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6.septembre.20226.9.2022
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La « guerre économique » contre la Russie va-t-elle se retourner contre ses auteurs (1/3) ? par Jacques Sapir

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I. Histoire de sanctions

De l’émergence de la notion moderne de « guerre économique » à la politique des sanctions

Les notions de guerre économique et de sanctions économiques ont une longue histoire, une histoire dépasse largement les événements actuels et la guerre menée par la Russie en Ukraine. Pour tenter de comprendre les évolutions actuelles, il faut donc reprendre l’histoire des sanctions économiques depuis leur apparition dans les années 1920. Il faut ensuite prendre en compte la taille réelle de l’économie russe mais aussi ses relations avec l’économie mondiale et le rapport des forces entre ce que l’on appelle « l’occident » et les autres pays. Il faut enfin considérer analyser ces sanctions, le contexte d’interdépendance qui était celui existant entre la Russie et les pays de l’UE en février 2022 et l’impact de ces sanctions sur l’économie russe. Cela conduit à se poser la question de la pertinence des sanctions prises à partir de mars 2022 mais aussi de leur capacité à provoquer un changement substantiel dans la politique russe. En réalité, on peut penser – ou craindre selon les points de vue – que ne survienne un puissant « effet boomerang » qui perturbe bien plus les économies des pays de l’UE et engendre de fortes tensions sociales que l’impact de ces sanctions sur l’économie russe.

La notion de « guerre économique » est polysémique[1]. Sa définition elle-même est problématique car elle rassemble des processus qui relèvent du conflit, autrement dit de la « relation ami/ennemi »[2] et d’autres qui relèvent de la simple compétition[3]. En France, le portail de l’intelligence économique la décrit comme : « un processus et une stratégie décidée par un État dans le cadre de l’affirmation de sa puissance sur la scène internationale. Elle se mène par l’information sur les champs économiques et financiers, technologiques, juridiques, politique et sociétaux »[4]. Delbecque et Harbulot l’associent à la guerre cognitive et à la guerre de l’information, dans une logique relevant de la guerre asymétrique mise au service d’un pouvoir national total[5]. Il est alors clair que cette notion se construit en parallèle avec la notion de stratégie[6].

Pour autant, le terme a été utilisé tant par des historiens que par des spécialistes en science politique[7]. Pour les historiens, elle sera utilisée pour décrire l’enchevêtrement des tensions économiques et militaires[8]. La guerre et l’économie sont ici factuellement liées. Dans le champ de la science politique, par contre, cette notion est utilisée afin de caractériser de manière plus fine la composante économique des guerres, et le rôle de la volonté de contrôle de ressources dans le déclenchement de guerres. On peut cependant remarquer qu’un acte de guerre économique, s’il a vocation à donner un avantage à celui qui le met en œuvre, peut ne pas être nécessairement antithétique à un affaiblissement de celui qui en est à l’origine[9]. On revient alors au cœur de notre sujet, soit un hypothétique « effet boomerang ». Dès lors, c’est une analyse coût-avantage qui permet de déterminer que l’action est plus favorable à l’un qu’à l’autre. John Maynard Keynes défendait ainsi le potentiel pacificateur des sanctions économiques[10]. Mais, c’est probablement accorder trop de poids à la rationalité économique. Il est donc un fait établi que l’utilisation de cette notion a varié dans le temps. C’est pourquoi nous nous concentrerons ici sur sa forme moderne.

A. Atteindre des objectifs stratégiques sans faire la guerre ?

La notion de « guerre économique » semble bien être apparue dans le contexte de la Première Guerre Mondiale (1914-1918). Elle est, au départ, intrinsèquement liée à la notion même de guerre.

Le blocus[11] mis en place par les Franco-Britanniques contre l’Allemagne, blocus dont nul ne pouvait ignorer qu’il frapperait durement une économie dépendante de l’importation de certaines matières premières, eut une importance considérable dans les représentations de la guerre économique. Il engendra des contre-mesures dont la réorganisation de l’économie allemande qui se mit ainsi à l’œuvre pratiquement dans les premiers jours du conflit[12]. Dès août 1914, Walther Rathenau (1867-1922), administrateur de la compagnie d’électricité AEG, avait averti l’armée que le pays n’avait pas de programme d’approvisionnement et connaîtrait sous peu un manque de munitions. Le Département des matières premières de guerre (Kriegsrohstoffabteilung ou KRA[13]) fut mis en place quelques jours plus tard. Ce département était dirigé par Rathenau lui-même, et il le dirigea jusqu’en 1915.

Ces contre-mesures peuvent d’ailleurs servir d’exemple contemporain. Le KRA rouvrit des usines, et encouragea aussi la substitution de matériaux disponibles pour les matériaux rares. Un exemple en fut l’utilisation du procédé Haber-Bosch pour la production d’ammoniac, lorsque les puissances alliées ont bloqué les importations de salpêtre chilien[14].

Après la Première Guerre mondiale furent codifiées dans le droit international public et dans le cadre de la Société des nations (SDN), des mesures inspirées par celles mises en œuvre par les pays de l’Entente[15]. La Charte de la SDN disposait, dans son article 16, d’un arsenal de mesures de guerre économique visant à rendre impossible la poursuite d’un conflit[16]. De fait, la Société des Nations eut à traiter un certain nombre de conflits interétatiques durant son existence.

Conflits traités par la SDN

1. Conflit suédo-finlandais 1920 (Iles d’Åland)
2. Conflit polono-lituanien (Vilna, 1920 – 1923)
3. Conflit italo-grec (Corfou, 1923)

4. Conflit de Mossoul, 1924 – 1925 (Grande-Bretagne, Turquie)
5. Conflit gréco-bulgare 1925 (Demir Kapou)
6. Guerre du Chaco 1928-1938 (Paraguay-Bolivie-Brésil)

7. Conflit sino-japonais concernant la Mandchourie 1931 – 1932

8. Conflit de Leticia-Colombie-Pérou, 1933 – 1934
9. Guerre italo-éthiopienne 1935-1936
10. Guerre russo- finlandaise, 1939 – 1940

