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5.juin.20165.6.2016 // Les Crises

Les salaires du péché, par Chris Hedges

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Source : Truthdig, le 10/04/2016

Posté le 10 avril 2016

Par Chris Hedges

Camden, l'une des villes américaines les plus pauvres, fait partie des municipalités du New Jersey touchées par le fléau de la crise depuis la disparition de leur industrie. (Mel Evans / AP)

Camden, l’une des villes américaines les plus pauvres, fait partie des municipalités du New Jersey touchées par le fléau de la crise depuis la disparition de leur industrie. (Mel Evans / AP)

Lorsque Platon écrivit « La République« , sa plainte au chevet d’une démocratie athénienne perdue, il ne pensait pas que la démocratie pouvait réapparaître. Le monde classique, contrairement au nôtre, ne voyait pas le temps comme linéaire. Le temps était cyclique. Il apportait inévitablement le déclin et éventuellement la mort, aussi bien pour les individus que pour les sociétés. Et dans sa « République », Platon recommande à ceux qui tenteraient à l’avenir de créer un État idéal de mener une série de mesures draconiennes, comprenant notamment l’interdiction du théâtre et de la musique, qui écartaient les citoyens de leurs devoirs civiques et instillaient la corruption, et d’enlever les enfants à leurs parents afin de leur fournir un bon endoctrinement. Platon voulait ralentir le processus de dissolution. Il voulait freiner le changement. Mais ce déclin et cette mort viendraient à coup sûr, même dans cet État idéal de Platon.

L’histoire a prouvé que les Grecs anciens avaient raison : toutes les cultures déclinent et meurent. Des cultures mourantes, même lorsqu’elles ne peuvent pleinement exprimer cette réalité, commencent à profondément craindre le changement. Le changement, pensent-elles, apporte un dysfonctionnement croissant, la misère et la souffrance. Cette peur du changement devient vite irrationnelle. Elle aggrave le déclin et accélère la morbidité. Pour voir les victimes modernes de ce processus, nous n’avons qu’à regarder les travailleurs américains blancs qui ont eu des emplois dans la fabrication de biens et ont bénéficié des structures de la suprématie blanche.

Ceux qui promettent de miraculeusement remonter le temps s’élèvent dans des cultures décadentes pour hypnotiser une population abasourdie et désorientée. Les chirurgiens plastiques qui fournissent l’illusion de la jeunesse éternelle, les leaders religieux qui promettent le retour à une morale biblique simplifiée, les démagogues politiques qui font la promesse d’une grandeur retrouvée et les charlatans qui offrent des techniques pour l’auto-perfectionnement et le succès colportent tous une pensée magique. Une population désespérée, effrayée par le changement, réclame de plus en plus d’illusion. Les forces qui assurent la mort collective – notamment le capitalisme d’entreprise, l’industrie du combustible fossile et l’industrie de l’agriculture animale – étouffent la conscience.

Lorsqu’une société pleure le passé perdu et redoute l’avenir, lorsque se fait sentir la présence imminente de la mort, elle tombe dans le terrier du lapin. Et comme dans le cas d’Alice – qui « continuait de se dire à elle-même, d’une façon rêveuse, « Est-ce que les chats mangent les chauves-souris ? Est-ce que les chats mangent les chauves-souris ? » et quelques fois, « Est-ce que les chauves-souris mangent les chats ? » car, vous voyez, comme elle ne pouvait répondre à aucune de ces questions, l’ordre choisi importait peu » – le langage devient dissociable de l’expérience. Le discours de la vie quotidienne, surtout le discours public, est, comme notre campagne présidentielle l’illustre, réduit à un charabia puéril.

Les emplois ont disparu. Les écoles sont fermées. Les quartiers et les villes sont en ruine. Le désespoir et la pauvreté dominent nos vies. Les libertés civiles sont abolies. La guerre est sans fin. La société s’auto-médicamente. La démocratie est une fiction. Les décisions « d’austérité » du gouvernement comme la dernière coupe budgétaire dans le programme fédéral de coupons alimentaires, une action qui pourrait rayer des millions de personnes des listes, accentuent les chocs. Des chocs comme ceux-là, comme l’écrivit Alvin Toffler, déclenchent éventuellement une surcharge émotionnelle ; ils sont « la tension et le vertige qui saisissent un individu soumis à des changements trop brutaux sur une courte période. » Et, au final, la réalité, trop lourde à porter, est donc proscrite.

Le changement climatique et la crise financière imminente transformeront ces circuits courts émotionnels en ce que les anthropologues appellent les « cultes de la crise ». Les cultes de la crise alimentent l’illusion de la grandeur et du pouvoir retrouvés durant les périodes d’effondrement, d’anxiété et d’impuissance. Un passé mythifié refera magiquement surface. Les anciennes règles et hiérarchies sociales s’appliqueront à nouveau. Les comportements et rituels prescrits, comme notamment les actes de violence pour nettoyer la société du mal, vaincront les forces malveillantes. Ces cultes de la crise– nés dans la plupart des sociétés qui font face à la destruction, de l’Île de Pâques aux autochtones américains au moment de la Ghost Dance (la « danse des esprits ») en 1890 – créent des tribus hermétiquement fermées. Nous sommes déjà profondément engagés dans cette voie.

J’ai passé récemment un week-end dans la Second Presbyterian Church à Elizabeth, dans le New Jersey, où j’ai aidé à trier des piles de vieux livres, d’archives de l’église, de fleurs en plastique, d’habits de chœur usagés et autres détritus qui étaient les vestiges poussiéreux de cette congrégation de la classe ouvrière blanche qui a occupé ces bancs durant des décennies.

Elizabeth a été dévastée par la fermeture de l’usine Singer en 1982, qui avait été construite en 1873 et avait eu jusqu’à 10 000 ouvriers. Les Afro-Américains de l’usine, environ 1000, travaillaient principalement dans une fonderie qui fabriquait les parties en fonte des machines à coudre. Le travail était mal payé et dangereux. Les travailleurs blancs, pour la plupart allemands, italiens, irlandais, juifs, polonais et lituaniens, dominaient à l’étage de l’usine dans des fonctions plus sûres et à la paie meilleure. La ville était construite autour de l’usine tentaculaire. Des générations d’habitants ont construit leur vie et leur famille sur la base des emplois Singer ou des revenus qui en découlaient indirectement. Et ensuite, après un long déclin, l’usine a disparu.

