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24.mai.202224.5.2022 // Les Crises

Guerre en Ukraine et Menace Nucléaire – Entretien avec Daniel Ellsberg

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Le lanceur d’alerte du Pentagone, Daniel Ellsberg, soutient que le président russe ne déploie peut-être pas ses armes nucléaires mais qu’il les utilise efficacement comme une menace.

Source : ScheerPost, Daniel Ellsberg
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Daniel Ellsberg à Dresde le 22 février 2016. [Photo par Dr. Bernd Gross]

La politique de la corde raide nucléaire atteint un point d’ébullition alors que la guerre en Ukraine entre dans son troisième mois. Bien que les États-Unis et l’OTAN se soient abstenus de mettre des troupes sur le terrain en Ukraine pour lutter contre l’invasion de la nation européenne par la Russie, l’implication américaine, sous quelque forme que ce soit, oppose deux puissances nucléaires de la manière la plus directe depuis la Guerre froide. Chaque jour qui passe fait planer la menace d’une guerre nucléaire, car tout faux pas des États-Unis ou de la Russie pourrait conduire à un point de non-retour. Daniel Ellsberg, le dénonciateur qui a divulgué les Pentagon Papers aux médias, a participé à la planification d’une réponse américaine à une attaque nucléaire pendant la Guerre froide, une expérience qui lui donne une perspective unique sur ce moment dangereux de l’histoire.

Dans l’émission Scheer Intelligence de cette semaine, Ellsberg rejoint l’animateur Robert Scheer pour discuter de la proximité de l’anéantissement du monde dans le contexte du conflit ukrainien. Bien que les deux hommes ne soient pas d’accord sur certaines nuances relatives à l’empressement ou au « vertige » des responsables américains à déployer des armes nucléaires, tout au long de la discussion animée, ils arrivent à des avertissements sévères sur ce que des conflits directs avec la Russie au sujet de l’Ukraine, et avec la Chine au sujet de Taïwan, signifieraient pour l’avenir de la race humaine. Le livre le plus récent du lanceur d’alerte, « The Doomsday Machine : Confessions of a Nuclear War Planner », illustre à quel point la mainmise des États-Unis sur leurs propres armes nucléaires est précaire, soulignant que les armes ayant le pouvoir de provoquer l’extinction de l’humanité n’appartiennent à aucun pays. En relisant le livre d’Ellsberg, Scheer, qui a fait un reportage sur la catastrophe nucléaire de Tchernobyl et a interviewé le président Ronald Reagan sur son point de vue sur les armes nucléaires, affirme être devenu encore plus terrifié par la perspective d’une guerre nucléaire qu’auparavant.

Pour Ellsberg, cependant, le raisonnement que les dirigeants américains et russes utilisent lorsqu’ils se livrent à une danse du sabre est clair : la menace d’une guerre nucléaire justifie des dépenses militaires obscènes et remplit les poches des marchands d’armes des deux pays. L’éthique qui consiste à mettre en jeu l’existence de l’humanité pour le bénéfice de quiconque devrait être considérée comme répugnante, quelle que soit la perspective ou l’idéologie politique. Malheureusement, Ellsberg et Scheer reconnaissent qu’il y a des gens, même au sein de l’administration Biden, qui semblent ne pas être gênés par ce genre d’immoralité. En ce qui concerne Poutine, le lanceur d’alertes affirme que, bien qu’il n’ait pas déployé d’armes nucléaires, la menace de le faire a effectivement empêché les États-Unis d’intervenir davantage en Ukraine. En ce sens, le président russe « utilise » déjà l’arsenal nucléaire de son pays à son avantage.

Écoutez l’intégralité de la conversation entre Ellsberg et Scheer, qui évoquent la possibilité effrayante que la Russie ou les États-Unis lancent leurs armes nucléaires dans un avenir proche.

Crédits

Hôte : Robert Scheer

Producteur : Joshua Scheer

TRANSCRIPTION COMPLÈTE :

RS : Bonjour, ici Robert Scheer avec une nouvelle édition de Scheer Intelligence, où l’intelligence vient de mes invités. Dans ce cas, probablement l’un des individus les plus intelligents que nous ayons jamais eu à commenter ou à être impliqué dans la politique américaine : Daniel Ellsberg. Il était une sorte de génie à Harvard, il était en fait étudiant – ou pas étudiant, comme Henry Kissinger ou qui vous voulez, il a travaillé au Pentagone. Bien sûr, il est connu internationalement comme celui qui a divulgué les documents du Pentagone, d’abord au New York Times, puis au Washington Post, et qui a exposé la tromperie inhérente à cette guerre.

Et il a écrit il y a cinq ans – parce que lorsqu’il était au Pentagone, la planification de la guerre nucléaire était sur son bureau. Et il a écrit un livre qui méritait plus d’attention qu’il n’en a reçu. Il s’appelle The Doomsday Machine : confessions d’un planificateur de guerre nucléaire. Il nous rappelle une chose que nous avons tendance à oublier : la possibilité de détruire toute vie sur cette planète en très peu de temps grâce à l’utilisation d’armes nucléaires, la prévalence des armes nucléaires dans le monde.

Et nous sommes maintenant dans une situation où une guerre horrible se développe autour de l’Ukraine, qui est une sorte d’avant-poste de substitution des États-Unis et de l’Europe occidentale, et où des armes avancées sont maintenant installées. Les Russes ont évidemment envahi le pays ; ils sont profondément impliqués. Et il est question d’arrêter Poutine en tant que criminel de guerre, de les acculer dans un coin, de les humilier et de changer de régime, comme le dit le président Biden. Et nous semblons oublier, mais Poutine nous l’a parfois rappelé, que la Russie dispose d’un arsenal nucléaire équivalent à celui des États-Unis, et que nous sommes de retour aux pires jours de ce que l’on appelait autrefois la MAD (Mutual Assured Destruction) – la destruction mutuelle assurée.

Je voulais donc me tourner vers Daniel Ellsberg, qui a écrit le livre le plus important, toujours d’actualité, sur l’existence des armes nucléaires, la menace et la possibilité de mettre fin à tout cela, à cause de l’Ukraine. Tu veux prendre la suite, Dan ?

DE : Nous approchons d’un conflit armé entre les États-Unis et la Russie pour la première fois depuis que nous avons envoyé des troupes en Russie pour écraser les Bolcheviks en 1919 environ. Et pendant tout ce temps, les deux parties ont évité de se tirer dessus – pour une bonne raison, qui s’applique aujourd’hui. Nous avons ce que nous n’avions pas il y a 50 ans : deux machines apocalyptiques, comme je les appelle – c’est-à-dire des systèmes conçus, préparés et répétés pour détruire la plupart des formes de vie sur Terre. Parce qu’ils visent des cibles militaires dans les villes, et que les tempêtes de feu dans ces villes feraient monter de la fumée dans la stratosphère, où il ne pleuvrait pas, autour du globe, tuant toutes les récoltes pendant des années, voire une décennie, et affamant presque tout le monde sur Terre en un an environ. L’un ou l’autre camp – en utilisant ses capacités d’alerte actuelles, prêt à intervenir en quelques minutes en cas d’avertissement que l’autre camp pourrait attaquer – peut détruire, ou détruira, la plupart des formes de vie sur Terre.

Il semblerait donc suicidaire de lancer cela dans n’importe quelles conditions. Et ça le serait. Ce serait plus que suicidaire ; ce serait ce que vous pourriez appeler omnicide, ou presque omnicide, dans la mesure où cela tuerait presque tout le monde. Pourquoi, alors, achetons-nous ces armes, et pourquoi y aurait-il une possibilité qu’elles soient utilisées, comme c’est le cas cette année ? Eh bien, j’ai dit que nous approchions d’un conflit direct, mais jusqu’à présent, nous nous sommes contentés de fournir prudemment des armes à la cible de l’agression de la Russie, l’Ukraine. Nous n’avons pas envoyé de troupes, nous n’avons pas envoyé de puissance aérienne directement, la puissance aérienne américaine ; nous ne faisons que les fournir. Si nous intervenions directement dans les circonstances actuelles, avec les forces russes si fortement réduites par rapport à ce que l’URSS avait avec son Pacte de Varsovie – maintenant dissous, maintenant essentiellement de notre côté – nous aurions une assez bonne chance de gagner une guerre conventionnelle en Ukraine avec notre puissance aérienne et nos missiles de croisière, avec ou sans troupes.

Ce serait très dangereux, car nous ne pouvons pas vraiment nous permettre que les États-Unis gagnent une telle guerre contre Poutine. Parce qu’avec ses quelque 1 500 armes nucléaires tactiques, la tentation pour lui d’inverser cette défaite, de l’éviter, en utilisant une arme nucléaire ou plus – un certain nombre d’entre elles – serait très grande. Et dans le monde actuel, avec deux machines apocalyptiques pointées l’une vers l’autre, chacune en état de lancement sur alerte – dans le cas des missiles balistiques intercontinentaux, cela signifie « Utilisez-les ou perdez-les » –, toute indication qu’elles pourraient être attaquées par l’autre camp dans un avenir proche est une incitation très forte, compte tenu de notre doctrine, de notre formation et de notre état de préparation au lancement en premier. Pour préempter, comme on dit, et éviter la première frappe de l’autre camp.

En fait, si l’on regarde de façon réaliste à la lumière de l’hiver nucléaire, il n’y a pas d’avantage à être le premier, mais plutôt le second. L’une ou l’autre des parties déversera suffisamment de fumée dans la stratosphère, ce que nous n’avons appris qu’en 1983 – mais c’était il y a 30 ans. Et nos plans ne reflètent pas du tout cela. La vérité est que, compte tenu de cette considération, passer en premier n’a aucun avantage du tout. Mais reconnaître cela mettrait fin aux ventes de nouvelles armes de chaque côté, ce qui est un processus très rentable pour notre complexe militaro-industriel, qui se prépare à une guerre qui serait omnicidaire et insensée, en fait – mais encore une fois, c’est très rentable. Et en fait, leur côté aussi est un système capitaliste, où les profits se produisent de ce côté-là aussi. Sans aucun doute, ils sont écrémés en haut de l’échelle à différents endroits.

Ainsi, les deux parties ont acheté des armes qui, si elles étaient lancées, mettraient fin à la plupart des vies humaines sur Terre. Et il n’y a pas que la rentabilité à faire cela, mais il y a aussi certains avantages politiques à court terme, tant qu’elles ne sont pas lancées. Et je dois continuer à dire que nous sommes dans une situation où il est possible – avec les Russes qui se débrouillent aussi mal qu’ils le font dans le conflit, de manière inattendue – où Poutine en particulier pourrait en fait essayer d’inverser les effets en lançant une arme nucléaire pour la première fois depuis Nagasaki, et ainsi créer un précédent pour que d’autres personnes l’utilisent, d’autres personnes l’obtiennent afin de dissuader de l’utiliser contre eux.

Et c’est une possibilité réelle. Des personnes au Congrès et ailleurs, au Pentagone [pas clair] appellent à faire ce que Zelensky a demandé. Et pour lui, c’est très compréhensible – une humeur désespérée, face à cette invasion écrasante. Il nous a demandé d’instaurer une zone d’exclusion aérienne, de mettre un couvercle, de plafonner les attaques contre lui. Et nous l’avons fait dans le passé, ailleurs, et c’est très naturel qu’il le veuille. Sauf que dans ce cas, cela signifierait un conflit armé entre deux grands États dotés d’armes nucléaires. Une situation dans laquelle l’Ukraine serait presque certainement anéantie, et probablement presque tout le monde. [voix se chevauchant]

Biden n’est pas encore allé jusqu’à cela, mais pourquoi pas ? Pourquoi ne faisons-nous pas ce que Zelensky a demandé au Congrès et à de nombreux autres parlements de faire, à savoir nous impliquer directement avec nos propres forces dans cette guerre ? Et la réponse est que Poutine utilise ses armes nucléaires. Il les utilise de manière très efficace, comme on utilise une arme à feu quand on la pointe sur quelqu’un dans une confrontation. Si vous arrivez à vos fins sans appuyer sur la gâchette, c’est la meilleure utilisation de l’arme. Et vous ne pouvez pas faire ça sans l’avoir. Eh bien, Poutine, dans ce cas-ci, indique clairement que si nous le confrontons à la défaite, même avec des armes conventionnelles, en Ukraine – que ce soit par le biais de notre soutien aux Ukrainiens, contre lequel il menace, ou de notre implication directe, que Zelensky a demandée, ce que nous n’avons pas encore fait – il pourrait utiliser des armes nucléaires contre nous.

