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Surveillance de masse étendue : Edward Snowden (et d’autres) tirent la sonnette d’alarme

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Les défenseurs de la vie privée mettent en garde contre une expansion majeure de la surveillance de masse, qui pourrait conférer à l’administration Trump des « pouvoirs similaires à ceux de Stasi ».

Source : Truthout, Jake Johnson
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le lanceur d’alerte américain Edward Snowden s’adresse aux orateurs et au public via une liaison vidéo en direct de Moscou lors du « Tribunal de Belmarsh », qui a appelé à la libération du fondateur de WikiLeaks Julian Assange, le 22 octobre 2021, à Londres, au Royaume-Uni. LEON NEAL / GETTY IMAGES

Edward Snowden, le lanceur d’alerte de la NSA, fait partie des défenseurs de la vie privée qui tirent la sonnette d’alarme au sujet d’une expansion majeure de la surveillance de masse que la Chambre des représentants des États-Unis a approuvée lors d’un vote bipartite la semaine dernière, une étape vers l’octroi au gouvernement fédéral – et à une éventuelle deuxième administration Trump – d’encore plus de pouvoirs pour espionner sans mandat les communications des Américains.

Sean Vitka, directeur politique de Demand Progress, a utilisé les médias sociaux pour presser le principal démocrate du House Permanent Select Committee on Intelligence (HPSCI, Comité permanent du renseignement de la Chambre des représentants) sur les implications d’un amendement que la chambre basse a approuvé dans le cadre d’un projet de loi visant à réautoriser l’article 702 de la loi sur la surveillance du renseignement étranger (FISA).

« Saviez-vous que votre amendement FISA [fournisseur de services de communications électroniques] facilite des pouvoirs similaires à ceux de la Stasi, de manière très plausible pour [l’ancien président Donald] Trump ? J’ai demandé à votre personnel si on vous avait menti à ce sujet ou si vous le saviez. Pouvez-vous confirmer ? » a demandé Vitka au député Jim Himes (Démocrate-Connecticut) sur X, la plateforme anciennement connue sous le nom de Twitter. (Trump, candidat présumé du GOP – parti républicain – pour 2024, s’est posé en opposant à la FISA, mais en tant que président, il a signé une extension de l’autorité de la section 702).

Vitka a noté dimanche que Himes a qualifié à plusieurs reprises l’amendement – qui était dirigé par le président du HPSCI, Mike Turner (Républicain-Ohio) – d’étroit, alors qu’il élargirait considérablement le type d’entreprises qui peuvent être contraintes d’aider le gouvernement à mener des opérations de surveillance en vertu de la section 702, ce qui pourrait conférer à un autoritaire en puissance des pouvoirs de surveillance qui font froid dans le dos.

Comme l’explique le Brennan Center for Justice : « Bien que l’amendement exempte les hôtels, les bibliothèques, les restaurants et une poignée d’autres types d’établissements, un très grand nombre de commerces pourraient encore être contraints d’entrer en service, notamment les épiceries, les grands magasins, les quincailleries, les laveries automatiques, les salons de coiffure, les centres de remise en forme et d’innombrables autres lieux fréquentés par les Américains, voire les bureaux dans lesquels ils travaillent. »

« De plus, bien que les cibles devraient toujours être des personnes non américaines à l’étranger, beaucoup de ces entreprises n’auraient pas la capacité technique de transmettre des communications spécifiques, et seraient donc obligées de donner à la NSA l’accès à des flux de communications entiers – en faisant confiance au gouvernement pour ne conserver que les communications des cibles approuvées », a ajouté le groupe.

La section 702 permet aux agences américaines d’espionner les non-citoyens se trouvant en dehors du pays, mais les communications des Américains – y compris les activistes, les journalistes et les législateurs – ont souvent été englobées dans l’autorité de surveillance, ce qui a suscité une réforme bipartite.

Himes, qui s’oppose aux efforts de réforme, a répondu avec dédain à la question de Vitka dimanche, en écrivant : « La vie est vraiment trop courte pour s’engager avec des gens qui ont besoin d’utiliser des absurdités grandiloquentes comme similaire à la Stasi. »

« Oui, je sais exactement ce qu’il y a là-dedans », a ajouté Himes, en référence à l’amendement proposé par Turner. « Une partie est classifiée. Et rien de tout cela ne ressemble de près ou de loin à la Stasi. Allez vendre vos élucubrations ailleurs. »

Snowden, qui a révélé en 2013 le programme illégal de surveillance de masse de la NSA, a déclaré que la réponse de Himes – une esquive qui se sert de la classification comme prétexte à ne pas répondre – devait être considérée comme « un signal d’alarme ».

« Cet amendement élargit radicalement – et je répète radicalement – l’éventail des personnes que le gouvernement peut forcer à espionner en son nom. Il pourrait avoir force de loi dans quelques jours ! a écrit Snowden sur les réseaux sociaux.

