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12.juin.202012.6.2020 // Les Crises

Les Leçons de la Pandémie de 1918-1919

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Source : Marginal Revolution
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

La pandémie de grippe de 1918 a été, de tous les fléaux, le plus contagieux de l’histoire de l’humanité. Environ 40 millions de personnes sont mortes dans le monde, dont 550 000 aux États-Unis…

Les leçons de la pandémie de 1918-1919 peuvent-elles être appliquées aux tentatives contemporaines de lutte contre la pandémie afin de maximiser les avantages pour la santé publique tout en réduisant au minimum les conséquences sociales déstabilisantes de la pandémie ainsi que celles qui accompagnent les mesures de riposte de la santé publique ?

C’est la question que Markel et ses collaborateurs ont analysée en 2007 en rassemblant des données historiques relatives aux répercussions et à la manière dont 43 villes américaines, couvrant environ 20 % de la population américaine, ont combattu la grippe en 1918-1919.

Selon les données tirées du registre historique et des comptes rendus des quotidiens les interventions non pharmaceutiques ont été considérées comme activées (« on ») ou désactivées (« off »). Plus précisément, ces interventions non pharmaceutiques ont été imposées par la loi et ont concerné de larges segments de la population de la ville.

L’isolement des personnes malades et la mise en quarantaine des personnes soupçonnées d’être en contact avec des personnes malades relevaient seulement d’ordonnances obligatoires, par opposition aux quarantaines volontaires dont il est question à notre époque.

La fermeture des écoles a été considérée comme effective lorsque les autorités municipales ont fermé les écoles publiques (de l’école primaire au lycée) ; dans la plupart des cas, mais pas dans tous, les écoles privées et paroissiales ont suivi le mouvement.

L’interdiction des rassemblements publics signifiait généralement la fermeture des bars, des lieux de divertissement publics, la non tenue des événements sportifs, les rassemblements en salle étant interdits ou devaient se tenir à l’extérieur ; les rassemblements en plein air n’ont pas toujours été annulés pendant cette période (par exemple, les défilés des Liberty bonds) ; on ne note pas d’interdiction de faire des achats dans les épiceries et les pharmacies.

Les auteurs définissent le « temps de réponse de la santé publique » comme étant le nombre de jours entre le jour où le taux de mortalité excédentaire a été le double du taux de référence et le jour où au moins une de leurs trois mesures clés de santé publique a été mise en œuvre. Les villes qui ont répondu très tôt ont peu de morts.

Le résultat principal est illustré dans la figure ci-dessous. Plus le délai d’intervention de santé publique est long, plus le nombre total de décès est élevé (la flèche le montre de manière évidente)

De plus, bien qu’il soit difficile de contrôler d’autres facteurs, les villes qui ont conjugué la fermeture des écoles, l’isolement, la mise en quarantaine, et l’interdiction des rassemblements publics ont eu tendance à avoir de meilleurs résultats.

Certaines villes ont relâché leurs interventions dans le domaine de la santé publique et ces villes semblent bien corrélées avec les distributions bimodales des taux de mortalité excédentaires, c’est-à-dire que le taux de mortalité a augmenté. On en a l’illustration avec la ville de Denver où l’interdiction de rassemblements publics a été levée et la fermeture des écoles temporairement suspendue, et où le taux de mortalité excédentaire a augmenté après avoir diminué.

Les auteurs concluent :

… l’expérience urbaine américaine en matière d’interventions non pharmaceutiques pendant la pandémie de 1918-1919 constitue l’un des plus grands ensembles de données de ce type jamais rassemblés à l’ère moderne post théorie des germes.

… Bien que ces communautés urbaines n’aient disposé ni de vaccins ni d’antiviraux efficaces, les villes qui ont pu organiser et appliquer une série d’interventions classiques de santé publique avant que la pandémie ne balaye complètement la ville ont semblé rencontrer une forme atténuée de l’épidémie associée.

