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16.février.202116.2.2021 // Les Crises

Pandémie et Finance : La nouvelle Guerre des Mondes

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Source : Consortium News, Nomi PrinsTomDispatch

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

La bourse qui amasse des richesses en pleine pandémie meurtrière rappelle à Nomi Prins un classique de la science-fiction parlant de l’invasion en provenance de Mars.

Parfois, les choses n’ont de sens que lorsqu’elles sont vues à travers une lentille grossissante. Il se trouve que je pense à la réalité, la réalité très américaine et mondiale qui se répète très clairement en ce début de 2021.

Nous savons tous, bien sûr, que nous sommes en train de vivre une pandémie qui ne se produit qu’une fois par siècle ; que des millions de personnes ont perdu des emplois, dont une partie n’existera plus jamais ; que les plus pauvres d’entre nous, qui peuvent le moins assumer des difficultés économiques aussi aiguës, ont été les plus durement frappés ; et que l’économie mondiale a été mise à genoux, à cause d’une série de confinements, de mises à l’arrêt, de restrictions de toutes sortes et de considérations liées à la santé. Plus grave encore : plus de 360 000 Américains (et ce n’est pas fini) ont déjà perdu la vie à cause de la Covid-19 et, selon les experts de la santé publique, bien plus de décès sont encore à venir.

Et pourtant, comme dans une galaxie très, très lointaine, il s’avère qu’il y a aussi une autre facette, tellement plus optimiste, une autre composante de cette équation. Alors que la Covid-19 s’aggravait de plus en plus à la fin de 2020, le marché boursier a atteint des sommets jamais connus auparavant. Jamais au cours de l’histoire.

Pendant ce temps, toujours dans la rubrique des nouvelles vraiment réjouissantes, en 2021, les banques pourront reprendre leur progression vers les milliards de dollars de rachats d’actions, gentillesse de la Réserve fédérale qui a choisi de soutenir un tel plan de relance des banques et des marchés boursiers. Le feu vert de la Fed pour cette activité, le 18 décembre, permettra aux méga-banques de revenir à ces rachats d’actions (qui constituent 70 % de la distribution de capital vers leurs actionnaires). En juin 2020, la Fed avait interdit cette pratique, officiellement pour les aider à gérer au mieux les risques causés par la pandémie.

Ces mêmes institutions financières peuvent désormais injecter de l’argent pour l’achat de leurs propres actions plutôt que, par exemple, accorder des prêts aux petites entreprises en difficulté qui sont menacées par la catastrophe économique due à la pandémie. Dès que Wall Street a reçu les bonnes nouvelles de la Fed à la fin de l’année 2020, JPMorgan Chase, la plus grande banque du pays, n’a pas perdu de temps pour annoncer son intention d’acheter ses propres actions pour un montant de 30 milliards de dollars et ce, au cours de la nouvelle année. Et comme par magie, ces actions ont fait un bond de 5 % le jour même. D’autres méga-banques ont suivi le mouvement, et le prix de leurs actions en a fait tout autant.

Maintenant, pour des raisons que vous comprendrez facilement, venez avec moi faire un petit voyage dans le passé, veille d’Halloween, 1938, quand Orson Welles et le Mercury Theatre ont joué une adaptation du roman de science-fiction-dystopie-impérialisme de H.G. Wells de 1898, The War of the Worlds, (La guerre des mondes) à la radio. Alors que les Martiens « envahissaient » le New Jersey, (c’était Londres dans le roman) en gardant le chaos à l’esprit, certains auditeurs ont été pris de panique, croyant entendre des reportages parfaitement réels concernant une invasion extraterrestre de la planète Terre.

Des témoignages ultérieurs indiquent que les médias ont exagéré cette réaction (un style de « fake news » 1938 ?), mais des gens qui ont rejoint l’émission en retard et ont manqué la présentation quant à la nature fictive du programme ont en effet paniqué.

