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1.janvier.20241.1.2024 // Les Crises

Une usine à massacres : dans les coulisses des bombardements calculés d’Israël sur Gaza

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Les frappes aériennes autorisées sur des cibles non militaires et l’utilisation d’un système d’intelligence artificielle ont permis à l’armée israélienne de mener sa guerre la plus meurtrière contre Gaza, révèle une enquête de +972 et Local Call.

Source : +972 Magazine, Yuval Abraham
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

L’autorisation élargie de l’armée israélienne de bombarder des cibles non militaires, le relâchement des contraintes concernant les pertes civiles attendues et l’utilisation d’un système d’intelligence artificielle pour générer plus de cibles potentielles que jamais auparavant semblent avoir contribué à la nature destructrice des phases initiales de la guerre actuelle d’Israël contre la bande de Gaza, comme le révèle une enquête menée par +972 Magazine et Local Call. Ces facteurs, décrits par des membres actuels et anciens des services de renseignement israéliens, ont probablement joué un rôle dans la réalisation de ce qui a été l’une des campagnes militaires les plus meurtrières contre les Palestiniens depuis la Nakba de 1948.

L’enquête menée par +972 et Local Call est basée sur des conversations avec sept membres actuels et anciens de la communauté du renseignement israélien – y compris des membres du renseignement militaire et de l’armée de l’air qui ont participé aux opérations israéliennes dans la bande de Gaza assiégée – ainsi que sur des témoignages, des données et des documents palestiniens provenant de la bande de Gaza, et sur des déclarations officielles du porte-parole des FDI et d’autres institutions de l’État israélien.

Par rapport aux précédents assauts israéliens contre Gaza, la guerre actuelle – qu’Israël a baptisée « Opération épée de fer » et qui a débuté à la suite de l’assaut mené par le Hamas contre le sud d’Israël le 7 octobre – a vu l’armée étendre considérablement ses bombardements sur des cibles qui ne sont clairement pas de nature militaire. Il s’agit notamment de résidences privées, de bâtiments publics, d’infrastructures et d’immeubles de grande hauteur, que l’armée définit comme des « cibles puissantes » (matarot otzem).

Les bombardements d’objectifs puissants, selon des sources de renseignement qui ont eu une expérience directe de leur application à Gaza dans le passé, visent principalement à nuire à la société civile palestinienne : pour « créer un choc » qui, entre autres, se répercutera puissamment et « amènera les civils à faire pression sur le Hamas », comme l’a déclaré une source.

Plusieurs de ces sources, qui ont parlé à +972 et à Local Call sous le couvert de l’anonymat, ont confirmé que l’armée israélienne possède des dossiers sur la grande majorité des cibles potentielles à Gaza – y compris les habitations – qui précisent le nombre de civils susceptibles d’être tués lors d’une attaque contre une cible particulière. Ce nombre est calculé et connu à l’avance par les unités de renseignement de l’armée, qui savent également, peu de temps avant de lancer une attaque, combien de civils seront certainement tués.

Des Palestiniens découvrent les dégâts causés par une frappe aérienne israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 11 novembre 2023. (Abed Rahim Khatib/Flash90)

Dans un cas évoqué par les sources, le commandement militaire israélien a sciemment approuvé le meurtre de centaines de civils palestiniens pour tenter d’assassiner un seul haut commandant militaire du Hamas. « Les chiffres sont passés de dizaines de morts civiles [autorisées] en dommages collatéraux dans le cadre d’une attaque contre un haut responsable lors d’opérations précédentes, à des centaines de morts civiles en dommages collatéraux », a déclaré l’une des sources.

« Rien n’arrive par hasard, » a déclaré une autre source. « Lorsqu’une fillette de trois ans est tuée dans une maison à Gaza, c’est parce que quelqu’un dans l’armée a décidé qu’il n’était pas grave qu’elle soit tuée – que c’était un prix qui valait la peine d’être payé pour atteindre [une autre] cible. Nous ne sommes pas le Hamas. Il ne s’agit pas de roquettes tirées au hasard. Tout est intentionnel. Nous savons exactement combien de dommages collatéraux il y a dans chaque maison. »

Selon l’enquête, une autre raison du grand nombre de cibles et des dommages considérables causés à la vie civile à Gaza est l’utilisation généralisée d’un système appelé « Habsora » (L’Évangile), qui repose en grande partie sur l’intelligence artificielle et peut « générer » des cibles presque automatiquement à un rythme qui dépasse de loin ce qui était possible auparavant. Ce système d’intelligence artificielle, comme l’a décrit un ancien officier de renseignement, constitue en fait une « usine d’assassinats de masse. »

Selon les sources, l’utilisation croissante de systèmes basés sur l’intelligence artificielle comme Habsora permet à l’armée de mener des frappes massives sur des résidences où vit un seul membre du Hamas, même s’il s’agit d’agents subalternes du Hamas. Pourtant, des témoignages de Palestiniens à Gaza suggèrent que depuis le 7 octobre, l’armée a également attaqué de nombreuses résidences privées où ne résidait aucun membre connu ou apparent du Hamas ou d’un autre groupe militant. De telles frappes, ont confirmé des sources à +972 et Local Call, peuvent sciemment tuer des familles entières dans le processus.

Dans la majorité des cas, ont ajouté les sources, l’activité militaire n’est pas menée à partir de ces maisons ciblées. « Je me souviens avoir pensé que c’était comme si [les militants palestiniens] bombardaient toutes les résidences privées de nos familles lorsque [les soldats israéliens] rentrent chez eux le week-end », a rappelé une source, qui a critiqué cette pratique.

Des Palestiniens devant les décombres d’un bâtiment détruit par des frappes aériennes israéliennes à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 11 novembre 2023. (Abed Rahim Khatib/Flash90)

Une autre source a indiqué qu’un officier supérieur des services de renseignement a déclaré à ses officiers, après le 7 octobre, que l’objectif était de « tuer autant d’agents du Hamas que possible », ce qui a permis d’assouplir considérablement les critères relatifs aux dommages causés aux civils palestiniens. Ainsi, il y a « des cas où, sur la base d’un repérage cellulaire large de la cible, nous tuons des civils. Cela est souvent fait pour gagner du temps, au lieu de demander un peu plus de travail pour avoir une localisation plus précise, » a déclaré la source.

