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30.juillet.201930.7.2019
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[RussEurope-en-Exil] Stephen Bourque, la question des victimes civiles françaises des bombardements alliés et le piège du point de vue « doloriste », par Jacques Sapir

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Le livre de Stephen Alan Bourque, Au-delà des Plages – La guerre des alliés contre la France[1], qui vient de paraître aux éditions Passes Composés, dans une traduction due à Simon Duran va provoquer un important et salutaire débat. Stephen Bourque est un historien issu de l’institution militaire qui a enseigné au School of Advanced Military Studies et qui est professeur émérite au U.S. Army Command and General Staff College. Disons-le tout de suite, ce livre, au delà d’un sous-titre racoleur, est une excellente initiative. En remettant au premier rang la question des pertes civiles induites par les bombardements aériens anglais et américains elle permet de ré-ouvrir un débat qui fut largement occulté depuis les années 1950. Ajoutons que ce livre cherche à aborder cette question dans son aspect global, qu’il le fait sur la base d’une bibliographie importante et d’une étude relativement exhaustive des sources préfectorales d’époque. Tout ceci faisait que l’on pouvait espérer un ouvrage si ce n’est définitif mais qui du moins conterait pour des années sur cette question. Mais, la qualité d’un livre ne découle pas uniquement de la pertinence du sujet, de l’ampleur de la documentation réunie, ni même des qualités de son auteur.

Un livre important

Non que ce livre soit négligeable. Il traite en profondeur de questions importantes comme l’ampleur des dégâts provoqués par ces bombardements et les pertes humaines. Il établit à 60 000 les pertes civiles françaises, en reconnaissant d’ailleurs l’imprécision de certains chiffres. Il présente aussi trois débats qui furent ceux des responsables, de Eisenhower et des responsables politiques aux chefs aériens. Le premier porte sur le choix des cibles : fallait-il, dans l’optique du débarquement et des combats qui le suivirent attaquer le système de transport français ou utiliser l’arme aérienne comme une « super-artillerie » attaquant des objectifs tactiques dans le but de minimiser les pertes de l’armée de terre. Le second porte sur la nature de l’arme aérienne : peut-elle à elle seule détruire au sens large la logistique et les moyens de production de l’ennemi, et arriver ainsi à son affaiblissement stratégique, voire son anéantissement, ou bien doit-elle être intégrée dans l’ensemble du combat, et donc soumise aux impératifs tactiques. Le troisième porte sur le choix des moyens : une fois la décision prise de subordonner l’arme aérienne au débarquement en Normandie, décision qui entraina un long conflit entre D. Eisenhower et les chefs du bombardement stratégique américain (Spaatz) et britannique (Harris), fallait-il utiliser plutôt les chasseurs-bombardiers, les bombardiers moyens, ou les bombardiers lourds ?

Ces débats sont primordiaux pour comprendre la question des pertes civiles. Ils sont traités à plusieurs reprises dans l’ouvrage, mais souvent de manière confuse, parfois répétitive, et régulièrement en négligeant certaines données clefs qui seules permettent de jauger, et peut-être juger, les décisions prises.

Un livre tendancieux ?

Car, il faut bien évoquer les limites et les déficiences de l’ouvrage. Au rang des premières on mettra un point de vue doloriste qui contribue à obscurcir tout jugement. Oui, la guerre ne tue pas que des militaires. Le ratio des morts militaires et civils de la Première guerre mondiale constituant à cet égard une aberration. La « guerre propre », faite sans aucun mort civil relève d’une dangereuse illusion. Le général Koenig, représentant français au SHAEF l’avait dit sans ambages : « C’est la guerre, il faut s’attendre à ce que des gens soient tués. Nous accepterions le double des pertes anticipées pour nous débarrasser des Allemands »[2]. Cette réaction, ainsi que celle de la Résistance montrant une acceptation relative des pertes civiles, est qualifiée « d’étonnante »[3]. Ce qui nous semble ici plutôt surprenant est qu’un historien ne soit pas en mesure de comprendre le point de vue ces combattants d’un peuple asservi. Ajoutons à cela que, du fait de l’occupation, l’industrie de la France occupée fournissait une contribution non négligeable à l’effort de guerre allemand, contribution estimée à 8% du PIB par Alan Milward[4]. L’industrie française était donc légitimement une cible, ce que Bourque reconnaît d’ailleurs mais sans donner de chiffrage précis.

Bourque veut aussi dans son livre faire le procès du « roman » construit par les auteurs américains sur le débarquement en Normandie ; vaste programme ! Disons-le tout de suite, on peut le suivre sur ce chemin. Mais, il le fait parfois en construisant un roman alternatif qui est tout aussi condamnable[5]. Surtout, et cela n’est guère compréhensible au vu des compétences de l’auteur, l’ouvrage pèche sérieusement par une absence de réflexion sur les déterminants politiques des uns et des autres, une absence de réflexion sur le contexte stratégique et une quasi-absence de réflexion sur les contraintes techniques et militaires de l’époque. Au total, ce livre souffre souvent d’un anachronisme tant dans le jugement des actions que dans celui des motivations des acteurs : il part implicitement d’un état des techniques et doctrines du XXIe siècle et non de celui des années 1942-1944. Cela limite, hélas, la portée des jugements et ne permet pas les généralisations auxquelles l’auteur se livre, et dont on trouve un exemple dans le titre complet de l’ouvrage. Ajoutons à cela une traduction souvent fautive et de multiples erreurs[6]. Cela fait, hélas, beaucoup pour un livre dont on pouvait espérer de part sa base bibliographique et documentaire qu’il apporte un jugement serein sur cette tragique question des pertes civiles en France.

Morts civils français, point de vue « doloriste » et analyse historique

Reprenons donc les divers éléments de ce livre. Il cherche à analyser les causes des nombreux morts français causés par les bombardements britanniques et américains, ce qui – nous l’avons dit – est tout à fait légitime. Il veut faire la critique des décisions des responsables alliés, ce qui est aussi légitime. Mais, pris dans son point de vue doloriste, il ne pose pas la question fondamentale : quelles étaient les pertes inévitables, compte-tenue des contraintes techniques et opérationnelles de l’époque et quelles étaient celles qui ne l’étaient pas et qui appellent, alors, condamnation au moins morale. Par pertes inévitables, il faut entendre des pertes causées par le bombardement d’une cible militairement et stratégiquement légitime, dans le cadre des contraintes techniques caractérisant le meilleur des moyens disponibles. Par pertes évitables, il convient d’entendre des pertes induites soit lors du bombardement d’un objectif légitime mais par des moyens inappropriés, soit des pertes induites lors du bombardement d’un objectif illégitime ou inapproprié. Cette distinction est essentielle si l’on veut poser réellement le problème de l’usage indiscriminé de la force aérienne. Cette distinction, ou toute autre distinction, n’est jamais posée par Bourque. Il donne des indices, fournit des exemples d’objectifs soit illégitimes soit inappropriés, mais jamais n’apporte la preuve que les alliés, pour reprendre son titre, menèrent une guerre « contre » la France.

Royan, après le bombardement du 5 janvier 1945

Pour ce faire, il aurait dû commencer par poser le problème des contraintes techniques se posant aux bombardiers de l’époque. Il cite ainsi le commentaire du Général Spaatz, commandant la 8ème Force Aérienne lors du premier bombardement américain sur la France en août 1942 se félicitant qu’approximativement la moitié des bombes étaient tombées dans la « zone cible » comme une preuve de l’insensibilité du commandement américain aux pertes civiles françaises[7]. Mais dans le contexte technique de l’époque, ce résultat était plutôt bon ! Il faut donc commencer par les contraintes techniques.

Les contraintes techniques

Ces contraintes techniques sont essentiellement relatives aux systèmes de visée et de navigation.

En 1942, l’USAAF utilisait le viseur Norden[8] pour ses bombardiers lourds (B-17, B-24) et moyens (A-20, B-25, B-26) et la RAF le viseur Mk. XIV[9] pour ses bombardiers lourds (Stirling, Halifax, Lancaster) ainsi que pour le bombardier moyen Mosquito (et elle utilisait aussi des avions américains comme le A-20 « Boston » et le B-25 « Mitchell »). Les résultats aux essais de ces viseurs avaient été bons, avec un « cercle d’erreur probable [10]» compris entre 30m et 120m. Mais, les résultats en opération furent bien plus mauvais. Dans des conditions météo parfaites (ce qui était rarement la cas) et sans interférence de la DCA allemande, le CEP était d’environ 400m pour le viseur Norden. Quand les conditions étaient mauvaises, le CEP pouvait atteindre 1000m à 1500m. Le Mk. XIV britannique, marginalement moins bon aux essais, démontra dans la pratique une précision (ou un manque de précision) équivalent. Les britanniques introduisirent le SABS[11], système de visée stabilisée pour les unités spéciales lançant les bombes de pénétration « Tallboy » et « Grand Slam », qui furent introduites en juin 1944. Ces unités spéciales obtinrent des résultats en matière de précision très supérieurs aux autres unités[12], ce que Bourque décrit dans son ouvrage. Mais, il omet de dire que de tels résultats n’étaient pas reproductibles en masse. Les résultats du Squadron 617[13] lors du bombardement des usines Schneider (Le Creusot) et Michelin (Clermont-Ferrand) constituaient donc des exceptions.

