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Inflation : Les travailleurs doivent exiger des salaires plus élevés

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L’inflation menace de plonger des millions de personnes dans la pauvreté. Oubliez ce que dit l’establishment : les travailleurs doivent dès maintenant exiger des salaires plus élevés.

Source : Jacobin Mag, Grace Blakeley
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Des ouvriers passent devant un camion-citerne qui fait le plein de carburant à la raffinerie BP Oil près de Southampton, dans le sud de l’Angleterre, en 2021. (Adrian Dennis / AFP via Getty Images)

Alors que l’inflation atteint des niveaux jamais vus depuis au moins dix ans, de nombreux partis de droite affirment – comme dans les années 1970 – que le problème réside dans la cupidité des travailleurs qui réclament des augmentations de salaire correspondant à l’inflation.

Si les travailleurs n’étaient pas en mesure d’exiger des salaires plus élevés, l’argument est que l’augmentation de l’inflation à laquelle nous assistons actuellement serait un pic ponctuel résultant de la hausse des prix de l’énergie et des problèmes de chaîne d’approvisionnement. Au lieu de cela, ils affirment que nous sommes au bord d’une « spirale salaires-prix » dans laquelle les travailleurs demandent des salaires plus élevés pour compenser la hausse des prix, qui à son tour fait augmenter l’inflation.

Le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Andrew Bailey, s’est attiré des critiques la semaine dernière pour avoir semblé soutenir un tel argument lorsqu’il a plaidé en faveur de la modération salariale, exhortant les travailleurs britanniques à ne pas demander d’augmentations de salaire. Non seulement cette attitude était profondément hypocrite – Bailey gagne plus d’un demi-million de livres par an – mais elle était également absurde sur le plan économique, comme tous l’ont souligné, du directeur du très libéral IFS (Institute for Fiscal Studies), aux organisations syndicales.

Mais Bailey n’est pas le seul à défendre l’argument de la « spirale salaires-prix ». Les groupes de réflexion sur le marché libre et les organisations médiatiques soutiennent cette thèse depuis maintenant de nombreuses années . L’année dernière, le député travailliste Wes Streeting a cité des recherches de l’Adam Smith Institute suggérant que l’inflation était alimentée par une « spirale salaires-prix », et le Wall Street Journal a récemment adopté une ligne similaire.

Le Financial Times a adopté un point de vue plus nuancé, soulignant que les pressions salariales se sont « jusqu’à présent concentrées dans les secteurs souffrant de pénuries aiguës », tout en « stagnant » dans les autres secteurs. Mais le FT prévient que, « même si les salaires sont à la traîne par rapport aux prix, ils augmentent encore suffisamment vite pour maintenir l’inflation au-dessus de l’objectif. »

Ces arguments sont tous présentés dans le langage présumé neutre et objectif de l’économie académique, mais ils sont en fait hautement politiques. Lorsque les responsables politiques affirment que ce sont les travailleurs qui alimentent l’inflation, ils préparent le terrain pour des interventions qui obligent les travailleurs à payer pour cette inflation.

Il est évident que les salaires ne sont pas déterminés par des syndicalistes avides et militants qui poussent leurs patrons impuissants à accorder des augmentations de salaire qu’ils ne peuvent tout simplement pas se permettre. Une telle situation n’a jamais existé que dans l’imagination du capital, et elle ne correspond certainement pas aux faits actuels.

Une étude récente du Trades Union Congress (TUC) montre que les salaires réels ont chuté de 1,8 % par rapport à l’année dernière – la pire baisse depuis huit ans. Et n’oubliez pas que cette baisse survient après une décennie de stagnation des salaires qui a suivi la crise financière.

Les travailleurs sont pris en étau entre la stagnation des salaires et la hausse des prix. Le résultat est qu’un grand nombre des personnes les plus pauvres de notre société ont du mal à s’en sortir. Quelques jours seulement après avoir écrit que les augmentations de salaires pourraient nuire à la reprise, le FT a publié un article indiquant que près de 5 millions de personnes au Royaume-Uni ont actuellement du mal à se nourrir en raison de la hausse du coût de la vie.