Le résultat de ces politiques est la perte stupéfiante de vies humaines à Gaza depuis le 7 octobre. Plus de 300 familles ont perdu 10 membres ou plus dans les bombardements israéliens au cours des deux derniers mois, un chiffre 15 fois supérieur à celui de la guerre la plus meurtrière d’Israël contre Gaza, en 2014. À l’heure où nous écrivons ces lignes, environ 15 000 Palestiniens ont été tués dans la guerre, et ce n’est pas fini.

« Tout cela se passe en contradiction avec le protocole utilisé par les FDI dans le passé », a expliqué une source. « On a le sentiment que les hauts responsables de l’armée sont conscients de leur échec du 7 octobre et qu’ils sont occupés par la question de savoir comment donner au public israélien une image [de victoire] qui sauvera leur réputation. »

Un prétexte pour semer la destruction

Israël a lancé son assaut sur Gaza à la suite de l’offensive menée par le Hamas le 7 octobre sur le sud d’Israël. Au cours de cette attaque, sous une pluie de roquettes, les militants palestiniens ont massacré plus de 840 civils et tué 350 soldats et agents de sécurité, kidnappé environ 240 personnes – civils et soldats – à Gaza, et commis des violences sexuelles généralisées, y compris des viols, selon un rapport de l’ONG Physicians for Human Rights Israel (Médecins pour les droits de l’homme en Israël).

Dès les premiers instants qui ont suivi l’attaque du 7 octobre, les décideurs israéliens ont ouvertement déclaré que la riposte serait d’une ampleur totalement différente de celle des précédentes opérations militaires à Gaza, l’objectif déclaré étant d’éradiquer totalement le Hamas. « L’accent est mis sur les dégâts et non sur la précision », a déclaré Daniel Hagari, porte-parole des FDI, le 9 octobre. L’armée a rapidement traduit ces déclarations en actions.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le ministre de la Défense Yoav Gallant et le ministre sans portefeuille Benny Gantz tiennent une conférence de presse conjointe au ministère de la Défense, Tel Aviv, le 11 novembre 2023. (Marc Israel Sellem/POOL)

Selon les sources qui ont parlé à +972 et à Local Call, les cibles à Gaza qui ont été frappées par l’aviation israélienne peuvent être divisées en quatre catégories. La première est celle des « cibles tactiques », qui comprend les cibles militaires standard telles que les cellules de militants armés, les entrepôts d’armes, les lance-roquettes, les lance-missiles antichars, les puits de lancement, les bombes de mortier, les quartiers généraux militaires, les postes d’observation, etc.

La seconde concerne les « cibles souterraines », principalement les tunnels que le Hamas a creusés sous les quartiers de Gaza, y compris sous les habitations civiles. Les frappes aériennes sur ces cibles pourraient entraîner l’effondrement des maisons situées au-dessus ou à proximité des tunnels.

La troisième catégorie est celle des « cibles puissantes », qui comprend les gratte-ciel et les tours résidentielles au cœur des villes, ainsi que les bâtiments publics tels que les universités, les banques et les administrations. Selon trois sources de renseignement qui ont participé à la planification ou à la réalisation de frappes sur des cibles puissantes dans le passé, l’idée derrière ces frappes est qu’une attaque délibérée contre la société palestinienne exercera une « pression civile » sur le Hamas.

La dernière catégorie est celle des « maisons familiales ou des maisons d’agents ». L’objectif déclaré de ces attaques est de détruire des résidences privées afin d’assassiner un seul résident soupçonné d’être un agent du Hamas ou du Jihad islamique. Cependant, dans la guerre actuelle, des témoignages palestiniens affirment que certaines des familles tuées ne comptaient aucun membre de ces organisations.

Au début de la guerre actuelle, l’armée israélienne semble avoir accordé une attention particulière aux troisième et quatrième catégories de cibles. Selon les déclarations faites le 11 octobre par le porte-parole de la FDI, au cours des cinq premiers jours de combat, la moitié des cibles bombardées, soit 1 329 sur un total de 2 687, étaient considérées comme des cibles puissantes.

Des Palestiniens passent à côté des décombres de bâtiments détruits par des frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 28 novembre 2023. (Atia Mohammed/Flash90)

« On nous demande de chercher des immeubles de grande hauteur comprenant un entresol qui peuvent être attribués au Hamas », explique une source qui a participé aux précédentes offensives israéliennes dans la bande de Gaza. « Parfois, il s’agit du bureau du porte-parole d’un groupe militant ou d’un lieu où se réunissent des agents. J’ai compris que l’entresol est un prétexte qui permet à l’armée de causer beaucoup de destructions à Gaza. C’est ce qu’ils nous ont dit. »

« S’ils disaient au monde entier que les bureaux [du Jihad islamique] situés au 10e étage ne sont pas une cible importante, mais que leur existence justifie l’effondrement de l’ensemble de la tour dans le but de faire pression sur les familles civiles qui y vivent afin de faire pression sur les organisations terroristes, cela serait perçu comme du terrorisme. Donc ils ne le disent pas », a ajouté la source.

Diverses sources ayant servi dans les unités de renseignement des FDI ont déclaré qu’au moins jusqu’à la guerre actuelle, les protocoles de l’armée ne permettaient d’attaquer des objectifs énergétiques que lorsque les bâtiments étaient vides de résidents au moment de l’attaque. Cependant, des témoignages et des vidéos en provenance de Gaza suggèrent que depuis le 7 octobre, certaines de ces cibles ont été attaquées sans que leurs occupants n’en soient avertis au préalable, ce qui a entraîné la mort de familles entières.