La précision d’ordre métrique, qui était recherchée par les concepteurs du Norden et du Mk XIV était possible avec des bombardiers en piqué. Ces derniers avaient été développés à la fin des années 1920 et au début des années 1930 en Allemagne (Junkers) et en France (Gourdou-Lesseur) pour pallier à l’absence d’une artillerie précise à très longue portée. Ils furent poursuivis par des puissances navales (Etats-Unis, Japon, Grande-Bretagne) en raison justement de leur précision. Mais, dès 1942, l’heure de gloire du Ju-87 Stuka était passée. La tentative de l’Allemagne de développer cette méthode pour des avions lourds (He-177) s’avéra un échec. Le Vultee A-35 « Vengeance » fut utilisé surtout sur le théâtre Inde-Birmanie et en Australie par les forces aériennes du Commonwealth. Un dérivé du Mustang équipé de freins de piqué, le A-36, « Apache » fut utilisé avec un certain succès en Italie par l’USAAF et montra que le bombardement en piqué permettait d’obtenir une précision de l’ordre métrique[14], mais l’heure était plus aux chasseurs-bombardiers et les Etats-Unis ne poursuivirent pas la production de cet appareil.

A-36 « Apache » de l’USAAF (1943)

Les Etats-Unis convertirent en Chasseurs-Bombardiers le P-47, le P-51 et le P-38. En Grande-Bretagne, le Hawker Hurricane puis le Typhoon furent convertis et le Spitfire, dans sa variante Mk IX, adapté. Les attaques des sites de V1 (Noball), qui constituent un chapitre de l’ouvrage, furent souvent le fait de « Hurribomber», de Typhoon et de Spitfire Mk IX[15]. Dans le chapitre de l’ouvrage dédié donc à l’attaque des sites des V1 et V2[16], ceci n’est simplement pas traité alors que des témoignages existent et sont connus des lecteurs français[17]. Ces appareils obtenaient des résultats moins précis que les bombardiers en piqué « purs », mais leur précision restait supérieure à celle des bombardiers moyens et lourds, ce que reconnaît Stephen Bourque[18]. Mais, il omet de préciser que d’une part les pilotes de chasse s’opposaient à la transformation de leurs avions en chasseurs bombardiers, transformation qui les pénalisait en cas de combat aérien, et que d’autre part la menace de la Luftwaffe imposait de maintenir une large proportion de ces avions à leur destination première.

Supermarin Spitfire Mk. IX, gréé en bombardier, opérant depuis les aérodromes improvisés en Normandie, fin juin 1944

Les systèmes de bombardement de la période 1942-1945 ne permettaient, en réalité, le ciblage – toujours imparfait – que d’une « zone ». Il en va de même pour les systèmes de navigation, utilisés essentiellement par les bombardiers de nuit de la RAF. Le premier, appelé Gee était un système de navigation par recoupement de faisceaux d’ondes hyperboliques. Si la précision à courte distance était de 150 m, celle à 650 km était de 3000 m[19]. Le second était un radar embarqué, le système H2S, opérant sur une fréquence de 3 GHZ. Ce système, qui fut perfectionné en 1944 avec l’introduction d’un radar opérant sur 10 GHZ (le H2X), permettait de distinguer une ville des campagnes par tous les temps et de nuit. Mais, il n’était pas précis au point de distinguer un objectif particulier[20]. Enfin, le système OBOE, mis en service au début de 1942, était aussi relativement précis (marge d’erreur de 100m à 400 km), mais son principe de fonctionnement (suivi de l’avion par deux stations émettrices, surnommées « cat » et « mouse ») le limitait aux éclaireurs (« Pathfinder ») qui guidaient les raids[21]. Ces derniers larguaient des bombes éclairantes de diverses couleurs et les bombardiers visaient, dans les conditions que l’on imagine, ces bombes. La portée de ce système était limitée à environ 450 km. Ces systèmes étaient en réalité plus adaptés à la définition d’une zone-cible qu’à déterminer une cible bien précise.

Ces contraintes techniques conditionnaient le risque pour les civils. Or, Stephen Bourque ne mentionne l’existence de ces contraintes qu’à deux reprises, dont une dans sa conclusion[22].

Le contexte du processus de prise de décision

Ces contraintes établies, quelles étaient les conditions de la prise de décision par les autorités américaines et britanniques ? Bourque décrit fort bien les problèmes bureaucratiques, les conflits de personnes aussi, qui caractérisèrent cette prise de décision[23]. C’est d’ailleurs l’un des passages les plus intéressants de l’ouvrage. Il montre bien les a-priori doctrinaux tant de Spaatz que de Harris. Ces deux généraux professaient l’idée que la guerre pouvait être gagnée par l’emploi de la seule aviation stratégique, à la condition que cette dernière puisse opérer de manière indépendante et concentrée pour détruire l’économie et le système de production de l’Allemagne. Mais, les pertes importantes subies en 1943 tant par les bombardiers de jour de l’USAAF (le taux de pertes monta à 8% des avions engagés par mission), que par les bombardiers de nuit de la RAF (avec des taux de l’ordre de 3,5% à 4,5%) démontra l’inanité de cette idée. Eisenhower n’eut de cesse que d’affirmer son autorité sur les forces aériennes stratégiques, au grand déplaisir tant de Spaatz que de Harris, et il finit par aboutir à ses fins. Cela signifiait que les bombardiers lourds tant américains que britanniques allaient être subordonnés à la bataille terrestre. Mais, était-ce une bonne idée ?

Les missions de préparation du débarquement, qu’ils s’agisse du bombardement des ports ou de l’opération Crossbow soit la destruction des sites de lancement des V1 et des V2 impliquaient parfois des bombardements d’une très grande précision, parfois l’emploi de très grandes quantités d’explosifs. C’est ici que dans le choix des moyens interviennent les contraintes techniques spécifiques à chaque moyen. Ne le précisant pas, Stephen Bourque construit une représentation implicite d’un commandement allié inconscient et indifférent au sort des populations civiles françaises. Nous savons que ce n’était pas le cas. Churchill est intervenu à plusieurs reprises pour demander aux responsables de tout faire pour limiter les pertes humaines civiles, un comportement que l’on ne retrouve pas – et ici Bourque a tout à fait raison de le signaler – chez Roosevelt. Le SHAPE avait intégré des officiers supérieurs français, comme cela a été rapporté, et a posé la question à ces derniers de l’acceptabilité par la population française des partes induites par l’usage de l’arme aérienne. Il est donc faux de prétendre que ceci n’était pas présent à l’esprit des responsables. Mais, les contraintes techniques existent bel et bien, et elles impliquaient que certaines missions provoqueraient nécessairement des pertes civiles.

La bataille terrestre imposait quant à elle des missions spécifiques aux forces aériennes en 1944. Il faut détruire les forces aériennes de l’ennemi (interdiction aérienne), paralyser les communications tactiques mais aussi stratégiques de l’ennemi pour qu’il ne puisse se déplacer qu’avec la plus extrême des difficultés, et intervenir directement dans la bataille pour détruire des objectifs très précis (fortifications, mais aussi chars et artillerie). De ces diverses taches, Bourque n’analyse sérieusement que celle concernant l’interdiction des transports, et en particulier des transports ferroviaires[24]. Il reconnaît à plusieurs reprises, que l’interdiction ferroviaire a été efficace[25], mais tempère immédiatement son jugement en posant la question de savoir si la Résistance n’aurait pu faire le travail. Le problème est que nul ne pouvait savoir, à l’avance, quelle serait l’efficacité de la Résistance. Cette efficacité, reconnue d’ailleurs par les généraux américains et par Dwight Eisenhower, ne peut être mise en regard de l’usage de l’arme aérienne, sauf à supposer que ces généraux connaissaient le futur. On a là un exemple de l’anachronisme qui imprègne le livre de Stephen Bourque. Pourtant, il pose dans la conclusion une juste question qui aurait dû figurer au début de son livre : quels moyens aériens utiliser pour gagner la bataille terrestre ? S’il avait commencé par préciser les contraintes techniques des différents moyens, par évaluer les besoins mais aussi les disponibilités, il aurait pu déterminer si des erreurs ont été commises (et elles ont été dans certains cas indiscutablement commises) et ont conduit à des pertes civiles évitables.

Caen, après les bombardements (juillet 1944)

La contextualisation des choix et la question des erreurs d’appréciation

Il faut alors se remettre dans le contexte de l’époque. Tous les généraux sont des vétérans de la guerre de 1914-1918. Ils savent le prix en sang d’un échec. La mise à disposition de l’arme aérienne leur présentait un outil qu’ils connaissaient mal mais qui promettait, par sa puissance, de limiter les pertes. C’est un déterminant important de la prise de la décision, tant sur les objectifs que sur les moyens, mais un déterminant sur lequel Bourque est muet. Or, on peut penser qu’il a lourdement pesé dans la décision d’employer les bombardiers lourds en appui tactique. Ce fut le cas dans la bataille de Normandie, mais aussi dans les assauts contre les ports-forteresses ou les poches de l’Atlantiques. Cela n’excuse nullement les mauvaises décisions prises, qui provoquèrent une part importante des 60 000 morts civils français. Une bonne partie de ces pertes étaient évitables et sont dues à une mauvaise connaissance des conditions d’usage de l’arme aérienne. Une partie, aussi, est due à la volonté de faire une « démonstration » de puissance, voire de tester des nouvelles armes (comme le napalm). Certaines de ces décisions furent aussi prises pour des raisons d’ego. Ainsi, on peut penser que la désastreuse décision de Montgomery d’utiliser les bombardiers lourds pour se frayer un chemin dans Caen, décision qui provoqua la mort de milliers de civils, doit beaucoup à la blessure narcissique provoquée par l’enlisement de son offensive. Le caractère de « prima donna » de Montgomery, souvent évoqué par les historiens britanniques, joua un rôle certain dans cette décision qui se révéla de plus complètement inefficace d’un strict point de vue militaire.