Ces pressions sont moins fortes pour les ménages plus aisés pour un certain nombre de raisons. Premièrement, les travailleurs qualifiés ont un plus grand pouvoir de négociation et sont souvent en mesure de réclamer des augmentations de salaire là où les cols bleus ne le peuvent pas. Deuxièmement, ils seront moins touchés par la hausse des prix des denrées alimentaires et des carburants, car ils consacrent une plus faible proportion de leurs revenus à ces produits.

Enfin, ces ménages disposeront d’une certaine richesse, souvent importante. Une grande partie de ce patrimoine sera investie dans des actifs tels que des biens immobiliers et des actions dont la valeur a augmenté au cours de la pandémie, presque entièrement grâce aux programmes d’achat d’actifs des banques centrales.

Bien que la valeur de cette richesse puisse être quelque peu érodée par la hausse de l’inflation, les banques centrales vont probablement commencer à augmenter les taux d’intérêt pour compenser ce changement, ce qui stabilisera les retours sur investissement pour les riches tout en érodant davantage les revenus disponibles des ménages endettés. N’oubliez pas qu’un tiers des ménages britanniques ont déjà du mal à payer leurs factures, et que plus de 4 millions d’entre eux ont été contraints d’emprunter simplement pour joindre les deux bouts.

Les socialistes devraient voir l’argument de la « spirale salaires-prix » pour ce qu’il est : une tentative de forcer les travailleurs à payer pour les problèmes causés par le capital. Après tout, l’économie mondiale ne se trouverait pas dans cette situation si les États et les entreprises avaient reconnu la menace que représente le dérèglement climatique et avaient fait pression pour une dé-carbonisation plus rapide, réduisant ainsi notre dépendance aux combustibles fossiles, il y a des années.

Au lieu de forcer les travailleurs à payer pour la pandémie, tout comme ils ont été forcés de payer pour l’imprudence du secteur financier après la crise de 2008, ceux qui ont le plus de moyens devraient payer l’addition.

Comme l’a noté Oxfam dans un rapport publié le mois dernier, les dix hommes les plus riches du monde ont doublé leur fortune pendant la pandémie, tandis que les revenus de 99 % de la population mondiale ont diminué. Pendant ce temps, les entreprises de combustibles fossiles qui ont provoqué cette crise en s’opposant à la décarbonisation ont empoché le pactole : BP, Chevron et Exxon Mobil ont vu leurs bénéfices atteindre des sommets inégalés depuis huit ans. Plutôt que d’investir dans la transition vers les énergies renouvelables, ils distribuent cet argent à de riches actionnaires.

La dernière fois que l’argument de la « spirale salaires-prix » a été mis en avant de la manière dont il l’est aujourd’hui, c’était dans les années 1970. À cette époque, de nombreux socialistes ont adhéré à cette interprétation des événements et, ce faisant, ils ont ouvert la voie à l’attaque généralisée du mouvement ouvrier qui a suivi. Nous ne pouvons pas laisser la même chose se reproduire aujourd’hui.

Source : Jacobin Mag, Grace Blakeley, 18-02-2022
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

RGT // 22.03.2022 à 09h58

Et comme ce racket institutionnalisé est très rémunérateur les banques peuvent ensuite se permettre « d’investir » dans les médias et dans les « aides » à la carrière de nombreux politicards en exigeant des « retours sur investissements » toujours plus crapuleux.

Je me souviens de l’époque durant laquelle il était possible d’ouvrir un compte bancaire au Trésor Public.
L’argent des compte servait à financer les investissements des services publics sans passer par le « marché »…
Cette « infâmie » a été heureusement corrigée le 6 février 2001 par un arrêté signé par le ministre de l’Économie et des Finances, Laurent Fabius, avec la complicité de Lionel Jospin bien sûr.

Ensuite les fauxcialistes nous ont fait le cœur des vierges quand ils se sont pris une veste aux élections de 2002…

Et je ne vous parle même pas de la trahison concernant l’annulation de la nationalisation des banques par le CNR.

Et quand la situation est trop critique « l’état » vient au « secours des ménages » en jetant quelques miettes aux plus démunis, surtout pour que ces « aides » puissent ensuite venir compenser partiellement les découverts des « gueux » et que les banques aient un peu plus de fric pour alimenter leur spéculation infinie.

Comme dans toute organisation pyramidale, les plus nuisibles parviennent au sommet afin de satisfaire leur soif insatiable de richesse et de pouvoir.