Notre étude indique que les interventions non pharmaceutiques peuvent jouer un rôle essentiel dans l’atténuation des conséquences de futures pandémies de grippe graves (catégories 4 et 5) et qu’il faudrait envisager de les inclure dans les efforts de planification actuels en tant que mesures d’accompagnement de la mise au point de vaccins et de médicaments efficaces à des fins prophylactiques et thérapeutiques.

L’histoire des épidémies aux États-Unis met également en évidence le fait que l’acceptation par le public de ces mesures sanitaires est renforcée lorsque celles-ci sont guidées par des principes éthiques et humains.

Source : Marginal Revolution
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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EugenieGrandet // 12.06.2020 à 07h20

Nous avons contribué à contenir l’épidémie par un comportement responsable (peur oui mais saine, pas médiatique) face à un virus dont très peu connaissait le comportement (et peu le connaisse aujourd’hui dans tous ses détails.)
C’est facile d’y voir plus clair APRÈS la « bataille ».

13 réactions et commentaires

  • François // 12.06.2020 à 07h09

    Comparer n’est pas toujours raison.

    On oublie de mettre en avant qu’à cette époque, les moyens pour soigner n’était pas les mêmes comme les antibiotiques, les tests, les outils d’analyse d’une nouvelle maladie,etc et ils ont vécu la grande guerre soit une défense immunitaire fatiguée.

    Les raisons de notre isolement ne sont pas les mêmes qu’avec cette époque.

    De plus, nous sommes laissé faire par la peur médiatique, la suppression de vidéo d’information par youtube, la sensure des médecins libéraux par leur ordre,l’interdiction de traiter les malades sauf le Doliprane était conseillé pour les libéraux,etc

      +29

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    • EugenieGrandet // 12.06.2020 à 07h20

      Nous avons contribué à contenir l’épidémie par un comportement responsable (peur oui mais saine, pas médiatique) face à un virus dont très peu connaissait le comportement (et peu le connaisse aujourd’hui dans tous ses détails.)
      C’est facile d’y voir plus clair APRÈS la « bataille ».

        +19

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      • Owen // 12.06.2020 à 11h56

        Les yeux fermés:
        – fermeture des frontières avant arrivée de l’épidémie,
        – cartographie des foyers d’infection dans le pays,
        – distances sociales interindividuelles avec masques et collectives interdisant les rregroupements publics,
        – mise au service du personnel pléthorique des ARS auprès des médecins de villes pour dépister, essayer la réutilisation de médicaments, collecter les informations et comparaisons observationnelles pour l’évolution sanitaire,
        – EPI des soignants et personnels essentiels (avec autre chose que des sacs plastiques),
        – organisation des services d’urgence et réanimation pour les malades restants à qui les premiers soins n’ont pas agi,
        – confinement selon les besoins, en fonction des foyers d’infection et des catégories de population les plus vulnérables,
        – ne pas confondre la prophylaxie nécessaire à une épidémie et la recherche de moyen terme pour un traitement en mesure d’empêcher la manifestation du virus.

        Je suis sûr que la question, soumise sous forme d’étude de cas pour une classe de collège aurait déjà donné un plan intéressant, même avant le coronavirus.

          +9

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      • Catherine // 12.06.2020 à 12h37

        Il y en a qui y ont vu clair avant…

        Au pilori !

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      • Brosse a Dante // 12.06.2020 à 15h12

        Non, on savait.
        Autre analyse d’une étude sur la Grippe Espagnole qui dit l’inverse.
        Etude Markel H, 2007.
        ECDC et OMS

        OMS Octrobre 2019 – 91 pages.
        « Non-pharmaceuticalpublic health measures for mitigating the risk and impact of epidemic and pandemic influenza » https://www.who.int/influenza/publications/public_health_measures/publication/en/

        Tableau p.43: Etude Markel H, 2007. 1918 pandemic H1N1 Analysis of historical data …isolation and quarantine… : GRADE EVIDENCE : VERY LOW. (Ce qui veut dire :  » The true effect is likely to be substantially different from the estimate of effect »). Toutes les études de la colone sont VERY LOW.