Les données publiques et officielles permettent d’établir que les maisons résidentielles ont été prises pour cible à grande échelle. Selon le Bureau des médias du gouvernement de Gaza – qui fournit des bilans des morts depuis que le ministère de la santé de Gaza a cessé de le faire le 11 novembre en raison de l’effondrement des services de santé dans la bande – au moment où le cessez-le-feu temporaire est entré en vigueur le 23 novembre, Israël avait tué 14 800 Palestiniens à Gaza ; environ 6 000 d’entre eux étaient des enfants et 4 000 des femmes, ce qui représente plus de 67 % du total. Les chiffres fournis par le ministère de la santé et le bureau des médias du gouvernement – qui relèvent tous deux du gouvernement du Hamas – ne s’écartent pas beaucoup des estimations israéliennes.

Le ministère de la santé de Gaza ne précise pas non plus combien de morts appartenaient aux ailes militaires du Hamas ou du Jihad islamique. L’armée israélienne estime avoir tué entre 1 000 et 3 000 militants palestiniens armés. Selon les médias israéliens, certains des militants morts sont enterrés sous les décombres ou à l’intérieur du système de tunnels du Hamas, et n’ont donc pas été pris en compte dans les décomptes officiels.

Des Palestiniens tentent d’éteindre un incendie après une frappe aérienne israélienne sur une maison dans le camp de réfugiés de Shaboura dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, le 17 novembre 2023. (Abed Rahim Khatib/Flash90)

Les données de l’ONU pour la période allant jusqu’au 11 novembre, date à laquelle Israël a tué 11 078 Palestiniens à Gaza, indiquent qu’au moins 312 familles ont perdu 10 personnes ou plus dans l’attaque israélienne actuelle ; à titre de comparaison, lors de l’opération Bordure protectrice en 2014, 20 familles à Gaza ont perdu 10 personnes ou plus. Au moins 189 familles ont perdu entre six et neuf personnes selon les données de l’ONU, tandis que 549 familles ont perdu entre deux et cinq personnes. Aucune ventilation actualisée n’a encore été fournie pour les chiffres des victimes publiés depuis le 11 novembre.

Les attaques massives contre des cibles électriques et des résidences privées ont eu lieu au moment où l’armée israélienne a appelé, le 13 octobre, les 1,1 million d’habitants du nord de la bande de Gaza – dont la plupart résident dans la ville de Gaza – à quitter leurs maisons et à se rendre dans le sud de la bande de Gaza. À cette date, un nombre record de cibles électriques avaient déjà été bombardées et plus de 1 000 Palestiniens avaient déjà été tués, dont des centaines d’enfants.

Au total, selon l’ONU, 1,7 million de Palestiniens, soit la grande majorité de la population de la bande, ont été déplacés à l’intérieur de Gaza depuis le 7 octobre. L’armée a affirmé que la demande d’évacuation du nord de la bande de Gaza visait à protéger la vie des civils. Les Palestiniens considèrent toutefois que ces déplacements massifs font partie d’une « nouvelle Nakba », c’est-à-dire d’une tentative de nettoyage ethnique d’une partie ou de la totalité du territoire.

« Ils ont démoli un immeuble pour le plaisir. »

Selon l’armée israélienne, au cours des cinq premiers jours de combat, elle a largué 6 000 bombes sur la bande de Gaza, pour un poids total d’environ 4 000 tonnes. Les médias ont rapporté que l’armée avait détruit des quartiers entiers ; selon le Centre Al Mezan pour les droits de l’homme, basé à Gaza, ces attaques ont entraîné « la destruction complète de quartiers résidentiels, la destruction d’infrastructures et le massacre d’habitants ».

Comme le montre Al Mezan et de nombreuses images en provenance de Gaza, Israël a bombardé l’université islamique de Gaza, l’association du barreau palestinien, un bâtiment des Nations unies abritant un programme éducatif destiné aux étudiants exceptionnels, un bâtiment appartenant à la société de télécommunications palestinienne, le ministère de l’économie nationale, le ministère de la culture, des routes et des dizaines d’immeubles et de maisons, en particulier dans les quartiers nord de Gaza.

Les ruines de la mosquée Al-Amin Muhammad, détruite lors d’une frappe aérienne israélienne le 20 octobre, dans le camp de réfugiés de Khan Younis, au sud de la bande de Gaza, le 31 octobre 2023. (Mohammed Zaanoun/Activestills)

Au cinquième jour des combats, le porte-parole de l’armée israélienne a distribué aux journalistes militaires en Israël des images satellites « avant et après » de quartiers du nord de la bande de Gaza, tels que Shuja’iyya et Al-Furqan (surnommé d’après une mosquée de la région) dans la ville de Gaza, qui montrent des dizaines de maisons et de bâtiments détruits. L’armée israélienne a déclaré avoir frappé 182 cibles électriques à Shuja’iyya et 312 cibles électriques à Al-Furqan.

Le chef d’état-major de l’armée de l’air israélienne, Omer Tishler, a déclaré aux journalistes militaires que toutes ces attaques avaient une cible militaire légitime, mais aussi que des quartiers entiers avaient été attaqués « à grande échelle et non de manière chirurgicale ». Notant que la moitié des cibles militaires jusqu’au 11 octobre étaient des cibles électriques, le porte-parole de l’IDF a déclaré : « Des quartiers qui servent de nids de terreur au Hamas ont été attaqués et que des dommages ont été causés à des quartiers généraux opérationnels, des moyens opérationnels et des moyens utilisés par des organisations terroristes à l’intérieur d’immeubles résidentiels. » Le 12 octobre, l’armée israélienne a annoncé qu’elle avait tué trois « membres importants du Hamas », dont deux faisaient partie de l’aile politique du groupe.

Pourtant, malgré les bombardements israéliens intensifs, les dommages causés à l’infrastructure militaire du Hamas dans le nord de la bande de Gaza au cours des premiers jours de la guerre semblent avoir été très minimes. En effet, des sources de renseignement ont déclaré à +972 et à Local Call que les cibles militaires qui faisaient partie des objectifs puissants ont été utilisées à maintes reprises comme prétexte pour nuire à la population civile. « Le Hamas est présent partout dans la bande de Gaza ; il n’y a pas un bâtiment qui n’ait pas quelque chose du Hamas, donc si vous voulez trouver un moyen de transformer une tour en cible, vous pourrez le faire », a déclaré un ancien responsable des services de renseignement.