Ils sont prêts à tuer tous ceux qui pourraient venir prendre leur place ou remettre en question cette magnifique machine qui pompe le travail de toute la population pour leur profit exclusif.

14 réactions et commentaires

  • Lev // 22.03.2022 à 07h28

    En attendant que soit instituée une chelou mobile des salaires, les États devraient bloquer les prix

      +2

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    • Lev // 22.03.2022 à 09h22

      Et ce d’autant plus que les hausses de prix que nous subissons sont parfaitement spéculatives : le pétrole et le gaz russes nous approvisionnent toujours en mêmes quantités, les céréales russes et ukrainiennes sont dans les silos…

        +4

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      • Grd-mère Michelle // 22.03.2022 à 14h37

        À investiguer: quel type de céréales se trouvent dans les silos ukrainiens?
        De ce que j’en sais, depuis une quinzaine d’années au moins, des entreprises multinationales cultivent (ou font cultiver) leurs OGM(blé, maïs, tournesol, en tout cas) dans les riches plaines fertiles de l’Ukraine, tout en y utilisant(ou vendant) leurs produits chimiques correspondants(pesticides, herbicides, insecticides, fongicides, qui détruisent la biodiversité et appauvrissent les sols), ainsi que les « ressources humaines »(la main d’œuvre extrêmement bon-marché)… avec l’ambition de « nourrir l’Europe »…
        Quant au gaz, de quelle sorte est celui que les USA prétendent nous livrer? Sous une forme liquéfiée, transporté par des escouades de bateaux qui vont continuer à polluer, tuer, les océans, ou grâce au gazoduc qu’ils construisent à travers la Mer Caspienne, l’Azerbaidjan, la Géorgie et la Mer Noire, aboutissant sur la côte roumaine, par lequel transitera celui dont ils ont acheté des concessions au Kazakstan?

          +4

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  • calal // 22.03.2022 à 08h41

    si les citoyens ne remboursent pas les dettes aux banques par des augmentation d’impots,ils rembourseront par les augmentations des prix.

      +4

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    • RGT // 22.03.2022 à 09h55

      « si les citoyens ne remboursent pas les dettes aux banques »…

      Vous devriez écrire « si les citoyens ne remboursent pas les dettes DES banques ».

      Dettes causées par une spéculation déjantée sur les marchés financiers qui entraînent mécaniquement un siphonnage de la monnaie disponible pour l’ensemble de la population.

      Et malheureusement il est strictement impossible pour les « simples gueux » de sortir de ce cercle vicieux car les « élites inspirées » ont rendu obligatoire l’utilisation d’un compte bancaire pour le versement des salaires.

      Le prélèvement à la source bien avant qu’il ne soit instauré par le fisc pour que la finance puisse récupérer « son dû » et permettre, avec cette captation de toutes les revenus, de pouvoir utiliser cette manne financière pour jouer à la roulette en faisant endosser les risques par les « moins que rien ».

      Et comme une calamité n’arrive jamais seule en cas de problème de trésorerie non seulement les comptes des clients (qui n’ont rien demandé et qui se font essorer avec des frais qui croissent de manière exponentielle) ils devront de plus renflouer le bouzin avec leurs impôts pendant que les services publics utiles crèvent à petit feu.

      Sans que les responsable ne soient pour le moins inquiétés bien sûr. Au mieux un lampiste sera sacrifié pour canaliser la colère populaire mais le déficit ne sera jamais perdu pour tout le monde.

        +9

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      • RGT // 22.03.2022 à 09h58

        Et comme ce racket institutionnalisé est très rémunérateur les banques peuvent ensuite se permettre « d’investir » dans les médias et dans les « aides » à la carrière de nombreux politicards en exigeant des « retours sur investissements » toujours plus crapuleux.

        Je me souviens de l’époque durant laquelle il était possible d’ouvrir un compte bancaire au Trésor Public.
        L’argent des compte servait à financer les investissements des services publics sans passer par le « marché »…
        Cette « infâmie » a été heureusement corrigée le 6 février 2001 par un arrêté signé par le ministre de l’Économie et des Finances, Laurent Fabius, avec la complicité de Lionel Jospin bien sûr.

        Ensuite les fauxcialistes nous ont fait le cœur des vierges quand ils se sont pris une veste aux élections de 2002…

        Et je ne vous parle même pas de la trahison concernant l’annulation de la nationalisation des banques par le CNR.