Snowden a poursuivi en affirmant que l’invocation par Vitka de l’expression « à la Stasi » n’est pas seulement une caractérisation juste de l’amendement, mais qu’elle est probablement sous la vérité.

« Franchement, il est difficile d’imaginer qu’une communication moderne soit hors de portée de ce texte – ce qui est, bien sûr, la véritable raison pour laquelle ils essaient de le faire passer en douce dans la législation », a-t-il ajouté. « C’est incroyablement exagéré et, à mon avis, aucun pays où une telle disposition entre en vigueur ne peut être considéré comme libre. »

Elizabeth Goitein, codirectrice du programme Liberté et sécurité nationale du Brennan Center, a déclaré que le « mépris des libertés civiles des Américains » dans la réponse de Himes à Vitka « est stupéfiant. »

« Cette disposition permet à la NSA d’obliger un grand nombre d’entreprises américaines ordinaires à l’aider dans le cadre de la surveillance prévue par la section 702 », a ajouté Goitein. « Ce n’est pas un « non-sens », c’est un fait. Et c’est votre réponse ? »

Le Reforming Intelligence and Securing America Act (RISAA ou loi de réforme du renseignement et de la sécurité de l’Amérique), qualifié par certains de Patriot Act 2.0, a été adopté par la Chambre des représentants lors d’un vote bipartisan massif la semaine dernière, après que les partisans de l’espionnage de masse – y compris la Maison Blanche de Biden – ont fait échouer un effort visant à ajouter une exigence de mandat de perquisition au projet de loi.

Mais la législation doit encore franchir un obstacle procédural pour parvenir au Sénat. Plus tard dans la journée de lundi, la Chambre des représentants devrait se prononcer sur le dépôt d’une motion visant à reconsidérer l’adoption de la RISAA.

Si le projet de loi parvient au Sénat, qui est très divisé, les défenseurs de la vie privée devront continuer à se battre pour obtenir des réformes significatives.

« Le projet de loi de la Chambre des représentants représente l’une des extensions les plus spectaculaires et les plus terrifiantes du pouvoir de surveillance du gouvernement dans l’histoire », a déclaré le sénateur Ron Wyden (Démocrate-Oregon) dans un communiqué à la suite du vote de la Chambre des représentants vendredi. « Il permet au gouvernement de forcer tout Américain qui installe, entretient ou répare quelque chose qui transmet ou stocke des communications, à espionner pour le compte du gouvernement. Cela signifie que toute personne ayant accès à un serveur, à un câble, à une boîte de connexion, à un routeur wifi ou à un téléphone devra espionner pour le compte du gouvernement. »

« Ce serait secret : les Américains recevant les directives du gouvernement seraient tenus au silence, et il n’y aurait pas de contrôle judiciaire, a-t-il ajouté. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour empêcher ce projet de loi. »

Cet article a été reproduit par Truthout avec autorisation ou licence. Il ne peut être reproduit sous quelque forme que ce soit sans l’autorisation ou la licence de la source.

Jake Johnson

Jake Johnson est rédacteur pour Common Dreams. Suivez-le sur Twitter : @johnsonjakep.

Source : Truthout, Jake Johnson, 15-04-2024

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Lt Briggs // 08.05.2024 à 09h50

Ces dispositifs ultra-intrusifs sont indispensables à un gouvernement qui cherche à conserver coûte que coûte les choses telles qu’elles sont : une société très inégalitaire où les syndicats sont traités comme des quasi-ennemis de la nation, une politique étrangère immorale et agressive qui n’hésite pas à bafouer le droit international. L’instabilité, les catastrophes et le mécontentement général qui en résultent doivent être combattus. Mais pas en changeant de politique : non, ce sont les mécontents qui doivent être combattus. D’où le vote bipartite de la Chambre des représentants pour une expansion de la surveillance de masse. Les deux bords confondus ont peur de leur propre peuple. Trump sert une fois de plus d’épouvantail pour masquer les dérives du système tout entier.

7 réactions et commentaires

  • RGT // 08.05.2024 à 08h58

    N’oublions jamais que les pires ennemis des « dirigeants bienveillants » sont bel et bien les membres de la propre population qu’ils sont censés « protéger ».
    Et par dessus tout tous les contestataires qui pourraient se faire entendre des autres « moins que rien » et qui pourraient être avertis des magouilles desdits dirigeants.

    Souvenez-vous de ce qui s’est passé avec les gilets jaunes et la répression qui a suivi, tant au niveau policier et barbouzes internes qu’au niveau judiciaire.

    Si une telle chasse à l’homme avait été entamée à l’encontre des auteurs des attentats islamistes les drames qui ont frappé la POPULATION (surtout pas les « élites ») ne se seraient jamais produits.

    De tous temps, le flicage de la population a toujours été employé par les dirigeants des états non pas pour protéger la population mais pour se protéger eux-mêmes des conséquences de leurs propres actes qui sont proprement scandaleux.

