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Pande-mondialisation : Jean qui rit, Jean qui pleure … Par Guillaume Berlat

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Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 16-03-2020

La pandémie du coronavirus constitue le meilleur révélateur d’une classe dirigeante française et de sa horde de cabinards arrogants, dont le moins que l’on puisse dire, est qu’ils ne sont pas à la hauteur des multiples défis que soulève cet épisode sanitaire. Chaque jour que Dieu fait nous en administre la preuve et nous conduit à penser que le maître es-bobards (« fake news ») qui sévit à la Maison Blanche – sans parler de celui qui demeure au Kremlin – a un émule domicilié au 55 rue du Faubourg Saint-Honoré. Le jeune freluquet, qui est le plus jeune président de la Vème République, sait tout sur tout et n’admet guère la contradiction, y compris celles de médecins qu’il visite dans un hôpital parisien pour leur faire la leçon et mieux les encenser le 13 mars 2020 lors de son intervention télévisée. Mais, jouer les Jean qui rit, glissant la poussière sous le tapis n’a qu’un temps. On est souvent rattrapé par la réalité, et cela plus vite qu’on ne le croit. Et, alors, dans la plus grande précipitation, Jean qui rit est contraint de se muer en Jean qui pleure, au fur et à mesure qu’il ramasse la poussière en soulevant le tapis1.

JEAN QUI RIT : ON MET LA POUSSIÈRE SOUS LE TAPIS

Que n’a-t-on pas entendu de la part de la bien-pensance de la « Grande Nation » au moment de l’annonce de l’épidémie en Chine ! Les Français feraient mieux que les Chinois pour prévenir, traiter ce mal soudain. Il s’agissait d’un rhume au mieux, d’une mauvaise grippe au pire qui serait contenue, au plus tard lorsque le printemps serait venu. Pas d’affolement ! Au lieu de les laisser confinés à Wuhan, nos bons samaritains ont été récupérés nos ressortissants pour leur offrir une quinzaine de vacances sur la Riviera aux frais du contribuable. Avec l’arrogance qui caractérise La Caste, nous décrétons que le système médical français, que tout le monde nous envie, pourrait parer à toute éventualité. Les citoyens français pouvaient dormir sur leurs deux oreilles. Pas de panique, la vie devait continuer comme à l’accoutumée puisque c’est une OMS sous influence qui l’affirme2 et qui essuie les critiques ouvertes3. Ne surestimons pas le risque !4 Comme dirait l’autre, que la fête continue dans la « mondialisation heureuse »5. Si quelques Cassandre avaient l’outrecuidance de penser que l’affaire était moins simple qu’on voulait bien nous le dire, on leur clouait aussitôt le bec et ils étaient immédiatement cloués au pilori médiatique. Tout ceci au nom de la sainte liberté d’expression, version nouveau monde chère au président de la République. Le mot d’ordre était clair : circulez, il n’y a rien à voir surtout sous le tapis qu’il était interdit de soulever pour y trouver quelques poussières désagréables. Mais, les plaisanteries les plus courtes sont toujours les meilleures. Heureusement, pour l’économie française, nous apprenons que la France occupe le rang envié de troisième exportateur d’armes dans le monde pour l’année 20196.

Force est de constater, qu’aujourd’hui, le tableau est nettement moins rose qu’on nous le peignait, il y a peu encore. Horresco referens ! Jupiter déclare désormais que l’épidémie n’en est qu’à ses débuts7. Que va-t-il nous annoncer par la suite ? La suite au prochain numéro alors même que le vernis s’écaille.