L’année où Singer a fermé son usine – vaisseau amiral d’Elizabeth – il y a eu 2 696 autres fermetures d’usines à travers les États-Unis, provoquant 1 287 000 pertes d’emplois. Ceux des salariés de Singer qui avaient moins de 55 ans ont entièrement perdu tout droit à une retraite, même s’ils avaient travaillé pendant des décennies pour cette société. Les petites entreprises de la ville qui dépendaient de l’usine ont fait faillite.

Dans les villes post-industrielles à travers les États-Unis il apparaît maintenant clairement, avec le passage des années, que les bons emplois alors fournis par des usines comme Singer ont disparu pour toujours. La colère refoulée et la frustration de la classe ouvrière blanche a donné naissance à de sombres pathologies de haine. La haine est dirigée contre ceux qui ont une couleur de peau ou une ethnie différente qui semblent avoir annoncé les changements qui ont détruit les familles et les communautés.

Ces sentiments, palpables pendant les meetings de Trump, vont perdurer après sa campagne même si, comme je le suppose, les élites du parti l’écartent. C’est une force extrêmement dangereuse. Elle est annonciatrice de violences contre tous ceux qui sont apparemment sortis de l’exclusion aux dépens de la classe ouvrière blanche – les Afro-américains, les musulmans, les sans-papiers, les homosexuels, les féministes, les artistes, les intellectuels – et va alimenter l’essor d’un fascisme christianisé.

« Plusieurs générations de la même famille travaillaient pour Singer, » selon le Révérend Michael Granzen, ministre de l’église d’Elisabeth, à propos des travailleurs blancs qui ont perdu leur emploi. « Ils ont souffert, lorsque l’usine a fermé, pas seulement d’une perte économique mais aussi d’une perte d’identité. Ils étaient privés de leur routine quotidienne au travail. Ils ont perdu des liens sociaux. Ils n’avaient désormais plus d’objectifs générationnels. Ils ont perdu l’espoir en l’avenir. Ils ne pouvaient plus compter sur un revenu régulier, une couverture maladie et une retraite assurée. Les mariages et les quartiers étaient déchirés. Il y a une augmentation des violences domestiques, de la consommation de drogue, de l’alcoolisme et des crimes.

« Beaucoup d’ouvriers blancs ont pris comme boucs émissaires les nouveaux travailleurs noirs et latinos, auxquels ils reprochent la fermeture de l’usine, » dit-il. « Le racisme blanc est largement dû à cette perte d’estime de soi. Cela a à voir avec la peur du nihilisme. Cela crée une fausse grandeur pour compenser une profonde insécurité. Nous voyons cette dynamique se développer dans les villes post-industrielles à travers le pays. »

La plupart de ces anciens sites de fabrication ont vu les Blancs fuir. Les Hispaniques et les Noirs, vivant dans une terrible pauvreté, peuplent maintenant les quartiers en déclin. Soixante pour cent de la population d’Elizabeth sont composés de Latinos, la plupart d’Amérique centrale.

Elizabeth, comme beaucoup d’autres villes, est devenue une nouvelle colonie de pauvres. Elle aide à fournir les corps qui nourrissent le système d’incarcération de masse. Et, avec d’autres centres urbains en souffrance, a été transformée en un dépotoir toxique.

« Les risques environnementaux se sont multipliés durant les années qui ont suivi la fermeture de Singer, » m’a dit Granzen. « Tout comme d’autres villes expérimentant le déclin industriel au New Jersey – comme Camden, Newark, Trenton et Patterson – des structures politiques contrôlées par les Blancs sont devenues des dépotoirs de déchets dangereux et toxiques dans les villes comme Elizabeth, qui avait déjà son propre héritage toxique. La philosophie de profilage racial qui déprécie la valeur des entités non blanches s’est reflétée dans le racisme environnemental. Les vies des non blancs ont été considérées comme de valeur inférieure. »

Les formes insidieuses du racisme institutionnel qui définissent l’Amérique explosent alors que s’approche la mort sociétale. Elles s’expriment dans des manifestations de violence raciale. Des groupes d’autodéfense blancs, obsédés par l’idée d’empêcher de nouveaux changements, s’engagent dans le même usage aveugle de la force meurtrière pratiqué par la police contre les personnes de couleur désarmées. L’échec persistant du gouvernement à réintégrer la classe ouvrière dans l’économie, à donner de l’espoir aux gens, nous condamne tous.

Platon commence « La République » par Socrate allant au port de Pirée, le lieu le plus décadent de l’Athènes antique. Il était plein de tavernes et de bordels. C’était le refuge des voleurs, des prostituées, des soldats et des bandes armées. Les marins égyptiens, mèdes, allemands, phéniciens, carthaginois et autres étrangers – les Athéniens les regroupaient sous le terme de Barbares – se réunissaient le long du front de mer.

Le port était également le lieu où la flotte de guerre athénienne, constituée de trirèmes noires aux béliers recouverts de bronze à la proue, était stationnée en rangées dans les hangars à bateaux. Ces vaisseaux de guerre ont participé à transformer Athènes d’une ville-État démocratique en un empire au Ve siècle avant J.C. Et, comme l’ont compris Platon et son disciple Aristote, la construction d’un empire, de tout empire, détruit la démocratie.

La polis grecque, ou cité-État, vite absorbée par l’empire macédonien, était le noyau qui – comme les premiers hôtels de ville de la Nouvelle Angleterre aux États-Unis – a permis à l’individu d’être un homme politique, d’avoir une institution et une voix. Or, les empires requièrent un gouvernement centralisé et autoritaire qui n’a pas besoin du demos (peuple). La démocratie grecque, toujours patriarcale, s’est éteinte avec le développement de l’empire. La corruption et la soif de pouvoir ont défini les nouvelles élites dirigeantes. Les citoyens, comme dans notre système de « totalitarisme inversé« , sont devenus inutiles. Comme l’a remarqué le général athénien Thucydide, la tyrannie qu’Athènes a imposée dans les confins de l’empire, elle se l’est imposée à elle-même. Athènes, comme les États-Unis des siècles plus tard, était rongée de l’intérieur par les forces corrosives de l’empire. Les moyens de contrôle brutaux utilisés initialement dans des endroits lointains de l’empire – dans notre cas par des polices militarisées, des drones, la suspension des libertés civiles, la surveillance systématique et l’incarcération de masse – ont migré vers le pays d’origine. C’est ainsi que meurent la plupart des empires : ils se suicident.

