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3.avril.20203.4.2020 // Les Crises

Le Covid-19 transmis par les particules fines ? L’étude italienne « n’est pas une démonstration scientifique »

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Source : Marianne, Louis Nadau, 24-03-2020

La corrélation avancée par une équipe de chercheurs italiens entre pollution de l’air et transmission du Covid-19 est accueillie avec un certain scepticisme par plusieurs spécialistes français.

L’hypothèse a de quoi séduire ceux qui voient dans l’épidémie de Covid-19 une punition de dame nature : selon un article de la Société italienne de médecine environnementale, les particules fines serviraient “d’autoroutes” pour la transmission du coronavirus. Fondée sur le croisement des mesures de pollution atmosphérique en Italie du nord et le recensement de cas de Covid-19, la corrélation avancée par l’équipe de douze chercheurs des universités de Bologne, Bari, Milan et Trieste laisse toutefois plusieurs spécialistes français dubitatifs.

UN « BOOSTER » DE L’ÉPIDÉMIE ?

Les scientifiques transalpins ont travaillé à partir des données de l’Agence pour la protection de l’environnement et celles de la Protection civile entre le 10 et le 29 février, en prenant en compte le délai d’incubation du coronavirus. Les chercheurs observent que les phases d’accélération de l’épidémie en Italie du nord sont “concomitantes à la présence de fortes concentrations de particules atmosphériques”. C’est notamment le cas dans la région très industrialisée de Lombardie, où les taux de PM 10 – des particules fines dont la taille est inférieure à 10 microns – ont été supérieurs à la normale sur cette période. Les chercheurs appuient leur argumentation sur la comparaison avec la région romaine qui, malgré la présence de cas au même moment, n’a connu ni pic de pollution, ni flambée de l’épidémie.

A gauche, la carte de la pollution aux particules fines entre le 10 et le 29 février, à droite, la carte des cas de Covid-19 après le délai d’incubation. DR Sima.

Par ailleurs, les particules fines “constituent un vecteur efficace pour le transport, la propagation et la prolifération des infections virales”, rappellent les auteurs de l’article, s’appuyant notamment sur le cas de l’épidémie de rougeole chinoise en 2013-2014, lors de laquelle la propagation de la maladie “a varié en fonction des concentrations de PM 2,5”. “En plus d’être un vecteur de l’épidémie, les particules fines constituent un substrat qui permet au virus de rester dans l’air dans des conditions viables pendant plusieurs heures voire plusieurs jours”, avancent les chercheurs italiens. Autrement dit, les particules fines qui se logent au fond de nos poumons permettrait à la fois au SARS-CoV-2 de se “déplacer” et de “survivre” en attendant de contaminer un nouvel hôte – rappelons que contrairement à une bactérie, un virus a en effet besoin d’un organisme dont il utilise le métabolisme et les constituants pour se répliquer.

PAS DE VALIDATION PAR LA COMMUNAUTÉ SCIENTIFIQUE

Les conclusions de cet article sont toutefois à prendre avec des pincettes : interrogé sur l’étude italienne ce lundi 23 mars à l’antenne de BFMTV,Olivier Schwartz, responsable de l’unité Virus et Immunité de l’Institut Pasteur, soulignait que l’article de la Société italienne de médecine environnementale était encore loin d’avoir franchi toutes les étapes de validation propres à la méthode scientifique : “Il y a des sites de prépublication, qui permettent à des chercheurs de mettre immédiatement à la disposition du public et de leurs collègues des informations. Mais ces informations ne sont pas nécessairement validées. Elles n’ont pas été évaluées par des collègues. Pour être validées, ces informations doivent être reproduites par d’autres équipes, et ensuite publiées dans des revues à comité de lecture”, rappelle-t-il. Et de conclure : “En ce qui concerne la propagation du virus sur des particules polluantes, je n’ai pas vu d’article sérieux sur ce sujet pour l’instant.

Même constat pour Eric d’Ortenzio, médecin épidémiologiste à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), pour qui l’étude italienne ne présente pas tous les gages nécessaires pour garantir le sérieux de la recherche scientifique : “Honnêtement, tant que ça n’a pas été publié dans une revue internationale avec ‘review’, ça n’est pas très sérieux, et disons que si ça l’était, cet article aurait déjà dépassé les frontières italiennes”, tranche-t-il auprès de Marianne.