Et en sachant de part et d’autre que cela risque de faire exploser le monde – pas la Terre, pas la planète, mais la civilisation humaine – cela lui évite, jusqu’à présent, de nous faire affronter directement son agression en termes conventionnels. Cela fonctionne pour lui à ce stade. Nous avons utilisé ces menaces à maintes reprises par le passé, pour maintenir notre sphère d’influence dans le monde, jusqu’aux frontières de l’ancienne Union soviétique ou de la Chine. Il ne l’a pas fait dans le passé parce qu’en Europe, la Russie avait une supériorité conventionnelle écrasante qu’elle n’a plus.

Ainsi, presque depuis la chute de l’URSS, les Russes sont revenus à l’ancienne doctrine New Look d’Eisenhower, à la doctrine des représailles massives, ou au recours aux menaces nucléaires, pour compenser les lacunes de leurs forces conventionnelles. Ils font ce que nous avons fait dans les années 50 et 60.

Et aucun des deux camps n’a été disposé à adopter une politique ou une déclaration de non-recours en premier, c’est-à-dire à s’engager à ne jamais déclencher une guerre nucléaire. Au contraire, les deux parties ont promis qu’elles déclencheraient une guerre nucléaire si elles le jugeaient nécessaire. Il est vraiment essentiel que nous ne fassions pas croire à Poutine qu’il est nécessaire qu’il le fasse. Cela constitue une énorme incitation à trouver une solution négociée, avec des concessions des deux côtés. C’est la seule façon d’obtenir une fin négociée à cette guerre. Malheureusement, rien ne semble indiquer qu’un des deux camps soit prêt à le faire. Le monde est donc otage de l’évolution de ce conflit, qui risque de durer longtemps.

RS : Eh bien, peut-être pas. Peut-être qu’il aura une fin abrupte et horrible. Et vous savez, vous et moi – vous étiez un planificateur de guerre nucléaire, vous étiez dans le gouvernement. J’étais en quelque sorte un critique, Ah, j’écrivais à ce sujet. Et nous savons tous les deux que sous Ronald Reagan, il y avait toute une idée de défense sur les armes nucléaires. Toute l’idée, plus récemment, de la modernisation de ces forces. Il y a eu une opinion croissante que ce sont des armes utilisables. Et que dans le cas – par exemple, nous avons déjà vu des systèmes de livraison utilisés par Poutine pour des missiles de croisière conventionnels, vous savez, qui pourraient avoir une tête nucléaire. Nous savons que la modernisation est censée vous donner cette capacité. Et après tout, les États-Unis sont la seule nation à avoir utilisé des armes nucléaires en temps de guerre, à Hiroshima et Nagasaki.

Et j’ai l’impression qu’il y a une sorte de vertige en ce moment, vous savez, vous pouvez pousser ce type et pousser ce type, et d’une manière ou d’une autre ces armes n’entreront pas en jeu. Et je soupçonne qu’il y a, tout comme il y avait du côté américain dans la Guerre froide, et il y avait du côté soviétique – il y a un côté là, et Moscou dit, regardez, nous avons construit ces armes, et il y en a qui peuvent être utilisées tactiquement. Et si c’est tout ce que nous avons, et qu’ils disent que nous sommes des criminels de guerre et que nous allons être jugés et, vous savez, que c’est la fin de tout cela – vous pourriez voir des gens plaider pour cela.

Et l’autre chose dont nous n’avons pas parlé est la capacité de première frappe. Dans quelle mesure les Russes parviennent-ils à savoir s’il y a eu un lancement depuis un sous-marin par les États-Unis ou une sorte de première frappe préventive ? Et puis, bien sûr, l’illusion d’une défense contre cela, et que vous pourriez même gagner une telle guerre. Et il n’y a presque plus de discussion à ce sujet aujourd’hui. Il y a de l’étourderie – vous savez, poussons Poutine à bout. Et il semble y avoir un sentiment inapproprié de confiance dans le fait que les armes nucléaires ne seront pas utilisées.

DE : Bob, j’entends beaucoup de gens parler ainsi, se préparer ainsi et dépenser ainsi. Cela signifie-t-il qu’ils y croient vraiment ? Pas nécessairement. Parce que les menaces sont potentiellement utiles sur le plan diplomatique, si elles fonctionnent, si les autres personnes se retirent. Et l’achat de matériel pour elles est toujours très rentable. Donc vous n’êtes pas obligé de croire ce que vous dites. En fait, je dirais que nos forces ont été construites presque depuis le début sur la base d’un canular.

Permettez-moi de ne pas revenir au début, mais à la période du milieu des années 60, 10 ans après le début de l’ère nucléaire – 20 ans après le début de l’ère nucléaire, lorsque nous étions confrontés à un autre État lourdement armé, doté d’armes nucléaires, l’Union soviétique. L’Union soviétique ne nous a pas vraiment égalés avant le milieu des années 60, mais c’était il y a longtemps. Et pendant cette période, mettre à exécution l’une de nos menaces contre la Russie – ou un autre État doté d’armes nucléaires, même la Corée du Nord, avec une infime partie de ce que les Russes avaient – serait de la folie. Et la plupart des gens le comprennent. Comme vous le dites, il y a quelques personnes maintenant – et c’est nouveau, depuis une génération ou deux – qui pensent vraiment à utiliser de petites armes nucléaires tactiques. Pas seulement à les acheter, ce que Trump voulait et que Biden poursuit.

Et comme je le dis, c’est bon pour Northrop Grumman. Bien, il suffit de les menacer, ils sont pour la menace, et ils sont pour faire des profits. Mais il y a des gens – Elbridge Colby, qui a travaillé sous Trump, et Brad Roberts, qui a travaillé sous Trump, et d’autres peuvent être trouvés, de hauts fonctionnaires – qui parlent d’utiliser de petites armes nucléaires tactiques pour arriver à nos fins, de les utiliser dans la bataille, et pas seulement de les menacer. C’est la menace d’une action insensée. Et s’ils croient vraiment que cela peut être limité, ils font preuve d’une sorte de folie institutionnelle. Mais je dirais qu’avec les nouveaux ICBM [missiles inter-continentaux balistiques, NdT] que nous achetons – et cela fait des années que j’essaie d’éviter cela, d’éliminer les ICBM – je ne vois aucune chance d’y parvenir maintenant, dans ce nouveau mode de Guerre froide. Il n’y avait pas vraiment de chance, même il y a un an, à cause des profits et des emplois, des dons de campagne et des entrées et sorties des cadres du Pentagone. Donc Northrop Grumman avait de grandes chances d’obtenir ce contrat. Probable ; maintenant, c’est presque certain. Et qu’est-ce que cela a signifié ? Avec ces ICBM, s’ils passaient en second – eh bien, d’abord, peu d’entre eux passeraient en second, parce qu’ils sont très vulnérables. Ils peuvent être attaqués, et seront attaqués, dans une guerre nucléaire majeure. Contrairement à nos sous-marins qui ne peuvent pas être ciblés, ni attaqués.

Donc ces choses sont dans un mode « On les utilise ou on les perd. » Et s’il y a le moindre avertissement, si l’autre partie est sur le point d’attaquer, ils seront utilisés. Pour quel effet, comme je l’ai dit, cela ne fera aucune différence. Leur propre utilisation sera suicidaire ou quasi-omnicidaire dans le monde. Il y a eu un canular, qui a été un canular très rentable, pendant le dernier demi-siècle et plus, selon lequel aussi mauvais que cela puisse être de passer en premier, comme nos ICBM sont construits pour le faire, c’est moins mauvais que de passer en second, où nous les perdons.

Et c’est très plausible pour les gens. Il s’agit en fait d’un canular, d’un délire, et comme je l’ai dit, d’un canular très rentable. Des pays peuvent-ils vraiment acheter pour des milliards de dollars d’armes sur la base d’un canular ? Eh bien, regardez, combien d’Américains en ce moment – combien de Républicains, de personnes officielles qui se présentent aux élections, presque tous – affirment qu’ils croient que Trump a gagné les élections la dernière fois ? Un canular total.

En Russie, combien de Russes croient ce qu’ils reçoivent des médias d’État, qui sont presque les seuls maintenant, qu’il n’y a pas de guerre ? Ils ne peuvent pas mentionner le mot « guerre », il y a une « opération spéciale » en cours pour empêcher le génocide dans le Donbass – ce qui n’était pas le cas. Il y avait un conflit en cours ; appeler cela un génocide est aussi fou que, soit dit en passant, le fait que Biden utilise le mot génocide à propos de l’Ukraine. Pourtant, les Russes n’ont pas encore été près de faire en Ukraine ce qu’ils ont fait en Afghanistan pendant 10 ans, où un million de personnes, peut-être un million et demi, ont été tuées. Cela peut encore arriver.

Mais nous n’en sommes pas encore là. Ce que nous avons fait en Irak ou en Afghanistan a impliqué des millions de morts, et nous n’en sommes pas encore là. Et qualifier même cela de génocide était une erreur. C’était un crime de guerre ; ce sont tous des crimes contre la paix. Ce sont tous d’énormes massacres. Mais encore une fois, les qualifier de génocide, et donc signifier que tout est permis quand il s’agit de l’éviter – il n’y a pas de limites, il faut arrêter ça – est, vous savez, nous ne pouvons faire aucune concession d’aucune sorte, comme le contrôle du Donbass, à une partie qui est génocidaire.

Et tout ceci laisse présager une très longue guerre, à moins qu’elle n’explose, ce qui serait encore pire. Sauf si ça devient nucléaire. Mais si ça ne devient pas nucléaire, nous nous préparons depuis 2015 – je ne rentrerai pas dans la chronologie sur ce sujet, pourquoi c’est le cas – mais juste depuis que la Russie a pris la Crimée en fait, et a mis des troupes russes dans l’est de l’Ukraine dans le Donbass. Depuis lors, nous formons les Ukrainiens dans ce pays et ailleurs, et en Ukraine, à une guérilla prolongée. Le genre de guerre que les Soviétiques ont menée pendant 10 ans en Afghanistan avec nos encouragements, en finançant les insurgés, la droite islamique, les moudjahidines. Nous avons donné aux Russes, comme Brzezinski l’a dit, nous avons donné aux Russes leur Vietnam. Je pense que l’intention actuelle est de donner – c’était les Soviétiques – de donner aux Russes un autre Afghanistan. Les saigner – les rendre, comme nous le disons très ouvertement, plus faibles, plus isolés dans le monde, au prix de la vie des Ukrainiens. En d’autres termes, tuer les Russes indéfiniment, jusqu’au dernier Ukrainien, parce que ce que cela signifie en termes d’insurrections historiques, c’est que pour chaque Russe qui est saigné, qui est tué, il y a cinq à dix Ukrainiens qui sont tués en représailles. Donc cette perspective de faire cela – au lieu de négocier, au lieu d’essayer de négocier, ce que nous ne faisons pas sérieusement, pour autant que nous puissions le voir –est une politique vicieuse en ce qui concerne l’Ukraine.