La perte de la vertu civique, écrivait Platon, a laissé une population hypnotisée par les illusions vacillantes sur les parois d’une caverne. De telles images distordues de la réalité – nos hallucinations électroniques vont au-delà de l’imagination de Platon – alimentent des croyances et désirs irrationnels. Elles encouragent une existence sans imagination. Nos représentations sont habilement manipulées par les élites pour garder la population divertie et passive. Ceux qui cherchent à questionner ces illusions sont, Socrate nous en avertit, généralement attaqués et tués par la foule, qui ne veut pas que ses mythes réconfortants soient mis à mal. Lorsque la réalité est trop difficile à supporter, une population ne recherche pas la liberté et la vérité; elle devient le complice de son propre asservissement. L’épicurianisme, la réduction de la vie à la poursuite de plaisirs individuels et éphémères, séduit le public. Le cynisme règne. La suspicion est partout. La communauté se décompose, et, comme l’écrit Platon, « tout tourne mal lorsque, dépourvus de toute chose bien dans leur vie, les hommes se tournent vers les affaires publiques en espérant y trouver la joie dont ils ont soif. Ils se mettent à se battre pour le pouvoir, et leur conflit fratricide les détruit, eux et leur pays. » Cet effondrement crée un monde imaginaire « où les hommes se battent les uns contre les autres pour des ombres imaginaires et se disputent le pouvoir, comme si cela était un grand prix… »

A la fin, la mort arrive comme un soulagement.

Nous ne sommes pas plus immunisés contre les forces du déclin et de la mort que ne l’étaient l’Athènes antique, l’Egypte des pharaons, l’ancienne Rome, les Mayas, les Aztèques, l’Île de Pâques, la société féodale européenne de seigneurs et serfs, et les empires monarchiques européens du début du XXe siècle. La nature humaine n’a pas changé. Nous réagirons comme ceux avant nous ont réagi lorsqu’ils ont été confrontés au déclin. Nous serons de plus en plus consumés par des illusions. Nous chercherons à arrêter le temps, pour empêcher le changement, pour faire nôtre une pensée magique dans un effort désespéré pour revenir à un passé idéalisé. Beaucoup souffriront.

Cette fois-ci, le déclin sera planétaire. Il n’y aura pas de nouvelles terres à conquérir, pas de nouveaux peuples à assujettir, pas de nouvelles ressources naturelles à piller et exploiter. Le changement climatique nous donnera une leçon brutale sur l’arrogance.

Le salaire du péché, comme Paul l’écrivait dans ses lettres aux Romains, est la mort – en premier lieu la mort intellectuelle et morale, puis la mort physique. La première, nous l’expérimentons déjà. Il serait rassurant de croire que nous pouvons, en tant qu’espèce, éviter la seconde. Mais si l’on se réfère à l’histoire humaine, nous allons le sentir passer. Et plus ce sera difficile, plus nous chercherons à contrecarrer le changement par la pensée magique, plus notre extinction finale en tant qu’espèce sera assurée.

Source : Truthdig, le 10/04/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Commentaire recommandé

Maximilien 48 // 05.06.2016 à 03h24

« depuis la disparition de leur industrie » / »Les emplois ont disparu » / « les bons emplois … ont disparu »

Non, ils n’ont pas disparu. Pas plus que les actionnaires qui possédaient ces usines. Le terme exact est délocalisé. DELOCALISE. Fatalité, racialisation des thématiques (petits blancs vs. hispano) et culpabilisation des victimes (petit blanc devenu un fasciste potentiel).

La bourgeoisie de ce pays à fait secession pour reprendre le terme de Lash. Elle s’est affranchie des frontières afin de maximiser ses profits; le seul mot qui s’écrit en majuscule dans son dictionnaire. Pour ce faire elle s’est fait élire et a fait des lois à sa mesure. Quoi de plus facile quand on possède des médias et qu’il faut des millions pour faire campagne !

L’ouvrier américain sur le dos duquel elle faisait ses profits est maintenant prié de souffrir en silence et d’accepter le « changement » qui pour lui signifie destruction de son mode de vie. Un changement dont la bourgeoisie encaisse les juteux dividendes en exploitant d’autres hispanos de l’autre coté de la « frontière ». Laisser faire, laisser passer.

Les prolétaires américains sont blancs, noirs et hispanos. Les oligarques sont WASP et le fascisme l’idéologie de la bourgeoisie apeurée. Les journalistes sont au régime bourgeois ce que le clergé était à l’aristocratie sous l’ancien régime: enseigner l’ignorance et prêcher la résignation.

54 réactions et commentaires

  • Louis Robert // 05.06.2016 à 02h40

    « A la fin, la mort arrive comme un soulagement. »

    C’est pourquoi il fut prédit que les vivants envieraient les morts.

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    • lvzor // 06.06.2016 à 02h09

      En effet…. J’ai réagi un peu de la même manière en lisant ceci :
      « …la mort – en premier lieu la mort intellectuelle et morale, puis la mort physique. La première, nous l’expérimentons déjà. Il serait rassurant de croire que nous pouvons, en tant qu’espèce, éviter la seconde. »

      En quoi serait-il rassurant d’éviter la seconde si on a déjà subi la première?

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  • Raph // 05.06.2016 à 02h58

    « L’épicurianisme, la réduction de la vie à la poursuite de plaisirs individuels et éphémères, séduit le public. » Non, l’épicurisme n’est pas la recherche du plaisir facile. Philosophie de bazar.

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    • Djinno // 05.06.2016 à 05h48

      Correct. Le mot exact serait plutôt « hédonisme »

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      • valles // 05.06.2016 à 08h49

        L’épicurisme, c’est déjà la pensée magique, l’hédonisme, c’est la phase n°2 ou la moralité est éliminée pour préparer la barbarie de la mort.

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        • Madudu // 05.06.2016 à 12h18

          Si l’auteur n’a pas employé le terme « épicurisme » il faut croire que c’est précisément parce qu’il ne fait pas la confusion entre hédonisme et épicurisme.

          Je vous suggère de lire Lucrèce avant de parler d’épicurisme, qui n’a absolument rien à voir avec l’idée qu’on s’en fait habituellement. La mauvaise image que l’on a de l’épicurisme avant de s’y intéresser est un vestige de la pensée chrétienne, qui voulait qu’en l’absence de dieu il n’y aurait aucune raison de ne pas s’abandonner à tous ses désirs, c’est-à-dire à tous les vices.

          L’épicurisme est effectivement un athéisme, même s’il procède autrement que l’athéisme contemporain : ce n’est pas parce que les dieux n’existent pas qu’on doit penser sans eux, mais parce qu’ils sont superflus, que leur existence en tant qu’agent est un postulat superflus.

