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30.décembre.202130.12.2021 // Les Crises

États-Unis : Quand un rapport du Congrès amplifie la menace de Pékin

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Dans son rapport annuel au Congrès, la Commission d’examen de l’économie et de la sécurité États-Unis-Chine (USCC) a dressé un tableau sombre de leurs relations et a exhorté le Congrès à faire davantage pour faire face directement à une menace chinoise croissante.

Source : Responsible Statecraft, Syrus Jin
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Dans son rapport annuel au Congrès, la Commission d’examen de l’économie et de la sécurité États-Unis-Chine (USCC) a dressé un tableau sombre de leurs relations et a exhorté le Congrès à faire davantage pour faire face directement à une menace chinoise croissante.

La commission, ou USCC, apparemment chargée d’analyser les implications en matière de sécurité nationale des relations économiques et commerciales entre les États-Unis et la Chine, a affirmé que le Parti communiste chinois « est un adversaire dangereux, de longue date et lourd de conséquences, déterminé à mettre fin aux libertés économiques et politiques qui ont servi de fondement à la sécurité et à la prospérité de milliards de personnes. »

Mais si les conclusions et les recommandations de l’USCC décrivent la Chine comme un danger existentiel, de nombreux détails et hypothèses, qui sous-tendent le rapport et qui ne sont pas mis en évidence dans le résumé publié, indiquent une dynamique Etats-Unis-Chine plus complexe qui n’est pas destinée à un conflit imminent.

Dans son analyse de l’équilibre militaire entre les deux rives du détroit, le rapport de l’USCC appelle le Congrès à « prendre des mesures urgentes pour renforcer la crédibilité de la dissuasion militaire américaine à court terme », notamment en donnant la priorité à la livraison d’armes à Taïwan et en déployant davantage de missiles de croisière et balistiques dans la région indo-pacifique. Cette recommandation se fonde sur l’argument selon lequel « [à] l’heure actuelle, l’APL (Armée populaire de Libération) dispose ou est sur le point de disposer d’une capacité initiale d’invasion de Taïwan – une capacité qui reste en cours de développement mais que les dirigeants chinois peuvent utiliser à haut risque – tout en dissuadant, retardant ou faisant échouer une intervention militaire américaine. »

Le rapport complet de 551 pages indique toutefois que les évaluations des capacités d’invasion de l’APL et du calendrier de préparation de l’APL sont très divergentes, l’APL étant toujours confrontée à des obstacles majeurs dans ses efforts de modernisation.

De même, le résumé du rapport tire la sonnette d’alarme concernant les liens économiques croissants de la Chine avec les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, affirmant que « la Chine pose les jalons d’une influence et d’une présence accrues dans une région d’une importance stratégique particulière pour les États-Unis ». Il recommandait aux États-Unis d’accroître leurs investissements dans la région afin de concurrencer l’engagement économique chinois.

Mais le rapport complet a une fois de plus nuancé ses conclusions sur la question, notant que les États-Unis disposent « d’avantages importants que la Chine ne peut pas reproduire » dans l’hémisphère occidental et que « de nombreux gouvernements et publics d’Amérique latine et des Caraïbes… cherchent à se prémunir contre les risques liés à leur relation avec la Chine. »

En ce qui concerne les liens économiques entre les États-Unis et la Chine, l’USCC a noté que la frontière floue entre les entreprises chinoises étatiques et non étatiques augmentait les risques des investissements américains sur les marchés chinois. Elle a extrapolé que « le capital et l’expertise des États-Unis peuvent involontairement contribuer à l’amélioration des capacités militaires de la Chine ou soutenir une start-up chinoise dont la technologie sous-développée aujourd’hui peut être utilisée demain pour violer les droits humains ». Le rapport recommande ensuite au Congrès d’interdire les investissements américains dans des entités commerciales chinoises spécifiques et d’habiliter le président à interdire les relations vitales de la chaîne d’approvisionnement avec la Chine.

Le contraste entre les conclusions alarmistes de l’USCC et son analyse plus nuancée, qui n’est pas mise en évidence dans ses résumés, s’inscrit dans une tendance plus large des commentaires américains qui gonflent la menace chinoise et évoquent la possibilité que les États-Unis prennent du retard, même si les États-Unis conservent des avantages sur des indicateurs importants.