Si, parmi ces conflits, la « Guerre du Chaco » fut une occasion de discuter certaines mesures de coercition économique[17], l’article 16 de la charte de la SDN fut réellement testé lors du conflit Italo-Éthiopien de 1935-1936. En effet, après plusieurs années de préparation, l’Italie Mussolinienne décidait le 2 octobre 1935 d’envahir l’Abyssinie, nom sous lequel était connue l’Éthiopie[18]. Le 3 octobre 1935, après le bombardement d’Adigrat et Adoua, l’empereur Haïlé Sélassié (le Négus) saisit promptement le Conseil de la SDN et souligna la « violation de la frontière de l’Empire et la rupture du Pacte par l’agression italienne ». Un comité de coordination, appelé le Comité des 18, fut chargé de l’application des sanctions prévues par l’article 16 de la Société des Nations. Ce comité exclut d’emblée des sanctions militaires et eut beaucoup de mal, du fait de l’obstruction de la France, à définir des sanctions économiques[19]. Ce Comité des 18 annonça des sanctions financières et économiques « relativement bénignes »[20]. Sont interdits la vente à l’Italie de certaines matières dites « stratégiques » comme des minéraux, le caoutchouc ou bien encore les équipements de transports[21]. Le Comité proposa d’aller au-delà et de les étendre à l’acier, au coke au pétrole et au fer. Ici encore, la France – au nom du pacte Laval-Mussolini de 1935 – s’opposa à ces mesures[22]. Elle réussit même, avec l’aide de la Grande-Bretagne, à faire capoter les mesures concernant le pétrole et les produits pétroliers. L’échec des sanctions eut donc des causes multiples[23]. Tout d’abord, comme on l’a dit, la réticence de la France et de la Grande-Bretagne à les appliquer. Ensuite, le fait que nombre de ces mesures n’étaient pas coercitives. Enfin, la SDN n’était pas totalement représentative de la communauté internationale[24]. En effet, le refus des Etats-Unis d’y participer, puis le retrait du Japon, affaiblissaient sa représentativité.

La guerre d’Abyssinie décrédibilisa donc la SDN. Mais, elle ne fut pas le seul exemple de sanctions économiques avant 1945. Les États-Unis, non membres de la SDN, cherchèrent à i la suite de l’agression du Japon contre la Chine (1937) d’user de sanctions. Ils décidèrent, en 1938, de suspendre le traité de 1911 qui accordait au Japon la clause de la Nation la plus favorisée et durcirent leur position en 1939 avec le Export Control Act de 1940 qui interdisait l’exportation de matériel aéronautique mais aussi de ferrailles, très utilisée dans l’industrie japonaise. Devant la décision du Japon d’occuper l’Indochine française en 1940, ils décidèrent un gel des avoirs japonais aux États-Unis, une mesure qui coupait largement le Japon de tout accès au pétrole et qui conduisit les dirigeants japonais à attaquer les États-Unis[25].

Ici encore, on peut parler d’un échec des sanctions économiques, au départ sans doute parce qu’elles étaient trop légères et, par la suite, parce qu’elles devinrent tellement efficaces qu’elles ne laissaient pas d’autre choix au Japon que de capituler politiquement ou d’attaquer les États-Unis. De ce point de vue, il est possible que l’on se trouve face à une forme d’« effet boomerang » des sanctions, mais cet effet était cependant pris en compte par le gouvernement des Etats-Unis. L’Export Control Act de 1940 servit cependant après-guerre à la définition de l’Export Control Act de 1949 et à celui de 1951, qui furent la base de la politique de sanctions économiques menée par les États-Unis du temps de la Guerre Froide[26].

B. Les sanctions économiques pendant la guerre froide et leurs effets

Après la Seconde Guerre mondiale, la question des sanctions économiques fut ressuscitée mais avec la volonté constante d’éviter les erreurs commises par le SDN. La question de l’application et du respect des sanctions par l’ensemble de la « communauté internationale, fut au centre des réflexions[27]. Un autre point important était évidemment la position dominante des USA. La Charte des Nations Unies, dans son chapitre VII consacré aux « Actions en respect des Menaces pour la Paix, des infractions à la Paix et des Actes d’Agression » reprit la logique de l’article 16 de la SDN[28] avec plusieurs articles qui vont des sanctions économiques (Art. 41) à l’usage de la Force Armée (Art. 42). La Charte mentionne la possibilité que ces mesures puissent avoir un effet négatif, autrement dit un effet boomerang, sur un membre des Nations Unies (art. 50). La notion donc de coercition économique, de mesures s’apparentant à des mesures de guerres économiques[29], figure donc bien dans droit international Cependant, ces mesures sont strictement liées au Conseil de Sécurité (CSNU). On doit signaler que sanctions unilatérales sont en théorie condamnées par les Nations unies ce qui n’a pas empêché leur utilisation[30], notamment par les États-Unis.

L’efficacité des sanctions a dépendu de nombreux facteurs. Le principal étant l’écart économique entre le pays (ou le groupe de pays) décidant des sanctions et le pays « cible » doit être pris en compte. Il a été en général supérieur à 10/1 pour le PIB, et parfois bien plus, reflétant la position unique qui était celle des États-Unis au sortir de la guerre en 1945. Ceci a néanmoins évolué avec le temps.

Un des cas les plus intéressant fut l’ensemble des sanctions prises contre l’Afrique du Sud du fait de sa politique d’apartheid[31], ainsi que les sanctions prises contre la Rhodésie (aujourd’hui Zimbabwe) en 1966[32]. Les sanctions contre l’Afrique du Sud furent prises tardivement, en dépit d’une condamnation précoce adoptée par l’ONU 1964, à la demande de la Bolivie et de la Norvège car le Conseil de Sécurité considérait que la politique d’apartheid menée par l’Afrique du Sud troublait gravement la paix et la sécurité internationale[33]. Pour le cas de la Rhodésie, après une tentative infructueuse du Royaume-Uni, une résolution déposée par la Bolivie et l’Uruguay fut finalement adoptée (par dix voix et une abstention) qui déclarait que le Conseil de Sécurité : « Constate que la situation résultant de la proclamation de l’indépendance par les autorités illégales de Rhodésie du Sud est extrêmement grave, qu’il convient que le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord y mette fin et que son maintien dans le temps constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales »[34]. Cette condamnation, par contre, entraîna plus rapidement des sanctions et la Grande-Bretagne mit même en œuvre un semi-blocus naval de la Rhodésie pour s’assurer que les sanctions soient réellement appliquées[35].