31 octobre 1938 : Orson Welles, deuxième à partir de la droite, rencontre des journalistes pour tenter d’expliquer que nul parmi celles et ceux en lien avec l’émission ne se doutait que celle-ci provoquerait une panique. (Photos de l’Acme News, Wikimedia Commons)

Et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi ils auraient pu réagir ainsi à ce moment-là. Il y avait déjà eu une abondance de surprises. Le monde, après tout, s’était à peine remis des conséquences du krach boursier de 1929 et de la Grande Dépression qui a suivi. Il était également encore sous le choc de l’incendie du Hindenburg de 1937, au cours duquel un dirigeable allemand a explosé dans le New Jersey, ainsi que de l’escalade des tensions et des hostilités en Asie et en Europe, qui allait conduire à la Seconde Guerre mondiale.

Peut-être les gens avaient-ils déjà associé ou confondu l’invasion martienne sur les ondes avec des fantasmes sur une éventuelle invasion allemande de ce pays. Après tout, dans certains journaux, les réactions à la prestation de Welles étaient placées juste en face des colonnes sur les menaces de guerre en Europe et en Asie. Avec ou sans Welles, les gens étaient sur les nerfs.

Le Hindenburg au-dessus de Manhattan, New York, le 6 mai 1937, peu avant la catastrophe. (Associated Press, Wikimedia Commons)

Quoi qu’il en soit, la peur est tout à la fois une grande source de motivation mais aussi d’anxiété pour les médias, que ce soit en 1938 ou aujourd’hui. À l’heure actuelle, l’accent est mis sur les craintes économiques et sanitaires dans un marché saturé. Il s’agit également de la déconnexion qui existe entre le monde économique réel dans lequel la plupart d’entre nous vivons et les marchés boursiers en plein essor.

Ces marchés faussés sont le résultat d’une inégalité des richesses qui aurait autrefois été inimaginable dans ce pays. D’une certaine manière, économiquement parlant, on pourrait dire que nous subissons aujourd’hui l’équivalent d’une invasion des Martiens.

De la crise financière à la pandémie

Il n’est pas difficile de nos jours d’imaginer le chaos dans lequel les gens se trouveraient si leur vie ou leurs moyens de subsistance étaient menacés par une force incontrôlable, venue de l’extérieur, comme celle que représentent ces Martiens. Après tout, nous sommes dans une ère de pandémie où les écarts entre les riches, les pauvres et la classe moyenne s’accroissent d’une façon totalement incroyable, un monde dans lequel certains ont les moyens de rester étonnamment en sécurité, et en vie, pendant que d’autres sont démunies.

Un homme au coin de la rue à New York pendant la Covid-19, avril 2020. (Anthony Quintano, CC BY 2.0, Wikimedia Commons)

La Covid-19 ne vient bien sûr pas de Mars et n’est pas non plus envoyée par des extraterrestres, mais en termes d’impact, c’est tout comme. Et la pandémie ne fait finalement qu’exacerber, parfois de manière violente, des problèmes qui étaient déjà assez graves, notamment les inégalités économiques.

Souvenez-vous que, bien avant que la Covid-19 ne frappe, la crise financière de 2008 avait été contrée par un renflouement de Wall Street à hauteur de plusieurs milliers de milliards de dollars. Dans le même temps, la Réserve fédérale avait réduit les taux d’intérêt à zéro, tout en achetant des obligations du Trésor américain et des obligations hypothécaires aux banques mêmes qui avaient déclenché la catastrophe.

Ses actifs propres sont alors passés de 870 milliards de dollars à 4 500 milliards de dollars entre août 2007 et août 2015. En revanche, l’économie américaine n’a jamais vraiment atteint un niveau de croissance de plus de 2 % par an en moyenne dans les années qui ont suivi ce quasi-effondrement, alors même que le marché boursier a récupéré toutes ses pertes et bien plus encore.