RS : C’est vrai. Mais ce dont je veux parler, Daniel, c’est d’une chose que vous avez un jour été impliqué dans la planification, Ah, d’infliger au monde, à savoir la possibilité…

DE : Laissez-moi corriger un peu cela, Bob. Ce à quoi je participais, c’était d’essayer de dissuader et d’éviter ce qui nous semblait, à moi et à mes collègues, à l’époque, la seule véritable façon dont une guerre nucléaire pourrait se produire. Et c’était avec une attaque surprise soviétique. Cette attaque était basée sur une mythologie totale, un canular ; elle n’a pas eu lieu. Et je prévoyais, en d’autres termes, la possibilité de riposter. J’ai toujours été contre – comme vous le savez peut-être ou pas, mais à l’intérieur du système, j’ai toujours été non seulement un critique, mais vous savez, totalement opposé à l’idée de déclencher une guerre nucléaire.

RS : Je comprends.

DE : Il y en avait d’autres qui y croyaient. Je n’étais pas l’un d’entre eux. Alors soyons clairs. Il existe différents types de planification. La planification que je faisais était en fait totalement inutile à ce moment-là ; les Russes n’avaient aucune capacité de lancer une attaque surprise. Et j’ai appris en 1961 que c’était une illusion. Mais mon collègue Herman Kahn – le modèle du Dr Folamour, qui a inventé le terme « machine apocalyptique » comme idée conceptuelle utilisée par Stanley Kubrick dans son film Dr Folamour – pensait que la menace était nécessaire et que pour la rendre crédible, il fallait se préparer à y survivre par la défense civile, par des missiles antibalistiques, etc. et la mettre à exécution si nécessaire. Il n’a jamais été possible d’être capable de survivre, vraiment, en tant que société, même en tant que population, à une guerre nucléaire.

C’était son délire. Mais cela a reflété la pensée du département de la Défense depuis lors. Lorsque Reagan et Gorbatchev se sont mis d’accord – et cela a été réitéré maintenant par Poutine, même cette année – la guerre nucléaire ne peut être gagnée, et elle ne doit pas se produire, elle ne doit pas se produire. Et pourtant, aucun des deux camps n’a jamais rejeté l’idée que la guerre nucléaire peut être préparée, répétée, menacée et risquée. Et c’est ce que nous faisons – encore une fois, uniquement sur la base du raisonnement selon lequel, non pas que vous ne pourriez pas réussir, non pas que vous ne serez pas dévasté, même, par une guerre nucléaire, mais que vous ferez mieux si vous préemptez, si vous y allez en premier. Et c’est une croyance qui ressemble à un culte et qui persiste parce que c’est très rentable.

RS : Oui. Mais ce que nous oublions, c’est que l’hypothèse de ce débat était toujours que l’autre partie serait rationnelle. Et que – ou qu’ils feraient semblant d’être des fous, et qu’ils seraient plus menaçants. Mais le fait est que, tout d’abord, soyons clairs : les États-Unis, sous la direction de grands penseurs de l’Université de Californie à Berkeley, qui étaient impliqués dans le laboratoire de Los Alamos, ont utilisé Fat Man et Little Boy, les premières bombes atomiques qui ont tué des civils en masse à Hiroshima et Nagasaki, OK. Alors que ce n’était pas absolument nécessaire, et on pourrait même dire pas du tout nécessaire.

Cependant, elles ont été utilisées. Et il y a toujours eu une école de pensée qui dit qu’elles peuvent être utilisées d’une manière ou d’une autre. Et puis la rationalité entre en jeu, la peur entre en jeu, vous savez, le fait d’être tenu responsable d’autres choses entre en jeu. Et en fin de compte, la seule chose qui définit aujourd’hui la Russie comme une grande puissance est sa possession d’armes nucléaires. Ils ont une population relativement faible. Ils ont une économie qui ne marche pas. Et nous savons que le nationalisme produit des possibilités monstrueuses. C’est le mal du nationalisme, l’inquiétude nationale, l’agression, et ainsi de suite. C’est ce que nous avons ressenti pour le Japon, et nous avons lâché ces bombes. Je ne veux pas entrer dans cette discussion.

Mais nous parlons d’une situation où, pour des raisons historiques ou autres, les dirigeants russes se sentent assiégés. Ils ont le sentiment que l’OTAN, qui était censée être abandonnée, s’est en quelque sorte étendue jusqu’à leur frontière. Et une des cartes qu’elle doit jouer ici est celle des armes nucléaires. Et il est question de pouvoir les utiliser de manière limitée. Et il me semble que l’essentiel de votre travail dans The Doomsday Machine est que des accidents peuvent se produire ; des surévaluations de la survie peuvent se produire. Je le sais, parce que j’ai interviewé Ronald Reagan et le premier président Bush, entre autres, sur la possibilité d’une guerre nucléaire gagnable. Et, vous savez, vous avez mentionné Herman Kahn, mais il n’était pas le seul à penser qu’il y avait une utilité. Et donc je me demande si vous ne sous-estimez pas le danger du moment.

DE : Eh bien, je ne pense pas, parce que je suis franchement très déprimé à ce sujet. Je pense qu’il y a vraiment très peu de choses à faire pour changer ce danger très réel dont vous parlez. Il n’y a aucune chance d’éliminer nos ICBM des deux côtés, aucune chance de mettre fin à la politique de lancement sur alerte qui pourrait faire exploser le monde sur une erreur, et qui a failli le faire plusieurs fois. Et si on éliminait cela ? Ce n’est pas près d’arriver. Je pense que ce navire navigue. Et dans des eaux avec des icebergs, où il avance à toute vitesse par nuit sombre.

C’est donc très dangereux. Prenez le problème du climat. Quelles sont les chances maintenant que nous augmentons follement, désespérément, la production et l’émission de combustibles fossiles, le pétrole en particulier. Et pour compenser les ventes russes, que nous essayons d’éviter. Mais même au-delà de cela, quelles sont les perspectives – à ce stade, dans ce monde, où le monde est divisé, en particulier avec cette crise des deux derniers mois, divisé en au moins deux moitiés qui ne négocient pas, ne se font pas confiance. Quelles sont les chances de collaboration nécessaires pour sauver la civilisation de la catastrophe climatique ? Je dirais que sur ce bateau, nous avons touché l’iceberg. Je ne vois pas cette collaboration se produire. C’est une des victimes de cette guerre.

Mais pour revenir au problème nucléaire, les États-Unis agissent prudemment dans une certaine mesure face aux menaces nucléaires de Poutine. Qu’est-ce qui pourrait le pousser à faire cela ? Faudrait-il qu’il soit fou, qu’il comprenne vraiment où cela va nous mener ? Cela pourrait fonctionner. Est-ce que ça a des chances de marcher ? Non, il est probable que ça explose. Mais il pourrait prendre ce risque, tout comme nous avons parié dans le passé que l’autre partie pourrait revenir sur sa décision après avoir proféré des menaces. Rappelez-vous que lorsque vous parlez d’Hiroshima et de Nagasaki, c’est un monde différent. Nous ne les lancions pas contre une puissance nucléaire. Nous avions le monopole, et en ce qui concerne notre volonté de tuer des centaines de milliers de personnes, ce que nous avons fait avec ces deux bombes. Nous avons tué plus que cela avec des bombes incendiaires dans les cinq mois précédents. Nous avons tué cent mille personnes en une nuit, en les brûlant vives, dans la nuit du 9 au 10 mars 1945, avec des bombes incendiaires au-dessus de Tokyo. Je pense donc que l’histoire de ce que les États-Unis sont prêts à supporter, en tuant d’autres personnes, des ennemis, nous a permis de menacer de guerre nucléaire depuis lors, et de nous y préparer.

Mais les menaces peuvent fonctionner. Regardez – je reviens toujours au fait que nous assistons à la démonstration – aux yeux des personnes non nucléaires dans le monde, nous assistons à une démonstration de ce que Poutine peut faire avec ses armes nucléaires. Il nous tient à l’écart de cette guerre jusqu’à présent. Et s’il ne le fait pas, s’il cesse de fonctionner, et que nous donnons – il menace même d’une augmentation inimaginable, je pense qu’une augmentation imprévisible si nous donnons plus d’armes du type de celles que nous donnons maintenant cette semaine et plus. En fait, il dit : « Je ne pourrais pas aller jusqu’à la guerre nucléaire ; est-ce que ce serait raisonnable ? Non. Mais la menace peut fonctionner. Et si ce n’est pas le cas, il peut croire, comme les gens de notre côté le soutiennent depuis longtemps, qu’ils feront marche arrière. Et il est probable qu’ils ne le feront pas. Alors ça explose.

Et nous ne pouvons pas nous permettre – il ne pense pas, je crois que vous l’avez dit, Bob, il ne pense pas, pour autant que nous le sachions, qu’il puisse se permettre de perdre cette guerre, mais nous ne pouvons pas nous permettre de la vaincre. Nous ne pouvons pas nous permettre de la gagner exactement, car cela pourrait bien le pousser vers les armes nucléaires. Il le verrait comme rationnel. C’est le seul moyen pour lui de garder son emploi ou d’éviter une grande perte ou autre chose. Et nous n’avons cessé de proférer ces menaces, qui sont des menaces de mener une action insensée, criminelle, diabolique, en utilisant des armes nucléaires pour la première fois ici, et les construire serait insensé.

RS : Eh bien, ce n’est pas la première fois. Nous n’arrêtons pas de dire que c’est la première fois…

DE : Bob, Bob – c’est la première fois contre un état nucléaire.

RS : Ah.

DE : C’est la première fois que des représailles sont possibles. La première fois qu’une escalade est possible. Ainsi, lorsque nous l’avons fait contre Hiroshima, c’était impitoyable, mais pas plus que le bombardement de Tokyo, ou des 64 autres villes que nous avions frappées. Il n’y a pas eu de représailles. Ce n’était donc pas insensé au même titre que d’utiliser les mêmes tactiques si les Japonais avaient eu une arme nucléaire, ou si Hitler avait eu une arme nucléaire. Mais les Russes l’ont eue. Et nous continuons à proférer des menaces. Je dis que ça reste – la menace de faire quelque chose, ce serait de la folie, parce que nous en mourrions aussi. Et d’autres, tous les autres peuples du monde en mourraient. C’est une forme différente de la folie, si vous voulez.

Mais qu’en est-il de la préparation même de ces menaces ? Les faire reposer, faire reposer nos alliances comme elles l’ont fait depuis la création de l’OTAN, sur l’assurance que nous ferions exploser le monde s’ils étaient confrontés à une agression conventionnelle majeure. C’est ce avec quoi nous avons vécu pendant plus d’un demi-siècle. Je dirais que du point de vue humain, de l’espèce, de la civilisation humaine, cette politique est insensée. Mais elle est appliquée par tous nos présidents. Elle est maintenant entièrement préparée par les Russes, et dans une moindre mesure par sept autres États nucléaires. Et 30 états de l’OTAN suivent cette menace.

C’est donc une folie qui est en quelque sorte ancrée dans les os, pour autant que je puisse le voir. Elle est acceptée par nos dirigeants civilisés, par nos personnes éduquées, intelligentes – ils n’ont pas besoin d’être cliniquement fous, je veux dire, pour être élus et poursuivre cette politique. Et pourtant, à long terme, je dirais que c’est une politique fatale, désastreuse. Et je ne vois, actuellement, aucune perspective de changer cela. Ah, j’espère me tromper, et ce n’est pas un mince espoir, car je me suis souvent trompé dans le passé. J’espère donc que mes attentes fermes d’une guerre de guérilla prolongée, désastreuse pour les Ukrainiens, comme meilleur résultat là-bas, avec la négociation mise sur la table, et la possibilité d’une guerre nucléaire – j’espère que c’est faux, si quelque chose arrive que je ne peux pas prévoir. Mais je dois dire que je ne le vois pas.