« Ils ne se contenteront jamais de frapper une tour sans qu’il y ait quelque chose que nous puissions définir comme une cible militaire », a déclaré une autre source de renseignements, qui a déjà mené des frappes contre des cibles militaires. « Il y aura toujours un étage dans la tour [associée au Hamas]. Mais dans la plupart des cas, lorsqu’il s’agit de cibles puissantes, il est clair que la cible n’a pas une valeur militaire qui justifie une attaque qui détruise tout un bâtiment vide au milieu d’une ville, avec l’aide de six avions et plusieurs tonnes de bombes. »

En effet, selon des sources qui ont participé à la définition des cibles puissantes au cours des guerres précédentes, bien que le fichier des cibles contienne généralement une association présumée avec le Hamas ou d’autres groupes militants, frapper la cible fonctionne principalement comme un « moyen permettant de causer des dommages à la société civile ». Les sources ont compris, certaines explicitement et d’autres implicitement, que les dommages causés aux civils sont le véritable objectif de ces attaques.

Des survivants palestiniens sont sortis des décombres de maisons détruites par une frappe aérienne israélienne dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, le 20 novembre 2023. (Abed Rahim Khatib/Flash90)

En mai 2021, par exemple, Israël a été fortement critiqué pour avoir bombardé la tour Al-Jalaa, qui abritait d’importants médias internationaux tels qu’Al Jazeera, AP et AFP. L’armée a affirmé que le bâtiment était une cible militaire du Hamas ; des sources ont déclaré à +972 et à Local Call qu’il s’agissait en fait d’une cible puissante.

« L’idée est que la destruction des gratte-ciel nuit vraiment au Hamas, car elle suscite une réaction publique dans la bande de Gaza et effraie la population », a déclaré l’une des sources. « Ils voulaient donner aux habitants de Gaza le sentiment que le Hamas ne contrôlait pas la situation. Parfois, ils ont abattu des bâtiments, parfois des services postaux et des bâtiments gouvernementaux. »

Bien qu’il soit sans précédent pour l’armée israélienne d’attaquer plus de 1 000 cibles puissantes en cinq jours, l’idée de provoquer une dévastation massive des zones civiles à des fins stratégiques a été formulée lors d’opérations militaires antérieures à Gaza, affinée par la « doctrine Dahiya » lors de la deuxième guerre du Liban en 2006.

Selon cette doctrine – élaborée par l’ancien chef d’état-major des FDI, Gadi Eizenkot, qui est aujourd’hui membre de la Knesset et fait partie de l’actuel cabinet de guerre – dans une guerre contre des groupes de guérilla tels que le Hamas ou le Hezbollah, Israël doit utiliser une force disproportionnée et écrasante tout en ciblant les infrastructures civiles et gouvernementales afin d’établir une dissuasion et de forcer la population civile à faire pression sur les groupes pour qu’ils mettent un terme à leurs attaques. Le concept de cibles puissantes semble émaner de cette même logique.

La première fois que l’armée israélienne a défini publiquement des cibles puissantes à Gaza, c’était à la fin de l’opération Bordure protectrice en 2014. L’armée a bombardé quatre bâtiments au cours des quatre derniers jours de la guerre : trois immeubles résidentiels de plusieurs étages dans la ville de Gaza et une tour d’habitation à Rafah. Les services de sécurité ont expliqué à l’époque que ces attaques avaient pour but de faire comprendre aux Palestiniens de Gaza que « plus rien n’est à l’abri » et faire pression sur le Hamas pour qu’il accepte un cessez-le-feu. « Les preuves que nous avons recueillies montrent que la destruction massive [des bâtiments] a été effectuée délibérément et sans aucune justification militaire », indiquait un rapport d’Amnesty à la fin de l’année 2014.

De la fumée s’élève après une frappe aérienne israélienne sur la tour Al-Jalaa, qui abrite des appartements et plusieurs médias, dont Associated Press et Al Jazeera, dans la ville de Gaza, le 15 mai 2021. (Atia Mohammed/Flash90)

Dans une autre escalade violente qui a débuté en novembre 2018, l’armée a de nouveau attaqué des cibles puissantes. Cette fois, Israël a bombardé des gratte-ciel, des centres commerciaux et le bâtiment de la chaîne de télévision Al-Aqsa, affiliée au Hamas. « Attaquer des cibles puissantes produit un effet très important sur l’autre camp », avait alors déclaré un officier de l’armée de l’air. « Nous l’avons fait sans tuer personne et nous avons veillé à ce que le bâtiment et ses environs soient évacués. »

Les opérations précédentes ont également montré que l’attaque de ces cibles vise non seulement à saper le moral des Palestiniens, mais aussi à remonter le moral des Israéliens. Haaretz a révélé que lors de l’opération Gardien des murs en 2021, l’unité du porte-parole des FDI a mené une opération psychologique à l’encontre des citoyens israéliens afin de les sensibiliser aux opérations des FDI à Gaza et aux dommages qu’elles ont causés aux Palestiniens. Les soldats, qui ont utilisé de faux comptes de médias sociaux pour dissimuler l’origine de la campagne, ont téléchargé des images et des clips des frappes de l’armée à Gaza sur Twitter, Facebook, Instagram et TikTok afin de démontrer les prouesses de l’armée au public israélien.

Au cours de l’assaut de 2021, Israël a frappé neuf cibles définies comme des cibles puissantes – toutes des immeubles de grande hauteur. « L’objectif était de faire s’effondrer les tours afin d’exercer une pression sur le Hamas, et aussi pour que le public [israélien] voie une image de victoire », a déclaré une source de sécurité à +972 et à Local Call.