L’indice Dow Jones des valeurs industrielles, soutenu par une politique monétaire ultra-libérale, a régulièrement progressé, passant d’un creux de 6 926 le 5 mars 2009, lors de la crise financière à 27 090 le 4 mars 2020, date à laquelle laCovid-19 a brièvement stoppé sa remontée.

Cependant, dans le mois qui a suivi la chute du marché liée aux fermetures généralisées, sa montée a été accentuée par des manœuvres similaires mais plus importantes, car la politique de la Réserve fédérale a de nouveau été déployée pour sauver les riches sous le prétexte de sauver l’économie. Un rebond 2.0 a porté le Dow Jones à un nouveau record de 30 606,48 à la fin de l’année 2020.

En revanche, je suis sûre que vous ne serez pas surpris d’apprendre que, selon de récents rapports de la Réserve fédérale, le fossé de la richesse aux États-Unis a continué de se creuser de façon spectaculaire, alors que les inégalités économiques allaient encore grandissant en 2020 à cause de la pandémie de coronavirus. En effet, les ravages sanitaires et économiques qu’elle a causés ont touché les travailleurs des services à bas salaire, les personnes à faible revenu et les gens de couleur bien plus que la classe moyenne supérieure et l’élite de la classe supérieure.

Pendant ce temps, à la fin de 2020, le dixième des d’Américains les plus riches possédaient plus de 88 % des actions des entreprises et des fonds communs de placement en circulation aux États-Unis. Le 1% supérieur contrôlait également plus de 88 fois la richesse de la moitié des Américains les plus pauvres. Autrement dit, moins vous en possédiez, et moins vous pouviez vous permettre de perdre quoi que ce soit.

En effet, la valeur nette combinée du premier centile (1%) des Américains était de 34 200 milliards de dollars (environ un tiers de toute la richesse des ménages américains), tandis que le total pour la moitié des moins nantis était de 2 100 milliards de dollars (soit 1,9 % de cette richesse).

Pourtant, les milliardaires américains ont fait des scores monumentaux pendant la pandémie, notamment en raison de leur positionnement sur le marché boursier. Les quelque 2 200 milliardaires de la planète se sont enrichis de 1 900 milliards de dollars rien qu’en 2020 et pesaient environ 11 400 milliards de dollars à la mi-décembre 2020 (contre 9 500 milliards de dollars un an plus tôt).

Les magnats du XXIe siècle, comme Elon Musk et Jeff Bezos, ont d’autant plus ratissé qu’ils ont injecté de l’argent dans l’achat d’actions de leur société. Même les mesures de relance bipartites du Congrès destinées à apporter un soulagement nécessaire se sont transformées en une chance de faire grimper les fortunes dans les hautes sphères de la société.

Le Taureau de Wall Street, statue d’Arturo Di Modica dans le quartier financier de New York. (Alankitassigments, CC BY-SA 4.0, Wikimedia Commons)

Si vous voulez vous faire une idée des inégalités dans le contexte de la pandémie, songez à ceci : alors que le marché a explosé, plus de 25,5 millions d’Américains ont bénéficié d’ allocations de chômage fédérales. L’indice boursier S&P 500 [Le S&P 500 est un indice boursier basé sur 500 grandes sociétés cotées sur les bourses aux États-Unis, NdT] a augmenté en 2020 de 14 000 milliards de dollars en tout.

Dans un tout autre univers, le nombre de personnes qui ont perdu leur emploi à cause de la pandémie et ne l’ ont pas retrouvé est d’environ 10 millions. Et ce chiffre ne tient même pas compte de celles qui ne peuvent pas aller travailler parce qu’elles doivent s’occuper des autres, que leur lieu de travail est fermé ou qu’elles scolarisent leurs enfants à domicile.

Les Martiens et le fossé des inégalités

Dans La guerre des mondes, H.G. Wells évoque une espèce – l’humanité – rendue impuissante face à une force supérieure et hors de son contrôle. Sa description de la relation sinistre entre les Martiens et les humains qu’ils étaient en train d’éliminer (destinée à rappeler aux lecteurs la relation entre les impérialistes britanniques et ceux qu’ils supprimaient dans des pays lointains) jette une lumière inquiétante sur le pouvoir et le fossé des écarts de richesse en Grande-Bretagne et dans le monde au début du XXe siècle.

