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29.novembre.202229.11.2022 // Les Crises

Stratégie nucléaire américaine : Bientôt 1000 milliards de dollars pour relancer les programmes d’armement ?

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Le président Joe Biden a laissé passer sa meilleure chance de concrétiser son objectif déclaré de réduire le rôle des plus de 5 400 armes nucléaires américaines dans la politique de sécurité des États-Unis avec la publication, le 27 octobre, de la Nuclear Posture Review (NPR).

Source : The bulletin, Joe Cirincione
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

La Nuclear Posture Review du président Biden, rendue publique le 27 octobre 2022, ajuste la politique et les programmes nucléaires américains à la marge tout en n’apportant aucun changement significatif, soutient Joe Cirincione. (Illustration par Thomas Gaulkin)

Biden est maintenant le 14e président en huit décennies à tenter de concilier les risques qui découlent des déploiements nucléaires avec les exigences de la dissuasion. Il a découvert combien cela peut être difficile.

La NPR de Biden ajuste la politique et les programmes nucléaires à la marge, sans apporter de changements significatifs aux budgets et aux déploiements du Pentagone. Il a approuvé des dizaines de programmes d’armement nucléaire qui coûteront environ 634 milliards de dollars au cours de cette décennie, selon une évaluation en mai 2021 du Congressional Budget Office. Si l’on inclut dans cette estimation les programmes de défense antimissile, les programmes d’armement ajoutés après le rapport du Congrès et l’inflation prévue, le coût pourrait atteindre près de 1 000 milliards de dollars par décennie pendant plusieurs décennies.

Ceci inclut la poursuite d’un nouveau missile terrestre à longue portée dont la production a été accélérée dans les derniers mois de l’administration Trump sans examiner des alternatives moins coûteuses et moins dangereuses à sa production. Ce seul projet pourrait coûter 264 milliards de dollars au total.

Cet échec n’est pas propre à Biden. Chaque président de l’ère nucléaire a lutté pour contrôler les armes censées être sous sa seule autorité. Cela s’explique principalement par le fait que le dispositif nucléaire américain n’est pas une réponse rationnelle à un environnement de menace externe. Elle est motivée par ceux qui considèrent la supériorité nucléaire comme un outil de pouvoir mondial, par ceux qui utilisent la sécurité nucléaire comme un enjeu politique partisan et par les puissantes sociétés d’armement qui réalisent d’énormes profits en fabriquant, commercialisant et entretenant ces arsenaux de mort.

La question est compliquée par un processus qui donne à ceux qui sont les plus intéressés par la poursuite des programmes nucléaires le pouvoir d’écrire la politique régissant ces armes. Le Pentagone contrôle le stylo. Biden semble avoir conclu qu’il est trop coûteux, en termes politiques, de se battre pour ses opinions, qui incluent des déclarations répétées selon lesquelles les États-Unis n’ont pas besoin d’utiliser un jour une arme nucléaire en premier. Il a laissé le Pentagone lui dicter sa stratégie plutôt que de défier une bureaucratie qui résiste à toute modification des programmes et de la doctrine actuels.

J’ai expliqué ailleurs comment une politique nucléaire plus sûre et plus rationnelle aurait pu inclure, entre autres, la réduction d’un tiers du nombre d’ogives stratégiques déployées, pour le ramener à environ 1 000, la levée de l’état d’alerte des missiles à charge nucléaire, l’adoption des doctrines de non-utilisation en premier ou de finalité unique, et l’obligation de faire appel à un haut fonctionnaire supplémentaire pour autoriser le lancement. Les pactes tels que l’AUKUS encourageant la diffusion de la technologie des armes nucléaires doivent également être repensés.

Mais l’examen de ces mesures et d’autres a été exclu dès le début du processus lorsque le ministère de la Défense a licencié Leanor Tomero, alors secrétaire adjointe à la Défense, que Biden avait chargée de la politique nucléaire et de défense antimissile et qui avait fait pression, conformément aux directives présidentielles de Biden, pour que certaines des alternatives soient examinées. Selon des sources bien informées, le personnel du Pentagone s’est plaint au personnel républicain de la Commission des forces armées du Sénat que Tomero ne soutenait pas suffisamment la « modernisation nucléaire » – l’euphémisme pour désigner la montagne de contrats qui alimentent le dispositif nucléaire.

Tomero a été l’une des premières victimes d’une bureaucratie nucléaire bien établie qui protège férocement ses contrats, son secret et ses privilèges. Comme l’a écrit Sharon Weiner, professeur à l’American University : « L’establishment des armes nucléaires limitera le choix en présentant le tout comme un ensemble imbriqué d’exigences militaires au lieu d’options multiples pour atteindre les objectifs de dissuasion. » Elle avait raison.