Tableau 1

Succès et échecs des sanctions économiques internationales

Objectif

1945-1969 1970-1989 1990-2000
Succès Echec Succès Echec Succès Echec
Capacité à modifier la politique du pays cible 5 4 7 10 8 7
Changement de régime et démocratisation 7 6 9 22 9 23
Arrêt d’opérations militaires 2 2 0 6 0 3
Modification de la politique militaire (hors conflit) 0 6 4 10 2 4
Autre changement important de politique 2 13 3 4 5 5

Total

Tout cas confondus 16 31 23 52 24 42
Cas où les Etats-Unis sont impliqués 14 14 13 41 17 33
Sanction unilatérale prises par les Etats-Unis 10 6 6 33 2 9
Ratio échec/succès global 1,94 2,26 1,75
Ratio échec/succès par rapport à des conflits ou des politiques militaires 4,00 4,00 3,50
Ratio échec/succès global pour les sanctions unilatérales des Etats-Unis 0,60 5,50 4,50

Source : Hufbauer G.C., Schott J.J., Eliott K.A., Oegg B., Economic sanctions reconsidered , Washington DC, The Peterson Institute For International Economics, 3rd ed., 2007

Table 5.1., p. 127

Ces exemples posent le problème de l’efficacité générale de sanctions économiques, mêmes quand elles sont décidées par les Nations-Unies[36].

Mais, les sanctions n’ont pas été appliquées uniquement dans le cadre de l’ONU. Il y a eu aussi des pratiques de sanctions unilatérales, essentiellement de la part des Etats-Unis. Reflétant leur rôle de superpuissance politique et militaire dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont réussi à des sanctions économiques, sur un large éventail d’objectifs. Ils n’ont d’ailleurs pas utilisé uniquement des sanctions économiques, mais aussi des opérations secrètes et une influence politique générale sur l’élite politique du pays cible[37]. Les sanctions ont ainsi pris une dimension de « guerre économique » imposée par les Etats-Unis, et globalement par le « monde occidental » [38]. Cela se traduit par l’évolution dans l’efficacité des sanctions. On remarquera que les sanctions appliquées pour des raisons « militaires » ont cependant toujours eu peu de succès.

Les décideurs américains ont pu atteindre initialement un niveau de réussite élevé, comme on peut l’observer dans le tableau 1. Mais, au fil des décennies, les changements dans l’économie mondiale ont sapé l’efficacité des sanctions unilatérales. Immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, l’économie américaine était le réservoir financier pour la reconstruction des pays dévastés par la guerre. C’était aussi le principal fournisseur, et parfois le seul fournisseur, de biens et de services essentiels à l’économie mondiale.

Tableau 2

Succès et échec des sanctions unilatérales américaines

Nombre de cas
1945-1969
Succès 14
Echec 14
1970-1989
Succès 13
Echec 41
1990-2000
Succès 17
Echec 33

Source : Hufbauer G.C., Schott J.J., Eliott K.A., Oegg B., Economic sanctions reconsidered , Washington DC, The Peterson Institute For International Economics, 3rd ed., 2007

Table 5.2., p. 129

Pendant les années 1960, les États-Unis sont restés la principale source d’aide économique pour les pays en développement. Mais, depuis les années 1960, les flux commerciaux et financiers se sont diversifiés, les nouvelles technologies se sont propagées et le budget américain de l’aide étrangère s’est pratiquement tari. La reconstruction en Europe et l’émergence du Japon est venue concurrencer les États-Unis, et la croissance économique mondiale a réduit le nombre de pays vulnérables aux sanctions économiques[39]. L’explication la plus évidente et la plus importante du déclin de l’efficacité des sanctions américaines est donc le déclin relatif de la position américaine dans l’économie mondiale[40].

Mais elle n’est pas la seule. Les États-Unis n’ont pas toujours achevé ce qu’ils avaient commencé[41]. Il y a donc clairement un problème d’incohérence politique. Ensuite, dans les cas où l’objectif des sanctions était d’imposer la non-prolifération nucléaire – Inde, Pakistan, Libye, Iran et Irak – le refus de livrer du matériel clé était un élément important de la combinaison de ces politiques. Cependant, étant donné que d’autres fournisseurs de composants sanctionnés sont progressivement apparus, et qu’ils étaient souvent disposés à vendre, l’objectif de non-prolifération s’est révélé progressivement inatteignable. C’est la perte du monopole technologique par les États-Unis qui a donc affaibli leur pouvoir de sanction. Enfin, alors que les mesures financières faisaient partie du train de sanctions dans plus de 90 % des épisodes antérieurs à 1973, elles n’étaient présentes que dans les deux tiers des cas après cette date. L’éventail des sanctions financières a également changé. Là encore, dans certains cas, d’autres sources d’aide financière étaient disponibles.

Globalement, l’efficacité des sanctions économiques a toujours été médiocre, et elle s’est dégradée dans la période post-1970. Même quand le déséquilibre économique était considérable, et l’on pense ici aux sanctions unilatérales prises par les États-Unis contre Cuba, elles n’ont pu obtenir l’effet désiré[42]. Le Council on Hemispheric Affairs a même soutenu que ces sanctions avaient causé plus de tort aux États-Unis qu’à Cuba[43].

C. Les sanctions après la guerre froide

Avec la fin de la guerre froide, les Nations Unies ont commencé à imposer des sanctions économiques de manière plus fréquente. Cependant, les contraintes financières et les différences politiques entre ses États membres ont limité le champ d’action du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU). Celui-ci adopte souvent des sanctions ciblées lorsqu’il est contraint de « faire quelque chose ». Le changement dans l’environnement international, et une définition évolutive et croissante de la paix et de la sécurité collectives, ont conduit le CSNU à imposer beaucoup plus de sanctions au cours des années 1990 qu’au cours des 45 années précédentes[44]. L’émergence de nouveaux conflits et défis, a changé l’orientation des politiques de sanctions mais n’a pas diminué leur utilisation[45].

Il faut cependant noter que la nature de ces sanctions a changé après que les sanctions contre l’Irak et Haïti aient suscité de fortes inquiétudes et protestations concernant les dommages collatéraux imposés aux civils[46]. On est donc ici confronté à un « effet boomerang » en provenance de l’opinion publique, essentiellement dans les pays occidentaux. Les Nations Unies sont passées des embargos complets d’une époque antérieure à des mesures plus limitées telles que les embargos sur les armes, les restrictions de voyage et le gel des avoirs[47]. Les restrictions sur le commerce se sont limitées aux produits de base stratégiques – les exportations lucratives de diamants des régions tenues par les rebelles d’Angola et de Sierra Leone et un embargo pétrolier contre la Sierra Leone pendant une courte période lorsque les rebelles contrôlaient la capitale. Fait intéressant, les pays d’Europe occidentale, qui avaient vigoureusement résisté aux pressions américaines pour imposer des sanctions contre l’Iran, la Libye et Cuba, sont devenus beaucoup plus actifs lorsque des troubles ethniques ont frappé près de chez eux dans les Balkans[48]. Les Nations Unies ont donc imposé des sanctions commerciales et financières globales contre l’Iraq, l’ex-Yougoslavie et Haïti et diverses sanctions ciblées (généralement des embargos sur les armes et des sanctions sur les voyages) contre l’Afghanistan, la Libye, la faction de l’UNITA en Angola, le Rwanda, Libéria, Somalie, Soudan, Éthiopie et Érythrée, Sierra Leone et Côte d’Ivoire.