Toutefois, poursuit la source : « Cela n’a pas fonctionné. Ayant suivi le Hamas, j’ai appris de première main à quel point ils ne se souciaient pas des civils et des bâtiments détruits. Parfois, l’armée a trouvé dans un immeuble de grande hauteur quelque chose lié au Hamas, mais il était également possible d’atteindre cette cible spécifique avec des armes plus précises. En fin de compte, ils ont abattu un immeuble pour le plaisir d’abattre un immeuble. »

Tout le monde cherchait ses enfants dans ces décombres.

Non seulement la guerre actuelle a vu Israël attaquer un nombre sans précédent de cibles puissantes, mais elle a également vu l’armée abandonner les politiques antérieures qui visaient à éviter de blesser les civils. Alors qu’auparavant, la procédure officielle de l’armée était qu’il n’était possible d’attaquer des cibles puissantes qu’une fois que tous les civils en avaient été évacués, des témoignages d’habitants palestiniens de Gaza indiquent que, depuis le 7 octobre, Israël a attaqué des gratte-ciel alors que leurs habitants se trouvaient encore à l’intérieur, ou sans avoir pris de mesures significatives pour les évacuer, ce qui a entraîné la mort de nombreux civils.

Des Palestiniens devant les décombres d’un bâtiment détruit après une frappe aérienne israélienne dans le centre de la bande de Gaza, le 5 novembre 2023. (Atia Mohammed/Flash90)

Selon une enquête menée par AP après la guerre de 2014, environ 89 % des personnes tuées lors des bombardements aériens des maisons familiales étaient des résidents non armés, et la plupart d’entre eux étaient des enfants et des femmes.

Le chef d’état-major de l’armée de l’air, Tishler, a confirmé le changement de politique en déclarant aux journalistes que la politique de l’armée consistant à « frapper sur le toit » – c’est-à-dire faire une petite frappe initiale sur le toit d’un bâtiment pour avertir les habitants qu’il est sur le point d’être frappé – n’est plus utilisée « là où il y a un ennemi ». Frapper sur le toit, a déclaré M. Tishler, est « un terme qui s’applique aux rounds [de boxe] et non à la guerre. »

Les sources qui ont déjà travaillé sur les cibles puissantes ont déclaré que la stratégie effrontée de la guerre actuelle pourrait constituer une évolution dangereuse, expliquant que l’attaque des cibles puissantes visait à l’origine à « choquer » Gaza, mais pas nécessairement à tuer un grand nombre de civils. « Les cibles ont été conçues en partant du principe que les immeubles de grande hauteur seraient évacués, de sorte que lorsque nous travaillions sur [la définition des cibles], nous ne nous préoccupions absolument pas du nombre de civils qui seraient touchés ; nous supposions que ce nombre serait toujours égal à zéro », a déclaré une source ayant une connaissance approfondie de la tactique.

« Cela signifie qu’il y aurait une évacuation totale [des bâtiments ciblés], ce qui prend deux à trois heures, pendant lesquelles les résidents sont appelés [par téléphone à évacuer], des missiles d’avertissement sont tirés et nous vérifions également avec des images de drones que les gens quittent effectivement la tour, » a ajouté la source.

Cependant, les preuves recueillies à Gaza suggèrent que certaines tours – que nous supposons avoir été des cibles puissantes – ont été détruites sans avertissement préalable. +972 et Local Call ont trouvé au moins deux cas pendant la guerre actuelle où des tours résidentielles entières ont été bombardées et se sont effondrées sans avertissement, et un cas où, selon les preuves, une tour s’est effondrée sur des civils qui se trouvaient à l’intérieur.

Dévastation dans le quartier d’Al-Rimal au cœur de la ville de Gaza après un bombardement israélien, le 23 octobre 2023. (Mohammed Zaanoun/Activestills)

Le 10 octobre, Israël a bombardé le bâtiment Babel à Gaza, selon le témoignage de Bilal Abu Hatzira, qui a sauvé des corps des ruines cette nuit-là. Dix personnes ont été tuées dans l’attaque du bâtiment, dont trois journalistes.

Le 25 octobre, l’immeuble résidentiel de 12 étages Al-Taj, situé dans la ville de Gaza, a été entièrement bombardé, tuant sans préavis les familles qui y vivaient. Environ 120 personnes ont été ensevelies sous les ruines de leurs appartements, selon les témoignages des habitants. Yousef Amar Sharaf, un habitant d’Al-Taj, a écrit sur X que 37 membres de sa famille qui vivaient dans l’immeuble ont été tués dans l’attaque : « Mon cher père et ma chère mère, ma femme bien-aimée, mes fils et la plupart de mes frères et leurs familles. » Les habitants ont déclaré que de nombreuses bombes avaient été larguées, endommageant et détruisant également des appartements dans les immeubles voisins.

Six jours plus tard, le 31 octobre, l’immeuble résidentiel de huit étages Al-Mohandseen a été bombardé sans avertissement. Le premier jour, entre 30 et 45 corps auraient été récupérés dans les ruines. Un bébé a été retrouvé vivant, sans ses parents. Les journalistes ont estimé que plus de 150 personnes avaient été tuées dans l’attentat, de nombreuses personnes étant restées ensevelies sous les décombres.

Le bâtiment se trouvait dans le camp de réfugiés de Nuseirat, au sud de Wadi Gaza – dans la supposée « zone de sécurité » vers laquelle Israël a dirigé les Palestiniens qui ont fui leurs maisons dans le nord et le centre de Gaza – et servait donc d’abri temporaire pour les personnes déplacées, d’après les témoignages.

Selon une enquête d’Amnesty International, le 9 octobre, Israël a bombardé au moins trois bâtiments de plusieurs étages, ainsi qu’un marché aux puces ouvert dans une rue bondée du camp de réfugiés de Jabaliya, tuant au moins 69 personnes. « Les corps étaient brûlés. […] Je ne voulais pas regarder, j’avais peur de voir le visage d’Imad », a déclaré le père d’un enfant qui a été tué. « Les corps étaient éparpillés sur le sol. Tout le monde cherchait ses enfants dans ces amas. Je n’ai reconnu mon fils qu’à son pantalon. Je voulais l’enterrer immédiatement, alors j’ai porté mon fils et je l’ai sorti. »

Un char israélien présent à l’intérieur du camp de réfugiés d’Al-Shati, au nord de la bande de Gaza, le 16 novembre 2023. (Yonatan Sindel/Flash90)

Selon l’enquête d’Amnesty, l’armée a déclaré que l’attaque contre le marché visait une mosquée « où se trouvaient des agents du Hamas. » Cependant, selon la même enquête, les images satellites ne montrent pas de mosquée dans les environs.