Le livre a été écrit à l’âge d’or, lorsque la croissance économique rapide, en particulier aux États-Unis, engendrait une nouvelle classe de « barons voleurs ». Comme la version du XXIe siècle de ces derniers, ils ont eux aussi gagné de l’argent à partir de leur argent, tandis que le statut économique des travailleurs se détériorait de plus en plus.

Il s’agissait là d’une des totues premières versions d’un jeu à somme nulle dans lequel le butin du système était de plus en plus hors de portée de la plupart. Ceux qui étaient au sommet accumulaient fiévreusement des richesses, tandis que la majorité du reste de la population s’en sortait à peine ou se noyait.

Une crise des inégalités a été déclenchée par la révolution industrielle elle-même, qui a commencé en Angleterre et a ensuite traversé l’Atlantique. À la fin du XIXe siècle, les « barons voleurs » américains étaient démentiellement riches. Comme l’a écrit l’économiste Thomas Piketty, l’inégalité des richesses a augmenté plus fortement au cours de l’âge d’or que jamais auparavant dans l’histoire américaine. En 1810, le premier centile des Américains détenait 25 % de la richesse totale du pays ; entre 1870 et 1910, cette part a bondi à 45 %.

Aujourd’hui, le premier centile des Américains possède plus de richesses que l’ensemble de la classe moyenne, un phénomène qui s’est vérifié pour la première fois en 2010 et qui reste la réalité de notre époque. En 2018, environ 75 % des 113 000 milliards de dollars d’actifs des ménages américains étaient des actifs financiers, c’est-à-dire des actions, des fonds négociés en bourse, des 401K, [épargne retraite, NdT] des IRA, [assurance vie, NdT] des fonds communs de placement et autres investissements similaires. La majorité des actifs non financiers de cette catégorie se trouvait dans l’immobilier.

Même avant la pandémie, seuls 20 % de ménages américains les plus riches s’étaient complètement (ou, dans le cas des personnes vraiment riches, plus que complètement) remis de la crise financière. Cela s’explique principalement par le fait que depuis cette crise, moins de ménages ont été actifs sur le marché boursier ou ont été propriétaires de biens immobiliers et ils n’ont donc pas eu la possibilité de profiter de l’augmentation de la valeur de l’un ou l’autre.

Une grande partie de la hausse des valeurs boursières et immobilières a été directement ou indirectement liée aux actions de la Fed. Fin décembre 2020, son bilan avait augmenté de 3 164 milliards de dollars, pour atteindre un total de 7 350 milliards de dollars, soit 63 % de plus que son bilan au plus fort de la décennie qui a suivi la catastrophe de 2008.

Ses politiques ultra libérales font qu’il est moins cher d’emprunter de l’argent, mais il est aussi moins intéressant de l’investir dans des titres à faible taux d’intérêt et moins risqués comme les bons du Trésor. En conséquence, la Fed a incité les gens disposant d’un surplus d’argent à le faire fructifier par des investissements plus rapides et souvent plus risqués en bourse ou dans l’immobilier. En 2020, des citadins cherchant à quitter des villes frappées par le coronavirus se sont livrés, pour des maisons de banlieue, à de véritables guerres d’enchères exclusivement en cash, ce qui était hors de portée de la plupart des acheteurs traditionnels.

Bien que le Congrès ait adopté deux plans de relance liés à la Covid, plans indispensables qui ont prolongé les périodes d’allocations de chômage, tout en offrant deux paiements uniques et un programme de protection des salaires pour les petites entreprises, l’impact de ces aides a été faible par rapport aux allègements fiscaux et au pouvoir d’investissement que le marché boursier offrait aux riches et aux grandes entreprises.

