

      +1

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  • Anfer // 25.03.2021 à 17h33

    La foi dans le marché spontané autoregulateur annihile toute idée de planification, c’est presque une hérésie.

    Ils sont déjà « après », démolir l’hôpital publique, saccager la sécurité sociale, ruiner l’éducation nationale, etc…

      +1

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