          Toute l’oeuvre de Lucrèce est un combat, une lutte continuelle et acharnée, contre la pensée magique. Il faut pour Lucrèce que tout procède de la matière, et donc qu’il n’y ai pas de monde éternel derrière le monde périssable : l’homme est un animal, son esprit (qui chez Lucrèce est matériel, composé d’atomes qui ressemblent un peu à nos électrons) est périssable, la terre même disparaîtra un jour, certaines espèces ont déjà disparu, etc.

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          • Jean // 05.06.2016 à 22h58

            => Si l’auteur n’a pas employé le terme “épicurisme” il faut croire que c’est précisément parce qu’il ne fait pas la confusion entre hédonisme et épicurisme.

            Le terme « Epicureanism » dans l’article original renvoi bien à l’épicurisme pour wikipédia en version anglaise. Je pense qu’il s’agit d’une erreur de traduction et que l’auteur parle bien de l’épicurisme.

            => L’épicurisme est effectivement un athéisme, même s’il procède autrement que l’athéisme contemporain : ce n’est pas parce que les dieux n’existent pas qu’on doit penser sans eux, mais parce qu’ils sont superflus, que leur existence en tant qu’agent est un postulat superflus.

            L’épicurisme n’est pas un athéisme puisqu’Épicure ne nie pas l’existence des Dieux mais estime plutôt qu’ils sont indifférents au sort des Hommes.

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            • Madudu // 06.06.2016 à 11h13

              Si pour vous quelqu’un qui pense sans jamais avoir recours aux dieux, et ce par principe, n’est pas athée, d’accord.

              Mais il me semble quand même beaucoup plus cohérent de considérer l’épicurisme comme un athéisme, ne s’agissant que d’une différence de modalité dans la privation du recours aux dieux.

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        • Madudu // 05.06.2016 à 12h18

          L’existence ne peut donc trouver aucune justification dans quelque forme d’éternité, la question qu’il reste à résoudre n’est plus « pourquoi je ne vais pas me suicider [devant ce monde insensé parce que périssable] » mais « pourquoi je vais vivre ».

          « Qu’est-ce que je désir vraiment, en dernière analyse ? » plutôt que « comment le monde doit-il être pour que le sens que je donne aux choses soit éternellement le même ».

          Ce qui dans l’épicurisme est apaisant, réconfortant, ce en quoi il est un remède, c’est qu’il vous donne le droit de ne plus porter les devoirs de l’éternité sur votre dos : il ne vous reste qu’à vivre et ce non pas en attendant la mort (à défaut, par la négative), mais simplement en vous tournant vers ce que vous aimez (des désirs affirmés), en prenant bien garde à ce que vous vous tourniez vers ce que vous aimez vraiment.

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          • Jean // 05.06.2016 à 23h56

            => L’existence ne peut donc trouver aucune justification dans quelque forme d’éternité, la question qu’il reste à résoudre n’est plus “pourquoi je ne vais pas me suicider [devant ce monde insensé parce que périssable]” mais “pourquoi je vais vivre”.

            Pour épicure le corps est composé de particules élémentaires qui se dispersent lors de la mort. La fin de la vie n’est donc pas un retour au néant mais une dispersion de ces particules dans le monde qui lui a donné naissance et ceci dans l’attente d’un nouvel assemblage. On peut estimer que c’est une forme d’immortalité.

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            • Madudu // 06.06.2016 à 22h59

              Vous pouvez l’estimer, mais ce n’est pas ce qu’estiment Lucrèce et Epicure pour qui la mort est un mot qui ne désigne rien, puisqu’il ne s’applique à rien qui existe : « la mort ne concerne personne, puisque pour les vivants la mort n’est pas et que les morts ne sont plus ».

              Il s’agit d’ailleurs là d’une originalité remarquable, puisqu’il s’agit de se défaire de la peur de la mort en niant son occurrence-même.

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            • Jean // 07.06.2016 à 04h29

              Vous faites dire beaucoup de chose à une philosophie que vous connaissez mal si on se réfère à l’interprétation classique qui en est faite par ceux qui l’on étudiée toute leur vie.
              Conseil de lecture : https://www.puf.com/content/Histoire_de_la_philosophie
              L’originalité c’est bien mais il ne faut pas pour autant oublier l’humilité.

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            • Madudu // 07.06.2016 à 10h50

              J’ignore le contenu du livre que vous me proposez, et je ne connais pas son auteur.

              Par contre il s’agit d’une publication universitaire, donc a priori sérieuse, ce qui me fait croire que vous n’avez pas tout compris à ce qui y est développé.

              Il suffit de lire les textes, qui pour le coup son fort peu nombreux (quelques lettres d’Epicure et un bouquin de Lucrèce), pour se rendre compte que mon interprétation n’est pas fantaisiste. D’ailleurs elle n’a rien d’originale !

              Après, il y en a toujours un pour faire une lecture platonicienne d’un texte qui ne l’est pas, même dans les universités. Voyez comment encore aujourd’hui, trop souvent, on lit Aristote…

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    • Annouchka // 05.06.2016 à 10h53

      « Philosophie de bazar » pas tant que ça. Le platonisme est opposé au cynisme philosophique (Diogene, etc.) et à l’epicurisme car ce sont des philosophies matérialistes athées (contrairement au platonisme qui est idéaliste)

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      • Annouchka // 05.06.2016 à 11h49

        Visiblement C.Hedges plaide pour l’idéalisme. Mais il n’explicite pas vraiment en quoi consistent ses idéaux, pas plus non plus, que la nature du « péché » dont est coupable selon lui la société américaine.
        Étymologiquement, « pécher », c’est « manquer la cible »
        Quelle cible l’Amerique a-t-elle manqué? Ce n’est pas très clair.
        On comprend que pour lui, les luttes menées dans le champs matériel (empêcher les délocalisations, réfléchir sur la question des déterminisme sociaux, des représentations identitaires, de race, etc.) n’ont aucune utilité et sont des illusions « projetés sur le mur de la caverne ». Projetées par qui,d’ailleurs? On ne sait pas trop. Il ne précise pas (comme Platon, d’ailleurs, dans son mythe de la caverne)
        Et puis comment remédier à cette situation? En citant Saint Paul et les evangiles comme il le fait à la fin du texte?
        Américain un jour, américain toujours…

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        • Pong // 06.06.2016 à 11h13

          Ce texte ne se suffit évidemment pas à lui-même. Il s’inscrit dans la perspective de l’ensemble des réflexions de Chris Edge qui lui donne tout son sens.
          Je vous conseille son ouvrage majeur « L’empire des illusions » qui répondra, je pense, à toutes vos questions. Edge est selon moi l’une des plus grandes consciences de l’Amérique.Lecture indispensable je crois.