RS : Eh bien, c’est une vision optimiste, mais il y a toujours ce contre-argument : pourquoi avons-nous ces armes ? Et il y a aussi l’illusion qu’elles peuvent être contenues. C’est ce dans quoi, vous savez, encore une fois, en tant que journaliste, je me suis égaré.

DE : Il faut être un peu fou, en fait, pour croire ça. Et malheureusement, les fous existent, persistent. Il serait faux, je pense, Bob, de dire qu’un grand nombre de personnes dans n’importe quelle administration ont réellement cru cela. Mais agir comme s’ils le croyaient – oh, toute notre politique est basée sur cela.

RS : Permettez-moi de conclure, cependant. Qu’est-il arrivé au contrôle des armes ? Je veux dire, il y avait un accord entre Gorbatchev et Ronald Reagan – et Ronald Reagan est l’homme avec qui j’ai parlé, que j’ai interviewé – sur la possibilité de gagner une guerre nucléaire. Et il était d’avis que les Russes pourraient croire que parce qu’ils étaient des monstres – eh bien, il a changé d’avis lorsqu’il a rencontré Gorbatchev, et a vraiment semblé croire, au moins temporairement, que nous pourrions nous débarrasser de ces armes, qu’elles ne pourraient pas être utilisées et ainsi de suite. Eh bien, nous n’avons pas beaucoup progressé. En fait, au cours des dernières décennies, nous avons accru la présence d’armes nucléaires, et nous ne sommes pas les seuls à le faire. Les armes nucléaires sont très présentes dans les calculs sur la sécurité, où elles sont placées, qui en a le contrôle. Et, franchement, je suis vraiment très surpris dans cette conversation ; vous semblez plus optimiste quant au rôle de la raison ici.

DE : Non, j’ai donné une impression totalement fausse, alors, si c’est ainsi que vous l’interprétez, Bob. Et personne n’est plus intelligent que toi, Bob, donc c’est un peu consternant si je n’ai pas communiqué cela. Je ne suis pas du tout optimiste, car si nous divergeons, c’est uniquement sur une chose – et je parle en tant qu’initié, ancien initié sur ce sujet. J’ai l’impression que vous pensez que beaucoup de gens croyaient ce qu’ils disaient et agissaient à l’époque. Et c’est – je ne suis pas d’accord. Vous n’avez pas besoin de croire à ces choses pour obéir à vos ordres, pour suivre les ordres de Northrop Grumman et des autres. Et ils aiment les ordres, et ils font de vous un président du conseil d’administration si vous avez reçu les ordres et ensuite – ou vous venez de Raytheon et ensuite vous donnez des ordres, dans l’autre sens directement. Cela a été très rentable et bon sur le plan diplomatique, car cela nous a permis de rester le supposé protecteur de l’Europe pendant tout ce temps. C’est un racket de protection.

Je ne suis pas optimiste, car tout cela peut très bien exploser. Et nous en augmentons les chances par de nombreux aspects de notre politique. Et je ne vois rien qui s’écroule. Je ne pense pas qu’il reste beaucoup de Curtis LeMay, qui croyait, quand j’étais au Pentagone, je pense qu’il croyait qu’une guerre nucléaire – à cette époque, avant qu’ils ne se construisent plus qu’ils ne l’ont fait – serait une bonne chose. C’était très rare. Je pourrais citer quelques autres personnes, principalement des acolytes, qui ont pu penser cela. L’Armée ne le pensait pas ; la Marine ne le pensait pas, vraiment. Et très peu de gens le pensaient, mais ils étaient tous d’accord avec ça, parce que pour prendre le point de vue de la Marine, tant qu’ils avaient leurs sous-marins, ils ne se souciaient pas que l’armée de l’Air ait beaucoup d’ICBM, dont la Marine savait parfaitement qu’ils n’étaient que dangereux, ah, pas nécessaires. Mais ils ne les ont pas combattus une fois qu’ils ont obtenu ce qu’ils voulaient. Ce que je dis, c’est que les humains au pouvoir sont très dangereux. Dire que je suis optimiste, je ne sais pas à quoi vous faites allusion. Je ne vous cède pas en pessimisme sur ce que l’avenir réserve à cette espèce.

RS : OK, nous allons conclure, mais laissez-moi vous dire mon – et nous nous connaissons depuis longtemps, et j’ai évidemment beaucoup de respect pour vous et votre connaissance de toutes ces choses. Mais laissez-moi vous faire part de mon inquiétude. Je vois le nationalisme comme la grande menace – l’arrogance nationale, la notion que – et c’est ce que je vois en Russie en ce moment, et pourquoi Poutine a beaucoup plus de soutien que beaucoup de gens dans ce pays le pensent. Et pourquoi, d’ailleurs, Gorbatchev a perdu beaucoup de soutien, parce qu’il a fini par remettre en question le nationalisme russe et par parler, vous savez, de tout abandonner. Et la force de Poutine n’a rien à voir avec le communisme ; elle a beaucoup à voir avec le nationalisme. Vous savez, la Crimée est la Russie ; l’Ukraine est une invention ; Khrouchtchev a tout abandonné, vous savez, Khrouchtchev, les Ukrainiens. J’ai été témoin de cela des deux côtés, de tous les côtés ; il y a le nationalisme chinois, il y a le nationalisme américain et ainsi de suite.

Et lorsque ces personnes, lorsque ces conflits en viennent à être définis comme l’autre partie sont des monstres, ce sont tous des criminels – ce qui est le cas actuellement. Le langage qui a été utilisé pour décrire les motivations de Poutine et son opération signifie que les négociations sont presque impossibles. Nixon est allé en Chine, il a négocié avec Mao Zedong, je vous l’accorde. Mais le fait est que, si nous disons que les gens de l’autre côté vont être traités comme des criminels de guerre nazis, qu’ils vont être jugés et qu’ils vont être, vous savez, traités de cette façon, il y a très peu de place pour la négociation. Et si nous disons que leurs préoccupations concernant l’expansion de l’OTAN n’a aucune validité ou quoi que ce soit d’autre, vous savez, vous laissez les gens avec très peu de stratégies de sortie. Et, vous savez, si vous leur coupez toute forme d’activité économique – et ceci, soit dit en passant, s’applique de plus en plus à notre politique envers la Chine ; un déni total de toute légitimité aux préoccupations ou au nationalisme chinois.

Et il me semble que, ah, vous avez ces armes ; et c’est bien sûr une des raisons pour lesquelles la Corée du Nord en veut une, parce qu’ils pensent que c’est la seule raison pour laquelle ils sont encore en activité. Et peut-être pourquoi le Pakistan en ressent le besoin. Peut-être aussi pourquoi Israël en ressent le besoin. Ces armes sont développées pour être utilisables en fin de compte, et cela va au-delà du jeu des grandes puissances. C’est juste une réalité que dans les moments de désespoir, ce sont des choses qui peuvent être utilisées. Et nous l’avons montré. Même lorsque nous n’étions pas désespérés, nous étions prêts à les utiliser. Nous étions prêts à utiliser une arme que nous n’aurions jamais dû penser à utiliser.

DE : Bob, penses-tu vraiment que je suis en désaccord avec tout ce que tu as dit ici ? Parce que ce n’est pas le cas. J’aurais pu dire [pas clair] tout ce que tu viens de dire. En fait, je crois que je l’ai fait sur un certain nombre de points, comme le danger de définir la Russie et la Chine comme des sortes de monstres différents de nous avec lesquels on ne peut pas négocier. Malheureusement, dans leurs pires caractéristiques, ils sont comme nous, comme ils l’ont été. Ils ne font rien de pire. Et c’était terriblement mauvais. Et nous avons interagi, comme vous le savez, au Vietnam et dans les autres pays. Mais insister sur cela maintenant et bloquer les négociations est désespérément mauvais. Si nous ne sommes pas d’accord sur une seule chose, c’est tout ce que j’entends : la crédibilité de l’utilisation d’armes nucléaires contre un État non nucléaire, comme le Japon ou l’Iran aujourd’hui, le Japon en 1945 ou l’Iran aujourd’hui, est une question très différente de la crédibilité contre les Russes ou les Chinois, ou entre l’Inde et le Pakistan aujourd’hui, un État doté d’armes nucléaires.

Mais si vous entendez cela comme si j’étais optimiste, alors je n’ai pas communiqué, parce que malheureusement, il n’est pas nécessaire d’être totalement crédible pour déclencher cette guerre, et malheureusement – humainement, corporativement, institutionnellement – c’est suffisamment crédible, nous sommes suffisamment fous. Une façon d’établir cette crédibilité est de dépenser des milliards de dollars pour se permettre – ce sont les États-Unis, ou la Russie – d’utiliser des armes nucléaires, ou même de les lancer. Et même l’Inde et le Pakistan, lorsque vous dépensez autant de ressources nationales pour quelque chose qui ne peut être que suicidaire s’il est utilisé, vous ne pouvez pas être sûr qu’il ne sera pas utilisé. Et c’est, comme vous le dites, pourquoi ils les obtiennent. Cela leur donne une certaine dissuasion, mais c’est au prix de l’adhésion à un monde, et non de son opposition, qui offre réellement un risque de tuer non seulement votre adversaire et non seulement vous-même, mais tout le monde. Et c’est vrai pour tout cela.

Il y a donc une folie, non seulement chez les neuf États nucléaires, mais aussi chez les 30 États qui comptent sur un soi-disant parapluie. Veulent-ils vraiment l’utiliser ? La Pologne, par exemple, et l’Allemagne, avant, voulaient-elles vraiment l’utiliser, comme elles le disaient, si elles étaient attaquées par les Soviétiques ? Peut-être que oui, mais c’était insensé, car ils auraient été anéantis. Avaient-ils vraiment bien compris cela ? Je ne l’ai jamais su. Ont-ils compris ce qu’ils demandaient ?

Venons-en directement au présent. Zelensky n’est-il pas sincère lorsqu’il nous demande d’attaquer, avec notre puissance aérienne, les défenses antiaériennes russes ? En d’autres termes, de dégager le ciel et de permettre à nos avions d’entrer et de dominer la situation ? C’est compréhensible qu’il demande ça. Il n’est pas plus fou que tant d’autres personnes l’ont été dans le passé. Et pourtant, c’est une figure héroïque. Je n’ai aucun doute là-dessus. Mais dans son désespoir, il demande quelque chose qui, si nous l’exécutons, conduira à la destruction de son propre pays. Et… mais ça pourrait marcher. Et il est prêt dans sa situation désespérée à… vraiment désespérée, existentiellement, à prendre ce risque. Ça pourrait, les autres pourraient reculer.

Nous n’avons pas cette excuse, et pourtant nous proférons ces menaces. À Taïwan, la situation est différente ; nous ne pouvons pas y assurer la défense dont nous parlons, notre engagement, un engagement solide comme le roc, envers l’intégrité et la souveraineté, qui n’est pas officielle, mais l’indépendance de Taïwan. Nous ne pouvons pas le faire sans être prêts, et vraiment très prêts, à déclencher une guerre nucléaire, ce qui serait catastrophique pour Taïwan et les autres. Encourager Taïwan à déclarer son indépendance officielle et à se faire reconnaître est, je dirais, une politique non seulement malavisée, mais aussi criminellement irresponsable que notre politique à long terme visant à faire entrer l’Ukraine, à la frontière de la Russie, dans l’OTAN. C’était incroyablement irresponsable, et cela a conduit à la situation actuelle, qui est catastrophique, et qui peut encore empirer.

