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6.octobre.20236.10.2023 // Les Crises

Lanceurs d’alerte : une loi allemande « risque de nous ramener à l’ère de la Stasi », selon un historien allemand

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Un historien met en garde contre la création d’une « culture de la délation » par le biais de points de signalement permettant aux gens de dénoncer leurs collègues.

Source : The Telegraph, Jörg Luyken
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Hubertus Knabe a été directeur du Mémorial de Hohenschönhausen, sur le site de la prison politique de la Stasi, jusqu’en 2018 Crédit : Julian Simmonds pour The Telegraph

Par Jörg Luyken depuis Berlin

L’Allemagne met discrètement en place un « gigantesque appareil de surveillance » qui risque de créer une culture de la dénonciation semblable à celle des nazis et de la Stasi, a affirmé l’un des plus éminents historiens du pays.

Hubertus Knabe a affirmé que Berlin mettait en place un système tentaculaire de « points d’information » au sein des entreprises et des autorités gouvernementales, qui permettra aux gens de dénoncer leurs collègues, et ce « à l’insu du public. »

La « loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte » est entrée en vigueur en juillet dans le but déclaré de protéger les personnes qui signalent des abus sur leur lieu de travail. Toutes les entreprises employant plus de 49 personnes doivent mettre en place un bureau où le personnel peut signaler anonymement les abus présumés de la loi sans crainte de représailles.

Mais selon Knabe, qui a dirigé pendant près de vingt ans le Mémorial de Hohenschönhausen, situé sur le site de la prison politique de la Stasi à Berlin, la loi a une portée plus large que la simple protection des lanceurs d’alertes.

« Les points d’information ne se contenteront pas d’enquêter sur les soupçons de criminalité, ils s’occuperont également des délits passibles d’amendes », a-t-il écrit dans un article paru cette semaine dans le journal allemand Die Welt. Ils seront même responsables des déclarations des fonctionnaires qui « constituent une violation de l’obligation de loyauté envers la constitution ».

« Une atmosphère de peur »

Mettant en garde contre le fait que « il n’y a qu’un pas entre le simple signalement et la dénonciation », Knabe a cité l’exemple de l’Allemagne nazie, où les Allemands dénonçaient avec empressement leurs voisins, souvent « pour en tirer un avantage personnel ou pour se venger. »

Dans le pire des cas, ces points de signalement conduiront à « une atmosphère de crainte semblable à celle que l’on observe dans les dictatures », a-t-il déclaré.

On peut considérer que Knabe a son mot à dire sur la question de savoir jusqu’à quel point l’État est autorisé à sanctionner des cadres supérieurs pour des abus signalés sur le lieu de travail.

En 2018, la mairie de Berlin l’a licencié de manière controversée de la tête du Mémorial de Hohenschönhausen en raison d’allégations selon lesquelles il n’aurait pas su faire face au sexisme sur le lieu de travail. Il s’est plaint d’avoir été licencié sans avertissement ni possibilité de donner sa version des faits.

Ces dernières années, les commentateurs politiques et les experts constitutionnels ont été de plus en plus préoccupés par la prolifération de ce que l’on appelle les « centres de délation », qui sont souvent mis en place en ligne.

« Portail d’alerte antiféministe »

Un « portail de signalement antiféministe » géré par la Fondation Amadeu Antonio, une ONG de lutte contre la discrimination financée par le gouvernement fédéral, est particulièrement irritant pour les conservateurs. Il encourage les gens à dénoncer ceux qui distribuent des tracts critiquant la « théorie du genre » ou qui tentent de perturber des événements féministes.

Au début de l’année, l’ONG environnementale Greenpeace a mis en place un portail similaire sur lequel le public pouvait signaler les cafés ne proposant pas de gobelets réutilisables. Tout signalement entraîne l’envoi d’une notification aux autorités locales.

Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) a employé des tactiques similaires dans le domaine de l’éducation. En 2018, il a créé un site web encourageant les gens à dénoncer les enseignants qui « contreviennent à leur obligation de neutralité. »

Source : The Telegraph, Jörg Luyken, 19-08-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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nulnestpropheteensonpays // 06.10.2023 à 07h50

les bourgeois ne lacheront rien , ce qui est en train d’arriver , la violence qui est en train d’arriver , ils sont en train de s’organiser pour qu’on se la prenne ,nous , en pleine face sans pouvoir s’en défendre .

8 réactions et commentaires

  • nulnestpropheteensonpays // 06.10.2023 à 07h50

    les bourgeois ne lacheront rien , ce qui est en train d’arriver , la violence qui est en train d’arriver , ils sont en train de s’organiser pour qu’on se la prenne ,nous , en pleine face sans pouvoir s’en défendre .