    Oui, le comparatif employé concernant le flicage dans l’ex-Allemagne de l’est (qui je vous le rappelle était haïe par les dirigeants de l’URSS qui a tout fait pour faire tomber cet état depuis la fin des années Brejnev) est tout à fait approprié, mais avec des moyens techniques infiniment plus intrusifs et toutes ces données sont ensuite conservées pour être ensuite traitées afin d’un traitement ultérieur qui permettra de cibler n’importe qui (à l’exception des dirigeants et de leurs « amis ») afin ensuite d’utiliser l’arsenal législatif (imposé par les dirigeants) afin de faire embastiller pour 175 ans ou plus toute personne qui pourrait révéler des informations dérangeantes pour les « grands »…

    Plus le temps passe, plus je me sens anarchiste au sens réel du terme, pacifique et sans subir la dictature d’une quelconque « république » oppressive au mains de quelques oligarques avides et cupides.

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    • Nadji Khaoua // 09.05.2024 à 15h48

      Noam Chomsky avait bien raison il y a des décennies bien avant nous autres aujourd’hui.
      Nous avons cru bien trop naïvement, bien trop superficiellement aux grands mots « Démocratie », « Droits de l’Homme et de la Femme », « Liberté », etc.

      Nadji Khaoua.
      Économiste, chercheur, auteur.
      pr.nadjikh@gmail.com

        +6

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  • Lt Briggs // 08.05.2024 à 09h50

    Ces dispositifs ultra-intrusifs sont indispensables à un gouvernement qui cherche à conserver coûte que coûte les choses telles qu’elles sont : une société très inégalitaire où les syndicats sont traités comme des quasi-ennemis de la nation, une politique étrangère immorale et agressive qui n’hésite pas à bafouer le droit international. L’instabilité, les catastrophes et le mécontentement général qui en résultent doivent être combattus. Mais pas en changeant de politique : non, ce sont les mécontents qui doivent être combattus. D’où le vote bipartite de la Chambre des représentants pour une expansion de la surveillance de masse. Les deux bords confondus ont peur de leur propre peuple. Trump sert une fois de plus d’épouvantail pour masquer les dérives du système tout entier.

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  • La Mola // 08.05.2024 à 21h43

    heureusement que nous n’avons pas ce type de « législation » ou « normes » en France : pas de développement exponentiel des vidéo-surveillances un peu partout, d’écoutes administratives, de reconnaissance faciale des manifestants…

    heureusement que nous n’aurons pas bientôt des JO pour banaliser tout ça : prêt à l’emploi par le RN ou les zemmouristes quand ils accéderont au pouvoir…

    heureusement !

      +11

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    • RGT // 09.05.2024 à 10h15

      « prêt à l’emploi par le RN ou les zemmouristes »…

      S’il n’y avait qu’eux, ce ne serait pas un problème…

      Connaissez-vous UN SEUL parti politique ou « élu » qui ne rêve pas de fliquer l’ensemble de la populace pour se maintenir de force au pouvoir vous ?

      Si d’aventure il n’en existait QU’UN SEUL il serait rapidement retourné ou victime d’un « accident de la vie » pour que tout reste inchangé.

        +8

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      • Cévéyanh // 09.05.2024 à 22h22

        Peut-être que la question première serait : « Connaissez-vous UN SEUL parti politique qui cherche réellement la concordance (entre tous les partis et non d’un seul côté politique), et non à SE différencier ou A différencier (« le bien/le mal »?) ?  »
        Qui votent pour des partis qui ne semble pas se concorder mais plutôt se séparer ; donc séparer la société ; pour qu’elle « se conduise » uniquement d’une seule façon (car c’est elle qui a raison ?) ? Pourquoi dans ce cas, ces partis politiques ne chercheraient pas à imposer (jusqu’à utiliser la force) aux autres, qui pensent différemment, lorsqu’elles arrivent au pouvoir ? Alors que la société est faite de diverses pensées car, déjà, chaque personne est unique (a son propre chemin de vie) ; toutefois semblable sur divers points.

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    • Pierrot // 13.05.2024 à 17h45

      Avant de présumer ce que pourraient faire un jour le RN ou les zemmouristes des moyens réglementaires, techniques et administratifs de surveillance de masse et de restriction de nos libertés individuelles, il paraît plus urgent de s’intéresser aux gens déjà portés aux affaires qui, parfois depuis plus de vingt ans, ont participé à la mise en place de ces moyens, notamment en les proposant, en les votant ou en s’abstenant de s’y opposer quand ils en avaient l’opportunité.

      Les raisons qui les ont poussés à créer ou à autoriser ces moyens, l’exploitation qu’ils en font déjà à nos dépens et leur propension à continuer dans cette voie me semblent être de bons arguments pour cesser de reconduire ces gens dans des fonctions à responsabilité.

        +3

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