Il en va de même pour Taïwan. Nous devons arrêter – à ce stade, nous avons le temps d’arrêter, ils n’ont pas encore été attaqués – de faire ce que tous les dirigeants chinois depuis Mao ont dit que cela conduirait à leur invasion de Taïwan. Et cela consiste à reconnaître Taïwan comme un État indépendant. Pelosi est sur le point de se rendre à Taïwan ; pour autant que je sache, c’est la première visite d’un président de la Chambre. Une visite de haut niveau qui ressemble beaucoup à la reconnaissance de Taïwan comme un État indépendant. Je doute qu’elle se soit rendue dans une autre province de Chine continentale. Biden fait venir des gens ici, des officiels ici ; ah, Trump a été le premier président à prendre un appel téléphonique du président de Taïwan, qui est la province de la Chine, ce que la Chine voit de Taïwan, c’est qu’il a pris un appel téléphonique. C’est comme si on les considérait comme indépendants. C’est pratiquement demander l’invasion de Taïwan, non pas parce que ce serait raisonnable et rationnel à long terme ou nécessaire.

Ces instincts de nationalisme plus ou moins partagés dans votre pays, qu’ils soient, ah, aussi bien fondés soient-ils, sont des caractéristiques des humains hautement organisés au cours des derniers millénaires d’empire, et ont causé dans le passé d’innombrables pertes. À l’ère du nucléaire, et à l’ère qui exige une coopération mondiale sur le climat, elles ne sont pas seulement mortelles pour un grand nombre de personnes, elles sont mortelles pour la civilisation humaine. Et ça, c’est nouveau. Nous ne sommes pas une espèce à qui l’on peut faire confiance avec les armes nucléaires, mais nous les avons.

Et je suis très sensible au fait qu’on me qualifie de sanguin à propos de cette situation, parce que je dirais que ma vie, même lorsque j’étais au Pentagone, a été consacrée à essayer d’éviter une guerre nucléaire par des moyens qui étaient mauvais. Je me suis trompé. Les gens avec qui j’étais se sont trompés. C’était une terrible illusion de croire que c’était le moyen d’éviter une guerre nucléaire, en renforçant notre capacité nucléaire. Mais cela fait longtemps que je n’y crois plus. Et, vous savez, j’ai passé le reste de ma vie à essayer d’éviter ce que nous risquons en ce moment. Et sans succès, je dirais.

Vous avez posé une question sur le contrôle des armes ; le contrôle des armes a amené une grande réduction du nombre d’ogives. Cela ne veut rien dire. Cela n’a pas réduit d’un iota le risque de guerre nucléaire. Pas du tout. Avec les missiles balistiques intercontinentaux vulnérables des deux côtés en mode de lancement sur alerte, le risque de guerre nucléaire est dû à des calculs erronés, à des obsessions nationalistes erronées de type culte. Par une fausse croyance que la première frappe reste ou est préférable à la seconde, des illusions très rentables. Il est probable que ça va exploser. Et à 91 ans, ce n’est pas un sentiment de réussite dans ma vie, ou dans le contrôle des armes. Cela ne s’est pas produit.

RS : Donc, laissez-moi aussi terminer par un – tout d’abord, j’ai beaucoup de respect pour vous, Dan. Et la raison pour laquelle je voulais faire cette interview est que j’ai relu votre livre, The Doomsday Machine : Confessions d’un planificateur de guerre nucléaire. Et je le recommande aux gens. Mais ce que j’ai retenu de votre livre, c’est que nous devrions être très, très préoccupés par la possibilité que ces armes soient utilisées, que ce soit par calcul, par accident, par orgueil, par effet de démonstration. Parce que votre livre explique à quel point le système de contrôle est fragile.

Et je voudrais faire une remarque personnelle. Je suis allé à Tchernobyl. J’ai été l’un des premiers journalistes de la presse écrite à y aller ; j’y suis allé un an plus tard, et j’y suis allé avec des scientifiques soviétiques, des scientifiques américains, des hommes politiques, etc.

Et la peur – il s’agissait d’une centrale pacifique conçue pour ne pas endommager l’environnement et ainsi de suite. Mais la peur qui régnait alors, et le manque de calcul, et la possibilité que les travailleurs soient ivres ou que les gens ne sachent pas ce qu’ils font ou pourquoi les choses ont été arrêtées quand elles ont été arrêtées – vous savez, la fragilité du système, la dangerosité de la technologie dans les meilleures circonstances.

Et je pense simplement qu’il y a un horrible – ce que vous décrivez dans votre livre, un facteur humain ; il y a l’émotion, il y a le nationalisme, il y a la folie – imaginée, feinte, mais aussi réelle. Et je pense personnellement que nous avons beaucoup perdu – oui, certaines personnes en parlent encore beaucoup, mais nous avons cessé de prêter attention à la menace nucléaire. Ce n’est tout simplement plus à la mode. Et c’est juste que, même si nous disons des choses sur l’autre, à moins qu’il ne s’agisse de la Corée du Nord, nous supposons simplement que les gens vont être rationnels. Et quand ils sont mis au pied du mur, il s’avère que la rationalité n’a pas beaucoup de chance. Je vous laisse la dernière phrase.

DE : J’avais l’habitude de croire en la rationalité comme un phénomène utile. Le problème, c’est qu’en 1991, j’ai découvert – et bien avant cela – que l’on peut être très rationnel en ce sens que nos instruments se conforment et sont cohérents avec nos attentes, nos valeurs et nos désirs. Le problème est que ces prémisses peuvent être terriblement défectueuses. Prenez les personnes qui sont entrées dans le Capitole le 6 janvier. D’aucuns diront que ce n’était qu’une sortie de vacances, une visite normale, pas vraiment, mais ils croyaient sincèrement que l’élection était perdue. C’était fou dans un sens, et pourtant cela aurait-il pu être vrai ? Est-il possible qu’il y ait un canular comme celui-là ? Je dois dire qu’il n’y a vraiment aucune limite aux conspirations concevables, et aux types de conspirations que nous avons connues dans le passé. Ils croyaient que l’élection avait été volée. Dans ces conditions, dans quelle mesure ce qu’ils ont fait était-il excessif, si vous croyez vraiment qu’ils ont agi dans ce sens de manière rationnelle ? Cela ne me rassure pas du tout. Leurs convictions étaient folles. Et je ne peux dire ça que parce qu’il y a eu 80 tests judiciaires de ces croyances. Il y a eu beaucoup d’audits et ainsi de suite.

Après tout, j’ai été partie prenante d’une véritable conspiration de canulars en 1964, quand le président Lyndon Johnson a dit « Nous ne cherchons pas une guerre plus large ». Et il a été élu sur cette base, en particulier. Et je savais à ce moment-là que c’était faux, et je ne l’ai pas révélé, pas plus que n’importe qui d’autre, parmi les milliers qui le savaient. Je l’ai regretté, bien sûr, pendant plus d’un demi-siècle. Comment auriez-vous pu mieux démontrer que les gens ont rationnellement voté pour quelqu’un en croyant que, contrairement à Goldwater, il n’allait pas élargir la guerre ? Il se trouve que c’était faux. On leur avait menti, ils avaient été trompés. Malheureusement, il est si facile pour les humains d’être trompés par les autres, et de se tromper eux-mêmes, et de rejoindre ce qui sont en fait des sectes. Vous voyez – je ne m’étendrai pas sur certains d’entre eux – QAnon, qui semble absolument fou. La croyance que Trump a gagné l’élection est aussi fausse que les croyances de QAnon, et pourtant elle est affirmée par tous les Républicains qui se présentent aux élections. Maintenant, est-ce qu’ils le croient tous ? Presque certainement pas. Comment peuvent-ils tous le croire ? Mais ils le disent, et ils agissent comme si c’était vrai afin d’obtenir des fonds.

Ce que je dis, c’est qu’ils agissent rationnellement, de leur point de vue, et que les électeurs qui votent pour eux peuvent être trompés. La rationalité en soi ne me rassure donc pas du tout. Elle ne dit rien sur le souci des autres humains, le souci de l’avenir, le souci du réalisme. Qu’en est-il du climat ? Vous savez, la science du climat et le nombre de personnes qui croient qu’il n’y a pas vraiment de crise climatique d’origine humaine. Eh bien, ils agissent rationnellement, compte tenu de cette croyance stupide – je veux dire, non scientifique. Mais si je… nous pourrions parler de la Covid. Mais malheureusement, ce dont vous avez besoin en plus de la rationalité – c’est-à-dire en plus d’être cohérent avec vos valeurs – vous devez réexaminer ces valeurs et les changer. Si nous ne changeons pas nos préoccupations concernant le climat et la guerre nucléaire, dont vous dites que les gens ne s’inquiètent pas, parce qu’on leur a menti et qu’on les a maintenus dans l’ignorance – mais même ceux à qui on ne ment pas trouvent des raisons de poursuivre cela dans leur vie personnelle, ou d’obéir à d’autres personnes. Ce sont les raisons. Ils sont personnellement rationnels, et pourtant ils mènent à la destruction humaine. Ils ne se soucient pas tant que ça d’éviter une guerre nucléaire désastreuse, le changement climatique, ou autre.

Il ne s’agit donc pas d’essayer d’être plus rationnel. Il s’agit d’essayer de se soucier davantage de ce qui arrive aux autres, à nos petits-enfants et aux gens dans le monde, et d’avoir des convictions plus réalistes. Et comme vous le dites, la croyance qu’une guerre nucléaire peut être gagnée – en fait, nous sommes légèrement en désaccord sur le nombre de personnes qui y croient réellement. Mais un grand nombre de personnes agissent comme si c’était vrai, parce que leur emploi en dépend. Comme j’ai l’habitude de dire, n’importe qui peut être aussi stupide qu’il le faut pour garder son emploi. Et pour garder son emploi, les Républicains doivent faire semblant de croire que Trump est président, et les gens du Pentagone ou les politiciens qui affrontent les gens de droite doivent faire semblant d’être stupides, d’agir comme des idiots. Je sais que vous avez vous-même, je pense, obtenu la citation de Bush, si je ne me trompe pas, que oui, la guerre nucléaire peut être gagnée. N’est-ce pas vous qui avez révélé cela ?

RS : Oui, le premier président Bush.

DE : OK, dans quelle mesure croyait-il à cela ? Je pense qu’il avait un sens très limité dans lequel il pensait que cela pouvait être vrai, nous pourrions avoir plus d’armes à la fin de la guerre, par sa politique, qu’ils n’en avaient. Dans quelle mesure, vous savez, c’est une notion purement trompeuse du mot – pensait-il vraiment que nous pourrions y survivre ? J’en doute. Si c’était le cas, il n’y avait pas du tout pensé, ce n’était pas son problème. En revanche, pour ce qui est de s’y préparer, il y était très attaché. Je ne pars pas du principe que ce que Bush, le président Bush t’a dit, même à toi, Robert, ou à des gens comme mes amis Sy Hersh ou d’autres. J’avais l’habitude de dire, Sy, malgré tout ton scepticisme, ton cynisme et ton côté dur à cuire, je ne crois pas que tu puisses comprendre à quel point on t’a menti avec succès. Et je disais ça en tant qu’ancien initié. Et je vous dirai, Robert, que personne n’est un meilleur journaliste d’investigation ; vous êtes celui qui a découvert la vérité sur le golfe du Tonkin, sur les incidents qui ont finalement eu lieu, que même le capitaine qui pensait qu’il y avait eu une attaque sur son navire, le capitaine Herrick, vous avez découvert et convaincu qu’il avait eu tort. Et je dirais que même vous, Bob, pouvez être trompé sur la façon dont ces gens croient réellement les conneries qu’ils sortent.