Dire, comme l’affirme Bourque, que les militaires sous-estimaient la valeur de leur propres troupes, et pour cela voulaient l’intervention de l’aviation, est inexact. Ils ont pu surestimer la valeur des troupes ennemies (après tout, des divisions de Panzer SS étaient déployées contre eux). Ils ont, me semble-t-il, surtout voulu minimiser leurs pertes, se souvenant des critiques politiques contre les dirigeants militaires à la suite de la guerre de 1914-1918. Nul ne voulait, et à juste raison, d’une hécatombe comme celle de la bataille de la Somme. La question de « l’acceptabilité » politique de la bataille de Normandie pour l’opinion américaine a-t-elle provoqué des morts civils « évitables » en France ? Cette question doit-être posée.

Les limites du point de vue doloriste

Cela renvoie donc aux questions qui sous-tendent cet ouvrage, et qui jamais ne sont explicitement posées en raison du point de vue « doloriste » adopté par l’auteur. Celui-ci considère que toute perte humaine civile est une tragédie, ce qui est vrai, mais laisse à penser que toutes pouvaient être évitées, ce qui est faux.

Un point de vue historique plus structuré et débarrassé de cette idéologie « doloriste » aurait réorganisé le livre autour de la question des pertes inévitables (compte tenu des contraintes techniques de l’époque) et des pertes évitables, que celles-ci proviennent d’un mauvais usage de l’arme aérienne (bombardiers lourds ou chasseurs-bombardiers) ou de mauvaise décisions quant au choix des cibles et à la décision de faire intervenir l’arme aérienne. Cette distinction entre pertes « inévitables » et pertes « évitables » aurait pu permettre d’interroger la question des processus de prise de décision et d’établir précisément dans quels cas et pour quelles raisons des responsables militaires ont pu faire preuve d’une insouciance coupable vis-à-vis des pertes civiles françaises.

Il aurait alors cherché à évaluer pour le cas des pertes que nous avons appelées « inévitables » l’ampleur potentielle des pertes militaires alliées dues aux forces allemandes si certaines cibles n’avaient pas été détruites. Ceci aurait pu permettre à l’auteur de poser de manière informée la question : des vies françaises n’ont-elles pas été sacrifiées pour que des soldats britanniques et américains vivent ? Cette question en induit alors une autre : les pertes civiles françaises doivent-elles être considérées comme des « dommages collatéraux » ou comme le résultat de la participation de la population française à la lutte commune contre le nazisme ? Car, c’est de cela dont il s’agit, et le point de vue sur les victimes civiles des bombardements alliés de la Résistance, comme celui des Forces Françaises Libres à Londres, s’explique bien mieux ainsi.

Il aurait enfin resitué ces décisions dans le contexte stratégique de l’époque, mais aussi dans le contexte des représentations des uns et des autres pour permettre au lecteur de comprendre les conditions de l’époque – en évitant tout anachronisme – qui ont influées sur le processus de prise de la décision.

On l’a dit, l’auteur a adopté un point de vue « doloriste ». Ce point de vue a pour résultat que, en dépit d’un appareil critique important, en dépit de la somme d’informations contenues dans cet ouvrage, en dépit du talent de l’auteur, celui-ci manque sa cible et introduit une question fausse, celle de la prétendue « guerre des alliés contre la France » au détriment de questions bien plus justes qui attendent toujours d’être posées.

Notes

[1] Bourque S.A., Au-delà des Plages – La guerre des alliés contre la France, Paris, Passés Composés, 2019, 414 p., traduction de Beyond the Beach: The Allied War Against France, Naval Institute Press 2018.

[2] Idem, p. 208.

[3] Idem, p. 136.

[4] Milward A.S., War, Economy and Society, 1939-1945 (History of the World Economy in the Twentieth Century), University of California Press, 1977.

[5] [5] Bourque S.A., Au-delà des Plages – La guerre des alliés contre la France, op.cit., p. 19 et p. 47.

[6] En particulier p. 26, 144, 146, 219 et 252.

[7] Idem, p. 36

[8] Pardini A.L., The Legendary Norden Bombsight, Schiffer Publishing, 1999.

[9] Black, H., « Major Bomb Sights Used in WW2 by RAF Bomber Command », in RAF Bomber Command Association Newsletter, 2001.

[10] Ou CEP, qui mesure la zone ou 50% des projectiles sont espérés tomber.

[11] Black, H., « Major Bomb Sights Used in WW2 by RAF Bomber Command », op.cit.

[12] Fire Control, « Naval Ordnance and Gunnery, Volume 2, Chapter 23: Aircraft Fire Control », Annapolis, Va., Department of Ordnance and Gunnery, United States Naval Academy, 1958

[13] Unité d’élite, connue depuis le raid fameux contre les barrages de la Moehne et de la Sorpe qui lui valut le nom de « briseurs de barrages » ou « dam busters ».

[14] Gruenhagen, R. W., Mustang: The Story of the P-51 Mustang, New York: Arco Publishing Company, Inc., 1969, p. 61.

[15] Clostermann P., Le Grand Cirque, Paris, Flammarion, 2001 (1948).

[16] Bourque S.A., Au-delà des Plages – La guerre des alliés contre la France, op.cit., pp. 149-174.

[17] Voir en particulier Clostermann P., Le Grand Cirque, op.cit., où l’auteur décrit les missions d’escorte de Hurribomber puis les attaques en semi-piqué effectuées sur les sites « Noball » de V1 alors qu’il servait au Squadron 602 « City of Glasgow ».

[18] Bourque S.A., Au-delà des Plages – La guerre des alliés contre la France, op.cit., p. 237.

[19] Jones R.V., Most Secret War, Londres, Hamish Hamilton Ltd, 1978.

[20] Jones R.V., Most Secret War, op.cit..

[21] Price A., Instruments of Darkness: The History of Electronic Warfare, Los Altos, Peninsula, 1977

[22] Bourque S.A., Au-delà des Plages – La guerre des alliés contre la France, op.cit., p. 93 et p. 330.

[23] Idem, pp. 82-92.

[24] Idem, pp. 195-210.

[25] Idem, p. 325.

Commentaire recommandé

RGT // 30.07.2019 à 08h22

J’ai la certitude que les USA, lors des bombardements de cibles civiles qui n’avaient absolument aucune valeur militaire ni stratégique avaient déjà en tête la préparation du plan Marshall.

S’ils cassaient tout, ils faisaient d’une pierre deux coups : Ils détruisaient l’industrie d’un potentiel concurrent industriel et de plus, cerise sur le gâteau, venaient tout reconstruire (au prix fort pour les populations locales) en faisant tourner à fond leur propre industrie de guerre « recyclée » tout en insistant fortement sur « l’aide à la reconstruction » qu’ils avaient apportée, permettant ainsi de faire avancer leur agenda géopolitique de mainmise sur les pays « libérés ».

Mon défunt grand-père, cheminot et résistant à l’époque, m’avait décrit, écœuré, qu’il il avait été prévenu du bombardement par les « alliés » de la gare de triage de la ville dans laquelle il habitait.
Toute la population avait été se réfugier dans les entrepôts à l’entour.
Le jour du bombardement (il n’y avait plus un seul allemand à 40 km à la ronde), pas une seule « bombinette » n’était tombée sur les voies.
Par contre TOUS les bâtiments à l’entour avaient été rasés faisant des centaines de morts et de blessés.

Quand mon grand-père a rencontré le colonel qui menait la colonne des « libérateurs » (il n’y avait plus rien à libérer) il lui a demandé pourquoi cette erreur sanglante.
Le colonel avait répondu qu’il fallait tout raser sauf les voies qui seraient très utiles pour transporter les troupes et le matériel.
Un massacre pour rien, les « alliés » sachant que les allemands étaient déjà loin.

63 réactions et commentaires

  • LBSSO // 30.07.2019 à 06h37

    Initiative locale : si vous venez chercher la fraîcheur en Bretagne….