        Et quand la situation est trop critique « l’état » vient au « secours des ménages » en jetant quelques miettes aux plus démunis, surtout pour que ces « aides » puissent ensuite venir compenser partiellement les découverts des « gueux » et que les banques aient un peu plus de fric pour alimenter leur spéculation infinie.

        Comme dans toute organisation pyramidale, les plus nuisibles parviennent au sommet afin de satisfaire leur soif insatiable de richesse et de pouvoir.

        Ils sont prêts à tuer tous ceux qui pourraient venir prendre leur place ou remettre en question cette magnifique machine qui pompe le travail de toute la population pour leur profit exclusif.

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      • Grd-mère Michelle // 22.03.2022 à 14h45

        Merci de rappeler ici que l’argent des banques est un prêt que leur font les citoyen-ne-s.
        Et que le crédit à la consommation ou à la « libre entreprise » est le pire piège qui maintient les populations laborieuses en esclavage (« gagner sa vie » pour les rembourser).

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    • jp // 22.03.2022 à 10h37

      et vos « citoyens » retraités avec 680 ou 750 €/mois remboursent en crevant de faim, suivant ainsi le modèle grec.

        +4

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  • RGT // 22.03.2022 à 10h46

    Et puis quoi encore ?

    La population n’existe QUE pour servir ses élites et n’a pas le droit de revendiquer quoi que ce soit !!!

    Comme écrivait le sublissime Voltaire : « L’esprit d’une nation réside toujours dans le petit nombre qui fait travailler le grand, est nourri par lui et le gouverne. »

    Vous n’allez quand-même pas remettre en doute la parole du plus grand philosophe que cette terre n’ait jamais porté !!!

      +3

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  • Kaki // 22.03.2022 à 14h01

    Et comment on fait pour avoir des augmentations de salaires ?
    On va voir les syndicats, les mêmes qui roulent pour le patron en douce ou on la joue solo et ça n’aboutit pas, ma solution. Changer d entreprise en faisant monter son salaire à chaque coup, ça nécessite flexibilité et courage et ce n est pas valable dans tous les secteurs mais le jeu en vaut la chandelle

      +3

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  • xc // 22.03.2022 à 14h14

    Certaines entreprises pourront augmenter les salaires sans augmenter leurs prix, en prenant sur leur marge, d’autres voudront conserver cette dernière et augmenteront les prix, d’autres, enfin, devront augmenter leurs prix pour ne pas tourner à perte et finir par devoir mettre la clé sous la porte. Ce sera selon.

    Dans un marché qui ne fonctionne pas trop mal, si vous n’arrivez pas vendre vos marchandises, vous en baissez le prix. Mais tant qu’il y a des gens qui ont les moyens de les acheter, vous n’avez pas de raison de le faire. Donc, si les salaires augmentent, il se peut que la demande fasse de même.

    Une hausse généralisée des salaires peut donc avoir un double effet inflationniste: par les coûts et par la demande. Ce n’est peut-être pas une fatalité, cela dépend des conditions du moment. Impossible de répondre sans une étude économique.

      +1

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  • Lev // 22.03.2022 à 17h12

    Ne pas oublier non plus qu’informatique aidant, il y aura de moins en moins de salariés, la machine remplaçant l’homme… sauf si l’on se dirige vers la semaine de 20 heures pour tous. Mais je doute que ce soit dans les projets de Macron, Biden, Poutine ou les dirigeants chinois.

      +2

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    • Fernet Branca // 22.03.2022 à 18h58

      Si vous avez-lu l’article « Canicules, manque d’eau, inondations : le Giec décrit un sombre avenir pour l’Europe – Reporterre » et les commentaires autorisés.
      vous devez savoir que au contraire tout s’arrête et c’est le déclin irréversible.

        +2

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  • Fernet Branca // 22.03.2022 à 19h04

    Rappel .
    Pour les retraités il y a manifestation jeudi partout en France.
    Les chômeurs et les mécontents de tous poils peuvent toujours venir.
    Il est possible de poser une demi-journée de congés pour manifester ,je l’ai déjà fait.
    Macron on est là.
    J’irai jeudi mais uniquement pour la manifestation car les discours syndicaux je préfère éviter.

      +4

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