RS : OK, mais je veux dire, nous avons parlé longtemps, mais je vais pousser une dernière idée ici. Vous avez tout à fait raison. Vous savez, il serait difficile de croire que vous ou votre culture pourriez survivre à une guerre nucléaire totale, évidemment. La raison pour laquelle je continue à évoquer Hiroshima et Nagasaki est l’idée que vous pouvez utiliser ces armes d’une manière limitée pour rappeler aux gens que vous les avez. Et c’est ce dont Poutine parle depuis longtemps maintenant, parce qu’il n’a cessé de dire, vous savez, comme il l’a fait dans une très bonne série qu’Oliver Stone a réalisée en l’interviewant, qu’il est arrivé au contrôle des armes ? Qu’est-il advenu de la promesse faite par Reagan et Gorbatchev de ne pas compter sur ces armes ? Qu’est-il advenu de l’idée de retenue ? Pourquoi nous avoir poussés si loin ? Pourquoi l’expansion de l’OTAN ?

Et dans la foulée, vous savez, les gens disent alors, eh bien, qu’avons-nous ? Nous avons la menace des armes nucléaires, mais ils ne la prennent pas au sérieux. L’étape suivante est, quoi, une démonstration. Peut-être que vous en faites exploser une dans l’océan, ou peut-être que vous les utilisez d’une manière tactique. Peut-être que vous attirez leur attention de cette façon. Et toute cette notion de modernisation de ces armes, le fait de les avoir encore, c’est parce qu’elles – et c’est pourquoi d’autres nations comme le Pakistan ou Israël veulent les avoir – c’est qu’il y a une utilisation pour elles. Et lorsque c’est la seule carte que vous avez à jouer, si cela s’avère être le cas, et que vous êtes la Russie et que vous êtes submergés et que votre armée est épuisée et qu’ils vous ont poussé contre le mur, et qu’ils ont dit que quiconque vous soutient ou est avec vous sera considéré comme un criminel de guerre, vous savez, et que nous allons avoir des procès de Nuremberg pour vous, et cetera, et cetera – vous savez, vous avez ces armes et beaucoup d’argent et d’efforts ont été dépensés pour elles. Ne tentez-vous pas un effet de démonstration ? Ne les utilisez-vous pas ?

C’est le scénario qui m’a poussé à vouloir vous interviewer aujourd’hui. Et je me base vraiment sur le fait que j’ai relu votre livre, et je le recommande aux gens, The Doomsday Machine. Parce que c’est là tout le danger. Et il y a une certaine euphorie à propos de tout cela, que d’une certaine manière, oh, il ne s’agit que de l’Ukraine, ou des droits humains. Non, ce n’est pas le cas. Il s’agit de grandes luttes de pouvoir. Il s’agit de réalignement dans le monde. Il s’agit de la peur de la puissance économique et du succès de la Chine, et de son lien avec la Russie. Il y a beaucoup de choses en jeu. Et dans cet environnement, si vous pensez que vous êtes du mauvais côté de la médaille – et vous n’allez pas simplement prendre une pilule et vous tuer. Vous savez, vous pourriez essayer une autre tactique, qui est de montrer, attendez une minute, vous feriez mieux de reculer parce que nous pouvons le faire. Et nous l’avons fait. Avec un peu de chance, on peut tuer beaucoup de poissons dans l’océan avec ce genre de choses, ce que les scientifiques de Berkeley ont recommandé pour Fat Man et Little Boy, et on ne tue pas des centaines de milliers de personnes comme on l’a fait à Hiroshima et Nagasaki. C’est ce qui m’inquiète dans la situation actuelle.

DE : Eh bien, Bob, je sais que nous avons dépassé votre limite de temps ici, et vous n’êtes pas obligé d’utiliser ceci. Mais je veux dire, est-ce que je peux juste répondre à cette question ou la commenter ? Allons-y, puisque nous sommes ici. OK. Tout d’abord, comme je le dis toujours, je ne suis pas moins préoccupé que vous. Je suis très préoccupé ; en fait, comme je vous l’ai dit, je suis déprimé par les perspectives de guerre nucléaire et les perspectives de prolifération, et cetera. Je suis très pessimiste, presque fataliste, sauf que je sais que lorsque j’ai été certain auparavant que les choses allaient mal tourner, elles ne l’ont pas toujours fait, ou bien elles ont bien tourné.

OK. Voici ma propre perspective, j’ai dû m’adapter dans une certaine mesure dès le début. Je n’ai jamais cru que nous pourrions traverser les 70 dernières années sans une guerre nucléaire. Je pensais que c’était si improbable dès 1959, lorsque j’ai rejoint la RAND, que je n’ai pas adhéré à leur campagne d’assurance, TIAA-CREF, un plan de retraite très généreux. Je n’ai donc pas d’argent pour ma retraite, car je ne pensais pas qu’il y avait la moindre chance que je vive pour en profiter. Ah, la guerre nucléaire pouvait être repoussée, et c’est ce que j’essayais de faire – mais pas aussi longtemps.

Maintenant, comment se fait-il que cela ait été si long ? Et comme je l’ai dit, une première raison est que les Russes ne faisaient pas vraiment la course avec nous à l’époque, mais plus tard ils l’ont fait. Et pendant longtemps, ils l’ont fait. Je n’aurais pas prédit que les États-Unis ou l’Union soviétique se permettraient de perdre une guerre sans tirer une arme nucléaire, alors qu’ils en avaient beaucoup. Et je n’étais pas le seul à le penser. Je pense que beaucoup, beaucoup de gens ont pensé, ah, ça ne va tout simplement pas arriver ; c’est pourquoi la guerre est presque certaine. En fait, nous avons permis, les deux parties ont permis une impasse en Corée sans lancer leurs armes nucléaires. Bien que nous les ayons utilisées en les menaçant. Et d’ailleurs, l’Union soviétique les utilisait en les menaçant. Aucun des deux camps – bien sûr, ils n’en avaient que très peu à l’époque, nous en avions beaucoup – nous ne les avons pas vraiment utilisées, même si Eisenhower était tout à fait disposé à le faire et qu’il les a menacés.

Ensuite, il y a le Vietnam. Je pense que si la Chine n’avait pas eu d’armes nucléaires à partir de 1964, nous aurions lancé des armes nucléaires au Vietnam avant de nous laisser perdre comme nous l’avons fait. Mais la possibilité d’une réaction chinoise a été un facteur clé dans le fait que nous n’avons pas fait les choses pour lesquelles nous avions des plans, tous écrits. [peu clair] 1969, 1972 – mais elles n’ont pas été réalisées. Ce que je veux dire, c’est que nous avons les Soviétiques en Afghanistan. Nous avions des bombes à neutrons à l’époque, comme nous en avons aujourd’hui ; vous pensez qu’ils n’auraient pas pu les utiliser avec un quelconque effet ? Mais ils ne l’ont pas fait. Ils ont perdu la guerre. Nous avons perdu la guerre en Afghanistan sans les utiliser.

Maintenant, que doit-on en tirer ? On pourrait dire, mais je pense que c’est une erreur, elles ne seront jamais utilisées – les gens sont si prudents qu’il s’avère qu’ils ne les utiliseront jamais. Je pense qu’en fait, vous m’accusez, ou vous affirmez, que je pense cela ; je ne le pense pas du tout. Mais je constate qu’ils sont un peu plus prudents que je ne le pensais. Cela signifie-t-il qu’elles ne seront pas utilisées ? Non. En ce qui concerne la crise des missiles cubains, j’ai conclu – en y participant, puis en l’étudiant depuis plus de 40 ans – que j’ai une compréhension différente de celle de presque tout le monde, à tort ou à raison. Et ma compréhension est que ni Khrouchtchev ni Kennedy ne croyaient pouvoir gagner une guerre nucléaire. Ni l’un ni l’autre ne croyait qu’ils pourraient contenir une guerre conventionnelle. Ainsi, tous deux, en menaçant de faire la guerre, bluffaient, à mon avis ; ils étaient déterminés à ne pas aller jusqu’à un conflit armé, comme aujourd’hui en Ukraine.

Et pourtant, ils étaient déterminés à proférer des menaces de telle sorte que le monde était à deux doigts d’exploser. Malgré le fait qu’ils n’étaient pas, ah – LeMay n’était pas en charge. Oui, il a peut-être envoyé un U-2 au-dessus de l’Union soviétique à un moment donné, ou peut-être pas ; Kennedy pensait qu’il l’avait fait. Mais ils n’ont pas provoqué une guerre parce que les deux parties ne voulaient pas de guerre. Et pourtant, ils ont presque provoqué une guerre nucléaire. Si Arkhipov, sur le sous-marin B-59 du côté soviétique, n’avait pas opposé son veto au lancement d’une torpille nucléaire, vous et moi ne serions pas ici. Cela aurait pris fin.

Et puis plus tard, en 1983, Petrov a regardé Reagan – Reagan n’était pas sur le point d’effectuer une première frappe. Mais Andropov pensait qu’il l’était. Et donc il a préparé un système de renseignement pour lui dire, quand ce sera l’heure, quand cela va-t-il se produire ? La plus grande opération de renseignement de l’histoire, pour qu’il puisse préempter. A quel effet ? Et si nous étions sur le point d’attaquer ? Tout comme nous, il aurait voulu être le premier à attaquer. Malheureusement, cela ne s’est pas produit, pour diverses raisons, l’une d’entre elles étant que Stanislav Petrov en Russie a choisi de ne pas signaler ce qui aurait pu être une attaque américaine imminente. Ce qui n’était pas le cas, mais il n’était pas sûr que ça ne l’était pas. Et sans cela, encore une fois, vous et moi ne serions pas ici.

Donc ce que je dis, vous savez, d’un côté, la chose essentielle est que je crois qu’il est plus que possible dans certaines circonstances que la chose explose. Comme vous le dites, il est même plus que possible qu’une attaque originale limitée se produise, et qu’elle explose ou pas, à cause de cette croyance qu’ils vont peut-être se retirer. C’est stupide, non ? A quel point c’est imprudent ? Les gens peuvent-ils, cependant, y croire, cette escalade pour désescalader ? C’est notre politique de l’OTAN. Ce dont ils parlent sans cesse comme d’une idée russe d’une arme de démonstration était notre politique de l’OTAN pour Berlin pendant de nombreuses années. Et des gens très instruits et expérimentés ont dit, eh bien, c’est ce que nous devrons faire. Ce serait de la folie de le faire. Auraient-ils pu le faire ? Oui. Mais fou, dans une situation désespérée.

Donc ce que je dis, c’est qu’il n’est pas nécessaire que les gens soient réellement étourdis pour croire à ces choses. Je crois vraiment que la guerre est très dangereuse. Et d’ailleurs, que devrions-nous faire si, comme vous le dites, si Poutine fait effectivement ce que nous craignons : utiliser une arme nucléaire ? Devrions-nous y répondre ? En fait, non. Cela ne ferait qu’augmenter les chances d’une escalade générale. Le ferions-nous ? Peut-être oui, peut-être non. Probablement oui, je pense. Donc les risques seraient pris. Et s’ils ne l’étaient pas, d’une manière ou d’une autre, l’expérience des 70 dernières années, Bob, me dit que les deux parties pourraient renoncer à une escalade totale. Elles pourraient. C’est une possibilité réelle. Elles s’en inquiètent. C’est loin d’être une certitude. Au mieux, c’est du 50/50 ou moins.

Mais supposons qu’ils ne fassent pas exploser le monde. Que se passe-t-il alors ? Prolifération de masse. Tout le monde voit, ah, le précédent a été brisé ; maintenant nous devrions avoir nos armes nucléaires pour pouvoir dissuader les autres, pour pouvoir faire ce que Poutine vient de faire et s’en sortir. S’il s’en est tiré. S’il ne s’en sortait pas, alors personne n’aurait de décision à prendre. Mais si, d’une manière ou d’une autre, cela est limité, ah, alors les gens peuvent dire, OK, nous avons besoin de ces choses pour faire nos propres menaces. Et nous pourrions avoir une ère de guerres nucléaires limitées avant que les États-Unis et la Russie ne fassent tout sauter.