    « Les Lorientais entretiennent, depuis 2002, la mémoire des baraques qui ont fait la reconstruction de la ville après la Seconde guerre mondiale. Trois d’entre elles, classées aux Monuments historiques, se visitent à Ploemeur. Une autre est en cours de remontage à Lorient. Un patrimoine muséographique unique en Bretagne est en train de se dessiner. Soutenu par la Ville, mais initié par les passionnés.  »
     » [Ces baraques ] ont relogé 3 500 administrations et 15 000 personnes, dans un Lorient complètement rasé par les bombardements, après-guerre. »
    https://www.letelegramme.fr/bretagne/lorient-ici-revivent-les-baraques-video-28-07-2019-12348833.php

      +8

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  • Max // 30.07.2019 à 07h24

    Cette analyse critique de l’ouvrage montre encore une fois les qualités de réflexion (et de sérieux) de Jacques Sapir que je connaissais dans le domaine économique et géopolitique (Russie). Il faut consulter les notes qui permettent d’appréhender les sources de sa réflexion avec notamment de nombreux ouvrages anglo-saxons.
    Peut-être un rapprochement avec d’autres pays libérés par les alliés aurait-il permis d’élargir la réflexion : Belgique ou Pays-Bas ou encore l’Italie après la chute de Mussolini, avec ici des troupes françaises engagées, et enfin du coté du front russe : la libération de la Pologne.
    Dernier point : le rôle des éditeurs dans le choix des titres et même la rédaction de l’ouvrage. ici le point de vue doloriste générera un débat sur la pertinence des bombardements massifs par les alliés donc amener les feux de l’actualité sur l’ouvrage et augmenter les ventes…

      +14

    Alerter
    • MaisOui // 30.07.2019 à 14h21

      Oui, belle intelligence que celle de Jacques Sapir. Toutefois il ne parle pas des viols perpetués par des soldats américains sur des françaises et le rôle des arguments des agences de recrutement dans ces crimes. Un ouvrage existe sur le sujet : What Soldiers Do de Mary Louise Roberts.
      De ce point de vue – sans doute doloriste – et si le viol est, dans ces circonstances, considéré comme un fait de guerre n’y a t-il pas eu guerre contre la France?
      Pour être de mauvais esprit : Cette question en induit alors une autre : les viols de civiles françaises doivent-ils être considérées comme des « dommages collatéraux » ou comme le résultat de la participation de la population française à la lutte commune contre le nazisme ?

        +13

      Alerter
      • D’Aubrac // 30.07.2019 à 22h36

        Cher jacques Sapir, lisez, ou relisez, le maître-livre d’Eric Branca, « L’Ami Américain » (Perrin, 2017).
        Vous nuancerez sans doute votre assertion concernant l’absence de volonté de nuire de nos co-libérateurs américains.

          +8

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      • Rémi // 01.08.2019 à 16h52

        Sans rentrer dans le détail.
        Mettre des millions d’hommes en états d’abstinence sexuelle au millieu d’une population civile mobilisée peut avoir ce genre de résultats.
        Il y a eu des viols en Angleterre, Il y a eu des viols en France.
        Les autorités militaires américains ont fait condamner des soldats (Plus c’est vrai si il s’agissait de noirs.)
        Donc les chefs militaires américains sans courrir après ont quand même cherchés à réprimer.

        Pour rappel, les troupes francaises en Italie ont aussi eu un beau passif en la matière.
        Surtout qu’ici les chefs militaires n’ont pas cherché à réprimer.

        Enfin là dessus reste les soviétique ou le commandement a utilisé le Viol comme moyen de dissuader les allemands de ne jamais recommencer. Et là on change d’échelle.
        Vous pouvez désormais faire la même distinction.

        Et

          +3

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  • Guadet // 30.07.2019 à 07h48

    Je m’attendais à autre chose avec un titre comme « La guerre des alliés contre la France ». Ayant bien connu des parisiens et des normands qui ont subi les bombardements, je n’ai rien appris d’important ici. J’aurais aimé voir traité la position des décideurs anglo-américains vis-à-vis des Français, à quel point ils les considéraient comme des amis ou des ennemis.

      +12

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    • Pierrot // 30.07.2019 à 10h00

      En effet. JS réfute ici la thèse «doloriste» en s’appuyant sur les preuves que le point de vue contraire est vraisemblable. Mais peut-on conclure de la sorte ?

      Comme le rappelait De Gaulle, les Alliés considéraient la France comme un pays ennemi, se méfiaient de la Résistance et de l’Armée de libération, et visaient plus une occupation du pays que sa libération.

      On ne peut non plus oublier les éléments qui ont accrédité la thèse «doloriste», comme l’aveu de responsables alliés de leur volonté de toucher des civils durant certains bombardements, dans le but de provoquer la terreur ou d’éliminer des populations utiles à l’occupant allemand, entre-autres.

      Dès lors, l’auteur de l’ouvrage a-t-il oublié les éléments rappelés par JS ou part-il juste du principe que la thèse «doloriste» est acquise de son point de vue de spécialiste ? Quand la moitié des bombes tombaient sur des civils, n’était-ce pas l’autre moitié qui ratait sa cible ? L’utilisation de bombardiers apparemment inadaptés était-elle vraiment une erreur ? L’impossibilité de conclure pour la version «doloriste» dans les années suivant la guerre n’a-t-elle pas été exploitée pour assurer la paix et construire le bloc de l’Ouest autour du mythe (surfait) des Alliés anglo-saxons libérateurs ? Les thèses historiques au XXIème siècle ne sont-elles pas plus pertinentes que l’actualité emprunte de propagande des années 40 ? …

      Le point de vue «doloriste» ne peut distinguer avec exactitude les cibles effectives des victimes collatérales. Mais pour autant, fallait-il totalement le réfuter ?

        +9

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      • Rémi // 01.08.2019 à 16h56

        Après la guerre, au Vietnam quelques années plus tard donc, les américains ont bombardé un pont avec plusieurs centaines de Bombes sans en mettre une au but.
        Votre argument serait recevable si vous donniez un moyen de trouver un bombardier adapté pour faire les bombardement.
        Ce que dit J.Sapir est qu’il n’y en avais pas, et effectivement le problème n’a été résolu qu’au Vietnam.
        La seule alternative des alliés a longtemps été: Débarquer faible et se faire écraser (Dieppe) ou bombarder malgré tous les inconvénients.
        Ils ont choisit de bombarder.

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        • BEYER Michel // 01.08.2019 à 17h34

          Oui…ils ont choisi de bombarder sans être certains de toucher au but.
          2 exemples:1) nous habitions près d’une usine fabriquant des roulements à bille, indispensables pour l’armée allemande. L’usine est restée intacte. Par contre quelques maisons aux alentours ont été détruites.
          2) un pont de chemin de fer a été bombardé plusieurs fois, ce pont est toujours intact sans aucune égratignure.
          Lors du bombardement du 9 juin 1944, c’est un vieux quartier moyenâgeux qui a été détruit. Pouvaient-ils faire mieux?
          Le raid du 9 juin 1944 n’a créé aucun dommage majeur à l’armée allemande. Par contre la population…..!!!!
          J’ai du mal à penser qu’ils ne s’en doutaient pas…

            +2

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    • UnKnown // 30.07.2019 à 11h34

      Avant la bataille de Normandie, les Américains n’ont à proprement parlé aucune confiance dans les capacités de la Résistance, à l’inverse des Britanniques, qui eux ont contribué à son équipement et à sa formation.
      De même les Alliés voient d’un très mauvais oeil « la clique » qui tourne autour de De Gaulle (notables et fonctionnaires ayant rejoint le Royaume Uni), sans parler des sauts d’orgueil (parfois il faut le reconnaître pas très rationnels ou diplomates) du Général.
      Par contre, Ike et d’autres généraux US reconnaîtront eux même que les actions de sabotage de la Résistance pendant la phase du débarquement ont énormément contribué à raccourcir la durée de la bataille. Un exemple: la division SS Das Reich, en cours de regroupement dans le Sud de la France en Juin 44, aurait du rejoindre le front Normand en 4 jours (avec moyens dédiés, trains, camions, chars, etc…). Il lui faudra plus de 15 jours pour finalement atteindre la Normandie, constamment harcelée par les saboteurs.

        +10

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    • Pierre Bacara // 01.08.2019 à 04h58

      « […] J’aurais aimé voir traité la position des décideurs anglo-américains vis-à-vis des Français, à quel point ils les considéraient comme des amis ou des ennemis ».

      En 1944, les décideurs politiques américains – ceux dont les décisions comptent – ne voient la France ni comme une amie, ni comme une ennemie, mais comme un élement insécable de l’ensemble Allemagne-France-Benelux-Italie (l’Espagne ne compte pas – pas assez puissante sauf Catalogne ; quant à l’empire britannique – Royaume-Uni compris – il constitue un ensemble strictement distinct de l’Europe de l’Ouest).

      Les décideurs politiques britanniques voient moins l’angle économique (ressources à importer ou marchés à l’exportation) que celui de la pérennité des routes commmerciales planétaires (Gibraltar, Suez, Singapour…), d’où le conflit anglo-américain tranché par Staline à Téhéran. A la « micro » échelle européenne, les Britanniques perçoivent la France comme un contrepoids à préserver face aux calculs état-uniens en Europe, mais comme un risque pour le cas où la France y retrouverait une prépondérance.

      Quant aux décideurs militaires, les américains sont plus proches des Français puisque nombre d’entre eux ont combattu côte à côte avec eux pendant la Grande guerre et en ont conçu pour eux affection et respect – la Fance leur a enseigné à faire la guerre – d’où le traumatisme des généraux états-uniens à la défaite française de 1940. Les Britanniques ont beaucoup de points communs avec les Américains, la fierté en plus car n’ont pas attendu la France pour apprendre à se battre en Europe.