Le porte-parole des FDI n’a pas répondu aux questions de +972 et de Local Call concernant des attaques spécifiques, mais a déclaré de manière plus générale : « Les FDI ont donné des avertissements avant les attaques de diverses manières et, lorsque les circonstances le permettaient, ont également donné des avertissements individuels par le biais d’appels téléphoniques à des personnes qui se trouvaient sur les cibles ou à proximité (il y a eu plus de 25 000 conversations en direct pendant la guerre, ainsi que des millions de conversations enregistrées, des messages texte et des tracts largués depuis les airs dans le but d’avertir la population). En général, les FDI s’efforcent de réduire autant que possible les dommages causés aux civils dans le cadre des attaques, malgré le défi que représente la lutte contre une organisation terroriste qui utilise les citoyens de Gaza comme boucliers humains. »

« La machine produit 100 cibles par jour. »

Selon le porte-parole de la FDI le 10 novembre, au cours des 35 premiers jours de combat, Israël a attaqué un total de 15 000 cibles dans la bande de Gaza. D’après de multiples sources, ce chiffre est très élevé par rapport aux quatre opérations majeures précédentes dans la bande de Gaza. Lors de l’opération Gardiens des murs en 2021, Israël a attaqué 1 500 cibles en 11 jours. Lors de l’opération Bordure protectrice en 2014, qui a duré 51 jours, Israël a frappé entre 5 266 et 6 231 cibles. Lors de l’opération Pilier de défense en 2012, environ 1 500 cibles ont été attaquées en huit jours. Lors de l’opération Plomb durci en 2008, Israël a frappé 3 400 cibles en 22 jours.

Des sources de renseignement ayant participé aux opérations précédentes ont également déclaré à +972 et à Local Call que, pendant 10 jours en 2021 et trois semaines en 2014, un taux d’attaque de 100 à 200 cibles par jour a conduit à une situation dans laquelle l’armée de l’air israélienne ne disposait plus d’aucune cible ayant une valeur militaire. Pourquoi, alors, après près de deux mois, l’armée israélienne n’a-t-elle pas encore éliminé ses cibles dans la guerre actuelle ?

La réponse se trouve peut-être dans une déclaration du porte-parole de Tsahal du 2 novembre, selon laquelle l’armée utilise le système d’IA Habsora (L’Évangile), qui, selon le porte-parole : « Permet d’utiliser des outils automatiques pour produire des cibles à un rythme rapide, et fonctionne en améliorant la précision et la qualité du matériel de renseignement en fonction des besoins [opérationnels]. »

L’artillerie israélienne stationnée près de la barrière de Gaza, dans le sud d’Israël, le 2 novembre 2023. (Chaim Goldberg/Flash90)

Dans la déclaration, un haut responsable des services de renseignement est cité comme ayant déclaré que grâce à Habsora, des cibles sont créées pour des frappes de précision « tout en causant d’importants dommages à l’ennemi et des dommages minimes aux non-combattants. Les agents du Hamas ne sont pas à l’abri, quel que soit l’endroit où ils se cachent. »

Selon des sources de renseignement, Habsora génère, entre autres, des recommandations automatiques pour attaquer des résidences privées où vivent des personnes soupçonnées d’être des agents du Hamas ou du Jihad islamique. Israël mène ensuite des opérations d’assassinat à grande échelle en bombardant lourdement ces résidences.

Habsora, explique l’une des sources, traite d’énormes quantités de données que « des dizaines de milliers d’officiers de renseignement ne pourraient pas traiter » et recommande des sites de bombardement en temps réel. Comme la plupart des hauts responsables du Hamas se rendent dans les tunnels souterrains au début de toute opération militaire, l’utilisation d’un système comme Habsora permet de localiser et d’attaquer les maisons d’agents de rang relativement modeste.

Un ancien officier de renseignement a expliqué que le système Habsora permet à l’armée de gérer une « usine d’assassinats de masse, dans laquelle l’accent est mis sur la quantité et non sur la qualité. » Un œil humain « passera en revue les cibles avant chaque attaque, mais il n’est pas nécessaire de passer beaucoup de temps dessus. » Étant donné qu’Israël estime qu’il y a environ 30 000 membres du Hamas à Gaza, et qu’ils sont tous marqués pour être tués, le nombre de cibles potentielles est énorme.

En 2019, l’armée israélienne a créé un nouveau centre visant à utiliser l’IA pour accélérer la génération de cibles. « La division administrative des cibles est une unité qui comprend des centaines d’officiers et de soldats et qui repose sur des capacités d’IA », a déclaré l’ancien chef d’état-major de Tsahal, Aviv Kochavi, dans un entretien approfondi avec Ynet au début de l’année.

Des Palestiniens cherchent les blessés après une frappe aérienne israélienne sur une maison dans le camp de réfugiés de Shaboura dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, le 17 novembre 2023. (Abed Rahim Khatib/Flash90)

« C’est une machine qui, avec l’aide de l’IA, traite un grand nombre de données mieux et plus rapidement que n’importe quel humain, et les traduit en cibles d’attaque », a poursuivi M. Kochavi. Lors de l’opération Gardien des murs [en 2021], à partir du moment où cette machine a été activée, elle a généré 100 nouvelles cibles par jour. Vous voyez, dans le passé, il y a eu des périodes à Gaza où nous créions 50 cibles par an. Ici, la machine produit 100 cibles par jour. »

« Nous préparons les cibles automatiquement et travaillons selon une liste de contrôle, » a déclaré à +972 et à Local Call l’une des sources ayant travaillé dans la nouvelle division administrative des cibles. « C’est vraiment comme une usine. Nous travaillons rapidement et nous n’avons pas le temps d’approfondir l’objectif. L’idée est que nous sommes jugés en fonction du nombre d’objectifs que nous parvenons à générer. »

Un haut responsable militaire chargé de la banque de cibles a déclaré au Jerusalem Post au début de l’année que, grâce aux systèmes d’intelligence artificielle de l’armée, l’armée peut pour la première fois générer de nouvelles cibles à un rythme plus rapide que celui des attaques. Selon une autre source, la volonté de générer automatiquement un grand nombre de cibles est une concrétisation de la doctrine Dahiya.