JEAN QUI PLEURE : ON RAMASSE LA POUSSIÈRE EN SOULEVANT LE TAPIS

Peut-on mettre très longtemps la réalité accablante sous le tapis en l’ignorant superbement ?8 La fantaisie n’a qu’un temps. À un moment donné, le tapis se soulève et c’est trop tard.9 Telle est la situation actuelle à laquelle nos dirigeants d’élite, sûrs d’eux et dominateurs (en plagiant les propos du général de Gaulle) sont confrontés10. Comme le notait Jacques Chirac avec une pointe d’humour, les merdes, ça vole en escadrilles. Et, c’est bien ce qui se passe. Chaque jour nous assène son lot de mauvaises nouvelles en tout genre. Des mesures inédites en France sont prises. Les rassemblements de plus de 1000 personnes, le lendemain de plus de 500 personnes sont interdits sur l’ensemble du territoire, sauf dérogation11. Signe d’une fébrilité inhabituelle de nos dirigeants. La crise du coronavirus bouleverse l’exécutif12. Outre les écoles qui ferment13, les spectacles que l’on annule, les compétitions sportives qui se jouent à huis-clos, les entreprises qui décrètent le chômage partiel14, c’est l’économie française, déjà bien mal en point, qui risque d’en prendre un coup sur la tête à découvrir les nouvelles alarmantes du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire avec sa tête de premier de la classe15. Est-ce une surprise tant les crises de toutes sortes se conjuguent harmonieusement en ces temps de « vents mauvais » ?16 Nous n’avions pas vu pareille situation depuis la crise de 2008. Krach boursier et krach pétrolier n’annoncent rien de bon17. La décision de l’Arabie saoudite d’abaisser les prix du pétrole18 et l’aggravation de l’épidémie de coronavirus provoquent la panique19. Toutes les bourses dévissent. Le CAC 40 perd 8,4% le 9 mars 2020. Les marchés font face à une situation inédite. Il ne faut plus se le dissimuler, le choc de l’épidémie de coronavirus est mondial. Sonne-t-i le glas d’une certaine mondialisation échevelée20 et du système ultralibéral21 ? La question est sérieusement posée aujourd’hui22. Comme à l’accoutumée, l’Union européenne tarde à se mobiliser pour soutenir l’économie des Vingt-Sept États membres23. Faute d’agir, elle renvoie la balle aux États24. Comment attendre volontarisme et détermination de sa part alors qu’elle se complait dans le « soft » alors qu’il faudrait du « hard » ?25 Le moins que l’on puisse dire est qu’elle peine à trouver une réponse coordonnée et une riposte26. Nous en sommes encore bien loin27. Surtout, lorsque nous apprenons que la Pologne introduit des « contrôles sanitaires » à ses frontières28, mettant ainsi à mal un éventuel front commun des Vingt-Sept29. Pour sa part, le président chinois, Xi Jinping estime que la situation est désormais sous contrôle dans son pays30 en dépit de l’arrêt de l’économie chinoise31. Le président des États-Unis suspend les liaisons avec l’Europe32 et déclare ensuite l’état d’urgence33. En un mot, la pandémie aggrave les fractures du monde34. Elle crée la panique dans les affaires de la planète35.

En définitive, la seule question qui vaille est comment gérer l’épidémie sans affoler ni effrayer ?36 Telle fut le fil conducteur de l’intervention télévisée du président de la République du 12 mars 202037. L’homme qui appelle les Français à faire face38 et qui opère un virage à 180° dans son approche des problèmes et dans leur traitement39. Le quotidien Libération évoque un « virus de l’altermondialisme »40.

« Gouverner, c’est prévoir et prévoir c’est savoir écouter les prévisionnistes »41. À prendre la mesure de la pagaille ambiante, rien n’avait été prévu et surtout pas le pire. Rien n’avait été anticipé. Tout est improvisé dans la plus grande précipitation par la Macronie déclinante qui ne sait plus à quel saint se vouer. Pour elle, gouverner, c’est subir. Recevant, il y a plus d’un an, les principaux responsables de l’IFRI qui lui faisaient l’article sur leur savoir-faire en matière d’analyse et de prévision, Edouard Philippe leur confessa qu’à Matignon, on n’avait pas le temps de penser. Nous en prenons conscience quotidiennement. Nos dirigeants attendent un lendemain meilleur qui n’est pas venu et qui ne viendra pas. Céder un temps au trompe-l’œil aura disculpé un temps Emmanuel Macron de ses abandons, de ses fautes graves dont l’addition désormais le rattrape. Le pire est encore possible dans ces temps d’informatio-virus42. Le coronavirus, c’est un brusque changement de cap43. Après Jean qui rit, c’est Jean qui pleure.