Comme l’avait prédit Weiner et comme le reflète le NPR, « Ces options ne permettront probablement, au mieux, que des écarts étroits par rapport au statu quo. »

Le président Bill Clinton a été le premier à publier un NPR en 1994, Biden devrait être le dernier. La politique doit aller de la Maison Blanche aux ministères pour l’exécution, et non l’inverse. Faisons en sorte que ce soit la fin d’un processus de révision de la posture nucléaire imparfait, inadéquat et dangereux.

Source : The bulletin, Joe Cirincione, 28-10-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Savonarole // 29.11.2022 à 10h58

De nos jours , quand un président americain a un problème il ne cherche pas une solution : il signe un chèque. Le pognon est dilligement dépensé mais le problème demeurre.
Enfin le dernier président qui a réfléchit s’est fait étaler le cerveau sur les sièges de sa Lincoln, les autres ont pris acte depuis.

18 réactions et commentaires

  • Jean // 29.11.2022 à 07h17

    Ceci explique sans doute cela :

    « De nombreux élus américains détiennent des parts importantes dans les entreprises d’armement qui bénéficient de contrats fédéraux. Ceux-ci sont, chaque année, plus importants. Cette intrusion flagrante des intérêts militaro-industriels dans la sphère politique est l’une des clefs qui permet d’expliquer la surenchère militariste de Washington dans le conflit ukrainien. »

    Source : https://lvsl.fr/au-congres-americain-les-va-t-en-guerre-baignent-dans-les-conflits-dinterets/

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  • Fritz // 29.11.2022 à 07h20

    Mille millions de mille milliards de dollars… Wouah ! Je suis vachement impressionné par la kolossale puissance américaine.

    Mais au fait, c’est quoi, un dollar depuis 1971 ? Un billet de Monopoly, qui n’a de valeur que celle qui lui est reconnue par les valets de l’empire. Les choses pourraient changer néanmoins : les Barbares aux pommettes saillantes et/ou aux yeux bridés appellent ça la « dédollarisation ».

      +14

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  • jacques // 29.11.2022 à 10h30

    Biden et les marionnettistes qui le « soutiennent », veulent refaire du Reagan avec la course aux armements et ruiner la Chine et la Russie !
    Sauf que les USA et l’occident en général sont déjà ruinés et couverts de dettes.
    L’émergence des « wokes » est bien le symptôme de la bêtise du haut niveau de l’occident.

      +10

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    • Grd-mère Michelle // 29.11.2022 à 13h20

      Pourriez-vous m’expliquer en quoi consiste le « mouvement woke » tant décrié dans ces pages…?
      Quel rapport avec la course aux armements?
      À priori, « woke » veut dire « éveillé » et c’est l’idéal recherché dans plusieurs philosophies asiatiques par de multiples méthodes on ne peut plus pacifiques…
      Comment « les américains » se sont-ils/elles approprié ce terme?

        +4

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      • yann // 29.11.2022 à 16h54

        Exemple concret:
        Supposons que vous ayez un souci d’approvisionnement en énergie et en matières premieres, à cause d’un prix trop élevé et/ou d’une offre limitée. Parmi les solutions ci-dessous, laquelle choisissez vous.
        A> Utiliser l’écriture inclusive.
        B> Privilégier la terminologie « personne enceinte » à « femme enceinte »
        C> Rajouter la mention (H/F) sur les offres d’emploi à consonance masculine (i.e. Ingénieur,Technicien)

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      • Fritz // 29.11.2022 à 20h47

        Grd-mère Michelle : être woke, c’est écrire sans faute « Comment les Américain·e·s se sont elle·il·s approprié le terme ? Vous me ferez un stage d’écriture inclusive et de point médian dans le camp de rééducation de votre choix.

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    • Ribouldingue // 29.11.2022 à 13h56

      Je ne suis pas sûr qu’ici la bêtise soit du coté woke, on ne voit pas bien le rapport avec le sujet. A brandir des anathèmes on s’évite la réflexion.

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      • Tzevtkoff // 30.11.2022 à 11h29

        Le Wokisme est un paravent, une fourberie pour garder le pouvoir qui n’aide pas vraiment les galériens du quotidien peu importe leur genre mais qui sert plutôt à une nouvelle forme de domination.

          +7

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  • Savonarole // 29.11.2022 à 10h58

    De nos jours , quand un président americain a un problème il ne cherche pas une solution : il signe un chèque. Le pognon est dilligement dépensé mais le problème demeurre.
    Enfin le dernier président qui a réfléchit s’est fait étaler le cerveau sur les sièges de sa Lincoln, les autres ont pris acte depuis.

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    • Castor // 05.12.2022 à 20h45

      Ce n’est pas à cause de sa réflexion mais à cause de la haine que lui vouait la CIA (alliée à la pègre et à la police du Texas) pour n’avoir pas été jusqu’au bout dans l’invasion de Cuba. Au final, j’en conviens, la leçon à retenir pour ses successeurs est la même.