Alors que les marchés atteignaient des niveaux records, le taux de pauvreté aux États-Unis augmentait également l’année dernière, passant de 9,3 % en juin à 11,7 % en novembre 2020. Ce qui a fait chuter près de 8 millions d’Américains au rang des pauvres, alors même que 659 milliardaires américains détenaient le double de la richesse des 165 millions d’Américains les plus pauvres.

Les Martiens sont là

L’écart entre les fonds fédéraux injectés et sortants a également augmenté. Le déficit américain a augmenté de 3 300 milliards de dollars en 2020. Le niveau de la dette publique émise par le département du Trésor a atteint 27 500 milliards de dollars. Le total des recettes fédérales s’élevait à 3 450 milliards de dollars, tandis que la part de l’impôt sur les sociétés n’était que de 221 milliards de dollars, soit un maigre 6,4 %. Cela signifie que dans une Amérique de plus en plus inégalitaire, 93,6 % de l’argent qui alimente les caisses du gouvernement provient de particuliers et non de sociétés.

Et bien que nombre des plus grandes et moyennes entreprises aient demandé la protection de la loi sur les faillites en raison des fermetures liées aux coronavirus, le gros des fermetures totales a frappé beaucoup plus durement les petites entreprises locales – allant des restaurants jusqu’aux salons de coiffure en passant par les magasins de santé et de bien-être – ne faisant qu’exacerber les disparités économiques au sein de la communauté.

Manifestation à la Statehouse de l’Ohio en avril 2020. (Becker1999, CC BY 2.0, Wikimedia Commons)

En d’autres termes, le vrai problème en matière d’inégalité n’est pas le montant total des impôts perçus par rapport à l’argent dépensé en temps de crise, mais la composition des recettes fédérales qui est totalement déséquilibrée (ce que la pandémie n’a fait qu’aggraver). Prenons le secteur de la défense, par exemple. Le gouvernement américain a versé 738 milliards de dollars au Pentagone pour l’année fiscale 2020.

Les contrats passés avec des entreprises privées liées à la défense au cours de l’année qui vient de s’écouler et pour laquelle des données sont disponibles, à savoir l’année fiscale 2018, ont atteint environ 62 % d’un budget total de la défense de 579 milliards de dollars, soit 358 milliards de dollars. Pensez maintenant seulement à ceci : ce montant à lui seul a dépassé le total de tous les impôts sur les sociétés versés au Trésor américain en 2019.

Les inégalités concernent la disparité entre les personnes et les pays en termes de revenus, de richesse ou de pouvoir. Plus les entreprises conservent une part importante de leurs bénéfices par rapport aux citoyens ordinaires, plus le marché boursier augmente par rapport à l’économie réelle.

Plus les particuliers, plutôt que les entreprises, assument le fardeau des recettes fiscales, plus les inégalités inhérentes à la société sont importantes. Plus les actifs financiers sont évalués d’après de l’argent qui vise à se multiplier le plus rapidement possible (voyez cela comme un virus), plus la distorsion créée est importante.

La Fed peut se concentrer sur son double objectif inflation contre plein emploi tant qu’elle le veut, tout en menant des politiques qui faussent la valeur de l’économie réelle par rapport aux actifs financiers. Mais la réalité fait que plus ces actifs gonflés par la Fed augmentent par rapport aux actifs réels, plus les inégalités augmentent.

C’est un simple exercice de mathématiques et c’est la terrible nature des États-Unis d’Amérique en ce début de l’année 2021.

Le marché ne se soucie pas de politique. C’est une créature qui agit en fonction des objectifs de ses principaux participants. L’économie réelle, en revanche, exige beaucoup plus d’efforts – planifier, établir des priorités et exécuter des programmes et des projets qui puissent produire des profits réels. Nous sommes bien loin d’un monde qui placerait les investissements plutôt dans l’économie réelle que dans les marchés financiers en pleine expansion;

Cet écart, en fait, pourrait tout aussi bien être comparable à la distance entre la Terre et Mars. En plein milieu d’une pandémie, alors que les milliardaires ne font que s’enrichir et que les marchés s’envolent, peut-on douter que nous sommes en train de vivre une réelle invasion martienne ?