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  • Maximilien 48 // 05.06.2016 à 03h24

    « depuis la disparition de leur industrie » / »Les emplois ont disparu » / « les bons emplois … ont disparu »

    Non, ils n’ont pas disparu. Pas plus que les actionnaires qui possédaient ces usines. Le terme exact est délocalisé. DELOCALISE. Fatalité, racialisation des thématiques (petits blancs vs. hispano) et culpabilisation des victimes (petit blanc devenu un fasciste potentiel).

    La bourgeoisie de ce pays à fait secession pour reprendre le terme de Lash. Elle s’est affranchie des frontières afin de maximiser ses profits; le seul mot qui s’écrit en majuscule dans son dictionnaire. Pour ce faire elle s’est fait élire et a fait des lois à sa mesure. Quoi de plus facile quand on possède des médias et qu’il faut des millions pour faire campagne !

    L’ouvrier américain sur le dos duquel elle faisait ses profits est maintenant prié de souffrir en silence et d’accepter le « changement » qui pour lui signifie destruction de son mode de vie. Un changement dont la bourgeoisie encaisse les juteux dividendes en exploitant d’autres hispanos de l’autre coté de la « frontière ». Laisser faire, laisser passer.

    Les prolétaires américains sont blancs, noirs et hispanos. Les oligarques sont WASP et le fascisme l’idéologie de la bourgeoisie apeurée. Les journalistes sont au régime bourgeois ce que le clergé était à l’aristocratie sous l’ancien régime: enseigner l’ignorance et prêcher la résignation.

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    • Homère d’Allore // 05.06.2016 à 16h03

      Bémol: le fascisme est l’idéologie de la PETITE bourgeoisie apeurée.

      Comme l’écrivait Martin Axelrad dans ce texte datant de 1960 sur un autre sujet.

      https://www.marxists.org/francais/bordiga/works/1960/00/bordiga_auschwitz.htm

        +4

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      • Maximilien 48 // 05.06.2016 à 16h38

        Petit, grande … en Espagne c’est les grands propriétaires terriens qui ont soutenu Franco et les industriels du Nord Mussolini. Même chose pour Hitler en Allemagne.
        La peur est proportionnelle à ce que l’on a à perdre. Toute la droite française était pacifiste et anti-parlementariste à partir de 33 en France: le vrai ennemi était Staline et le régime outre Rhin semblait bien séduisant.

        Après il faut une masse. Mais c’est l’argent qui décide et initie le mouvement.

          +10

        Alerter
        • Maximilien 48 // 05.06.2016 à 18h09

          Bruning c’est vraiment retour vers le futur … politiques déflationnistes délirantes qui font exploser le chômage en quelques années. Il a terminé sa vie tranquillement aux USA. Un Laval avant l’heure.

          Je suis d’accord pour dire que le fascisme est un concept italien par définition. L’Espagne et le Portugal c’est réactionnaire (comme Pétain) et l’Allemagne c’est révolutionnaire: ils veulement changer l’homme. Mais derrière tout ça, il y a juste la peur des riches devant la montée du communisme ou de la gauche depuis des années lors des diverses élections dans les pays d’Europe.

          Et c’est bien ce qui nous intéresse aujourd’hui. Les riches ont peur et mobilisent leurs ressources, leurs médias, pour faire tenir tranquille le peuple. Et quand ça ne suffit pas on renverse des élections.

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      • Annouchka // 05.06.2016 à 17h06

        70% des ouvriers autrichiens ont voté pour le FPO lors de la dernière élection présidentielle.
        Est-ce que vous diriez qu’ils font partie de la petite bourgeoisie ou alors est-ce que le FPO n’est pas un parti fasciste?

          +2

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        • Homère d’Allore // 05.06.2016 à 17h35

          Non. Le FPO n’est pas un parti fasciste. Il n’embrigade pas la jeunesse, ne veut pas construire un « homme nouveau » ou un « Reich de mille ans ». Le culte du chef paraît assez limité.

          C’est un parti de droite anti-immigration et anti-UE. Point barre. Crier au fascisme me paraît outrancier.

            +19

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          • Annouchka // 05.06.2016 à 18h56

            Le culte du chef au FPO est très fort. Il n’y a qu’à voir comment Jörg Haider en son temps a fasciné ses électeurs en dépit de ses résultats économiques pitoyables.
            On note un rôle important des sociétés étudiantes masculines de type volkisch parmi les cadres du FPO. Et d’ailleurs le rejet de l’immigration chez beaucoup de militants s’expriment en termes « volkisch ».
            Or Le mouvement volkisch allemand, qui a façonné l’idéologie nazie en son temps, n’était ni futuriste ni désireux de créer un homme nouveau. Je ne crois pas que la volonté de créer un homme nouveau est une caractéristique du fascisme.
            L’Antiliberalisme et la volonté de court-circuiter la lutte des classes: voilà la caractéristique du fascisme. Et de ce point de vue là, le FPO fait le job: anti-liberalisme = anti-union européenne et lutte contre l’immigration = oubli de la lutte des classe et de la solidarité entre les travailleurs.

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            • Homère d’Allore // 06.06.2016 à 08h09

              Vous avez raison, Annouchka, dans votre définition du fascisme comme un mouvement voulant « court-circuiter la lutte des classes ». C’est la raison pour laquelle il est essentiellement petit-bourgeois.
              Maintenant, le FPO me fait plus penser à Orban qu’au Jobbik, pour prendre une comparaison avec le voisin hongrois.

              À propos du Jobbik, information étonnante: il devient pro-UE !

              http://www.lorientlejour.com/article/989352/hongrie-le-jobbik-extreme-droite-ne-veut-plus-quitter-lue.html

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            • Jacob Linder // 06.06.2016 à 17h00

              Je ne suis pas d’accord avec vos équations un peu trop rapide.

              Vous dites que anti-liberalisme et court-circuitage de la lutte des classes, c’est cela le fascisme.
              Puis vous dites anti-liberalisme = anti-union européenne. Non, cet amalgame est INACEPTABLE. Donc vous dites fascisme = anti -union européanisme
              L’union européenne est une structure anti démocratique. Être contre l’union européenne, ce n’ est pas nécessairement être fasciste.

              L’autre caractéristique serait le court-circuitage de la lutte des classes, mais l’union européenne est aussi un court-circuitage de la lutte des classes puisque les décisions se prennent à Bruxelles, et que les classes populaires luttent contre un gouvernement à Paris qui n’assume pas qu’il n’a pas définie sa propre politique (voir ce que sont les GOPE ).
              L’union européenne, de ce point de vue, court-circuite la lutte des classes. L’union européenne est donc un fascisme et dans ce cas, oui, je suis d’accord avec vous.