Guillaume Berlat

Suite de l’édito à 4 mains

« Pandé-mondialisation ». En effet, cette pandémie globale révèle la nature profonde d’une mondialisation présentée comme le plus grand bond en avant de l’humanité depuis la fin de la Guerre froide. Et la dernière intervention du président de la République en traduit bien quelques paradoxes. Trois parties très Sce-po : 1) pendant dix minutes, il remercie les personnels soignants et tous les défenseurs de notre bien-être ; 2) sans parler très clairement de l’entrée en « stade trois », il annonce une série de mesures restrictives, reprises – le lendemain dans un désordre confondant – par le Premier ministre ; 3) enfin, il nous sert un hymne à l’Etat-providence, à la résilience et à la résistance « nationale » en y associant « l’Europe », dont on ne voit pas très bien ce qu’elle vient faire dans cette galère, d’autant que l’idée de l’Europe qu’il invoque n’est partagée par aucun – aucun – de nos « partenaires » de l’UE.

Mais, le plus singulier concerne cette ode à notre modèle de santé publique alors que ce secteur – justement – est l’une des premières victimes d’un désengagement croissant et notoire de l’Etat depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. En témoigne le mouvement social engagé depuis plus d’un an dans nos hôpitaux et cliniques portant notamment sur les fermetures de lits, de services radiologiques et maternités, la chute vertigineuse des moyens et des salaires non revalorisés du personnel soignant (et pas seulement des infirmières : aides-soignantes, agents d’entretiens, etc.). L’actuelle pandémie fait tomber les masques d’une politique délibérée de démantèlement de la santé publique au profit d’une privatisation tous azimuts. Les témoignages sont légion !

Mais le pompon, c’est d’oser nous jouer le couplet de la « Patrie en danger » en poussant des flonflons très Conseil national de la résistance (CNR), alors qu’il est de bon ton – depuis qu’Emmanuel Macron est à l’Elysée – de brocarder le programme de ce même CNR, jugé comme une curiosité anachronique, sinon nuisible… Plus précisément, il est parfaitement malhonnête intellectuellement – et politiquement – de se prévaloir d’un repli national nécessaire, alors qu’on n’a cessé de promouvoir une politique de libéralisme économique, d’ouverture des frontières, de casse et de privatisation des services publics conformément aux injonctions de Bruxelles et de Wall Street ! Pour ne prendre qu’un seul exemple, on se souvient d’un président de la République se félicitant de la prise de contrôle de nos chantiers navals de Saint-Nazaire par des actionnaires italiens, vantant ainsi les progrès et l’intégration d’une Europe « libérale, ouverte et compétitive ». Dans le même temps, il est tout aussi cocasse de voir Angela Merkel – autre grande prêtresse du libéralisme économique – préconiser aujourd’hui la nationalisation de certaines industries allemandes dans les secteurs les plus sensibles de la sécurité alimentaire, de l’industrie pharmaceutique et de la recherche… Faut l’entendre et le voir pour le croire !

Oui, cette pandé-mondialisation dénude les rois ou prétendus tels, leurs sophismes et les conséquences de cet individualisme forcené qui produit des générations de crétins hors-sol. On connaissait ceux qui mettent ostensiblement des lunettes de soleil lorsqu’il pleut, au crépuscule et en pleine nuit. On connaissait la secte des capuches cherchant à masquer chevelures, visages et identités ; celle des casquettes américaines retournées – signe de reconnaissance d’improbables rebelles et celle des jeans ras-du-cul comme lorsqu’on a fait caca dans ses culottes. On connaissait les barbares urbains et leurs godemichets dans les oreilles, les yeux rivés sur des téléphones avec jeux, « applis » multiples et réseaux « a-sociaux » – j’ai des milliers d’amis mais je ne connais pas mon voisin de palier. Mais on ne connaissait pas encore les visages masqués, paroxysme de l’individualité globale d’autant plus triomphante qu’elle se sent en danger.

Le politologue Hervé Juvin nous le dit depuis des années : la mondialisation produit, reproduit et formate des « individus hors-sol » pour lesquels la Nation, la Patrie et la Solidarité n’existent plus. Avec la généralisation des zombies masqués, la pandé-mondialisation fait paradoxalement tomber le masque de la grande imposture libérale : remplacer les citoyens par des consommateurs, des actionnaires, des robots, des vigiles armés et des drones.

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Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 16-03-2020

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1 réactions et commentaires

  • jean-pierre Georges-pichot // 12.04.2020 à 10h45

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