Nomi Prins, ancienne cadre de Wall Street, est une contributrice régulière de TomDispatch. Son dernier livre s’intitule Collusion : How Central Bankers Rigged the World [non traduit : Collusion : comment les banquiers centraux ont truqué le monde, NdT]. Elle est également l’autrice de All the Presidents’ Bankers : The Hidden Alliances That Drive American Power [non traduit : Banquiers de Présidents : les alliances cachées qui mènent la puissance américaine, NdT] et de cinq autres livres. Nous remercions tout particulièrement le chercheur Craig Wilson pour ses excellentes recherches autour de ce texte.

Source : Consortium News, Nomi Prins, TomDispatch – 12-01-2021

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

LibEgaFra // 16.02.2021 à 07h11

« le marché boursier a atteint des sommets jamais connus auparavant. »

Normal dans un monde capitaliste: les milliards débloqués par les banques centrales s’ « investissent » dans les temples du capital qu’il faut sauver à tout prix.

Pour le travail, il faudra attendre le « ruissellement », autrement dit « allez vous brosser » !

15 réactions et commentaires

  • LibEgaFra // 16.02.2021 à 07h11

    « le marché boursier a atteint des sommets jamais connus auparavant. »

    Normal dans un monde capitaliste: les milliards débloqués par les banques centrales s’ « investissent » dans les temples du capital qu’il faut sauver à tout prix.

    Pour le travail, il faudra attendre le « ruissellement », autrement dit « allez vous brosser » !

      +24

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    • thecis // 16.02.2021 à 12h24

      En même temps, ça a l’effet bénéfique de contrôler l’inflation. Imaginez que cette monnaie virtuelle, plutôt issue de la planche à billets, atteigne l’économie réelle. La conséquence à court terme serait désastreuse sur le creusement des inégalités qui pourrait bien provoquer des émeutes de la faim…

        +0

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    • Patrick // 18.02.2021 à 12h51

      « Normal dans un monde capitaliste »
      non , même pas !! ils sont en train de détruire la monnaie en augmentant artificiellement la quantité de capital disponible. Et ils finiront par détruire tout ce capital.
      On assiste juste à une fuite en avant des banques centrales et des états pour essayer de gagner un peu de temps , mais cette fuite en avant commencée en 2008 ne fait qu’aggraver la situation.

        +3

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  • LibEgaFra // 16.02.2021 à 07h28

    « Le déficit américain a augmenté de 3 300 milliards de dollars en 2020. Le niveau de la dette publique émise par le département du Trésor a atteint 27 500 milliards de dollars. »

    Et les étrangers continuent d’acheter des dollars… Sans ces achats, les USA seraient en banqueroute.

    Moralité: le dollar fonctionne comme une drogue et les USA jouent le rôle du dealer.

    Certains pays l’ont compris et sont en train de se sevrer. Ou d’accumuler des bons du trésor pour faire pression comme en 2008.

      +7

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    • Castor // 16.02.2021 à 20h35

      Citation :
      « Le yuan représente 7 % de celui-ci et rien ne changera tant et aussi longtemps que cette devise ne sera pas soumise à l’arbitrage »

      Comme vous le soulignez à propos des bons du trésor états-uniens c’est la banque centrale de ce pays qui décide en dernier ressort. Ce qui revient à dire que l’arbitre est en fait l’émetteur. Et c’est la même chose pour la monnaie. Comme en Chine !

      Il est vrai qu’en Chine le pouvoir politique prétend avoir une politique monétaire, alors que la « Fed » est réputée indépendante. L’indépendance des banques centrales vis-à-vis des politiques publiques a des effets délétères, il en a souvent été question sur ce site.