L’Irak en 1990 fut le cas le plus important d’application de sanctions et aussi le cas le plus médiatisé de l’après-guerre froide. Mais, les sanctions n’ont pas réussi à forcer les troupes irakiennes à quitter le Koweït. Les sanctions ultérieures n’ont pas réussi à débarrasser l’Irak de Saddam Hussein, même si la pression des sanctions a permis de localiser, de détruire et d’empêcher l’acquisition renouvelée d’armes de destruction massive avant l’invasion de l’Irak en 2003. Cela constitue d’ailleurs un intéressant précédent. Les sanctions de l’ONU ont été un succès dans la mesure où l’objectif était d’empêcher l’Irak de se réarmer[49]. Pourtant, elles ont été présentées comme inefficaces par les États-Unis pour justifier leur propre invasion de l’Irak sans aucun mandat de l’ONU.

La prise de conscience des dommages collatéraux, autrement dite de « l’effet boomerang » a également engendré un contrecoup[50]. Le risque d’un « effet boomerang » a commencé à être pris beaucoup plus au sérieux. Ces préoccupations se sont concentrées dans deux domaines : les conséquences humanitaires, comme cela s’est produit dans le cadre des sanctions globales en Irak[51], et les coûts de l’application des sanctions pour les États de première ligne, tels que les voisins balkaniques de l’ex-République du Yougoslavie pendant le conflit bosniaque ou lors de la crise du Kosovo. De plus, l’expérience de l’Irak, de la Yougoslavie, d’Haïti et d’autres a créé une « lassitude des sanctions » chez de nombreux membres de l’ONU et une réticence à imposer de nouvelles sanctions de grande ampleur tant que les questions des dommages collatéraux aux victimes innocentes[52] et aux États de première ligne ne sont pas résolues. Ajoutons que les manipulations liées à la propagande des États-Unis, en particulier lors de l’intervention de l’OTAN au Kosovo et en Serbie[53], voire la désinformation systématique pratiquée par les gouvernements sur ce sujet et dévoilée par des ONG[54], ont pu contribuer à une réticence de plus en plus marquée quant à l’engagement d’États membres de l’ONU dans une logique de sanctions et à douter même de l’impartialité des interventions de l’ONU[55].

Les conséquences des interventions « humanitaires » sur les populations qu’elles sont censées protéger ont été de mieux en mieux établies, comme dans le cas de Haïti[56] ou du Kosovo[57]. Cela a aussi contribué à faire monter des interrogations sur la légitimité de telles interventions.

Le bilan de la pratique des sanctions comme arme diplomatique est donc relativement décevant et nettement en retrait par rapport à ce qu’espéraient les fondateurs de la SDN en 1919-1920. Dans l’ensemble, l’efficacité des sanctions a été stable, et faible, au cours du XXe siècle. L’expérience américaine de sanctions unilatérales hors du cadre de l’ONU cependant a donné des résultats beaucoup plus dispersés. Compte tenu de la prééminence tant économique que technologique et politique des États-Unis, ces sanctions ont pu avoir une efficacité dans les années 1950 et le début des années 1960. Par la suite, elles se sont avérées bien moins efficaces, voire contre-productives.

D’une manière générale, les sanctions ont été très peu efficaces quand il s’est agi de faire cesser des opérations militaires. Ceci avait déjà pu être remarqué dans la période de l’entre-deux guerres, avec les conflits du Chaco ou d’Abyssinie. Le détournement de l’esprit et de la lettre des sanctions par les États-Unis dans le cas de Cuba et plus encore dans celui de l’Irak a aussi conduit à une délégitimation du principe des sanctions. Cela a conduit nombre de pays à se retirer de la pratique des sanctions.

Un fait doit être ici pris en compte. La prolifération des sanctions économiques au début des années 1990, à la suite de la fin de la Guerre Froide et de la dissolution de l’URSS, a provoqué des réactions négatives considérables, non seulement aux États-Unis mais aussi aux Nations Unies et parmi les partenaires commerciaux des États-Unis. « L’effet boomerang » est devenu de plus en plus visible. Cet effet ne peut aller que s’amplifiant dans la mesure où les sanctions ne sont prises que par un pays, aussi important soit-il ou par un groupe de pays ne représentant pas la communauté internationale.

La tentative d’user de sanctions contre la Russie ne se présentait donc pas sous des auspices favorables, et ce d’autant plus que l’évolution de la situation économique et politique mondiale avait profondément changé le rapport des forces. Les faits semblent avoir confirmé ce pronostic.

Notes

[1] Delbecque E. et Harbulot C., La guerre économique, Paris, ed. « Que sais-je ? », 2011, n° 3899

[2] Schmitt C., La notion de politique (1932), trad. M.-L. Steinhauser, Paris, Calmann-Lévy (Liberté de l’esprit), 1972, p. 66 et Schmitt C., « Éthique de l’État et État pluraliste » (1930), in Parlementarisme et démocratie, trad. J.-L. Schlegel, Paris, Seuil, 1988, p. 143-144.

[3] Daguzan J-F, Lorot P., (dir) Guerre et économie, Paris Ellipses, 2003

[4] https://portail-ie.fr/resource/glossary/95/guerre-economique

[5] Delbecque E. et Harbulot C., La guerre économique, op.cit.

[6] Harbulot C., L’art de la guerre économique : surveiller, analyser, protéger, influencer, Versailles, VA Éditions, 2018.

[7] Laïdi A., Aux sources de la guerre économique: Fondements historiques et philosophiques, Paris, Armand Colin 2012

[8] Laïdi, A., Histoire mondiale de la guerre économique, Paris, Perrin, 2020. Voir aussi, Crouzet F., La guerre économique franco-anglaise au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 2008.

[9] Coulomb F., « Pour une nouvelle conceptualisation de la guerre économique », in Jean- François Daguzan et Pascal Lorot (dir.), Guerre et économie, op.cit.

