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20.avril.202220.4.2022 // Les Crises

Les bonus de Wall Street au plus haut depuis 15 ans

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Alors que les travailleurs ont dû lutter pendant la pandémie, les bonus de Wall Street ont atteint leur plus haut niveau depuis près de 15 ans.

Source : Jacobin Mag, Luke Savage
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Depuis 1985, les bonus de Wall Street ont augmenté d’un étonnant 1 743 %.(Timothy A. Clary / AFP via Getty Images)

Au zénith de la révolution Reagan et depuis, le marché a toujours été défendu en raison de sa supposée efficacité. Les résultats du marché, selon l’argumentaire, ne donnent peut-être pas toujours des résultats égalitaires, mais ils permettent au moins d’allouer les ressources efficacement et de récompenser l’activité productive. Cependant, de nombreuses preuves montrent que l’hyper-financiarisation de l’économie américaine a eu un effet contraire.

Selon les conclusions de l’Economic Policy Institute, la croissance de la productivité des travailleurs au cours des soixante-dix dernières années n’a pas été suivie d’une augmentation proportionnelle des salaires. Au cours des dernières décennies, cependant, la rémunération de ceux qui se trouvent aujourd’hui aux sommets de l’activité financière a explosé – les bonus moyens de Wall Street ont augmenté d’un étonnant 1 743 % depuis 198 [cad que les bonus ont été multipliés par plus de 17, NdT] 5, en excluant l’inflation (si le salaire minimum avait augmenté au même rythme, il serait actuellement de 61,75 dollars au lieu des maigres 7,25 dollars).

L’ampleur époustouflante de cette croissance est illustrée de manière spectaculaire dans un nouveau rapport de Sarah Anderson, de l’Institute for Policy Studies, qui constate que le bonus moyen à Wall Street en 2021 était de 257 500 dollars, soit 20 % de plus qu’en 2020 et nettement plus que n’importe quelle année depuis le krach financier de 2008.

Ce bond est tout à fait remarquable à la lumière des actuels débats concernant l’inflation et le coût de la vie. Comme l’observe Anderson, l’augmentation des bonus de Wall Street a considérablement dépassé le taux d’inflation annuel de 7 % – un taux qui a lui-même dépassé l’augmentation relativement faible de 2 % du salaire hebdomadaire moyen des travailleurs du secteur privé. Et c’est sans parler des salaires de base à Wall Street, qui ont atteint en moyenne plus d’un quart de million de dollars l’année dernière.

Selon Anderson, les bonus des 180 000 privilégiés de Wall Street se sont élevés à 45 milliards de dollars, soit assez pour financer un million d’emplois à 15 dollars de l’heure pendant une année entière.

Près de quinze ans après l’effondrement de 2008 et dans le sillage de l’importante récession économique provoquée par la pandémie de coronavirus, l’explosion continue des bonus de Wall Street n’est qu’un rappel supplémentaire de l’inefficacité fondamentale de l’économie américaine. Alors que les travailleurs deviennent beaucoup plus productifs, ce qui n’apporte que des gains limités à la grande majorité, même une implosion financière massive comme celle de 2008 n’a rien fait pour arrêter l’avidité débridée de l’élite économique du pays.

Comme le souligne Anderson, même la disposition relativement modeste de la loi Dodd-Frank de 2010, destinée à freiner les rémunérations hors de contrôle de Wall Street, n’a pas encore été mise en œuvre – en grande partie grâce au succès de l’emprise du Congrès par le secteur et à ses efforts de lobbying. Dans le même temps, les Démocrates n’ont pas réussi l’an dernier à faire passer l’augmentation promise du salaire minimum, qui n’a pas été relevé une seule fois depuis juillet 2009.

Depuis la conquête de la politique américaine par le reaganisme dans les années 1980 et la financiarisation de l’économie qui en a résulté, les deux grands partis ont pour axiome que le contrôle du marché fait inévitablement plus de mal que de bien, même pour ceux qui se trouvent au bas de la pyramide économique. Particulièrement dans le sillage de 2008 et depuis que les travailleurs essentiels ont porté le poids de la pandémie, cette affirmation déjà indéfendable est impossible à justifier.

Le simple fait de laisser les marchés se déchaîner a entraîné une instabilité régulière. Plus précisément, cela a permis à une classe de plus en plus restreinte de bénéficier de gains au sommet, dont les récompenses n’ont souvent aucun rapport avec la productivité ou la valeur réelle créée. Il est donc urgent de réglementer et de contrôler l’économie américaine hyper-financiarisée. C’est le minimum requis pour créer une régulation économique dans laquelle les travailleurs, qui effectuent le travail essentiel à la vie quotidienne, reçoivent la part de richesse qu’ils méritent.

A propos de l’auteur :

Luke Savage est rédacteur à Jacobin.

Source : Jacobin Mag, Luke Savage, 24-03-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Jean // 20.04.2022 à 08h24

« Il est donc urgent de réglementer et de contrôler l’économie américaine hyper-financiarisée. »

Ou de déclencher une guerre mondiale pour repousser la réforme d’un système qui représente une formidable source d’enrichissement pour ceux qui se nourrissent de la destruction du Monde.