        +2

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  • RGT // 30.07.2019 à 08h22

    J’ai la certitude que les USA, lors des bombardements de cibles civiles qui n’avaient absolument aucune valeur militaire ni stratégique avaient déjà en tête la préparation du plan Marshall.

    S’ils cassaient tout, ils faisaient d’une pierre deux coups : Ils détruisaient l’industrie d’un potentiel concurrent industriel et de plus, cerise sur le gâteau, venaient tout reconstruire (au prix fort pour les populations locales) en faisant tourner à fond leur propre industrie de guerre « recyclée » tout en insistant fortement sur « l’aide à la reconstruction » qu’ils avaient apportée, permettant ainsi de faire avancer leur agenda géopolitique de mainmise sur les pays « libérés ».

    Mon défunt grand-père, cheminot et résistant à l’époque, m’avait décrit, écœuré, qu’il il avait été prévenu du bombardement par les « alliés » de la gare de triage de la ville dans laquelle il habitait.
    Toute la population avait été se réfugier dans les entrepôts à l’entour.
    Le jour du bombardement (il n’y avait plus un seul allemand à 40 km à la ronde), pas une seule « bombinette » n’était tombée sur les voies.
    Par contre TOUS les bâtiments à l’entour avaient été rasés faisant des centaines de morts et de blessés.

    Quand mon grand-père a rencontré le colonel qui menait la colonne des « libérateurs » (il n’y avait plus rien à libérer) il lui a demandé pourquoi cette erreur sanglante.
    Le colonel avait répondu qu’il fallait tout raser sauf les voies qui seraient très utiles pour transporter les troupes et le matériel.
    Un massacre pour rien, les « alliés » sachant que les allemands étaient déjà loin.

      +53

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    • Fritz // 30.07.2019 à 11h07

      Bombardement de la gare de triage de Juvisy, 18 avril 1944 : 125 morts (mais les voies ont été détruites).
      Bombardement du triage de La Chapelle, au nord de Paris (nuit du 20 au 21 avril 1944) : 670 morts.
      Bombardement du quartier de la gare à Lille, 10 avril 1944 : 450 morts, 620 blessés, 5502 maisons détruites ou endommagées, 2124 wagons détruits. « Les Lillois, amers, hagards parmi les ruines, lèvent le poing vers le ciel. On entend ici et là : – Salauds ! Salauds ! »

      Source : Eddy Florentin, Quand les Alliés bombardaient la France, Perrin, 1997, pp. 287-289, 296, 281-283.

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    • Pierre Bacara // 01.08.2019 à 03h50

      « […] Les USA, lors des bombardements de cibles civiles [en France] qui n’avaient absolument aucune valeur militaire ni stratégique avaient déjà en tête la préparation du plan Marshall ».

      En France à l’été 1944, l’USAAF cible essentiellement des objectifs tactiques et non stratégiques.

      A ce sujet, les voies de chemin de fer détruites peuvent certes être reconstruites en 24 heures par les Allemands, mais chaque voie détruite fait perdre 24 heures à la logistique et aux renforts nazis qui emprunteront cette voie. La Wehrmacht souffre terriblement du cumul de ces ralentissements ponctuels.

      De même pour les agglomérations bombardées et détruites au prix d’un terrible cortège de sang civil : il faut chaque fois 24 heures aux Allemands pour déblayer la grand-rue, avec un résultat récurrent : 24 heures +24 heures +…

      Les raids tactiques des bombardiers moyens américains coûteront très cher aux Normands, mais la facture libellée en retards que ces raids infligeront aux Allemands sera salée.

        +3

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    • Pierre Bacara // 01.08.2019 à 04h06

      « S’ils [les USA] cassaient tout, ils […] Ils détruisaient l’industrie d’un potentiel concurrent industriel ».

      Là, il ne s’agit plus de tactique mais de stratégie. En termes de stratégie, celle de Roosevelt et des ses nombreux experts (compétents à l’époque) est arrêtée depuis le début de 1942 : conquérir l’Europe de l’Ouest pour y imposer la dominiation géopolitique américaine ; non pour des raisons idéologiques (brandir le néo-conservatisme serait un anachronisme), mais pour des raison macroéconomiques. Roosevelt (et ses experts) souhaitent en effet imposer à l’Europe de l’OUEST (nommément la France, le Benelux, l’Allemagne et l’Italie) un modèle économique libéral qu’il estime nécessaire à une prospérité économique indispensable pour transformer cette Europe-là en marché d’exportation efficace pour l’industrie états-unienne, devenue la première du monde un demi-siècle plus tôt.

      Dans cette perspective macro-économique, la destruction d’une partie des ressources industrielles et infratsructurelles françaises est donc CONTRE-PRODUCTIVE. Factuellement, la CAUSE de cette destruction se restreint à la résultante de calculs tactiques rendus nécessaires par la contribution américaine stratégique à l’élimination l’Allemagne comme puissance dominante exclusive en Europe occidentale.

        +2

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  • BEYER Michel // 30.07.2019 à 08h40

    Doloriste ou pas doloriste, je n’en sais rien….Je vous parle du vécu!
    6 juin 1944, débarquement sur les plages normandes.
    9 juin 1944, bombardement de Fougères (Ille et Vilaine), 243 morts inutiles. 48 heures avant ce bombardement, nous avons reçu des tracts nous enjoignant de quitter la ville. Une ville de 22000 habitants….pour aller ou svp? Quelques habitants ont quand même réussi à être accueillis dans les fermes environnantes.
    Merci messieurs les Alliés….

      +23

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    • L’affreux // 03.08.2019 à 12h52

      Vire 6 juin 44 à 20h00 : Les habitants sont bombardés à l’heure du dîner, les tracts avertissants du bombardement sont tombés….15 Km plus loin en pleine forêt…
      500 morts. Pour? 30 vieux soldats de la kommandantur (épargnée), et un vieux panzer III épargné lui aussi…
      Marrant le sapir avec sa « vision doloriste »….
      Et on ne parle pas du Havre (5000 civils brûlés dans leurs abris par les bombes au phosphore), de Brest, de Hambourg, de Dresde et de tant d’autres villes….
      [modéré]

        +1

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  • Politzer // 30.07.2019 à 08h51

    Pourquoi Sapir ne cite pas le livre de robert Lilly interdit aux usa : la face cachee des Gi qui etablit à 54000 le total ded pertes civiles + 15000 viols de Franćaises !
    Bravo les « liberateurs ». Je ne parle evidemment pas des hèros tombés à Omaha beach!

      +15

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    • jmk011 // 30.07.2019 à 13h13

      Pourquoi deux poids et deux mesures ? Certains des « héros » non tombés à Omaha Beach ont très bien pu commettre des viols par la suite, et de l’autre côté les « héros » soviétiques ont très bien pu le faire en Allemagne. Sauf que là ils avaient « l’excuse » de violer des Allemandes, donc ennemies par définition.

        +7

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  • Belenos // 30.07.2019 à 09h03

    Il y a aussi un article de Ron Unz sur le saker « La Pravda américaine. Après-guerre française, après-guerre allemande » où il est question de vieux livres publiés peu de temps après 1945, mais vite enterrés, au sujet de l’après-guerre française, mais aussi de l’après-guerre allemande, où beaucoup de choses sont mises sous le tapis aujourd’hui (et dont l’évocation peut même déclencher des poursuites judiciaires en Allemagne).

      +9

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  • fox23 // 30.07.2019 à 09h19

    La précision du bombardement reste un sujet de débat important. mais comment comprendre certains faits ?

    Cologne écrasée par les bombes – 90% de la vieille ville et 70% de l’agglomération en ruines – et les usines Ford, dans la même agglomération, si peu atteintes qu’elles produiront du matériel pour le Reich jusqu’à la fin de la guerre et le 1er camion Mercedes 3 tonnes d’après guerre sortira des usines… le 8 mai 1945 !
    Les usines de General Electric épargnées alors que celles de Siemens produisant la même électricité étaient détruite.(Siemens avait refusé le rachat par GE entre les 2 guerres)

    Pendant ce temps, Ford Poissy (futur Simca) était détruite dès 1941 alors que sa production était confidentielle en rapport de celle de Cologne.
    Qu’en déduire ?

      +22

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    • Kokoba // 30.07.2019 à 11h05

      Détruire une usine par bombardement durant la 2ème guerre mondiale était en réalité quasiment impossible.
      Les alliés ont monté des grands raids sur le Reich régulièrement dans ce but mais le résultat était souvent très mitigé.

      Outre la précision du bombardement toute relative (confert ce que dit Sapir), pour détruire réellement une usine, il faut détruire les machines-outils et pour çà, il faut un coup au but vraiment très chanceux.
      Le reste peut être reconstruit rapidement.

      De plus, les Allemands ne sont pas stupides. Ils se sont rapidement organisés contre les bombardements et ont enterrés leurs usines.
      Au bout du compte, il suffit de savoir que la production Allemande était à son top en 44 malgré la maitrise du ciel par les alliés pour comprendre la limite des bombardements stratégiques contre la production.

      La destruction totale des villes (et des civils) par bombardement incendiaire était par contre beaucoup plus efficace.