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            • Annouchka // 07.06.2016 à 06h45

              Oui, mes « équations » sont un peu « courtes », j’en convient. Mais l’anti-liberalisme conjugué à l’anti-communisme était le plus petit dénominateur commun des fascismes historiques.
              A cela il faudrait sans doute rajouter la volonté d’organiser la société de manière totalitaire couplé à un goût immodéré pour la violence – ce qui ne semble pas être le cas du FPO.
              Mais en revanche, vous avez raison, ces trois critères pourraient s’appliquer facilement à l’Union européenne elle-même.

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        • Maximilien 48 // 05.06.2016 à 17h57

          Aujourd’hui les médias appellent fasciste tout ce qui remet en cause le corpus de lois imposés par une minorité de très riches (TAFTA, libre échange à outrance, concurrence à l’excés, monnaie surévaluée et politiques déflationnistes). C’est de la propagande ni plus ni moins.

          La démocratie c’est la souveraineté du peuple. Il faut donc un peuple (c’est pour ça que la démocratie « européenne » n’a pas de sens) et qu’il puisse décider de son avenir collectivement.

          Depuis maintenant 30 ans les élites ont progressivement et subtilement siphoné la souveraineté du peuple pour mettre en place un système de lois qui les avantagent financièrement. La révolte des élites.

          Le fascisme c’est le coup de force des riches contre la souveraineté du peuple:
          – en Espagne c’est le coup d’état de Franco contre le gouvernement de gauche
          – en Italie c’est la marche sur Rome
          – au Chili c’est Pinochet et la CIA (avec Friedman dans les valises)
          – en France c’est les journées de 34 contre le cartel des gauches (puis le FP en 36).

          – Référendum de 2005 renversé en France, votes multiples pour faire passer le texte en Irlande dans une ambiance de propagande, coup d’état en Grèce pour empecher Papandréou de faire une référendum, coup de force de la BCE contre Tsipras, référendum ignoré en Hollande sur l’accord avec l’Ukraine et TAFTA négocié dans le dos des peuples …

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    • Bialot // 05.06.2016 à 19h08

      « Les journalistes sont au régime bourgeois ce que le clergé était à l’aristocratie sous l’ancien régime: enseigner l’ignorance et prêcher la résignation. »…
      Je la ressortirai celle-là, elle est disons très parlante.

        +13

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      • Maximilien 48 // 06.06.2016 à 01h07

        « l’emprise » de Régis Debray. Rendons à César …

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  • bobob // 05.06.2016 à 03h42

    J’ai comme un doute sur le fait que la « classe ouvrière blanche » vienne d’inventer le racisme aux USA à cause de la crise économique.

    Mais ce dont je suis sûr c’est que la « classe ouvrière blanche » n’a pas eu intérêt à délocaliser les usines en Chine, contrairement aux … journalistes par exemple.

    Et qu’entre un candidat qui laisse poindre un discours protectionniste et une candidate qui se place dans la droite ligne de ce qui se fait, je sais où se situent les intérêts économiques de la classe ouvrière. Blanche ou pas.

    Alors si, en plus, celui-là semble, contrairement à l’autre, ne pas vouloir faire la guerre à la moitié de la planète, j’ai pas trop de mal à écarter l’hypothèse du racisme comme motivation principale au vote pour lui.

    Mais je suis pas journaliste.

    Ce qui fait que je ne passe pas une partie de mon temps à donner des leçons de morale pour montrer combien je suis un grand et bel être humain…

      +59

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  • FifiBrind_acier // 05.06.2016 à 08h18

    USA: délocalisations au Mexique.

    « Ce n’est plus la Chine, mais le Mexique qui attire les entreprises. Sa proximité géographique avec les entreprises permet d’économiser les frais de transport.
    L’ouvrier mexicain coute 20 fois moins cher que l’ouvrier américain.

    Enfin le peso a perdu 30% de sa valeur par rapport au dollar, les produits “made in Mexico” sont donc extrêmement compétitifs.
    En 10 ans, les États-Unis ont perdu 50 000 usines. »

    Il font comme les entreprises en Europe, qui délocalisent dans les anciens pays de l’ Est.
    http://www.businessbourse.com/2016/04/07/etats-unis-delocalisations-quand-les-usines-partent-au-mexique/

      +27

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  • pascale // 05.06.2016 à 09h25

    L’épicurisme professe que pour éviter la souffrance il faut éviter les sources de plaisir qui ne sont ni naturelles ni nécessaires. Il ne prône donc nullement la recherche effrénée du plaisir, comme beaucoup le pensent à tort.

      +17

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    • Jean // 05.06.2016 à 13h57

      Épicure définit le plaisir comme l’absence de douleurs physiques ou morales. Il préconise donc la frugalité alimentaire et d’éviter les plaisirs excessifs, car ceux-ci risquent de mettre en péril le fragile équilibre qui permet le bonheur tel qu’il le définit. Comme indiqué plus haut, l’épicurisme, philosophie de la modération, est souvent confondu avec l’hédonisme.
      L’épicurisme est, selon moi, la philosophie du mode de vie de la frugalité volontaire et de l’économie de la décroissance, qui préconisent de réduire notre consommation pour préserver l’environnement. J’ajouterai que cette philosophie permet aussi de désarmer les multinationales en les privant des ressources qu’elles utilisent pour nous asservir.

        +13

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  • pucciarelli // 05.06.2016 à 10h38

    Platon a bon dos. Nous savons comment les Etats-Unis ont fabriqué le déclin de leur pays pour favoriser le pouvoir mondial de leurs oligarchies. Nulle fatalité à cela. Rêver à un retour des activités industrielles dans un autre contexte n’est pas un mythe frappé de malédiction. Décrire ainsi la crise actuelle est vouloir clore toute lucidité au profit d’un pessimisme millénariste, d’une malédiction inscrite dans la nature des choses, c’est une manipulation. La crise mondiale qui approche est fabriquée de toute pièce au profit d’une infime minorité. Les chants funèbres se référant à un Fatum sont des billevesées. Trump est ce qu’il est, mais la colère de ses électeurs a des raisons très précises. En la matière, ce qui a été défait peut être, grosso modo, refait. La prise en compte de l’intérêt national, qui va de pair avec l’intérêt général et l’intérêt public est fait pour ça. M. Hedges, tout cultivé qu’il soit, n’est pas clairvoyant en cette matière. Rien ne sera plus comme avant? Certes. Mais tellement de choses peuvent être mieux!