UN BIAIS D’ANALYSE : LA DENSITÉ DE POPULATION

Argument supplémentaire des sceptiques : les scientifiques italiens n’ont pas observé directement de particules fines servant de vecteur au SARS-CoV-2. Il ne s’agit là que d’une hypothèse fondée à partir d’une corrélation. “Ce n’est pas absolument impossible, ni inconcevable, mais ce n’est pas une démonstration scientifique à mon avis”, explique à Marianne le professeur François Bricaire, infectiologue et ancien chef du service des maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière. “Il y a automatiquement un biais d’analyse – sans pour autant que cela invalide l’hypothèse elle-même : les régions les plus polluées sont aussi les régions les plus peuplées, et donc celle où l’épidémie a le plus de chance de se répandre”, analyse François Bricaire. Autrement dit : la pollution et la vitesse de propagation du Covid-19 ne seraient que des effets indépendants d’une même cause, à savoir la densité de population.

Il n’est pas inutile de souligner qu’il existe à ce titre une différence significative entre la Lombardie (d’une superficie de 24.000 km2 environ) et le Latium (la région de Rome, d’environ 17.000 km2) : selon les chiffres 2019 de l’Istat – l’équivalent transalpin de l’Insee -, la région de Milan comptait en 2019 dix millions d’habitants pour une densité de 422 hab./km.2, contre 5,8 millions d’habitants et 341 hab./km.2, pour le Latium, soit une différence de 81 habitants au kilomètre carré. A titre de comparaison, en 2017, la différence de densité de population séparant la Nouvelle-Aquitaine et la Guyane – les deux régions françaises les plus vastes, mesurant chacune environ 84.000 km2 – était de 68 hab./km2 (chiffres Insee). Selon Olivier Schwartz, la piste de la densité serait donc bien plus probante : “Je pense que c’est plus la concentration de population que l’état de pollution qui permet la propagation du virus”, expliquait-il sur BFMTV.

UN VIRUS AÉROPORTÉ ?

Les doutes concernant les conclusions de l’article italien sont également liés aux connaissances actuelles sur la persistance du virus en dehors d’un organisme. Il est établi que le virus est principalement transmis par des micro-gouttelettes expulsées par des malades lorsqu’ils toussent ou éternuent, et qui se retrouvent notamment sur les mains d’autres personnes. La question de la contamination d’objets s’est bien entendu posée : deux articles, publiés dans le New England Journal of Médecine, et le Journal of Hospital Infection, ont fait état de la durée de vie du virus sur différentes matières : 4 heures sur du cuivre, 24 h sur du carton et jusqu’à 72 heures sur de l’acier ou du plastique. Concernant la persistance en aérosol du coronavirus – c’est-à-dire sur les micro-particules (mesurant moins de 5 microns) en suspension dans l’air -, les résultats des tests donnent une persistance de 3 heures. Comme la plupart des virus responsables de maladies respiratoires, le SARS-CoV-2 pourrait donc être aéroporté.

Mais ces résultats ne démontrent en aucun cas qu’un organisme peut être infecté par le Covid-19 via des aérosols. En effet, le potentiel infectieux d’un virus à l’air libre est bien moins fort qu’à l’intérieur d’un organisme. De sorte que le risque de contamination par l’air est “absolument minime” selon Anne Goffard, médecin virologue au CHU de Lille et enseignante à la faculté de pharmacie de Lille, interviewée vendredi dernier par France Culture. “Quand on teste en laboratoire la persistance du virus dans l’air, les conditions expérimentales sont très éloignées de celle de la rue”, insiste François Bricaire. “La concentration du virus dans les doses projetées – jusqu’à 100 millions de copies de particules virales pures dans un demi-millilitre, ndlr. – est sans commune mesure avec ce qui pourrait se trouver à l’air libre.” Conclusion : quand bien même le SARS-CoV-2 serait effectivement présent à l’air libre, il ne le serait pas assez, en l’état actuel de nos connaissances, pour provoquer une contamination.

Source : Marianne, Louis Nadau, 24-03-2020

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Commentaire recommandé

joss // 03.04.2020 à 17h53

Les particules fines sont un catalyseur positif à l’épidémie par le fait qu’elles créent des inflammations respiratoires et la baisse des défenses immunitaires. Elles aident les virus de ce type à se développer dans l’organisme. Pour que la plante pousse, il lui faut le terrain propice. Le bétail entassé dans les élevages industriels est également la proie aux divers virus et bactéries. L. Pasteur: « le microbe n’est rien, le terrain est tout » en donnant raison à Claude Bernard.

1 réactions et commentaires

  • joss // 03.04.2020 à 17h53

    Les particules fines sont un catalyseur positif à l’épidémie par le fait qu’elles créent des inflammations respiratoires et la baisse des défenses immunitaires. Elles aident les virus de ce type à se développer dans l’organisme. Pour que la plante pousse, il lui faut le terrain propice. Le bétail entassé dans les élevages industriels est également la proie aux divers virus et bactéries. L. Pasteur: « le microbe n’est rien, le terrain est tout » en donnant raison à Claude Bernard.

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