Par exemple, le rapport 2020 du ministère de la Défense sur les capacités de l’APL mentionne clairement dans son résumé que la marine de l’APL dépasse la marine américaine en nombre de navires. Mais il ne précise pas que l’avantage numérique de la marine de l’APL provient de sa plus grande flotte de navires de patrouille côtière qui ont une capacité limitée à opérer au-delà des mers proches de la Chine, ou que la marine américaine est plus de deux fois plus grande que la marine de l’APL dans la mesure clé du tonnage.

La commission américano-chinoise produit régulièrement des rapports bellicistes sur la Chine. Les rapports précédents préconisaient une plus grande coopération en matière de sécurité entre les États-Unis et Taïwan – y compris l’affichage public des engagements militaires américains envers Taïwan – une surveillance plus étroite des universités et des chercheurs universitaires afin de protéger les prouesses technologiques américaines, et des efforts de type « projet Manhattan » pour maintenir la supériorité des États-Unis sur la Chine dans des domaines technologiques et économiques clés.

Le rapport qu’il a présenté au Congrès en 2021 poursuit cette tendance et dépeint les dirigeants chinois comme « paranoïaques, craignant la subversion et l’échec et de moins en moins intéressés par le compromis et prêts à s’engager dans des actions déstabilisantes et agressives pour se protéger des menaces perçues ». L’USCC conclut en affirmant avec fatalisme que les États-Unis doivent prendre des mesures déterminées, sous peine de subir « l’érosion lente mais certaine de la sécurité, de la souveraineté et de l’identité des nations démocratiques. »

Source : Responsible Statecraft, Syrus Jin, 30-11-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Gaspard des Montagnes // 30.12.2021 à 08h56

La Chine retrouve rapidement sa position de première puissance économique mondiale qu’elle avait jusqu’au début de la révolution industrielle… Quoi de plus normal mais c’est difficile à admettre pour les USA !
Nous sommes dans un moment « Thucydide » de changement de leader ship toujours difficile à passer, et tous les coups sont permis. Les anglo-saxons avaient mis en place le commerce de l’opium pour ruiner la Chine impériale et casser la classer dirigeante chinoise dans les années 1840, que diable vont ils bien pouvoir faire pour empêcher ce nouveau basculement ?
Déjà dans la guerre de Corée, le général Mac Arthur poussait à l’usage des bombes nucléaires (y compris sur des cibles chinoises), durant la guerre du Vietnam, les américains répandaient l’agent orange, un défoliant à base de dioxine pour empêcher la Chine d’aider les vietnamiens. On se rappelle aussi les fameuses couvertures infectées distribuées aux populations indiennes de l’Ouest !
[modéré]

7 réactions et commentaires

  • Gaspard des Montagnes // 30.12.2021 à 08h56

    La Chine retrouve rapidement sa position de première puissance économique mondiale qu’elle avait jusqu’au début de la révolution industrielle… Quoi de plus normal mais c’est difficile à admettre pour les USA !
    Nous sommes dans un moment « Thucydide » de changement de leader ship toujours difficile à passer, et tous les coups sont permis. Les anglo-saxons avaient mis en place le commerce de l’opium pour ruiner la Chine impériale et casser la classer dirigeante chinoise dans les années 1840, que diable vont ils bien pouvoir faire pour empêcher ce nouveau basculement ?
    Déjà dans la guerre de Corée, le général Mac Arthur poussait à l’usage des bombes nucléaires (y compris sur des cibles chinoises), durant la guerre du Vietnam, les américains répandaient l’agent orange, un défoliant à base de dioxine pour empêcher la Chine d’aider les vietnamiens. On se rappelle aussi les fameuses couvertures infectées distribuées aux populations indiennes de l’Ouest !
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  • RGT // 30.12.2021 à 11h12

    Ce que je constate surtout en lisant ce rapport, c’est que les « élites » US projettent sur les chinois leurs propres fantasmes et leur soif de pouvoir.

    Je ne prétends pas du tout que les gouvernants chinois soient des enfants de cœur, loin de là, mais si les dirigeants des autres nations de cette planète se contentaient simplement de quitter leurs œillères ils verraient immédiatement que la Chine (ou la Russie) sont loin d’être les plus grands dangers pour la paix dans ce monde.

    Reprocher à autrui ses propres perversions a de tous temps été un moyen efficace de paraître un doux agneau et a toujours justifié les pires crimes commis par le passé.