      Par ailleurs la dette des États-Unis devrait atteindre 98 % du PIB en 2020 d’après les services du budget du Congrès (presse canadienne). Assez loin de 60%…

      Quant à l’attention portée par ce site à ce qui vient des Etats-Unis, je crois qu’elle est en partie guidée par la qualité des articles que l’on trouve de l’autre côté de l’atlantique, en comparaison de ce que les journalistes produisent ici. Rien à voir avec de l’admiration béate. Du fait de la mondialisation, nous partageons aussi beaucoup de problématiques.

        +3

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    • LibEgaFra // 18.02.2021 à 10h12

      Je précise qu’en 2008, le gouvernement chinois à sommer Bush de sauver Freddie Mac et Fanny Mae de la faillite, ce que Bush s’est empressé de faire.

        +0

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  • DVA // 16.02.2021 à 11h43

    L’agriculture indienne subventionnée qui assure la subsistance de près de 70% d’1,3 milliard d’êtres est remise en cause par Modi! La lutte des agriculteurs pr leur avenir est cruciale et bien pire que de se soucier d’un virus… ‘face à l’argent imprimé venu d’ailleurs’.. capable de racheter toutes les terres abandonnées pr une poignée de roupies…

      +8

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  • Léon // 16.02.2021 à 12h17

    Est-ce que le prochain roman futuriste, mais à l’horizon peut-être pas si lointain, pourrait s’intituler « La Traque » et décrire la chasse , l’arrestation et le jugement sommaire de tous ces « Barons voleurs » et de leurs complices, par tous les spoliés de la Terre qui seraient mus par « La raison de la colère » ?

    Quand tout aura été perdu aux mains de la rapine financière, qu’il ne restera plus rien à perdre que sa vie, que ses yeux pour pleurer, que le désespoir aura totalement corrodé les barrières fondamentales du civisme, que restera-t-il d’autre, aux « jetables à la rue », que la dernière et absolue motivation : La survie physique ?

    Et qui peut vraiment deviner jusqu’où pourrait aller et quelle forme pourrait prendre une haine totalement déchaînée nourrissant une colère aveugle ?

      +5

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    • LibEgaFra // 17.02.2021 à 06h57

      Votre attention permanente pour ce pays, sur tous les sujets, indique aussi votre admiration pour celui-ci.
      Et ce n’est pas ironique.

      Bonjour la novlangue:
      « régimes autoritaires = gouvernements souverains qui refusent de se soumettre et bénéficient d’un très large soutien de leur peuple;
      « gouvernements démocratiques » = régimes soumis à l’impérialisme yankee et qui ne bénéficient pas du soutien d’une majorité de leur peuple.
      « gouvernements démocratiques » = régimes qui agressent et pillent d’autres pays, corrompent des agents pour déstabiliser ces pays.

      Elle est pas belle la « démocratie » et ses guerres permanentes du 21e siècle?

      https://www.rt.com/russia/514291-navalny-aide-funding-alleged-british-spy/

      Vous changez d’ « identité » comme de chemise.

        +1

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    • gracques // 17.02.2021 à 07h01

      1932 , New Del
      1936 , front populaire
      Nous voyons les années 30 comme les prémisses de la’deuxième guerre mondiale, on peut aussi les voir comme les prémisses des trente glorieuses….bon certes on ne pourra pas recommencer selon les mêmes schémas , mais réduire les inégalités et DONC la violence sociale est une possibilité……

        +0

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  • Saïd Herta // 16.02.2021 à 14h10

    La pandémie a bon dos. La crise de 2008 ne s’est jamais terminée vu que personne n’a eut le courage politique de traiter ses causes, on est juste dans la continuation de la même situation de déni.
    Les effets des mesures « anti-covid » (lol) n’ont pour effet que de contracter la demande avec un marché ayant dicté des politiques de l’offre aux gouvernants et refusant d’en sortir sous aucun prétexte. Ça ne peut que bien se terminer … mais vraiment pas pour tout le monde.