[10] Coulomb F. et Matelly S., « Bien-Fondé et opportunité des sanctions économiques à l’heure de la mondialisation » in Revue Internationale et Stratégique, n° 97, 2015-1, pp. 101 – 110.

[11] Vincent, C. P., The Politics of Hunger. The Allied Blockade of Germany, 1915-1919, Athens, OH, Ohio University Press, 1985 ; Siney, M. C., The Allied Blockade of Germany, 1914-1916, Ann Arbor, MI, The University of Michigan Press, 1957; Farrar, M. M., Conflict and Compromise. The Strategy, Politics and Diplomacy of the French Blockade, 1914-1918, La Haye, Mouton, 1974.

[12] Dallas, G., 1918: War and Peace, Londres, John Murray, 2000.

[13] Williamson, D. G. (1978). « Walter Rathenau and the K.R.A. August 1914-March 1915 » in

Zeitschrift für Unternehmensgeschichte / Journal of Business History, Vol. 23, 1978, (2), pp. 118–136, (https://www.jstor.org/stable/40694617 ). Voir aussi Sapir J., L’économie mobilisée, Paris, La Découverte, 1990.

[14] Asmuss, B., « Die Kriegsrohstoffabteilung » (https://www.dhm.de/lemo/kapitel/ersterweltkrieg/industrie-und -wirtschaft/kriegsrohstoffabteilung.html ) Deutsches Historisches Museum.

[15] Ferrand B., « Quels fondements juridiques aux embargos et blocus aux confins des XXe et XXIe siècles », in Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 214, Presses universitaires de France, 2004, pp. 55-74.

[16] Traité de Versailles – Pacte de la Société des Nations, consultable à l’adresse suivante : https://mjp.univ-perp.fr/traites/sdn1919.htm

[17] Farcau B.W., The Chaco War. Bolivia and Paraguay 1932-1935, Westport Connecticut and London, Praeger, 1996.

[18] Baer, G. W., The Coming of the Italo-Ethiopian War, Cambridge, MA: Harvard University Press, 1967.

[19] de Juniac G., Le dernier Roi des Rois. L’Éthiopie de Haïlé Sélassié, Paris, L’Harmattan, 1994

[20] Marcus H., A History of Ethiopia, University of California Press, 2002

[21] de Juniac G., Le dernier Roi des Rois. L’Éthiopie de Haïlé Sélassié, op.cit..

[22] Marcus H., A History of Ethiopia, op.cit..

[23] Bonn, M. J., “How Sanctions Failed” in Foreign Affairs n°15/1937, (January), pp. 350–61.

[24] Northedge F.S., The League of Nations: its life and times, 1920-1946, Leicester, Leicester University Press, 1988,

[25] Worth, Roland H., Jr., No Choice But War: the United States Embargo Against Japan and the Eruption of War in the Pacific, Jefferson, North Carolina: McFarland, 1995..

[26] Silverstone P.H., « The Export Control Act of 1949: Extraterritorial Enforcement“, in University of Pennsylvania Law Review, Vol. 107, n°3, Janvier 1959, pp. 331-362.

[27] Doxey, M.P., Economic Sanctions and International Enforcement, 2d ed. New York: Oxford University Press for Royal Institute of International Affairs, 1980.

[28] https://www.un.org/en/about-us/un-charter/chapter-7

[29] Adler-Karlsson, G., 1968. Western Economic Warfare, 1947–1967: A Case Study in Foreign Economic Policy. Stockholm, Sweden: Almqvist and Wiksell, 1968.

[30] « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations unies », résolution 2625 (XXV), adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies au cours de sa vingt-cinquième session, le 24 octobre 1970, https://www.un.org/french/documents/ga/res/25/fres25.shtml /https://treaties.un.org/doc/source/docs/A_RES_2625-Eng.pdf

[31] Galtung, J., “On the Effects of International Economic Sanctions: With Examples from the Case of Rhodesia” in World Politics 19 (April), 1967, pp. 378–416.

[32] https://www.lemonde.fr/archives/article/1966/12/07/londres-demande-a-l-o-n-u-de-decreter-des-sanctions-contre-la-rhodesie_2683412_1819218.html

[33] https://www.un.org/securitycouncil/sites/www.un.org.securitycouncil/files/fr/sc/repertoire/64-65/64-65_11.pdf

[34] https://www.un.org/securitycouncil/sites/www.un.org.securitycouncil/files/fr/sc/repertoire/64-65/64-65_11.pdf

[35] Avenel, Jean-David. « Introduction », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 214, no. 2, 2004, pp. 3-6.

[36] Pape, R.A., “Why Economic Sanctions Do Not Work ?” in International Security Vol. 22, No. 2 (Fall, 1997), pp. 90-136.

[37] Blechman, B. M., and Kaplan S.S., Force Without War: U.S. Armed Forces as a Political Instrument. Washington: Brookings Institution, 1998.

[38] Askari H.G, Forrer J., Teegen H. and Yang J., Economic Sanctions: Examining Their Philosophy and Efficacity, Westport, Praeger, 2003

[39] Hirschman, A. O. National Power and the Structure of Foreign Trade, expanded edition. Berkeley: University of California Press., 1980.

[40] Haas, R. N. Economic Sanctions and American Diplomacy. New York: Council on Foreign Relations, 1998

[41] Hufbauer, G. C., Schott J.J., and Elliott. K.A. Economic Sanctions Reconsidered: History and Current Policy. Washington: Institute for International Economics. 1985

[42] Spadoni, P.. Failed sanctions: why the U.S. embargo against Cuba could never work. Gainesville: University Press of Florida, 2010.

[43] Peppet M., “Blockade Harms more US than Cuba”, February 19, 2009, https://web.archive.org/web/20180317022046/https://www.coha.org/blockade-harms-us-more-than-cuba/

[44] Cortright, D, and Lopez G.A., The Sanctions Decade: Assessing UN Strategies in the 1990s. Boulder, CO, Lynne Rienner Publishers, 2000.

[45] Hufbauer, G. C., and Thomas Moll, “Using Sanctions to Fight Terrorism”. In Terrornomics, eds. Sean S. Costigan and David Gold. Burlington, VT: Ashgate., 2007.

[46] Drezner, D. W., The Sanctions Paradox: Economic Statecraft and International Relations, Cambridge Studies in International Relations n°65, Cambridge, Cambridge University Press, 1999.

[47] Elliott, K. A. “Analyzing the Effects of Targeted Sanctions” in Smart Sanctions: Targeting Economic Statecraft, ed. David Cortright and George A. Lopez. Boulder, CO: Rowman & Littlefield Publishers, Inc, 2002.