      +18

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  • jean-marc // 05.06.2016 à 12h53

    //////////
    Très beau texte. Bien vue cette analyse sur le penchant vers les illusions psychologiquement utiles en tant de crises graves.

    Toutefoîs je suis gêné par ces conclusions survivalistes qui vont jusqu’à parler de fin de l’espèce.

    Que nous nous dirigions vers des crises politiques et sociales très importantes, aucun doute là dessus tant l’establishment est loin de la société réelle et incapable d’évolution.
    Que même nous connaissions de terribles « accidents » dus aux questions environnementales, très probable. Celui que je redoute le plus est un incident du aux Ogm et donc à l’agricole.
    Que les Usa s’écroulent et sonnent le glas d’une civilisation, possible.

    Mais la fin de l’espèce? Carrément? Ca me semble exagéré, très improbabe, et peut être bien le signe là aussi d’une illusion psychologiquement utile chez Hedge.

      +9

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  • Cyrano // 05.06.2016 à 12h57

     » la nature humaine n’a pas changé ». Voila bien le problème, le plus sérieux des problèmes. Il suffit de lire l’œuvre d’Henri LABORIT pour d’un coup saisir la complexité d’une dimension « circulaire » qu’il sera bien difficile de dépasser…

      +11

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  • Toff de Aix // 05.06.2016 à 13h26

    La fin arrive, et je suis persuadé que la plupart des gens le pressentent, à défaut de vouloir le reconnaître et l’admettre.

    La vérité dérange : l’illusion de l’invincibilité, l’arrogance de notre civilisation, la confiance aveugle, quasi religieuse dans notre science sont les choses qui sont en train de nous perdre.

    [Modéré]

      +5

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    • christian gedeon // 07.06.2016 à 17h04

      [Modéré]il n’y a pas plus de fin prévisible que de poils sur le crâne de Juppé.Parce que le processus d’industrialisation et de consommation n’en est qu’ à ses débuts ou presque dans une bonne partie du monde. Cette obsession de la « fin  » est vraiment occidentalo centrée…parce que pour beaucoup de peuples,on n’en est qu’aux prémisses.Quand comprendrez vous cher Toff que l »occident  » n’est pas le monde?!

        +1

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  • Balthazar // 05.06.2016 à 17h03

    Je trouve ce texte très raciste envers les blancos américains.
    Ce qui pousse les américains à voter Trump ( qui a pour lui d’être l’incarnation du Tout est possible ) ce n’est pas que le blanc a perdu sa place de petit chef au dessus de l’Afro américain, c’est de ne plus pouvoir nourrir sa famille, se soigner, se payer des vacances.
    Bref…

      +10

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  • Charles // 05.06.2016 à 23h56

    Contrairement à ce que croit l’esthète savant Chris Hedge, l’histoire n’est pas écrite par un peintre ni un conteur, mais par les hommes. L’histoire fait les hommes qui font l’histoire…
    Donc beaucoup de vérités, mais aussi beaucoup de raccourcis, et surtout ignorance des luttes politiques, que cela soit aux Etats-Unis ou ailleurs.
    Concernant les seuls Etats-Unis voir par exemple ce panorama des luttes : http://wp.me/p5oNrG-mhL

      +1

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  • Jean // 06.06.2016 à 00h25

    => L’histoire a prouvé que les Grecs anciens avaient raison : toutes les cultures déclinent et meurent.

    Ce n’est pas parce qu’un évènement s’est toujours produit d’une certaine façon que l’on peut en conclure qu’il en sera toujours ainsi. Nous ne sommes qu’une poussière dans l’immensité des univers et l’Histoire de notre planète n’est qu’une fraction de seconde dans cette perspective. Il me parait plus rationnel d’admettre que notre arrogance démontre notre ignorance.

      +2

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    • Didier // 06.06.2016 à 03h04

      => Ce n’est pas parce qu’un événement s’est toujours produit d’une certaine façon que l’on peut en conclure qu’il en sera toujours ainsi.

      Euh… C’est quand même un peu la base de la pensée scientifique, non ? Même si je vous accorde que parler de « science » sociale est quelque peu hasardeux…

      Sinon, consulter avec profit « Effondrement », de l’anthropologue américain Jared Diamond, ouvrage dont le sous-titre très éclairant est « Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie ». C’est une lecture passionnante, extrêmement accessible (je ne parle pas du prix, hein…) et traversée par ce pur pragmatisme américain qui a parfois du bon. Toutes les sociétés déclinent et meurent, certes, mais à des rythmes extrêmement variables, et certaines semblent choisir d’abréger leurs souffrances en optant délibérément pour le suicide.

      Dans cette dernière optique, la nôtre semble bien partie, merci.

        +3

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      • Jean // 06.06.2016 à 18h59

        Je ne nie pas que c’est toujours ce qui s’est passé jusqu’à maintenant, mais seulement qu’on ne peut pas en conclure que ce processus est immuable. Nous ne sommes pas dans le contexte d’une réaction qui obéit aux lois de la physique mais dans celui des sciences sociales.
        Il me parait néanmoins évident que nous vivons l’effondrement de la civilisation occidentale et que le processus de désintégration ira en s’accélérant. Mais nous aurons peut-être l’opportunité d’expérimenter une autre fin avec la prochaine…

          +2

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  • Gaujé // 06.06.2016 à 08h08

    Bonjour,

    Quitte à citer Romains 6 23, autant le citer entièrement :
    Car le salaire du péché, c’est la mort;
    mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur

      +2

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    • christian gedeon // 07.06.2016 à 17h19

      Comprendre péché au sens de faute,d’erreur. Et l’accumulation des erreurs mène forcément aux calamités. Et la Vie Eternelle dont parle Paul,c’est effectivement la possibilité toujours existante de se repentir,littéralement changer de direction,aller dans la Bonne Voie,le tout grâce au libre arbitre,don gratuit de Dieu,et de jésus qui choisit librement d’aller au sacrifice (Eloigne de moi cette coupe)Contrairement à ce que pensent beaucoup,le catholicisme et l’orthodoxie,que seul filioque séparent,sont pragmatiques,réalistes,et pleins d’espérance,contrairement aux protestantismes,plus sombres et marqués par la prédestination ( si tu es pauvre,c’est parce que Dieu l’a voulu,t’es pas sur la bonne liste de Schindler en quelque sorte,c’est caricatural,mais assez « vrai »). Le va et ne pèche plus est un voeu,et pas une condamnation de celui qui fauterait à nouveau… En clair,on tombe,mais on peut toujours se relever.