      +29

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    • Grd-mère Michelle // 08.10.2023 à 15h31

      A partir du moment où nous le savons, nous devons nous organiser de notre coté, nous rassembler, mettre au point des méthodes efficaces d’insoumission, de rébellion, en imaginant et proposant en même temps un système sociétal plus égalitaire, plus solidaire et moins « récupérable » par les forces d’oppression.
      Mais chacun-e doit se demander d’abord dans quel camp il/elle se situe, pour pouvoir s’engager fermement et en connaissance de cause.
      Car « la bourgeoisie » est un terme peu clair, et elle englobe à présent les classes moyennes même pas « riches », endoctrinées par une propagande vicieuse qui joue sur le confort et la facilité, et qui ont tendance à se laisser gagner par des petits compromis en apparence insignifiants.

        +4

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  • olivier // 06.10.2023 à 13h13

    «« risque de nous ramener à l’ère de la Stasi », selon un historien allemande »

    Ah. Parce qu’ils pensaient en être sorti ? quel humour.
    Outre que cette référence est leur point godwin par excellence, c’est a dire qu’elle est utilisée a tort et a travers sans arret, on remarquera le sors reservé a l’opposition politique. Infiltrée et placée sous surveillance par les services de renseignement.
    Et chez nous ? Tout – va – bien.

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    • Hiro Masamune // 06.10.2023 à 21h12

      Ils ont juste mis à jours l’acronyme. Stasie ça faisait daté… on dit Gafam maintenant.

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    • RGT // 08.10.2023 à 00h10

      Parce que certains naïfs sont encore cons-vaincus que les différents gouvernements se comportent différemment des anciennes dictatures ou de l’actuelle Corée du nord ?

      Depuis 2001, les USA sont en tête des nations les plus fliquées du monde au prétexte de la « sécurité » des citoyens (Le « Patriot Act » est toujours en vigueur et ne sera JAMAIS aboli) et il en va de même dans TOUS les pays occidentaux (en France, « Charlie » et le Bataclan ayant été de très bons prétextes pour graver dans la loi pour l’éternité le flicage intrusif et constant de TOUS les citoyens, pire qu’en Chine)…

      Tant que les citoyens n’auront pas repris le contrôle des institutions ils resteront fliqués, harcelés et embastillés pour que les dirigeants et les « élites » puissent continuer à abuser du pouvoir totalitaire qu’ils ont eux-mêmes gravé dans le marbre de la loi à leur seul profit.
      Et bien sûr les « bienfaits » de ce pouvoir dictatorial « ruisselle » sur tous les membres des différents médias accrédités par le pouvoir qui se battent pour défendre leur propre beefsteak et les avantages dont ils profitent.
      Et si plus personne ne lit ou écoute leur propagande nauséabonde, ils s’en moquent car il sont alors financés par les « aides à la presse indépendante » payées par le biais de l’impôt que seuls les « moins que rien » payent.

      Qu’on cesse de nous bassiner avec la « générosité républicaine », la république ne sert que les intérêts des mafieux qui ont noyauté tous les services de l’état, un parasite qui suce le sang de la majorité de la population sans rien apporter en échange.

      Finalement, l’infâme monarchie qui a précédé ladite « ripouxblique » était moins pire alors qu’ils se taisent et tentent de se faire oublier.

      Et ne rêvons pas, l’avènement d’une VRAIE démocratie n’arrivera JAMAIS par voie pacifique, les « élites » se battront jusqu’à la mort (des « gueux ») pour préserver leurs privilèges.

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      • Grd-mère Michelle // 08.10.2023 à 15h44

        Oui, sauf que ce sont les « gueux » (comme vous dites) qui fournissent aux « élites », par leur « emploi » consenti et les impôts, les armes qui vont les abattre…
        À voir s’il serait possible de s’organiser dans un contexte de « grande démission »…
        Il semble que certain-e-s le font déjà, sans tapage, en toute discrétion…
        Par exemple, alors que l’armée et la police belges recrutent intensément, dans un contexte de chômage important, leurs campagnes d’embauche n’ont guère de succès…

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  • Bouddha Vert // 06.10.2023 à 20h57

    Normal, si on veut plus de contrôle sur ce qui se trame en entreprise, on récoltera les témoignages des deux camps.
    S’il existe une stratégie diabolique, alors elle pourra être dénoncée mais en parallèle sa dénonciation pourrait être entravée par décrédibilisation…
    Est ce un progrès? Peut on faire mieux?

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  • Patoche // 07.10.2023 à 07h20

    Il y a plus de flics aujourd’hui par habitant en France qu’il y en avait en RDA.

      +11

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