        Même chose au niveau européen ECDC. P.3. : Quarantine, effet UNKNOW.
        https://www.ecdc.europa.eu/en/publications-data/guide-public-health-measures-reduce-impact-influenza-pandemics-europe-ecdc-menu

        Quand au port du masque en public et lavage des mains : OMS P11 en annexe (p. 13) et P3 ECDC : valable surtout en structure médicale, beaucoup moins dans le grand public.

        En 2020, L’OMS a donc recommandé les mesures pour lesquelles elle n’avait pas pu récemment trouver de preuves fiables de leur efficacité en 2019 ! Une belle auto-contradiction.

        Et maintenant ils tentent de se justifier en re-analysant la grippe espagnole. C’est Du bla bla statistique à l’image de l’étude du Lancet, ça ne sers qu’à justifier des décisions politiques et un parti pris.

        (https://en.wikipedia.org/wiki/The_Grading_of_Recommendations_Assessment,_Development_and_Evaluation_(GRADE)_approach)

          +9

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      • deres // 12.06.2020 à 16h28

        Le souci est surtout que nous avons confiné certes très violement mais trop tard. Comme la maladie se voit avec 15 jours de retard de la contamination, il a fallut attendre que celle-ci se répande pour déclencher le confinement. Avec ce comportement, on a à la fois les effets délétères du confinement sur l’économie ET un nombre de mort important. On perd donc sur les deux tableaux … En confinant plus tôt, on aurait certes eu la même crise économique mais avec moins de morts !

        Mais ceci est significatif du gouvernement et de l’administration française qui primo a perdu toutes les batailles de cette crise malgré l’expérience chinoise connue (absence de masques, absence de test, incapacité à monter des hôpitaux de fortune, nombre ridicule de transferts entre régions, annonces de confinement laissant le temps à des millions de gens de bouger, …) mais a en plus créer par lui même des destructions économiques (dont appels aux producteurs locaux de masques, gels, respirateurs ayant maintenant des invendus) par la confusion de ses messages amenant à l’arrêt complet de l’économie (chômage partiel très généreux, incapacité de reprendre els cours, …)

          +6

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  • Hit // 12.06.2020 à 10h31

    Faut pas se faire du mal de si bon matin si la lecture de ce site vous est si douloureuse.

    Ca veut dire quoi être intellectuellement proche d’une compagnie d’assurance/mutuelle de santé?
    Avoir des intérêts financiers proches de, je le comprends, mais une proximité intellectuelle ?!.

    Parceque dans le cas de cet article, on part d’une étude retrospective avec des données établies sur un phénomène connu et étudié.
    Avec des vrais morts qu’on a pu recenser de manière objective, et vous en faites une théorie complotiste à la solde des mutuelles?

    Sur ce site?

    Sérieux?

    Dans un mois, les soignants du Grand Est seront tous des menteurs, on aurait jamais du les applaudir tous les soirs au 20h, on va annuler l’augmentation qu’ils n’auraient de toute façon pas eue, parce que hein, ils ont une proximité intellectuelle avec la sécu et la sécu, c’est une mutuelle de santé publique..

    +15 likes pour ce commentaire à la noix?

    Vous voulez plomber le site?