Les systèmes automatisés tels que Habsora ont donc grandement facilité le travail des officiers de renseignement israéliens dans la prise de décisions au cours des opérations militaires, y compris le calcul des pertes potentielles. Cinq sources différentes ont confirmé que le nombre de civils susceptibles d’être tués lors d’attaques contre des résidences privées est connu à l’avance par les services de renseignement israéliens et apparaît clairement dans le fichier des cibles dans la catégorie des « dommages collatéraux ».

Selon ces sources, il existe des degrés de dommages collatéraux, en fonction desquels l’armée détermine s’il est possible d’attaquer une cible à l’intérieur d’une résidence privée. « Lorsque la directive générale devient Dommage collatéral 5, cela signifie que nous sommes autorisés à frapper toutes les cibles qui tueront au plus cinq civils ; nous pouvons donc agir sur tous les dossiers de cibles classés au plus cinq », a déclaré l’une des sources.

Des Palestiniens se rassemblent autour des restes d’une tour abritant des bureaux qui, selon des témoins, a été détruite par une frappe aérienne israélienne dans la ville de Gaza, le 26 août 2014. (Emad Nassar/Flash90)

« Dans le passé, nous ne marquions pas régulièrement les maisons des membres subalternes du Hamas pour les bombarder », a déclaré un responsable de la sécurité qui a participé à l’attaque de cibles lors d’opérations précédentes. À mon époque, si la maison sur laquelle je travaillais portait la mention « Dommage collatéral 5 », elle n’était pas toujours approuvée [pour l’attaque]. Selon lui, cette approbation n’était donnée que si l’on savait qu’un haut commandant du Hamas vivait dans la maison.

« D’après ce que j’ai compris, ils peuvent aujourd’hui marquer toutes les maisons de [tout agent militaire du Hamas, quel que soit son rang], a poursuivi la source. Cela fait beaucoup de maisons. Les membres du Hamas qui n’ont aucune importance vivent dans des maisons dans toute la bande de Gaza. Ils marquent donc la maison, la bombardent et tuent tout le monde. »

Une politique concertée de bombardement des maisons familiales

Le 22 octobre, l’armée de l’air israélienne a bombardé le domicile du journaliste palestinien Ahmed Alnaouq dans la ville de Deir al-Balah. Ahmed est un ami proche et un collègue ; il y a quatre ans, nous avons fondé une page Facebook en hébreu appelée « Across the Wall », dans le but de faire connaître au public israélien les voix palestiniennes de Gaza.

La frappe du 22 octobre a fait s’effondrer des blocs de béton sur toute la famille d’Ahmed, tuant son père, ses frères, ses sœurs et tous leurs enfants, y compris les bébés. Seule sa nièce de 12 ans, Malak, a survécu et est restée dans un état critique, le corps couvert de brûlures. Quelques jours plus tard, Malak est décédée.

Vingt-et-un membres de la famille d’Ahmed ont été tués au total, enterrés sous leur maison. Aucun d’entre eux n’était un militant. Le plus jeune avait 2 ans, le plus âgé, son père, 75 ans. Ahmed, qui vit actuellement au Royaume-Uni, est désormais seul de toute sa famille.

L’hôpital Al-Nasser à Khan Younis déborde des corps des Palestiniens tués et blessés au cours de la nuit par les frappes aériennes israéliennes, Bande de Gaza, 25 octobre 2023. (Mohammed Zaanoun/Activestills)

Le groupe WhatsApp de la famille d’Ahmed s’intitule « Better Together ». Il y a envoyé le dernier message qui y figure, un peu après minuit, la nuit où il a perdu sa famille. « Quelqu’un m’a fait savoir que tout allait bien », a-t-il écrit. Personne n’a répondu. Il s’est endormi, mais s’est réveillé en panique à 4 heures du matin. C’est le silence. C’est alors qu’il reçoit un message d’un ami lui annonçant la terrible nouvelle.

Le cas d’Ahmed est courant à Gaza ces jours-ci. Lors d’interviews accordées à la presse, les directeurs des hôpitaux de Gaza ont fait écho à la même description : les familles entrent dans les hôpitaux comme une succession de cadavres, un enfant suivi de son père suivi de son grand-père. Les corps sont tous couverts de terre et de sang.

Selon d’anciens officiers du renseignement israélien, dans de nombreux cas où une résidence privée est bombardée, l’objectif est « l’assassinat d’agents du Hamas ou du Djihad », et ces cibles sont attaquées lorsque l’agent entre dans la maison. Les chercheurs en renseignement savent si les membres de la famille ou les voisins de l’agent peuvent également mourir dans l’attentat, et ils savent comment calculer le nombre de victimes. Chacune des sources a précisé qu’il s’agissait de maisons privées où, dans la majorité des cas, aucune activité militaire n’est menée.

+972 et Local Call ne disposent pas de données concernant le nombre d’agents militaires qui ont effectivement été tués ou blessés par des frappes aériennes sur des résidences privées au cours de la guerre actuelle, mais il est amplement prouvé que dans de nombreux cas, il ne s’agissait pas d’agents militaires ou politiques appartenant au Hamas ou au Djihad islamique.

Le 10 octobre, l’armée de l’air israélienne a bombardé un immeuble d’habitations dans le quartier de Sheikh Radwan, à Gaza, tuant 40 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants. Dans l’une des vidéos choquantes prises à la suite de l’attaque, on voit des gens crier, tenir ce qui semble être une poupée tirée des ruines de la maison, et se la passer de main en main. Lorsque la caméra zoome, on peut voir qu’il ne s’agit pas d’une poupée, mais du corps d’un bébé.