        +5

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      • Fritz // 30.07.2019 à 11h13

        Pour cette dernière, le livre qui s’impose est celui de Jörg Friedrich, L’Incendie, traduit en français (édition De Fallois, 2004). Ouvrage excellent, sans aucun commentaire doloriste. Les faits, les explications, sans excuser les uns, sans plaindre les autres, et sans juger personne.

          +5

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      • Sandrine // 30.07.2019 à 17h30

        Donc selon vous, le fait que les « usines de General Electric épargnées alors que celles de Siemens produisant la même électricité étaient détruite » est un pur produit du hasard?
        L’enjeu de cette question est de taille, car comme vous le savez certainement, à partir de ces faits (combinés à d’autres), certains ont construit toute une argumentation visant à démontrer que le grand capital US a été complice des Nazis jusqu’à la fin de la guerre.

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      • l’affreux // 03.08.2019 à 13h01

        Faux, faux et encore plus faux. Le Blitz de 1940 était extrêmement efficace. D’aucuns pensent que la poursuite des bombardements de bases aériennes et d’usines pouvaient mettre la Grande Bretagne à genoux en fin 40, début 41. La bataille d’Angleterre s’est déroulée après un changement de tactique allemande.
        De plus, les bombardements de voies de ravitaillement causaient d’abord et avant tout la famine chez les populations ciblées, ce qui explique en grande partie l’aspect squelettique des prisonniers libérés en 45, qui ne pouvaient plus être ravitaillés. Les mêmes photos se constatent chez les civils.
        De plus, une machine-outil fonctionne avec une source d’énergie et est un peu plus grosse qu’une machine à coudre.
        Un marteau-pilon de 45 tonnes pour blindage, ça ne fait pas une petite pièce…

          +1

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  • Max // 30.07.2019 à 09h28

    A voir aussi, la capacité des alliés et surtout des États-Unis à endurer les pertes civiles et militaires. Le bilan humain parle : moins de 500 000 morts pour le Royaume-Uni comme pour les États-Unis. Moins que la France : 567 000 morts.
    Une bonne partie de la population des États-Unis ne voulait pas de la guerre. D’où cette volonté d’utiliser cette supériorité aérienne écrasante pour préparer l’avancée des troupes, le commandement américain savait que leur combativité restait assez limitée.
    D’où aussi le recours aux alliés (français et polonais) sur le front italien (ligne Gustav) pour percer le verrou. D’où encore le largage de la bombe nucléaire au Japon, l’état -major américain anticipant un million de morts pour sa conquête ce qui était inacceptable. D’où enfin le retard dans l’ouverture d’un second front à l’ouest malgré les demandes réitérées de Staline, l’URSS a fourni pendant 3 ans l’essentiel de l’effort de guerre avec 20 millions de morts à la clé.

      +15

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    • Duracuir // 30.07.2019 à 13h40

      Ce n’est pas le million de morts prévisionnel qui a déclenché la bombe. ça, c’est ce que veut nous faire croire Hollywood depuis 45. Truman a balancé la bombe pour montrer sa puissance en direct live aux Sovietiques qui n’allaient pas tarder à déferler sur la Mandcourie conformément à leur promesse d’entrer en guerre contre le Japon trois mois après la victoire contre les nazi.
      On peut pipoter autant qu’on le veut, mais les dates, ça tue.
      Récapitulons.
      Tous les généraux et amiraux US attendent l’entrée en guerre de l’URSS contre le Japon le 8 aout.Ils sont certains que cette ruée soviétique va terrifier le Japon qui préfèrera capituler face aux US que risquer une occupation communiste. A aucun moment, il ne s’attendent à perdre un million d’hommes dans l’invasion pas plus qu’ils ne s’attendent à faire le job tout seul. Ils ont vu le rouleau compresseur Russe à l’oeuvre à l’ouest contre la formidable armèe Allemande, ils savent que la vétuste armée japonnaise de tiendra pas deux minutes.
      Et hop, 6 aout, deux jours avant l’entrée en piste des soviets, bon, Hiroshima. Tokyo ne bronche pas. Le 8 les Russes attaquent, emportant tout sur leur passage. Et hop, le 9, re-bombe atomique. Tokyo ne bronche toujours pas. C’est le 15 seulement que le Japon capitule. Et le 15, l’URSS a détruit tout le dispositif de défense Japonnais, et commence à envahir les îles du nord du Japon sans résistance. Là, Tokyo capitule.

        +19

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      • Fritz // 30.07.2019 à 17h13

        Votre mise au point est d’autant plus juste que le million de soldats américains morts s’ils devaient débarquer au Japon semble être un mythe inventé après coup pour justifier l’usage de la Bombe A contre Hiroshima et Nagasaki. Les prévisions tablaient sur 50 000 morts environ, si ma mémoire est bonne (je l’ai lu dans le volume édité par Autrement sur Hiroshima, paru en 1995, mais je n’ai pas sous la main la référence précise).

        Quant à l’entrée en guerre de l’URSS contre le Japon, Sapir a écrit un livre sur la campagne décisive de Mandchourie :
        https://www.decitre.fr/livres/la-mandchourie-oubliee-9782268022949.html

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    • RGT // 30.07.2019 à 18h53

      Vous oubliez un facteur important : Pour les « élites » et les hauts gradés US les troufions ne sont que de la chair à canon sacrifiable à loisir.
      Les exemples ne manquent d’ailleurs pas, le Vietnam étant le summum de cette « tradition ».

      Et il en va de même pour toutes les nations du monde d’ailleurs.

      Ensuite on s’étonne qu’il faille abuser de propagande intrusive et sournoise pour forcer les futures victimes à aller au casse-pipes pour la plus grande joie de leurs « dirigeants ».

      De plus, vu la proximité des élites US avec les élites allemandes à l’époque, sans compter les profits engrangés par la fourniture d’armement ou de matières premières aux DEUX CAMPS les USA n’avaient pas du tout intérêt à entrer en guerre.

      S’ils s’étaient alliés à l’Allemagne, les anglo-saxons n’auraient pas du tout apprécié,

      Et s’ils s’étaient alliés à l’Angleterre (la France comptant pour du beurre) ils se mettaient à dos Rockfeller, Ford, General Morors, General Electric (tiens, ils sévissaient déjà) et tous les autres grands admirateurs d’un régime qui permettait de faire bosser légalement jusqu’à la mort une meute de « gueux » sans bourse délier.
      C’était sans doute le plus grand frein à l’entrée en guerre des USA.
      Ils avaient déjà suffisamment à faire avec les japonais.

      Ils ont juste attendu que la victoire de l’URSS soit irrémédiable pour se « bouger le cul » afin de tenter de « sauver les fesses » de leurs « amis » allemands.

        +3

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  • Myrkur34 // 30.07.2019 à 10h03

    Sur la chaîne Histoire, chaque jour de la bataille de Normandie en 3 mn d’images d’archives avec un commentaire écrit où l’on voit que pour faire sauter certains verrous de la défense allemande, les alliés font intervenir les bombardiers en mode tapis de bombes ou inventent des Shermans avec des poutrelles d’aciers aiguisés, soudés sur le bas de caisse pour enfin franchir le bocage normand.

      +1

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    • Duracuir // 30.07.2019 à 15h26

      N’oubliez pas que Ike devait envahir la France contre une des meilleures armées de l’Histoire et ses troupes aguerries . Et pour faire ça, il disposait d’une armée de bleusaille. Vous faites quoi quand vous êtes un général en chef d’une armée de gamins , de sous-officiers et d’officiers sans expérience ? Vous ne compensez pas par un déluge techno ? Qui compte le plus ? Vos hommes ou les restes du monde?

        +1

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      • septique // 30.07.2019 à 15h55

        Les troupes aguerries à l’ouest ? Sûrement pas. Il a fallu l’arrivée de la division SS Das Reich, remonté péniblement du sud de la France pour changer un peu les choses.

          +1

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        • RGT // 30.07.2019 à 18h37

          Les troupes allemandes qui restaient en France après 1942, hormis les SS (et encore, pas tous) étaient composée de tous les éclopés du front russe qui étaient incapables (et ne voulaient plus) se battre.
          Les seuls véritables ennemis des nazis étaient bel et bien les russes qui avaient vraiment de très bons motifs de leur « péter la gueule ».

          C’est bien pour ça que les nazis avaient renvoyé à l’arrière TOUS les soldats écœurés et en majorité dépressifs car ils savaient qu’ils n’avaient rien à craindre à l’ouest.

          C’est d’ailleurs pour ça que mon grand-père a réussi à capturer tout seul alors qu’il se baladait en forêt et avec son seul fusil de chasse déchargé un groupe de soldats allemands en pleine débandade.
          Ces derniers préférant de loin un camp de prisonniers dans lequel ils seraient nourris et soignés (ils en avaient réellement besoin) plutôt que de prendre le risque de se retrouver renvoyés face à l’Armée rouge pour servir de chair à canon.

          Le plus difficile pour lui a été de les protéger des « résistants » qui quelques jours auparavant leur apportaient des croissants au petit déjeuner.

          Et il a fallu que les VRAIS résistants les protègent en attendant que ces soldats puissent être emmenés dans un vrai camp de prisonniers. Ce qui a le plus écœuré mon grand-père, c’est à la fois la jeunesse de ces soldats dont certains n’étaient pas encore sortis de l’adolescence, et surtout la faculté de retournement de veste de la majorité de la population. Les nazis avaient raison de ne pas se soucier de l’ouest, les français n’étaient pas très motivés pour les foutre dehors.