      +1

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  • BG // 12.06.2020 à 10h56

    Une précision et une remarque pour compléter l’étude d’OB et qui répondront peut-être à certains des commentaires.
    1. Sur la prévalence de l’épidémie : une étude statistique de grande ampleur a été conduite en Espagne (plus de 60 000 tests sérologiques). Les résultats sont cohérents avec les estimations faites en France : 5% de prévalence.
    https://issuu.com/prisarevistas/docs/prevalencia/3 (en espagnol)

    2. Sur le fait d’écarter des personnes âgées de la réanimation : autant c’est un scandale de le faire systématiquement, autant il est non seulement compréhensible mais humainement impératif d’en préserver certains malades. Par exemple : ma mère, 95 ans et avec plusieurs pathologies lourdes, réside en EHPAD ; il aurait été cruellement inutile de lui infliger cette épreuve supplémentaire si elle avait été contaminée. Elle s’y serait d’ailleurs opposée. J’ajoute que la période a été gérée au mieux et avec dévouement par le personnel et la direction de son EHPAD, dans des conditions certes difficiles mais meilleures que dans d’autres institutions (il y a avait une réserve de masques et de protections) ; le principal point négatif a été la quasi indisponibilité des tests pendant le début de l’épidémie.

      +5

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  • Frédérick // 12.06.2020 à 11h56

    ces corrélations orientées font systématiquement l’impasse sur l’effet placebo: je suis chez moi, je suis en sécurité, je sors, je serai contaminé, je vais mourir. La dialectique de peur, voire de terreur distillée à grandes eaux par cet exécutif non dénués de mauvaises intentions a très pu participer à l’augmentation de la mortalité car l’augmentation de la peur affaiblit les défenses du corps et augmente l’effet des comorbidités existantes.
    En conséquence, corréler de manière aussi simpliste les situations, comme le fait cette « étude », ne devrait pas pas emporter aussi facilement l’adhésion si l’on prend du recul. Mais si l’on est pétri des biais cognitifs imposés par la société actuelle, là oui, on saute à pieds joints et on applaudit au confinement, aux amendes, aux masques, aux interdictions de loisirs, etc…

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    • Philippe, le Belge // 12.06.2020 à 20h17

      l’effet placebo et l’éventuelle terreur existaient déjà il y a un siècle et touchait probablement de la même manière à l’époque toutes les villes des États-Unis concernées dans cette étude. Je ne vois donc pas en quoi vos arguments, tout comme ceux de François, y changent quoi que ce soit!

        +1

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  • Casimir Ioulianov // 12.06.2020 à 13h09

    Tiens, une courbe intéressante : en 1919 , la plupart des municipalités Américaines arrivaient à mettre en place des mesures sanitaires efficaces en moins de 15 jours.
    En 1919 : pas d’internet , pas d’informatique , pas de télévision , pas de radio , pas de Fax , juste les PTT.
    101 ans plus tard , il a fallut à l’état Français près de 21 jours pour mettre en place des mesures efficaces après la découverte des premiers cas locaux fin Février , alors que l’arrivée de l’épidémie était annoncé par l’OMS depuis début février, que les premiers cas en provenance de Chine ont été officiellement détectés fin janvier. Quand à l’efficacité des mesures prises en France, il suffit de regarder la gueule de la courbe avant qu’on décide de la séquestration de la population entière pour en juger.
    Bref : Il est des métiers ou on peut être mauvais , d’autres où ça devient vite problématique.

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    • anne // 12.06.2020 à 13h30

      oui Casimir, à Saint Louis, le medecin chef de la ville a décidé et mis en place les mesures en UN JOUR. la courbe de mortalité a été étalée dans le temps.. la population a été moins traumatisée au final, que dans d’autres villes, où il pouvait y avoir des centaines d’enterrements par jour.. au début, dans ces villes, on laissait tout le monde assister à ces enterrements, d’où contamination encore plus forte.
      Je ne sais plus si c’est philadelphie ou NY qui a meme laissé se faire un défilé gigantesque, alors que l’épidémie était présente.
      j’ajoute qu’à l’époque un des rares journaux médicaux ( je ne sais plus si c’était le new england j med : mais j’avais vu une scannérisation ) ne faisait que quelques pages : au tout début de l’épidémie, les médecins hésitaient sur l’étiologie de cette maladie.. les médecins qui avaient connu les tropiques, parlaient de Dengue..

        +2

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