    Regardez en arrière et contentez-vous simplement de voir ce qui a été fait durant les « heures les plus sombres de notre histoire »…

    Les agresseurs ont systématiquement dénigré les autres afin de justifier les pires agressions et les pires massacres en projetant sur les autres leurs propres turpitudes.

      +34

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  • utopiste // 30.12.2021 à 11h55

    Il est tout à fait évident que pour lutter contre des gens « paranoïaques prêts agir pour se protéger des menaces perçues » il faut bien entendu accroitre les pressions et les menaces.

      +4

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  • tchoo // 30.12.2021 à 12h45

    l’industrie de l’armement aux USA est primordiale pour l’économie de ce pays, il faut donc qu’il s’invente à longueur de temps des ennemis pire les un s que les autres pour pouvoir justifier les demandes de crédit colossales de cette industrie.
    La ligne mentionnant la supériorité chinoise en nombre de navire est à ce sujet savoureuse, parce qu’elle démontre que cette supériorité est avant tout défensive, mais ils ne vont pas s’arrêter à si peu

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  • Savonarole // 30.12.2021 à 13h55

    Encore un rapport écrit par des politiques qui n’ont aucune idée de quoi faire de leur budget militaire.
    Pendant ce temps, leur pays est en voie de tiers-mondisation, l’accès au soin, à l’éducation, au logement, à une alimentation saine, à de la sûreté publique etc… deviennent des luxes hors de porté pour de plus en plus de leurs compatriotes.
    Mais pour eux ça va, donc allons donc faire la guerre à la 20000Km à des pauvres gens qui n’ont rien demandé à personne… même si les militaires veulent pas, on va tenter la guerre économique. Qu’est ce qui pourrait mal se passer ?
    Je suis pas sur pour ma part que divaguer entre loi de Murphy et principe de Peter constitue une politique en soi, mais je peux me tromper, car après tout ça devient de plus en plus la norme.

      +3

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    • RGT // 31.12.2021 à 11h14

      Le principe de Peter est dépassé depuis bien longtemps, et dans tous les pays « civilisés ».

      En effet, désormais c’est le principe de Dilbert qui dirige le monde.

      Contrairement au principe de Peter qui signifiait que toute personne grimpe les échelons hiérarchiques jusqu’à atteindre son niveau d’incompétence puis stagne à ce poste (ce qui se traduit par l’occupation de la majorité des postes élevés par des incompétents), le principe de Dilbert (de la BD éponyme) affirme que les incompétents sont rapidement promus pour éviter qu’ils nuisent en les plaçant à des postes dans lesquels ils sont moins nuisibles.
      Et bien sûr, les plus compétents restent en bas de la hiérarchie et n’ont surtout AUCUNE promotion car plus personne ne pourrait effectuer leur mission et le château de cartes s’écroulerait.

      Plus on grimpe haut dans la hiérarchie, plus les incompétents (pour la fonction qu’ils occupent) sont nombreux et leur seule motivation consiste dès lors à taper sur leurs subordonnés (l’ensemble de la population s’ils occupent des postes gouvernementaux) afin d’éviter d’être éjectés et de se retrouver dans une fonction à hauteur de leurs compétences (récurer les fosses septiques avec leurs langues par exemple).

      Les exemples ne manquent pas dans le gouvernement actuel, avec des « professionnels » qui ont profité de l’aubaine de postes ministériels pour ne plus avoir à exercer leurs métiers dans lesquels ils étaient nuls.

      Les conséquences se font sentir dans toutes les couches sociales des « gueux » et permettent à ces « grands esprits » de vivre confortablement à l’abri du besoin.

      Et il n’y a pas qu’au sein du gouvernement que ces « bienfaiteurs » œuvrent.

      Toutes les entreprises importantes sont TOUTES dirigées par ces sinistres individus et ensuite on s’étonne que l’industrie française soit en chute libre.

      Comme au Mikado : Le premier qui bouge a perdu.

        +9

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      • Donnot // 31.12.2021 à 18h28

        Exactement l’histoire des promotions de polytechniciens toujours mutés pour finir aux services de la Loire . Ils ont créé une catastrophe en calibrant le fleuve pour obtenir un effet chasse d’eau pour draguer l’estuaire.

          +2

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