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          • Garibaldi2 // 31.07.2019 à 02h58

            La bleusaille et les éclopés ont plutôt bien résisté ! Il a fallu raser certaines villes pour les  »libérer » !

              +3

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  • Fritz // 30.07.2019 à 11h35

    Article substantiel de M. Sapir. J’ajouterai deux titres à sa bibliographie : l’ouvrage pionnier d’Eddy Florentin, Quand les alliés bombardaient la France (Perrin, 1997, 470 p.), et celui d’Andrew Knapp, Les Français sous les bombes alliées (Tallandier, 2017, 630 p.).
    Voici deux phrases tirées de la conclusion de M. Knapp : « Oublier l’énorme tribut payé par les citoyens des territoires occupés, dont la France, pour leur propre libération revient à lisser les complexités de la Seconde Guerre mondiale pour en faire une histoire simplifiée du bien contre le mal. L’acceptation des attaques aériennes par ceux qui y ont survécu, l’assistance que certains ont offerte aux aviateurs qui les bombardaient parfois quelques minutes plus tôt, méritent notre respect ».

    Accepter, mais sans dire merci. La dignité des Havrais envers les Alliés doit être soulignée :
    « Nous vous attendions dans la joie, nous vous accueillons dans le deuil » (éditorial du Havre-matin, 13 septembre 1944)
    « Si un mot vient aux lèvres, c’est « Enfin » et non « Merci » » (Paris-Normandie, 1984)
    Selon Knapp, aucune rue du Havre ne porte le nom d’un chef allié : « l’idée même semble incongrue » (p. 500).

    Quant au titre du livre de M. Bourque, La guerre des Alliés contre la France, il ouvre des perspectives…

      +17

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  • René Fabri // 30.07.2019 à 11h57

    Merci pour la critique de ce livre qui me donne envie de le lire, car les grands médias parlent très peu des nombreuses victimes françaises par les bombardements des alliés. Même sur place, j’ai vu des plaques et des photos rappelant qu’il y a eu des victimes et des destructions, mais étrangement sans préciser par qui.

    En Normandie, la ville de Bayeux a été épargnée, peut-être grâce à sa fameuse tapisserie si importante pour l’Histoire de l’Angleterre.

    Par contre, les autres villes ont payé un lourd tribut. J’ai noté les chiffres publiés dans quelques articles parus cette année. Le bombardement sur Lisieux fait 1100 victimes la nuit du 6 au 7 juin 1944 et brûle une bonne partie de « la capitale du bois sculpté ». La ville de L’Aigle subit d’importants dommages le 7 juin 1944. Vimoutiers compte 220 victimes et 80% de bâtiments détruits le 14 juin 1944. Pour la ville de Falaise, ce sont 184 victimes et 380 habitations entre le 7 et le 15 aout 1944. Caen est détruite presque entièrement. Les rescapés doivent fuir la ville, mais un certain nombre d’entre eux sont tués dans les petites villes où ils avaient trouvé refuge. Etc.

      +9

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    • weilan // 30.07.2019 à 13h49

      La fameuse tapisserie de Bayeux avait quitté la ville dès juin 1941 et, après moult pérégrinations, se retrouvait au Louvre en 1944.

        +5

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    • LBSSO // 30.07.2019 à 21h08

      « Le Vol de la tapisserie de Bayeux », Jean-Charles Stasi, éditions Tallandier, 2018.

        +3

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  • joe billy // 30.07.2019 à 12h48

    Mon grand-père a déclaré le matin du 6 juin 1944 en voyant le débarquement démarrer de sa fenêtre que c’était le plus jour de sa vie. Très horriblement le soir du même jour, sous les bombes US, deux de ses enfants étaient devenus aveugle, un troisième été défiguré et la cadette morte. Le massacre avait était tel (ici à Caen) que les troupes US n’ont pas osé débarquer en premier.

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    • joe billy // 30.07.2019 à 20h37

      « ;.. le plus BEAU jour de sa vie… » (bel acte manqué)

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  • Duracuir // 30.07.2019 à 13h25

    Je ne sais plus quel génocidaire Yankee du XIXe siècle disait que le « seul bon indien était un indien mort », mais je crois que depuis 80 ans, on peut sans aucune restriction affirmé que les seuls bon morts, ou morts justes sont ceux des bombes US.
    Morts US à Mossoul bieeeeeen
    morts Russes à Alep maaaaaal
    Morts US à Kaboul 2005, Bieeeeen
    Morts Russes à Kaboul 1985 Maaaaal
    Morts US à Dresde ou Hambourg en 44 bieeeeeen
    Morts Russes à Berlin en 45 maaaaaal
    Morts US en Irak en 91 et 2003 bieeeeen
    Morts Iran en Irak en 87 maaaaal
    Morts US en Krajina en 95? bieeeeeen
    Morts Serbie en Krajina en 95 maaaaaal
    Qu’est ce qu’il doit se marrer(jaune) dans sa tombe Orwell.

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  • jmk011 // 30.07.2019 à 13h33

    Je ne vois pas très bien où J. Sapir (dont je reconnais et admire par ailleurs la qualité de ses articles économiques) veut en venir en distinguant des bombardements « positifs » qui n’auraient que des objectifs militaires allemands et des bombardements « négatifs » qui auraient eu pour seul objectif de détruire n’importe quoi et n’importe qui même s’ils atteignaient surtout des civils innocents.
    Je rappelle simplement que les USA, entrés de force dans la guerre après Pearl Harbour, et d’abord contre les Japonais, ne se sont jamais privés de massacrer des innocents, même amis. Un intervenant a même pu écrire que les bombardements visaient surtout des objectifs industriels qui auraient pu par la suite faire concurrence à leurs usines, et je partage assez ce point de vue.
    Quant aux British, n’oublions pas qu’ils ont été nos ennemis depuis Philippe Auguste jusqu’ à la 1e GM. Je ne pense pas qu’ils aient éprouvé le moindre remords en allant bombarder des civils français.
    Je rappelle enfin que De Gaulle président de la République n’a jamais voulu participer aux événements anniversaires du débarquement, car il savait ce que nos « alliés »avaient réellement fait.

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    • Jean // 30.07.2019 à 14h26

      On peut même se demander si la véritable motivation de l’entrée en guerre des USA n’a pas été d’empécher que l’Europe ne soit libérée par l’URSS. Pour l’oligarchie au pouvoir le faschisme était de loin préférable au communisme. Je ne doute pas que l’oligarchie d’aujourd’hui referait le même choix. Que vaut notre liberté face à la conservation de leurs privilèges ?

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      • Serge WASTERLAIN // 30.07.2019 à 19h42

        La contre-attaque soviétique contre l’armée centre allemande à Moscou démarre le 5 décembre 1941, deux jours avant Pearl-Harbor, on peut difficilement imaginer la victoire de l’URSS le 7 décembre qui n’avait connu jusque-là que des défaites. De plus, c’est l’Allemagne et l’Italie qui déclarent la guerre aux USA le 11 décembre et non l’inverse.

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    • septique // 30.07.2019 à 14h41

      Quant aux British, n’oublions pas qu’ils ont été nos ennemis depuis Philippe Auguste jusqu’ à la 1e GM….

      L’entente cordiale vous connaissez ?

      Les bombardements visaient surtout des objectifs industriels…ces établissements industriels participaient à l’effort de guerre allemand (les industriels français qui ont fermé leurs usines et caché leurs machines sont l’exception…).

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      • jmk011 // 30.07.2019 à 15h53

        Et 60.000 civils tués, ce sont aussi des objectifs industriels ??
        Quant à l’entente cordiale, elle date du début du 20e siècle, et cela n’a pas empêché quelques accrochages militaires en Afrique pour des raisons très peu cordiales !!

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        • Fritz // 30.07.2019 à 17h23

          @septique a raison. L’entente cordiale (1904) a été conclue après l’incident de Fachoda (1898). Et les bombardements alliés sur la France ciblaient notamment les usines travaillant pour le Reich… Cela dit, le bombardement par les Anglais des usines Renault de Billancourt, dans la nuit du 3 mars 1942, a tué au moins 391 civils français, dont des enfants, répartis sur onze communes. 46 morts pour la seule ville du Pecq.

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          • NulH // 30.07.2019 à 18h13

            OK, SVP sources, je découvre, connaissant bien les lieux…

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            • Fritz // 30.07.2019 à 18h34

              Eddy Florentin, Quand les Alliés bombardaient la France, Perrin, 1997, p. 51 (391 morts).
              François Boulet, Histoire des Yvelines, Les Presses Franciliennes, 2011, p. 89 et note 207 (465 morts ; au Pecq, six familles habitant rue de la Terrasse, n° 2, ont été particulièrement meurtries).

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            • LBSSO // 30.07.2019 à 21h48

              Pour compléter les ouvrages de référence cités par @Fritz (je ne connaissais pas le second,Oh T……… 😉 ) , une approche plus hétérodoxe de Gérard Durand qui soutient que la véritable cible était l’état-major allemand installé à Saint-Germain et plus précisément le quartier général du Maréchal Witzleben, commandant en chef du front ouest.