      +9

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  • Dominique // 16.02.2021 à 15h59

    Peu importe les taux (négatifs) des bons d’état, puisque la BCE les rachète inconditionnellement avec la marge requise pour les banques!
    A ces banques qui n’ont plus pour tâche que de voir passer les titres de dette à taux négatifs pendant quelques secondes sur leurs comptes informatiques, pour avoir le privilège de les revendre aussitôt à la BCE, on verse une pure dépense de fonctionnement improductif, usuellement la bête noire des économistes libéraux.
    Mais cette « monétisation » naguère pratiquée par l’état, et devenue l’expression désignant le type même d’agissement banni selon le dogme monétaire européen du SEBC, est aujourd’hui le vademecum des capitaux spéculatifs accumulés par la finance.
    Les obligations étatiques étant ainsi écartées des salles de marché, c’est sur les actifs boursiers que se manifeste l’inflation par report de ces capitaux: après quelque désarroi l’an dernier à l’annonce de la crise sanitaire, les cours de bourse ont repris leur ascension en pleine dépression économique (la plus importante depuis la guerre), dans l’espoir d’une rémission prochaine de la crise sanitaire…malgré les prévisions pessimistes de l’insee sur la pyramide des âges veillissante.
    On se demande ce qu’il faut pour que les économistes osent envisager de prononcer les mots « bulle » et « crash » !

      +5

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    • Logique // 16.02.2021 à 16h58

      « Les autres pays dont les retraites sont largement basées sur la bourse sont la Suisse, »

      C’est faux.

        +0

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      • LibEgaFra // 17.02.2021 à 07h32

        Logique a raison.

        « Il y a aussi la rente AVS mais ce n’est pas avec ca que vous allez survivre. »

        C’est le principal des trois piliers qui constituent le système des retraites en Suisse. L’AVS est un système par répartition.
        Si ça ne suffit pas pour vivre, il y a des aides comme l’hospice général à Genève ou aller prendre sa retraite dans un autre pays. Où le montant de la retraite sera supérieur au salaire moyen.

        Le deuxième pilier est constitué pour les salariés par des cotisations prélevées par l’entreprise qui contribue aussi au pot. Il peut doubler le montant de l’AVS. L’organisme chargé de gérer ces fonds décide de la politique de placement qui peut être parfaitement éthique et en dehors des bourses comme la propriété en propre de logements.

        Le 3me pilier est constitué par une épargne individuelle volontaire défiscalisée donnant droit à une rente ou un versement en capital (très légèrement fiscalisés). Les cotisations sont gérées par les banques sur des comptes épargnes sans frais et qui rapportent des intérêts.

         » Il existe un système de paliers, trop long a expliquer ici. »

        Confondre paliers avec piliers, LOL.
        Trop long à expliquer, LOL.

        « J’ai un passeport suisse..et c’est vrai. »

        Si c’est vrai, pourquoi avoir besoin de d’écrire que c’est vrai?
        C’est aussi vrai que la Suisse distribue ses passeports à n’importe qui sans contrôle démocratique.
        Moi, j’aurais dit: « je suis citoyen de mon pays… »

          +0

        Alerter
    • Dominique // 16.02.2021 à 17h19

      Le point ci-dessus abonde dans mon sens: lorsque les investissements en bourse se font par pure financiarisation et non sur la valeur économique des actifs, c’est une bulle et un crash en perspective à terme, comme cela s’est déjà produit pour les actifs de la « e-society » de l’an 2000.
      C’est pire pour les grandes entreprises: la politique des fonds de pension étant de faire cracher du rendement court terme à l’entreprise qui en est la cible, ils la relachent en connaissance de cause lorsque le citron pressé est devenu exsangue, après destruction de tous ses fondamentaux, et ils passent à une autre.
      C’est la pente que suit Sanofi… qui finira comme Alcatel (dixit un proche, observateur de l’intérieur) !

        +1

      Alerter
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