[48] Hufbauer, G. C., and Oegg B., “The European Union as an Emerging Sender of Economic Sanctions” in Aussenwirtschaft 58 (Jahrgang, Heft IV). Zurich; Ruegger, 2003, pp. 547–71.

[49] Cortright D., Lopez G.A., “Containing Iraq: Sanctions worked” in Foreign Affairs, July/August 2004.

[50] George A.L., and Simons W.E.. The Limits of Coercive Diplomacy. Boulder, CO: Westview Press. 1994

[51] Arnove, A., Iraq Under Siege: The Deadly Impact of Sanctions and War, Boston, South End Press, 2000.

[52] Pekmez J., The Intervention by the International Community and the Rehabilitation of Kosovo, rapport commandité par le projet « The Rehabilitation of War-Torn Societies » coordonné par le CASIN (Centre for Applied Studies in International Negotiations), Genève, janvier 2001

[53] Note confidentielle du ministère de la Défense allemand, analysée dans Jürgen Elsässer, La RFA dans la guerre du Kosovo, chronique d’une manipulation, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 48-51.

[54] Human Rights Watch, Under Orders – War Crimes in Kosovo, Genève, 2001, rapport consultable et téléchargeable sur http://www.hrw.org/reports/2001/Kosovo et Human Rights Watch, Civilian Deaths in the NATO Air Campaign, HRW Reports, vol. 12, n° 1 (D), février 2000, téléchargeable sur http://www.hrw.org/reports/2000/nato

[55] [55].« The UN’s own damning verdict on its created civil defence force is fresh evidence of the failure of Special Representative Bernard Kouchner to establish the rule of law in Kosovo » (John Sweeney et Jens Holsoe, « Revealed : UN-backed unit’s reign of terror », The Guardian, dimanche 12 mars 2000)

[56]Pouligny-Morgant B., « L’intervention de l’ONU dans l’histoire politique récente d’Haïti Les effets paradoxaux d’une interaction » in Pouvoirs dans la Caraïbe [En ligne], 10 | 1998, mis en ligne le 09 mars 2011, http://journals.openedition.org/plc/576

[57] « Kosovo sex industry », sur http://www.peacewomen.org/news/Losovo/newsarchives02/kosovose

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un ignorant // 06.09.2022 à 19h27

Ce n’est pas un problème de stock mais d’offre compétitive: le gaz russe a un coût d’extraction faible et un coût de transport faible grâce aux pipelines, de même que le pétrole russe et le pétrole arabe sont faciles à extraire, ce qui est loin d’être le cas des autres. Des hydrocarbures, il y en a partout, mais ils ne coûtent pas tous le même prix. C’était un avantage compétitif énorme pour l’industrie européenne alors que nos salaires sont plus élevés qu’en Asie. Je ne vois comment on va éviter une fermeture en chaîne des usines en Allemagne en Slovaquie ou en République Tchèque, mais vous avez sûrement une idée de génie.
D’autre part, le rapport aux contraintes liées à la guerre n’ont rien à voir entre l’Europe et la Russie: les russes sont prêts à souffrir pour cette guerre, les européens non (tout le monde s’en fout en fait, qui est aller combattre en Ukraine, ou même qui est aller manifester? Donc, les conséquences politiques vont être très différentes.Ça va piquer sévère.

26 réactions et commentaires

  • Lev // 06.09.2022 à 07h42

    Ce matin l’OPEP + vient de décider de baisser sa production pour maintenir et faire remonter les cours du pétrole. C’est à dire favoriser l’inflation d’une manière profitable pour les magnats du pétrole : américains, français, russes… sur le dos de tous les peuples

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    • dissy // 06.09.2022 à 08h31

      Surtout contre les dems aux midterms.Le 8 novembre je crois?

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    • Jérôme // 13.09.2022 à 06h11

      Vous faites un contresens.

      La hausse du prix du pétrole, c’est un prélèvement supplémentaire des pays producteurs/exportateurs sur les pays clients.

      Les gains des majors du pétrole sont tout à fait accessoires par rapport aux gains des pays producteurs.

      Vous pourrez aussi vous demander ce que cela dit de l’affaiblissement de l’influence occidentale sur les pays de l’OPEP. Au bout du compte, les lois de la gravitation démographique l’emportent forcément. Or 85% de la population mondiale ne vit pas dans un pays occidental ni dans les plus proches pays asiatiques vassaux comme le Japon et la Corée du Sud.

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  • RIVIÈRE // 06.09.2022 à 08h55

    Évidemment que ça va se retourner contre les auteurs, c’est déjà le cas ….

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    • Lev // 06.09.2022 à 11h16

      Ce n’est pas moi qui ai décidé ce boycott et j’en pâtis pendant que les élites politiques et financières encaissent leurs plus-values. Financièrement pour les uns, politiquement pour les autres

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    • 6422amri // 06.09.2022 à 13h47

      Vosu avez quelques faits a nous communiquer ? Des statistiques ?

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      • Pierrot // 06.09.2022 à 17h26

        Lisez la presse française.

        On y rappelle par exemple les déclarations de notre gouvernement concernant les risques de pénurie de gaz et de rationnement des entreprises, pénurie qui est la conséquence directe des sanctions contre la Russie, comme notamment l’embargo sur les énergies décidé en février qui concernait le gaz, le pétrole, le charbon et le combustible nucléaire.

        On y rappelle également que nous en sommes réduits à acheter fort cher à l’Arabie Saoudite du pétrole qu’elle importe de Russie à bas prix.

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        • 6422amri // 06.09.2022 à 17h59

          L’Arabie Saoudite n’importe pas de pétrole russe pour le vendre pour commencer mais pour alimenter ses centrales électriques..L’Inde a importé du pétrole russe qu’elle a revendu aux USA.

          Ceci ne change rien au prix auquel la Russie vendait son pétrole avant la guerre. Elle le brade a d’autres pays parce que la demande de pétrole russe a baissé et qu’il n’est pas possible d’arrêter des puits qui fonctionnent. La Russie qui fait partie de l’entente OPEP+ vendait au même prix que tout le monde..

          Les augmentations du prix de l’énergie ont commencé en 2021 avec les accords OPEP+, bien avant la guerre en Ukraine et les augmentations de prix sur les carburants sont liées au manque de capacité de raffinage partout dans le monde. La consommation après la dernière pandémie est a la hausse pas les capacités de raffinage.