Ce n’est pas un avenir merveilleux non plus. Mais c’est ce à quoi nous sommes confrontés, je pense. Et pour la dernière fois, je dirai qu’il n’est pas nécessaire d’être aussi fou que LeMay pour faire de ce monde un endroit très dangereux. Tous les précédents que nous avons eus en ont fait un endroit dangereux. Et Poutine les a clairement rejoints.

RS : OK. Sur cette note, grattons un peu d’optimisme.

Je tiens à vous remercier, Daniel Ellsberg, pour toute une vie passée à attirer notre attention sur des choses que nous ne connaissions pas et dont nous avions besoin. Ah, le voilà. Je veux remercier Christopher Ho de KCRW et remercier la station pour avoir diffusé ces programmes, l’équipe formidable qui est là. Joshua Scheer, notre producteur exécutif. Natasha Hakimi Zapata pour avoir écrit les introductions. Lucy Berbeo pour les transcriptions. Je tiens à remercier la fondation JKW en mémoire de Jean Stein, un écrivain formidable, pour avoir soutenu l’émission, et T. M. Scruggs pour son soutien vraiment décisif. Merci. Rendez-vous la semaine prochaine avec une nouvelle édition de Scheer Intelligence.

Source : ScheerPost, Daniel Ellsberg, 22-04-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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24 réactions et commentaires

  • Kaki // 24.05.2022 à 08h56

    Les états Unis veulent éteindre militairement la Russie et économiquement la Chine. Le seul pays qui ne s’est pas encore totalement soumis militairement est la Russie, mais pour combien de temps ? Ils vont leur faire la peau et après ça sera au tour des chinois, mais la guerre sera gagné par les états Unis. La puissance militaire, technologique, diplomatique, culturelle est un investissement trop lourd pour laisser les chinois en profiter. Un ordre d’idée, les USA c’est 12 portes avions, ils disposent de la même ressources d’un point de vue:

    -technologique (GAFAM)
    -culturel (Hollywood, penseurs)
    -économique (la planche à billet)
    -diplomatique (l’otan)

    Aussitôt que les russes tenteront quelque chose, ils seront rasés, même si c est tactique,ils en seront dissuadés avant

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    • Rem31 // 24.05.2022 à 10h28

      Un missile hypersonique russe Kinzhal, hors sa charge d’explosif conventionnel , restitue une énergie cinétique à l’impact équivalente à plus de 4 tonnes de TNT. Oubliez les 12 porte avions.

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      • Kaki // 24.05.2022 à 13h52

        Certes les missiles Kinjal sont très efficaces semble t-il, mais cependant,

        1-ce ne sont pas des consommables au sens T 72 du terme

        2- très peu d’information voire pas du tout sortent sur les capacités réelles du missile.

        3- les portes avions sont peut être des proies faciles, toutefois ils emportent avec eux une centaine d’aeronefs

        4-Les états Unis n’ont pas que des portes avions, ils ont aussi des alliés, des vassaux et d’autres moyens d’éteindre la Russie.

        5- les états Unis ont débutés les essais pour leurs missile hypersonic.

        Einstein disait qu’il ne savait pas avec quoi serait faite la 3eme guerre mondiale, mais que la 4eme guerre mondiale serait faite avec des cailloux et des bâtons.

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      • 6422amri // 24.05.2022 à 15h38

        Ce que vous ne saisissez pas;

        Ce missile coûte 5 millions de $ pièce et est inutile dans le conflit en Ukraine. La Russie n’en possède que quelques exemplaires.
        La Russie à cause des embargos ne peut plus maintenir, construire, renouveler le matériel qu’elle aligne car ce pays dépendait étroitement des composants essentiels fabriqués à l’étranger dont 2000 provenant de l’Ukraine. L’usine de fabrications de chars est a l’arrêt, les chantiers navals a Vladivostock aussi (les turbines a gaz des bateaux russes étaient fabriqués en Ukraine).
        C’est une guerre d’attrition comme la bataille sur la Somme en 1915. Il y a un avion cargo C17 américain qui arrive en Pologne toutes les 90 minutes, 24/24, chargé de matériels militaires. Le Danemark vient d’annoncer la livraison de missiles Harpoon qui mettent Sebastopol a portée de l’Ukraine.

        Le temps joue contre la Russie, les gains sur le terrain sont faibles voire nuls. Mobiliser des réserves, les former, les équipper prendra de nombreux mois.

        En 1968 pour l’invasion de la Tchécoslovaquie le Pacte de Varsovie avait aligné 600.000 hommes en face d’un pays qui n’a offert aucune résistance.
        Entre 1941 et 1943 l’Allemagne avec 400.000 hommes avait été incapable de contrôler l’Ukraine.

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        • RGT // 25.05.2022 à 09h40

          La dépendance de la Russie à L’Ukraine n’est plus qu’un mythe depuis de nombreuses années et même avant la « révolution de couleur » orange de 2004 les russes avaient très bien compris que l’Ukraine n’était plus du tout un fournisseur/partenaire fiable.

          Ils ont donc depuis bien longtemps rapatrié le savoir-faire, les compétences et ont relocalisé la fabrication (quelle horreur !!) sur leur propre territoire, ne laissant en Ukraine que les constituants peu sensibles qu’ils pouvaient sans problème fabriquer en Russie en cas de problème.

          Leur seul problème actuel concerne principalement les semi-conducteurs de pointe (processeurs hyper-rapides et mémoires entre autres) mais le développement planifié à marche forcée de ces technologies sous contrôle de l’état permettra à la Russie de pouvoir être autonome dans quelques années, et comme ils sont ne l’oublions pas très compétents dans les domaines de pointe ils risquent ensuite de dépasser les occidentaux qui une nouvelle fois nous feront le cœur des vierges effarouchées quand ils comprendront le désastre.

          En attendant, et malgré les « sanctions » ils trouveront bien tout ce dont ils ont besoin dans le « marché libre et ouvert » certes un peu plus cher mais sans aucun problème car malgré les décisions des « dirigeants intègres » occidentaux des opportunistes ne manqueront pas de sauter sur l’aubaine de profits remarquables.
          Et comme en occident les gros profits sont en partie utilisés pour faire du « mécénat politique » la Russie ne sera « étouffée » que sur le papier et dans la tête des éditocrates médiatisés.

          N’oublions jamais que les sanctions ne s’appliquent qu’à ceux qui n’ont pas les moyens de payer.
          Ce qui n’est PAS (plus) le cas de la Russie aujourd’hui.

          Les dirigeants €uropéens tirent une balle dans le tête de leur propre population et ils s’en foutent car ils n’auront JAMAIS constitutionnellement à rendre compte de leurs actes.

          C’est beau la « démocrassie ».

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          • 6422amri // 25.05.2022 à 12h31

            Leur seul problème actuel concerne principalement les semi-conducteurs de pointe (processeurs hyper-rapides et mémoires entre autres)
            Il y a plus de 2000 composants majeurs qui étaient fabriqués par l’Ukraine, plus de 400 entreprises, pour les secteurs de la défense. Antonov par exemple pour tous les avions de transport de l’armée russe.
            Processeurs ? Pas plus..il s’agit de remplacer des ensembles complets et complexes.
            La fabrication des chars modernes ou modernisés est arrêté totalement la majorité de l’électronique était fourni par la Corée, Taiwan, l’opto électronique, les caméras thermiques par Thalès, une filiale de Airbus.
            Le chard T14-Armata, le dernier modèle russe utilise un moteur qui est fourni par la compagnie allemande Bosch.
            Idem pour les missiles russes dont une partie de l’électronique provenait de l’Ukraine (pas pour rien qu’un missile ukrainien maritime a coulé le navire amiral de la flotte russe).
            Vous ne connaissez pas le secteur de la défense russe, sa dépendance aux entreprises étrangères et pas seulement les processeurs.
            Je peux faire une remarque identique pour le secteur énergétique.
            Ce que vous affirmez sur le rapatriement des compétences par l’Ukraine est totalement inexact.

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    • RV // 24.05.2022 à 12h09

      La planche à billet est sans doute une des causes majeures.
      Les chefs d’État qui ont eu des velléités de sortir des échanges en dollars se sont tous fait zigouiller.
      C’est ce que fait la Russie, par exemple en se défaisant de ses bons du trésor nord-américains depuis quelques années et aujourd’hui en construisant avec la Chine et d’autres partenaires des échanges hors dollar.

      A ce sujet, je vous invite à jeter un œil à cet article :
      Le destin de la civilisation (Multipolarista) – Michael HUDSON
      https://www.legrandsoir.info/le-destin-de-la-civilisation-multipolarista.html

        +4

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      • 6422amri // 24.05.2022 à 16h50

        En 2021 la Chine et la Russie ont utilisé le dollar us pour 20 % de leurs échanges.

        Le commerce entre la Chine et la Russie c’est 50 milliards de $ us d’exportation pour la Russie et 68 milliards de $ US d’exportations pour la Chine.

        Le marché russe pour la Chine c’est quasiment une variable d’ajustement en face des quelques 1400 milliards de $ du commerce avec l’EU et les USA (qui restent le premier marché chinois).

        La réalité;

        68 % des échanges mondiaux utilisent le dollar US
        20 % utilisent l’euro
        7 % utilisent le renmibi (yuan)
        Le reste le franc suisse, le dollar canadien, etc

        Plus de 80 % des réserves des banques centrales sont en $ us, les USA détiennent la plus large réserve d’or au monde (8800 tonnes) et possèdent la plus grande mine d’or au monde.

        Pour réellement internationaliser le renmibi, la Chine doit accepter que sa monnaie soit transigée, comme les autres par l’arbitrage, ce qu’elle refuse de faire. Pourquoi ?

        Ceci de facto entraînerait une réévaluation du renmibi de plus ou moins 20 % rendant la main d’oeuvre chinoise trop chère, sapant la compétitivité chinoise (déjà compromise par des pays comme le Vietnam, les pays africains, etc). C’est bien l’un des rares points ou je puisse être d’accord avec Trump.

        Les systèmes d’échanges dont vous parlez représentent moins de 2 % des échanges mondiaux. La Chine a besoin de plus de 700 milliards de $ us chaque année pour son commerce et elle est le plus grand détenteur des bons du trésor us (1500 milliards de $) devant le Japon.

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        • RV // 24.05.2022 à 21h27

          @ 6422amri // 24.05.2022 à 16h50
          Merci pour toutes ces précisions !
          L’hégémonie du dollar ne fait aucun doute, je ne fais que constater que tous ceux qui ont fait mine de la contrer n’ont pas fait de vieux os et qu’aujourd’hui ce sont bien la Russie, la Chine et bientôt les BRICS élargis qui semblent être sur une stratégie de confrontation.

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          • 6422amri // 24.05.2022 à 21h52

            J’entends parler de cette histoire depuis au moins une vingtaine d’années, toujours par les mêmes. Parmi les BRICS il y a l’Inde qui qui partie de la coalition contre la Chine avec les USA, le Canada, la Grande-Bretagne et l’Australie.