        +1

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  • Ovi // 06.06.2016 à 17h51

    Ce que je trouve intéressant dans la conclusion c’est ce propos : « Le salaire du péché, […] éviter la seconde. » Le « nous » utilisé semble nous inclure tous, et donc nos classes dirigeantes, qui sont les plus « décadentes » et pourtant se présentent comme la solution. On connait l’arnaque.

    Ce qu’il décrit c’est la décroissance. Et ce seront ceux d’en bas, qui ne comprenant pas ce phénomène ou n’ayant pas les moyens de se défendre qui seront les premiers à subir. La désillusion sera par contre plus grande pour les classes moyennes, elle continuent de croire (dans leur alliance de classe avec les élites) que la modernité, c’est l’Amérique, c’est l’Allemagne, c’est la croissance, c’est le numérique, c’est les énergies renouvelables, bref tout un tas de trucs, que je trouve intéressant à observer et étudier mais qui nous conduirons, je le crois, à la ruine de la grande majorité.

      +2

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    • Ovi // 06.06.2016 à 17h53

      En complément, cette coupure de presse trouvée dans le Monde diplomatique de mai 2016

      « Mort aux pauvres !

      Dans la très conservatrice National Review, Kevin Williamson déplore le succès de M. Donald Trump auprès des Blancs pauvres et livre sa vision des populations déshéritées des Etats-Unis.

      [Le responsable,] ce n’est pas Pékin, ni Washington — quels que soient leurs torts. Ce ne sont pas non plus les immigrés mexicains, même si le niveau d’immigration est excessif et problématique. Ce n’est rien de tout cela. Rien ne leur est arrivé ; ils n’ont essuyé aucun désastre horrible, ni la guerre, ni la famine, ni la peste, ni une occupation étrangère. Même les transformations économiques des dernières décennies n’apportent qu’une très faible explication aux dysfonctionnements, à la négligence et à l’incompréhensible méchanceté de l’Amérique blanche pauvre. (…) La vérité est que ces communautés détraquées et déclinantes méritent de mourir. Economiquement, ce sont des actifs négatifs. Moralement, elles sont indéfendables.

      Kevin D. Williamson, « Chaos in the Family, Chaos in the State : The White Working Class’s Dysfunction », 28 mars 2016. »

        +3

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      • christian gedeon // 07.06.2016 à 17h40

        C’est hélas ce qui est enseigné dans les « grandes écoles  » où on parle ,sans vergogne ,de stock humain.Quant on utilise le terme « ressources humaines »,c’est exactement la même chose.Comme ressources pétrolières,géologiques ou autres…l’être humain est redevenu fongible. Cher Olivier,vous qui êtes actuaire,c’est la conséquence directe de l’application de la sacro sainte Statistique au « produit » humain…si révolution il doit y avoir,elle est morale,au sens noble du terme. Or,les « libertés  » s’ingénient à détruire toute notion morale…leur but n’est pas de faire une société « immorale « ,mais une société « a-morale ». Pour simplifier,une société où tout est permis,quand on est le plus fort…Les possibilités d’arbitrage international,en dehors de la législation des états contenues dans le tafta,sont une conséquence directe du libertarisme,et de « l’esprit  » de « 68 »…Pendant quelques heureuses dizaines d’années,les lois ont eu pour but de protéger les plus faibles .les traités,nouvelles lois au dessus des lois,ont à présent pour but de faire taire les plus faibles!Bref,c’est la merde!

          +4

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    • christian gedeon // 07.06.2016 à 17h27

      Tout à fait…la parabole des talents est là pour nous montrer symboliquement le danger qu’il y a à vouloir « aller en arrière ». A juste vouloir conserver ce qui est,tel qu’il est. [modéré]l’interprétation financière de cette parabole est évidemment une fumisterie totale.(Oups désolé,Luther,désolé Calvin Mélancthon et autres Zwingli,sans parler des reborn et autres évangélistes effrayants).Les décroissantistes,sans peut-être bien s’en rendre compte sont d’extraordinaires alliés des ultralibéraux…parce qu’ils mettent dans la tête des gens qu’il est impossible de continuer à « croître  » et donc de continuer à croire à l’évolution de l’humanité,mais autrement. Leur doxa est mortifère.

        +1

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  • Bouddha Vert // 07.06.2016 à 11h32

    Bonjour et merci à l’équipe, à OB pour nous donner accès à l’article.

    Il s’inscrit dans la veine de ceux qui décrivent et tentent de penser le flot et qui, à un moment s’arrêtent, prennent de la hauteur et continuent d’observer le flot qui fonce vers l’avenir…
    Une vision qui mêle l’historique, l’économique, la thermodynamique, une vision globale à laquelle il nous faut continuer de nous attacher.

    Si les crises sont nombreuses, c’est parce que les possibles de déstabilisation le sont également, un article dans la continuité de la pensée systémique, donc à performer.
    Merci.

      +1

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  • christian gedeon // 07.06.2016 à 12h50

    Bof…article du XXième siècle, et finalement très impérialiste,en quelque sorte. Ramène tout aux USA,N’ a pas encore compris que l’Empire est maintenant mondial,multinational,multiethnique. L’empire n’est plus américain,il est mondial,comprend chinois,indiens etc…Pour mal paraphraser,l’empire est partout…on peut toujours rajouter du Platon de l’Epicure et des « marins »allemands »! sur le port du Pirée pour faire joli,l’article est inconsistant parce que focalisé sur une seule « nation « (sic!).Alors que c’est le monde qui est complètement métastasé.

      +1

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  • Krystyna Hawrot // 07.06.2016 à 23h43

    Concernant l’Autriche il ne faut pas oublier que l’Autrice a voté extrême droite parce qu’elle subit de plein fouet la crise des réfugiés depuis 1 an maintenant – il suffit de voir l’arrivée de 10 000 personnes par jours dans des petites localités et vous verrez qu’aucune société ne résiste à la panique, surtout que c’est le puissant voisin allemand qui a choisi d’imposer la situation… La même chose s’est passée dans les années 90 – si les Autrichiens ont voté Haider en 2000 c’est parce que pendant 10 ans ils se sont pris dans la figure la crise des réfugiés yougoslaves – et que l’Europe n’en avait rien à cirer. Dans certains villages près de Graz ou je travaillais à l’époque les réfugiés yougoslaves ont vécu jusqu’à 3 ans dans les écoles! C’est normal que les pays qui sont en première lignes des problèmes réagissent plus vivement! Les Français non plus n’ont pas accueilli les 500 000 réfugiés de la Retirada avec des fleurs…avant de prendre eux même la route en juin 1940.

      +0

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