          Pour le gaz dans 12 mois max ce sera terminé. l’EU n’achètera plus rien à la Russie. Le gaz n’est pas rare il y en a partout, les réserves mondiales sont estimées a 130 années.

          Le charbon..tout a été remplacé par l’Australie, il y a 250 années de réserves mondiales.

          Le nucléaire…l’uranium n’est acheté par pas grand monde en Russie, la France achète au Canada, au Kasaksthan. Cette ressource est disponible dans de nombreux pays dont le Canada, l’Australie, le Niger, etc.

          Je lisais un commentaire sur le titane..la Russie..elle possède 2 % des réserves mondiales.

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          • un ignorant // 06.09.2022 à 19h27

            Ce n’est pas un problème de stock mais d’offre compétitive: le gaz russe a un coût d’extraction faible et un coût de transport faible grâce aux pipelines, de même que le pétrole russe et le pétrole arabe sont faciles à extraire, ce qui est loin d’être le cas des autres. Des hydrocarbures, il y en a partout, mais ils ne coûtent pas tous le même prix. C’était un avantage compétitif énorme pour l’industrie européenne alors que nos salaires sont plus élevés qu’en Asie. Je ne vois comment on va éviter une fermeture en chaîne des usines en Allemagne en Slovaquie ou en République Tchèque, mais vous avez sûrement une idée de génie.
            D’autre part, le rapport aux contraintes liées à la guerre n’ont rien à voir entre l’Europe et la Russie: les russes sont prêts à souffrir pour cette guerre, les européens non (tout le monde s’en fout en fait, qui est aller combattre en Ukraine, ou même qui est aller manifester? Donc, les conséquences politiques vont être très différentes.Ça va piquer sévère.

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            • step // 06.09.2022 à 22h29

              je ne suis pas certain que les « russes soient prêts à souffrir pour cette guerre » autant qu’annoncé. Il faut bien voir que le discours « on est motivé » est inhérent à la propagande de guerre (ici Russe). Nos dirigeants font la même chose en disant qu’on (qui ça ?) sera intraitables vis à vis de la Russie. La différence est qu’on est conscient que la motivation réelle de la population française est faible, alors que nous avons n’avons moins d’information sur les autres populations au sein desquelles nous ne vivons pas. Elle semble plus forte pour les pays de l’est de l’Europe (Pologne…). Les Russes semblent plus motivés que les Français, mais probablement moins que des Ukrainiens qui voient une armée étrangère s’approcher de leurs maisons. Il faut aussi tenir compte du facteur logistique dans la motivation. Une armée bien équipée et nourrie est plus combative que si la logistique ne suit pas. Sur ce point la Russie semble avoir pataugé lors du changement de stratégie (coup de force à Kiev-> guerre d’encerclement des positions dans le Donbass). A voir désormais la qualité des chaines logistiques liées à la nouvelle configuration du conflit.

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            • 6422amri // 06.09.2022 à 22h44

              Je sais que c’est la proximité. Il faut 4 jours a un tanker affrété par le Russie pour se rendre en Europe et 37 jours pour aller en Chine.
              Le gaz russe est transporté..par des gazoducs mon ami..pas par des bateaux. Il suffit d’examiner le réseau européen pour voir qu’il est orienté est vers ouest…
              Les russes sont prêts a souffrir..vous en savez quoi ?
              De toute facon le problème numéro 1 de l’Allemagne c’est la Chine et elle est le seul pays en Europe a en avoir un excédent commercial.
              Je ne sais si ca va piquer…en Russie aussi (?) mais je sais que les ventes a l’UE représentent 50 % des revenus de l’état russe, que ses réserves FX ont baissé de 70 milliards de $ us en 4 mois, que la guerre lui coûte 1 milliard de $ us par jour…
              Ca va piquer et probablement dans les secteur automobile en Russie qui a vu ses ventes s’écrouler de 70 %…

                +4

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          • Pierrot // 06.09.2022 à 23h19

            Donc, à vous lire, l’UE se serait imposée un embargo sur des produits russes qu’elle n’importerait pas ?…

              +2

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          • Pierrot // 07.09.2022 à 01h00

            Pour l’Arabie Saoudite, il est vrai que le pétrole qu’elle importe de Russie n’est pas le même que celui qu’elle exporte vers les pays occidentaux. Il n’empêche qu’au deuxième trimestre, le pays a dû doubler ses importations russes pour pouvoir nous fournir le pétrole que nous refusons d’acheter à la Russie.

            Et ce n’est pas d’uranium dont il est question, mais de combustible nucléaire (d’uranium enrichi, donc) pour lequel la Russie contrôle plus du tiers de l’offre mondiale. Une info en passant : https://www.greenpeace.fr/espace-presse/nucleaire-des-conteneurs-duranium-enrichi-en-provenance-de-russie-continuent-darriver-en-france-greenpeace-denonce-le-double-discours-de-macron-qui-ferme-les-yeux-sur-le-busine/

            Si les carburants fossiles sont encore abondants dans le monde, leur extraction est de plus en plus difficile et coûteuse à réaliser. La production mondiale annuelle est limitée en volume, elle est déjà destinée à des pays consommateurs, et il ne sera pas possible de l’augmenter outre mesure pour remplacer celle de la Russie.

            L’Europe étant fortement dépendante des importations d’énergie russes que l’UE impose d’interrompre (voir par ici : https://elucid.media/environnement/explosion-du-prix-de-l-energie-le-pouvoir-d-achat-fortement-impacte ), elle est dans l’incapacité de s’en passer sans réduire drastiquement sa consommation et sans payer au prix fort des sources de substitution qui ne compenseront que partiellement les quantités manquantes (e.g. GNL américain).

            Les sanctions vont donc bien se retourner contre nous.

              +13

            Alerter
  • Dominique65 // 06.09.2022 à 12h18

    « La notion de « guerre économique » est polysémique »
    Certes, mais dans le cas qui nous intéresse, il n’y a pas lieu à discuter sur le sens, Bruno Lemaire n’ayant laissé aucune ambiguïté : « Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe. ».
    On n’est pas ici dans un « processus qui relèvent de la simple compétition ».
    Puisque j’y suis, merci à M. Sapir de rappeler en filigrane que l’occident ne constitue en rien « la communauté internationale ».