               » 3 mars 1942, Le Pecq bombardé par erreur ?  »
              http://www.leparisien.fr/yvelines-78/le-pecq-78230/le-pecq-le-bombardement-du-3-mars-1942-garde-sa-part-de-mystere-02-03-2017-6727290.php

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  • Louis Robert // 30.07.2019 à 13h49

    Guerre « contre la France »… Mais alors guerre contre qui, exactement?

    De là deux questions disons…douloureuses, mais qui doivent néanmoins être posées:

    1. Durant cette guerre, la France était-elle une alliée ou une ennemie des alliés? Sous-question: les alliés la percevaient-ils comme ennemie ou comme alliée?

    Il y a là-dessus à tout le moins, disons… une ambiguïté qui, je crois, peut expliquer bien des choses sur la conduite de cette guerre en France, y compris sur les bombardements dont il est ici question.

    Je crois me rappeler en outre que les communistes, c’est ainsi qu’on doit les appeler avec fierté, ont joué un rôle non-négligeable, pour ne pas dire primordial dans la Résistance française à cette Peste Brune, à savoir aux Allemands de l’Allemagne nazie…

    2. Cette Résistance communiste française était-elle un ennemi ou un allié des alliés? Surtout, était-elle perçue par les alliés comme ennemi ou comme allié?

    Encore une fois, Guerre « contre la France»… Mais alors guerre contre qui, exactement? Et surtout, à quelles fins dans l’optique de l’après-guerre imminente?

    ____________

    P.S. il fut un temps où ces questions furent âprement débattues. Le résistant René Char et le général de Gaulle avaient du reste des opinions pour le moins divergentes et très arrêtées là-dessus, si mes souvenirs me sont fidèles…

      +5

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  • Vincent P. // 30.07.2019 à 14h34

    Il faut lire l’excellent Antony Beevor sur le sujet : « D-Day et la bataille de Normandie ».
    Né à Caen, je connais bien les résultats de leurs bombes !
    La vérité c’est que les Français en 1944 n’ont pas été traités différemment des Irakiens ou des Afghans par les Yankees, c’est à dire avec tapis de bombes, arrogance, mépris et la stupidité exceptionnaliste-intégriste qui les définit.
    Si 60 000 pertes civiles Fr. me semble un bien optimiste bilan, je rappelle que nos « chers libérateurs » n’ont perdu que 184 000 hommes sur l’intégralité du front Ouest, cad en Europe.
    Le reste de leurs moins de 500000 hommes perdus en tout, c’est la bataille du Pacifique.
    Je rappelle aussi que les premières vagues d’assaillants en 44 étaient garnies de nombreux repris de justice : les viols et exactions de toutes sortes furent nombreux !
    A Montebourg (50), la ville fut rasée par des obus de marine (!!) :
    les alliés avaient décidé de dégommer de cette manière le clocher de l’église, et ça leur a pris quelques obus avant de faire mouche !!
    Les USA n’ont simplement jamais su faire la guerre !!
    Toute la propagande atlantiste ne suffira pas à effacer la réalité de la décadence intrinsèque à cet infâme empire, dont nos dirigeants préfèrent être le vassal soumis et aliéné.
    Ça, c’est douloureux !

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    • Garibaldi2 // 31.07.2019 à 03h10

      Les USA n’ont certainement pas perdu 500.000 hommes dans le Pacifique, ni même pendant toute la seconde guerre mondiale, leurs pertes totale de soldats sont de 392.000 pour toute la guerre, les pertes de civils étant quant à elles extrêmement faibles.

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  • serge // 30.07.2019 à 15h36

    Que je sache, avec les mêmes protagonistes augmentés de nous-mêmes, le tapis de bombes est quand même toujours la règle. Juste à voir l’Irak, la Syrie, la Serbie, la Libye, le Yemen… Quand on veut réduire la présence au sol donc de linceuls potentiels, voire préparer une « reconstruction » à sens unique, il n’y a pas trop d’alternatives, hors nucléaire. Mais c’est vrai, qu’entretemps, on a inventé le concept de frappe chirurgicale. Lol…

      +7

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  • Jules // 31.07.2019 à 09h03

    Il serait également intéressant de reprendre les ecrit de Howard ZINN lieutenant de bombardier lors de la dernière guerre mondiale.

      +6

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  • Albert-Nord // 31.07.2019 à 21h28

    « Bombardements inutiles en Normandie en 1944: le cas des ‘road-blocks’ », Yves Loir, historien
    https://brunoadrie.wordpress.com/2019/07/02/bombardements-inutiles-en-normandie-en-1944-le-cas-des-road-blocks-par-yves-loir/
    « À propos d’une commémoration : le 6 juin 2019 en Normandie »,, Yves Loir
    http://www.librairie-tropiques.fr/2019/06/a-propos-d-une-commemoration-le-6-juin-2019-en-normandie-par-yves-loir-historien-normand.html

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    • Fritz // 31.07.2019 à 21h56

      Merci pour ces textes lumineux. Je ne connaissais pas l’historien Yves Loir.

        +3

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      • Albert-Nord // 01.08.2019 à 21h03

        A vot’e service ! C’est gratuit et c’est bon !

          +0

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    • Myrkur34 // 01.08.2019 à 23h03

      Montgomery aurait pu avoir un rôle dans les sentiers de la gloire tellement il a été mauvais en tant que tacticien. Et cela ne s’arrangera pas avec le fiasco de Market Garden.

        +2

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  • xc // 01.08.2019 à 19h15

    On peut voir dans certains documentaires un bombardier larguer une bombe factice au beau milieu d’une cible dessinée au sol. Mais dans un désert US, avec un beau soleil, sans la chasse et la DCA ennemies, avec un équipage n’ayant pas décollé depuis des heures.

    Je sais bien qu’il y a eu des bombardements à l’utilité stratégique, disons, discutable, ou exécutés d’une façon que l’on peut juger maladroite.
    Mais je suis moi-même originaire d’une petite ville qui a subi les dommages collatéraux d’un bombardement US (plusieurs dizaines de civils tués, et gros dégâts matériels). Je suis né des années après, on m’a raconté et j’ai vu des photos. Une seconde vague de bombardiers aurait, selon l’explication la plus souvent formulée, été gênée par la fumée des incendies générés par la frappe de la première. La cible, une raffinerie de pétrole, était incontestablement stratégique. Je pense que les gens l’avaient bien compris car, tout remués qu’ils étaient à l’évocation de l’événement, je n’ai jamais entendu de leur part de propos hostiles aux Américains.

      +0

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  • blueman // 02.08.2019 à 11h33

    1/2 LE CAS D’EPINAL : lors du 2nd bombardement d’Epinal le 23 mai 44 après celui du 11, le bombardier B17 « pathfinder » = qui détermine le moment et l’axe de largage des bombes et qui est en avant de la formation des B17 de la 8ème AIRFORCE va se tromper dans son évaluation de la courbe de la chute des bombes vers la gare SNCF. (je ne sais pas si il a largué un fumigène rouge pour matérialiser cette chute, comme c’était le cas normalement). Elles tomberont en partie le long de la gare SNCF et non sur la gare SNCF. Il y aura 180 morts. Mes grands-parents qui habitaient en contrebas, rue de Nancy parallèle à la gare, tenaient une boulangerie. Ma grand-mère était à l’arrière du magasin lorsqu’un morceau de rail de un mètre est venu pulvériser la vitrine et une partie du magasin. Il s’en est fallu de peu. Mais les habitants acceptent la tragédie car « c’est la guerre »…

      +2

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  • blueman // 02.08.2019 à 11h33

    2/2 LE CAS D’EPINAL : La maman du mari de ma tante était en ville avec sa famille près de la gare. Elle n’aura pas cette chance : Elle fut soufflée au coin d’un immeuble, simplement parce qu’elle avait dépassé l’angle. Le reste de la famille en réchappa, protégé par l’immeuble. A quelle catégorie appartient ce bombardement ? Le viseur Norden des B17 était ce qui se faisait de plus précis à l’époque. Mais ils bombardaient de très haut pour éviter la FLAK (20/37/88 mm). En cas de perte de l’appareil, l’équipage avait ordre de le détruire par tous les moyens. Mais il n’a pas empêché la dérive due au vent, des bombes qui tombèrent sur Epinal. Quant à la prise d’Epinal par les troupes US, ma grand mère n’en conservait pas un bon souvenir. L’un des repris de justice qui ouvraient la route s’en pris à elle au magasin et seule l’arrivée de mon grand père qui s’interposa violemment puis appela la Police Militaire lui permis d’en réchapper. Le soldat fautif fut mis aux arrêts. Je ne connais pas la suite.

      +2

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  • René Fabri // 03.08.2019 à 22h28

    Les militaires de la France libre débarqués en Normandie n’ont pas toujours voulu agir avec les autres Alliés.

    Par exemple, dans la poche de Falaise-Chambois, des dizaines de milliers d’Allemands avaient été repoussés. Mais, à cause du départ des Français vers Paris, la poche ne fut pas totalement refermée et beaucoup d’Allemands purent faire retraite vers la Seine et l’Allemagne. C’est un historien normand qui m’a confié cela très récemment.

      +1

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