        +0

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  • RGT // 29.11.2022 à 11h37

    Nous savons TOUS (du moins ceux qui réfléchissent un peu) que la guerre et l’armement n’ont JAMAIS servi les populations mais ont TOUJOURS été des moyens pour les ploutocrates d’accroître leurs profits.

    Ne vous étonnez donc pas si, dans le camp des oligarchies les plus cupides tous les freins à l’augmentation des profits liés à l’armement et aux interventions militaires sanglantes ont été supprimés et que tout est fait pour envenimer les relations entre ceux qui ont bénéficié pendant un temps du pouvoir absolu et ceux qui refusent de se soumettre.

    Petite question : Selon vous, qui est le plus dangereux pour l’ensemble de la planète :
    – Celui qui développe sans limites de nouveaux dispositifs de massacre de masse ?
    ou bien
    – Celui qui en réponse développe des moyens pour se défendre contre une agression « bienfaitrice » ?

    Si on pouvait simplement foutre la paix à nos voisins (les populations n’ayant pas le droit de s’exprimer à ce sujet) il serait possible d’utiliser ces montagnes de fric de manière largement plus utile pour l’ensemble des populations.

    Mais bon, la production de matériel très coûteux et à l’obsolescence programmée (par simple vieillissement ou suite aux progrès prévisibles des adversaires pour s’en défendre) est bien trop rémunératrice pour que les « élites » laissent passer cette aubaine de profits infinis et à long terme.

    Les financiers roulent la dette et le complexe militaro-industriel roule l’armement.
    L’objectif est le même : Un max de profits qui seront au final payés par les gueux.

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    • azuki // 30.11.2022 à 00h10

      Et puis si on ne le sait pas, c’est facile de le savoir. En classant mes archives, j’ai justement exhumé hier le bouquin «War Is a Racket» dont le titre est très explicite.

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  • Grd-mère Michelle // 29.11.2022 à 14h10

    Le programme de conquête de l’espace n’est-il pas inclus dans le budget de la défense US…comme dans celui de tous les pays qui ambitionnent de s’y balader(pour quoi faire?!)?
    La « guerre des étoiles » doit-elle donc être considérée comme les autres guerres terrestres, destinées, sous quelque prétexte que ce soit, à étendre le « territoire »?
    L’assentiment des populations laborieuses à ces dépenses excessives, s’il semble généralement acquis, a-t-il jamais été demandé?

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    • azuki // 30.11.2022 à 00h16

      «War Is a Racket», la guerre est la seule chose qui corresponde a l’idéal des ultra-libéraux: Comme on produit pour détruire, la «croissance» est «infinie». La guerre des étoile est un eldorado pour nous faire cracher des milliards dans une course a l’absurde et à la destruction tendant vers l’infini libéral.

      De toute manière, comme l’univers est régi par les lois de la physique, tout ça va bientôt s’arrêter. La seule question est de savoir a quel point ça va finir mal.

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  • St Claude François // 29.11.2022 à 14h39

    L’argent magique est la solution à tout nos problèmes : Il apparait du néant par un QE de la FED ou de la BCE et permet d’acheter des choses biens réelles. C’est génial, jusqu’à ce que les récipiendaires du papier finissent par se chauffer avec….
    Rappel : France = 130% d’endettement du PIB, balance commerciale -15 milliards

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  • petitjean // 29.11.2022 à 16h39

    Des hallucinés sont à la tête de ce pauvre pays

    à partir de rien, à partir du néant, ils impriment du papier monnaie. Les imprimeries tournent jour et nuit pour produire des « dollars » dont la valeurs n’excède pas le papier sur lesquels ils sont imprimés

    Cette négation, des valeurs qui fondent une monnaie, est effrayante.

    L’avertissement d’Eisenhower sur le complexe militaro-industriel est toujours valable.
    https://exoconscience.com/lavertissement-deisenhower-sur-le-complexe-militaro-industriel-est-toujours-valable/manipulations-gouvernance-mondiale/

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    • azuki // 30.11.2022 à 00h18

      Tu est gentil avec ton papier monnaie. Aujourd’huis, la production de monnaie en papier devient marginale, la monnaie est devenue totalement virtuelle.

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  • yannos // 01.12.2022 à 13h45

    Quand on imprime la monnaie on peut en faire ce qu’on en veut.
    Les USA pourraient décider de combattre la faim, la pauvreté ou le réchauffement climatique.
    Mais préfèrent sauver le système qui leur permet d’imprimer la monnaie et pour préserver ce système, les USA ont besoin d’armes et de pays « alliés » pour les utiliser.
    Et puis la pauvreté et la faim sont des outils de contrôle de la société.
    Des riches qui gouvernent, des moins riches qui les servent, des chômeurs intermittents qui ont peur de devenir pauvres, des pauvres qui ont peur de devenir crèvent la faim, et des crèves la faim qui nourrissent la peur nécessaire au fonctionnement de la pyramide.
    L’Europe vient de basculer dans l’arrière dernier niveau de la pyramide et vit maintenant dans la terreur.

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