      +19

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  • JPP // 06.09.2022 à 14h55

    Il est complètement absurde pour des Pays à haut niveau de vie dépendant totalement de fournitures d’énergies bon marchées et abondantes de vouloir effondrer un immense et puissant Pays fournisseur presque exclusif de cette énergie bon marché qui dispose sur son territoire de tout ce qu’il faut en énergies, matières premières, agriculture, industries, intelligence, etc… pour pouvoir vivre et s’il le veut, se développer encore plus, rapidement, au besoin en totale autarcie. Comment des dirigeants européens, Français en tête, peuvent ils être assez stupides pour prendre ce brillant pays pour un pays complètement sous développé peuplé d’ignards .

      +20

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    • 6422amri // 06.09.2022 à 15h42

      Ce pays n’est pas peuplé d’ignares mais est dirigé par des gens qui ont perdu tout contact avec la réalité et qui ne supportent pas l’Europe telle qu’elle est organisée maintenant.

      J’écoutais hier, le ministre des affaires étrangères Lavrov menacer la Moldavie, le pays le plus pauvre dans cette partie du monde, sous prétexte que le gouvernement maltraitait les minorités russophone, un mensonge. La Russie a favorisé l’émergence d’une république fantôme , la Transnistria. idem en Georgie, comme en Ukraine avec Stalino (maintenant Donetsk).

      Vladimir Poutine se contente de menaces sur le Kazakhstan affirmant que ce pays n’existe pas. Plus près de Paris en Bosnie-Herzégovine, ce pays fait face à une minorité russophone qui de facto fait sécession, encouragée par Moscou.

      La Russie est riche de gaz mais le gaz n’est pas rare, les réserves mondiales sont estimées a 130 années un peu partout. La Russie a passé son cap pétrolier en 2021 et sa production est en déclin et cepays ne dispose pas ds technologies nécessaires pour exploiter le pétrole de l’Arctique.

      La Russie exporte principalement des matières premières et sa deuxième industrie d’exportation les armes dont elle est le deuxième vendeur mondial.

      Ni l’EU, ni les USA etc, n’ont besoin de l’agriculture russe (et surtout de l’Ukraine..) les pays les plus pauvres oui.

        +3

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      • JPP // 06.09.2022 à 18h41

        Le premier but d’une agriculture c’est D’ABORD DE FAIRE MANGER SA POPULATION !!!!
        L’agriculture efficace nécessite des Terres fertiles bien placées de l’eau des engrais du matériel bien pensé avec une bon rendement énergétique et de quoi l’alimenter. Cela permet alors de développer un élevage très fourniLes deux permettent de très nombreux produits dérivés indispensables depuis toujours à la survie humaine. L’exportation c’est la prime qui revient justement à cet immense travail.
        Vous comme moi dans notre vie biologique avons besoin de boire et manger, c’est tout !!!. Exporter n’est pas notre objectif premier.
        Quant à l’industrie elle n’existe que depuis 250ans, surtout grace à des gens vraiment géniaux et de très nombreux travailleurs (et pas à 35h) et parce qu’on dispose depuis cette époque d’énergie abondante et bon marché (au début en envoyant des enfants de 5ans dans les mines de charbon !!!). Sans énergie bon marché PAS d’industrie et aucun produit dérivé accessible au Monde entier.
        ET le monde informatique actuel soit disant dématérialisé consomme énormément d’énergie ne peut exister sans une base matérielle bien réelle très energivore. Les Russes pourraient TRES BIEN vivre en totale autarcie très confortable s’ils le voulaient. Il suffit qu’ils le veuillent. IIs disposent absolument de tous le moyens matériels et intellectuels La France, qui s’enfonce dans une désolante médiocrité crasse n’en a plus du tout les moyens ce qui est regrettable et actuellement suit la même route dingue que celle du Titanic.

          +18

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      • DVA // 07.09.2022 à 12h03

        J’adore vos commentaires ‘ orientés’ …perso, je constate juste que: » On voit bien que pas mal de trucs sont en train de se déglinguer en coulisses et que sans les amortisseurs publics( de moins en moins accessibles car trop utilisés ds le passé pr sauvetage des banques and autres covid), la situation serait nettement plus compliquée…l’organisation professionnelle Eurométaux a signalé hier que la moitié de la production européenne d’aluminium et de zinc est à l’arrêt parce que les prix de l’énergie sont trop élevés. Aluminium Dunkerque perd 4000 EUR par tonne d’aluminium produite, alors que le site bénéficie de la protection des tarifs régulés à hauteur de 70 à 75% de sa consommation…itou production de verres…itou fermeture piscines…Et donc, tout ce qui consomme du gaz dans l’industrie va coûter un pont …longtemps et les ténors européens ( Allemagne, France…) vont avoir du mal à rester compétitifs!

          +9

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      • Mugronhaurietnerbis // 07.09.2022 à 20h14

        Il y a une minorité russophone en Bosnie ?
        Je le savais pour les pays Baltes où les russophones ne sont que des citoyens de seconde zone , mais d’où vient cette population en Bosnie ?

          +1

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  • Louis // 10.09.2022 à 15h21

    Comme l’histoire nous l’enseigne, la Russie fait confiance au général Hivers. Quant à l’Ukraine l’Europe paye au prix très fort son aventure. La France avec son endettement colossal et son imprévoyance dans sa souveraineté énergétique ne s’en relèvera pas..

      +4

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    • Havoc // 11.09.2022 à 08h30

      Le Général Hiver vous aide quand vous êtes chez vous et défendez votre territoire.

      Tout le monde paye le prix d’un conflit armé. La Russie le paiera aussi.

      Elle le paye déjà: les Russes sont en train de s’accuser mutuellement des premières nouvelles de défaites et nombreux sont ceux qui réclament qu’on fusille à tour de bras les traitres et les lâches.

      Si vous pensez qu’il s’agit du climat politique idéal pour s’installer, n’hésitez pas: la Russie perd 400 000 citoyens par an et ne pond qu’un enfant et deux dixièmes par femme russe, alors vous serez accueilli à bras ouvert et avec un peu de chance, ne connaitrez pas la prison.

        +2

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      • JPP // 12.09.2022 à 10h41

        La France n’ayant pas déclaré la Guerre à la Russie n’a aucune raison d’être partie prenante d’une guerre civile, alimentée par les USA, entre Slaves. Le Général Hiver ne peut aider que les pays qui géographiquement et structurellement sont aptent à exploiter cette situation, ce qui n’est en aucun cas vraiment possible pour l’Europe Atlantiste. Les exemples de l’effet désastreux du froid pour la France sont nombreux (de l’époque du petit âge glaciaire sous Louis XIV au terrible Hiver de 1954 et sa figure emblèmatique de l’Abbé Pierre).

          +1

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