7 réactions et commentaires

  • Jean // 20.04.2022 à 08h14

    => « Au cours des dernières décennies, cependant, la rémunération de ceux qui se trouvent aujourd’hui aux sommets de l’activité financière a explosé – les bonus moyens de Wall Street ont augmenté d’un étonnant 1 743 % depuis 198 [cad que les bonus ont été multipliés par plus de 17, NdT] 5, en excluant l’inflation (si le salaire minimum avait augmenté au même rythme, il serait actuellement de 61,75 dollars au lieu des maigres 7,25 dollars). »

    Probablement 1998 et pas 198.

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    • Jean // 20.04.2022 à 09h51

      C’est 1985, le chiffre est décalé à la fin de la NdT.
      Pour contextualiser, Ronald Reagan fut président des USA de 1981 à 1989.

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  • Jean // 20.04.2022 à 08h24

    « Il est donc urgent de réglementer et de contrôler l’économie américaine hyper-financiarisée. »

    Ou de déclencher une guerre mondiale pour repousser la réforme d’un système qui représente une formidable source d’enrichissement pour ceux qui se nourrissent de la destruction du Monde.

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  • pseudo // 20.04.2022 à 12h17

    l’efficacité. Il n’y est question que de cela selon l’auteur. J’auras aimé qu’il qualifie la notion d' »efficacy » en paramètres tangible sur ce que veut dire « ils permettent au moins d’allouer les ressources efficacement ». Au passage, cette même phrase finit sur  » et de récompenser l’activité productive », à l’opposé de la conclusion de l’article. C’est pour le moins, mal tourné de la par de l’auteur. Quoi qui’il en soit, l’efficacité d’allocation des ressources à quoi exactement ? Est il efficace d’allouer, je sais pas, trois piscine de flotte potable pour récolter du pétrole ? Est il si efficace que cela de balancer des engrais à tout va pour fare pusser une année de plus des blé de mais qui sont à la limite de la dégénérescence génétique aux prix de la desertification des sols ?

    Des mots comme ça qu’on répète, qu’on s’invective pour le jeu du débat, des sgnifications perdues ! Car à lire cet article et les arguments proposés ici, je voudrais parler d’inaptitude….

      +1

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  • Christian Gedeon // 20.04.2022 à 18h31

    L’ultra libéralisme est… de gauche ou du moins se sert de tout ce que la gauche a produit. De cette gauche née dans les années soixante du siècle passé pour ses bases théoriques et qui a pris son envol dans les années quatre vingt avant d’envahir les esprits faibles avec le mantra « des libertés » et les luttes(sic!) dites societales. La désagrégation de nos sociétés, c’est l’orgasme permanent pour les ultra-libéraux. La certitude, au nom de «  valeurs » de tenir le haut du pavé pour encore longtemps. Et ça marche du feu de Dieu. La servitude volontaire conçue comme le nec plus ultra «  des libertés » . Plus c’est gros, plus ça passe. Cqfd

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  • RGT // 21.04.2022 à 09h28

    Rien de neuf dans « l’équité » de « nos » systèmes politiques qui sont savamment organisés pour ne favoriser QUE ceux qui sont parvenus à s’approprier le pouvoir, que ce soit « officiellement » avec des systèmes électoraux qui ne servent qu’à préserver les pouvoirs de ceux qui en profitent (qu’ils soient « élus » ou pas, les derniers étant de loin les plus nuisibles pour la population).

    Et pendant ce temps, les anglais ont validé l’extradition de Julian Assange vers les USA dans un silence médiatique total.
    Même « Les Crises » n’en a pas fait sa première page.

    La ploutocratie a encore de beaux jours devant elle et pourra encore se goinfrer du sang de « ceux qui ne comptent pas ».

    Que ce soit aux USA ou partout ailleurs sur cette planète.

    Votez petits pigeons, votez pour celui (ou celle) qui sera boucher en chef de l’abattoir dans lequel vous serez conduits.

    Parmi les deux postulants, il en est un qui est infiniment plus nuisible que l’autre et il ne faudra surtout pas se tromper.

    Comme de toutes façons le désastre est déjà irréversible (à moins qu’une pluie divine de météorites ne s’abatte sur les candidats et leurs « soutiens ») il faudra bien réfléchir pour élire le candidat qu’il sera possible de neutraliser pour les 5 prochaines années.

    De toutes façons, tant que tous les rouages de l’état (quelque soit le pays) seront entre les mains de la caste des aristocrates de la république qui n’ont de comptes à rendre à personne RIEN ne changera.

    Et quand « nos » médias s’indignent du comportement d’un « dictateur ennemi sanguinaire » c’est pour qu’on ne pense surtout pas à regarder devant notre propre porte et nous préserver d’une nausée irrépressible.

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    • utopiste // 22.04.2022 à 11h17

      Vous préférez qu’on tue ? Dans ce cas, qui seront les victimes, et où ?

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