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        • ouvrier Pcf // 25.05.2022 à 08h37

          en fait la russie est une terre aride sans devenir la chine un magasin de soldes la chine a besoin de dollards pour faire du commerce au fait pour lopium de lafghanistan c’est en rouble ou en dollrds qui’l est commercé ? la Chine achete combien de millirds de tonnes d’opium? la Chine produit combien de dizaines de telephone ? l’agfghanistan combien de millions de tonnes d’acier L’autre y comprend tout

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    • moshedayan // 24.05.2022 à 12h53

      OUbliez ce scénario, les Chinois ont bien compris tout cela. Ils se ménagent et feront tout pour préserver leur montée en puissance économique et militaire… Mais comme ils ont compris…. si les Etats-Unis s’attaquent à eux plus directement (comme ils l’ont fait avec l’Ukraine pour la Russie) Taïwan ou Mer de Chine… les Chinois balanceront tout y compris et surtout le nucléaire pour vitrifier les grandes villes américaines… -les derniers avertissements chinois de ces derniers jours sur les propos de Biden sont clairs… La Chine est même prête à un compromis historique avec le Japon et la Corée du Sud pour abattre l’agressivité américaine… le chemin est long mais ils l’ont fait savoir déjà…

        +12

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      • Kaki // 24.05.2022 à 13h56

        Les états Unis ont attaqués la Chine à l’ukrainienne. Certains ouïghours ont commis des attentats, réponse de la Chine on enferme tout le monde, Les dirigeants chinois ou russes ont ils les moyens de faire des révolutions de couleurs aux USA ?

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        • RGT // 25.05.2022 à 10h06

          « Les dirigeants chinois ou russes ont ils les moyens de faire des révolutions de couleurs aux USA »

          Hélas ils ne sont pas pour l’instant assez sournois pour ça mais je crois qu’ils songent désormais sans doute à cette option.

          Révolution de couleur, mais pas sur le territoire US, plutôt à proximité immédiate et personnellement je vois bien le Mexique, pays qui vit depuis la révolution sous une dictature pro-US.
          La population ne verrait pas d’un mauvais œil une VÉRITABLE révolution de couleur qui permettrait de se débarrasser d’un état corrompu jusqu’à la moelle.

          Et dans ce cas, la première chose que feraient les nouveaux dirigeants s’ils avaient un peu de jugeote consisterait à se mettre sous la protection de la Russie et de la Chine en réclamant l’installation de bases militaires et de missiles nucléaires sur leur territoire pour se protéger de leur voisin sanguinaire.

          Pour résumer, une Ukraine à l’envers, ce qui ne manquerait pas d’entraîner l’indignation « démocratique » de l’ensemble de la « communauté internationale » bien sûr.

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  • Hiro Masamune // 24.05.2022 à 13h25

    A chaque fois qu’on a crée une arme qui dominait outrageusement le champ de bataille, l’homme a toujours eut tendance à vouloir écrire des mots sur du papier pour promettre qu’on s’en servirait jamais … et à souvent les oublier bien avant que les circonstances l’aient exigées.
    L’arbalète en son temps faisait scandale, l’empereur du Japon à banni les arquebuses pendant deux siècles, on s’est interdit l’usage des gaz de combat après la première mondiale … pour mieux en arroser les révoltes coloniales cinq ans après , on a limité les flottes (en grugeant tous allègrement), on a juré nos grand dieux qu’on ferait pas de robots tueurs , mais on en utilise quand même, on a interdit les mines anti-personnelles , mais on en tapisse les tranchées à l’heure où j’écris ces mots…
    Le seul truc qui retient le monde en matière nucléaire c’est que personne ne veut être le gars qui va valider le paradoxe de Fermi pour notre espèce.

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  • 6422amri // 24.05.2022 à 15h09

    La meilleure définition de cette guerre.

    La Russie livre une guerre coloniale sous protection nucléaire.

    Une guerre inutile que la Russie ne peut pas gagner (et ne peut pas perdre).

    Pour ceux qui lisent le russe on peut conseiller la lecture du site suivant – Statement of the Council of the All-Russian Officers’ Assembly – daté du 19 Mai 2022.

    https://m-kalashnikov.livejournal.com/4243623.html

    Un résumé

    Les personnalités nationalistes russes critiquent de plus en plus les échecs de l »opération militaire spéciale » de la Russie en Ukraine et appellent à une mobilisation supplémentaire que le Kremlin ne veut et ne peut probablement pas poursuivre à court terme.

    L’Assemblée panrusse des officiers, une association indépendante d’anciens combattants pro-russes qui cherche à réformer la stratégie militaire russe, a appelé le 19 mai le président russe Vladimir Poutine et le Kremlin à déclarer la guerre à l’Ukraine et à introduire une mobilisation partielle en Russie. L’Assemblée a déclaré que l' »opération militaire spéciale » de la Russie n’a pas réussi à atteindre ses objectifs en trois mois, notamment après l’échec des traversées de la rivière Siverskyi Donets. L’ISW a précédemment évalué que la destruction de la quasi-totalité d’un groupe tactique de bataillon russe (BTG) lors d’une traversée ratée de la rivière le 11 mai a choqué les observateurs militaires russes et les a incités à remettre en question la compétence russe. Dans son appel, l’Assemblée a demandé à M. Poutine de reconnaître que les forces russes ne se contentent plus de « dénazifier » l’Ukraine, mais qu’elles mènent une guerre pour les territoires historiques de la Russie et son existence dans l’ordre mondial. Les officiers ont exigé du Kremlin qu’il mobilise toutes les régions limitrophes des pays de l’OTAN (y compris l’Ukraine), qu’il forme des escadrons de défense territoriale, qu’il prolonge la durée normale du service militaire d’un an à deux ans et qu’il forme de nouvelles administrations suprêmes de guerre sur la Russie, les républiques populaires de Donetsk et de Louhansk (DNR et LNR) et les colonies ukrainiennes nouvellement occupées. Les officiers ont également exigé la peine de mort pour les déserteurs.

    Rappelons que le BTG c’est 800 hommes, une quarantaine de chars, des véhicules blindés. Le résultat, terrible, est visible sur la chaîne youtube.

    Pour ceux qui ne lisent pas le russe il existe des systèmes de traductions automatiques intégrables a Firefox ou Chrome.

    La liste des pertes matérielles russes et ukrainiennes est disponible sur le site Oryx, ce qui est documenté c’est ce qui est a été vérifié visuellement, a l,aide de la géolocalisation pour éviter les doublons

    Ici

    https://www.oryxspioenkop.com/2022/04/destination-disaster-russias-failure-at.html
    https://www.oryxspioenkop.com/2022/03/list-of-naval-losses-during-2022.html
    https://www.oryxspioenkop.com/2022/03/list-of-aircraft-losses-during-2022.html
    https://www.oryxspioenkop.com/2022/02/attack-on-europe-documenting-equipment.html

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    • Logique // 24.05.2022 à 21h06

      Totale désinformation. Il y a aussi des ultras en Russie. Le mensonge sur le bataillon détruit est révélateur.

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      • 6422amri // 24.05.2022 à 21h43

        Il ne s’agit nullement d’un mensonge. Pas mis en scène par Hollywood. Si cette association d’anciens officiers russes en parle sont-ils inspirés par la CIA ? UN MENSONGE ? Ce fait est spécifiquement mentionné dans leur argumentaire.

        https://www.youtube.com/watch?v=oBcLVaE2hrU

        Tentative de traverser la rivière Siverskyi Donets le 11 MaI 2022.

        Avez-vous consulté le site russe ?

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        • Micmac // 25.05.2022 à 10h50

          Vous semblez à travers vos commentaires, vraiment sous-estimer la Russie. Tout comme les néoconservateurs dont vous reprenez les arguments et la propagande.

          Hors, les choses finissent mal pour ceux qui sous-estiment la Russie.

          La Russie n’est pas une station service avec une armée. C’est une grande puissance qui se sent menacée. Les Russes voient l’extension de l’OTAN et le delbro que crée systématiquement le Département d’État et la CIA sur leurs marches comme une menace existentielle. Ils l’ont dit, et vous pouvez les croire sur parole. Les mots ont un sens : cela signifie que maintenant qu’ils sont lancés, ils ne reculeront plus jusqu’à leurs objectifs atteints. Quoiqu’il arrive.

          Et je trouve qu’ils ont été très patients…

          D’autant que contrairement aux tombereaux de bullshits que déversent Kiev et les cellules de propagandes néocons, les choses se passent bien pour eux. Tant militairement qu’économiquement. Je pense que concernant l’économie, par contre, nous devrions commencer à nous inquiéter sérieusement pour ce qui nous concerne.

          On parle de l’Afghanistan comme du cimetière des Empires, mais la Russie en a un pas mal dans son arrière court. Un empire par siècle depuis la libération totale des envahisseurs Mongols.

          Pologne, Suède, France, IIIième Reich… Pour ma part, je les vois creuser une nouvelle tombe.

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          • 6422amri // 25.05.2022 à 12h38

            Oui Micmac. Vous avez accédé le site russe ?

            Je fais des constats sur le secteur de la défense russe et de sa dépendance aux produits manufacturés à l’étranger dont elle est désormais privée ce qui va l’empêcher de reconstituer son matériel militaire, de faire la maintenance du matériel militaire livré à ses clients.

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  • Castor // 24.05.2022 à 21h51

    Il est bien naïf l’ami Ellsberg :

    « C’est le seul moyen pour lui [Poutine] de garder son emploi ou d’éviter une grande perte ou autre chose »
    Croit-il vraiment que l’objectif de cette guerre soit pour V. Poutine de conserver la présidence ? Il a sans doute usé beaucoup de son crédit pour éviter l’intervention militaire actuelle.

    D. Ellsberg affirme également que les préoccupations russes d’un génocide dans le Donbass sont de la propagande. Les russophones de cette région avaient le choix entre se soumettre, mourir ou fuir, alors qu’ils n’avaient commis aucune agression. C’est bien la marque que l’Ukraine est un état totalitaire. Après on peut discuter du contenu à donner au terme « génocide ». Est-ce un meurtre de masse ? Est-ce que c’est la volonté de tuer tout un peuple ? Et un peuple, c’est quoi ? Une seule culture, une seule religion ? Un « grand » nombre d’hommes ?

    La déclaration de P. Poroshenko avilissant les russophones et justifiant tout ce qui pourrait être fait à leur égard car « ils ne savent rien faire de leurs mains » rappelle furieusement une rhétorique qui a eu cours de l’autre côté du Rhin dans les années 30. La crainte des russes était tout à fait justifiée.

      +10

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    • RGT // 25.05.2022 à 10h53

      Porochenko avait comparé les habitants du Donbass à des parasites, à des « cancrelats » qu’il fallait écraser sous les bombes, de faire crever leurs enfants de faim sans soins ni éducation et de faire crever les vieux en supprimant leurs pensions pour ensuite pouvoir récupérer les terres qu’ils occupent au détriment de la « race supérieure ».

      On dirait Navalny quand il parle des tchétchènes, les discours des Einsatzgruppen ou ceux des bataillons SS bandéristes de la division Galicie si attentionnés envers les populations russes ET polonaises et qui ont aussi montré leur « générosité » en France dans le Vercors, ne l’oublions JAMAIS.

      Si vous allez dans le Vercors vous pourrez encore trouver dans les éboulis les vestiges des « gentils shrapnells » et autres munitions que ces « combattants de la liberté » ont généreusement prodigué à TOUTE la population de ce massif montagneux, particulièrement les vieillards, les femmes et les enfants qui vivaient dans les villages et les fermes de cette campagne verdoyante.

      Je n’ose pas penser à ce qui se serait produit si la population avait été composée de juifs, de polonais ou de russes.

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      • 6422amri // 25.05.2022 à 23h41

        Si vous avez écouté Porochenko vous parlez le russe. Je vous suggère d’écouter la première chaîne russe ou l’on explique en permanence comment détruire Londres, Paris.

        Pour le Vercors il n’y a JAMAIS eu d’unités de la SS Galicie, j’ai vérifié la liste des unités engagées. Elle n’a JAMAIS opéré en France.

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