Les services de secours palestiniens sortent les corps des membres de la famille Shaaban, tous les six tués lors d’une frappe aérienne israélienne sur le quartier de Sheikh Radwan, à l’ouest de Gaza, le 9 octobre 2023. (Mohammed Zaanoun)

L’un des habitants a déclaré que 19 membres de sa famille avaient été tués lors de la frappe. Un autre survivant a écrit sur Facebook qu’il n’avait retrouvé que l’épaule de son fils dans les décombres. Amnesty a enquêté sur l’attaque et a découvert qu’un membre du Hamas vivait à l’un des étages supérieurs du bâtiment, mais qu’il n’était pas présent au moment de l’attaque.

Le bombardement des maisons familiales où sont censés vivre des agents du Hamas ou du Djihad islamique est probablement devenu une politique plus concertée des FDI lors de l’opération Bordure protectrice en 2014. À l’époque, 606 Palestiniens – soit environ un quart des civils tués au cours des 51 jours de combats – étaient membres de familles dont les maisons avaient été bombardées. Un rapport de l’ONU l’a défini en 2015 comme un crime de guerre potentiel et comme « un nouveau modèle d’action qui a conduit à la mort de familles entières. »

En 2014, 93 bébés ont été tués à la suite de bombardements israéliens sur des maisons familiales, dont 13 avaient moins d’un an. Il y a un mois, 286 bébés âgés d’un an ou moins avaient déjà été identifiés comme ayant été tués à Gaza, selon une liste d’identification détaillée avec l’âge des victimes publiée par le ministère de la santé de Gaza le 26 octobre. Ce nombre a probablement doublé ou triplé depuis.

Cependant, dans de nombreux cas, et en particulier lors des attaques actuelles contre Gaza, l’armée israélienne a mené des attaques contre des résidences privées, même lorsqu’il n’y avait pas de cible militaire connue ou évidente. Par exemple, selon le Comité pour la protection des journalistes, au 29 novembre, Israël avait tué 50 journalistes palestiniens à Gaza, certains d’entre eux dans leur maison avec leur famille.

Roshdi Sarraj, 31 ans, journaliste de Gaza né en Grande-Bretagne, a fondé un média à Gaza appelé « Ain Media ». Le 22 octobre, une bombe israélienne a frappé la maison de ses parents où il dormait, le tuant. La journaliste Salam Mema est également décédée sous les ruines de sa maison après le bombardement ; de ses trois jeunes enfants, Hadi, 7 ans, est mort, tandis que Sham, 3 ans, n’a pas encore été retrouvé sous les décombres. Deux autres journalistes, Duaa Sharaf et Salma Makhaimer, ont été tuées avec leurs enfants dans leur maison.

Un avion de guerre israélien survole la bande de Gaza, le 13 novembre 2023. (Yonatan Sindel/Flash90)

Les analystes israéliens ont admis que l’efficacité militaire de ce type d’attaques aériennes disproportionnées était limitée. Deux semaines après le début des bombardements à Gaza (et avant l’invasion terrestre) – après que les corps de 1 903 enfants, d’environ 1 000 femmes et de 187 personnes âgées ont été dénombrés dans la bande de Gaza – le commentateur israélien Avi Issacharoff a écrit sur Twitter : « Aussi difficile à entendre que cela puisse paraître, au 14e jour des combats, il ne semble pas que la branche militaire du Hamas ait été touchée. Le dommage le plus important causé à la direction militaire est l’assassinat du [commandant du Hamas] Ayman Nofal. »

Combattre des animaux humains

Les militants du Hamas opèrent régulièrement à partir d’un réseau complexe de tunnels construits sous de grandes parties de la bande de Gaza. Ces tunnels, comme l’ont confirmé les anciens officiers des services de renseignement israéliens avec lesquels nous nous sommes entretenus, passent également sous des maisons et des routes. Par conséquent, les tentatives israéliennes de les détruire par des frappes aériennes risquent dans de nombreux cas d’entraîner la mort de civils. C’est peut-être une autre raison qui explique le nombre élevé de familles palestiniennes éliminées lors de l’offensive actuelle.

Les officiers de renseignement interrogés pour cet article ont déclaré que la façon dont le Hamas a conçu le réseau de tunnels à Gaza exploite sciemment la population civile et l’infrastructure en surface. Ces affirmations ont également été à la base de la campagne médiatique menée par Israël concernant les attaques et les raids sur l’hôpital Al-Shifa et les tunnels qui ont été découverts sous celui-ci.

Israël a également attaqué un grand nombre de cibles militaires : agents armés du Hamas, sites de lancement de roquettes, tireurs d’élite, escouades antichars, quartiers généraux militaires, bases, postes d’observation, etc. Depuis le début de l’invasion terrestre, les bombardements aériens et les tirs d’artillerie lourde ont été utilisés pour soutenir les troupes israéliennes sur le terrain. Les experts en droit international estiment que ces cibles sont légitimes, pour autant que les frappes respectent le principe de proportionnalité.

En réponse à une demande de +972 et de Local Call pour cet article, le porte-parole des FDI a déclaré : « L’armée israélienne est attachée au droit international et agit conformément à celui-ci ; ce faisant, elle attaque des cibles militaires et ne s’en prend pas aux civils. L’organisation terroriste Hamas place ses agents et ses moyens militaires au cœur de la population civile. Le Hamas utilise systématiquement la population civile comme bouclier humain et mène ses combats depuis des bâtiments civils, y compris des sites sensibles tels que des hôpitaux, des mosquées, des écoles et des installations des Nations unies. »

Les sources de renseignement qui ont parlé à +972 et à Local Call ont également affirmé que dans de nombreux cas, le Hamas « met délibérément en danger la population civile de Gaza et tente d’empêcher par la force les civils d’évacuer. » Deux sources ont déclaré que les dirigeants du Hamas « comprennent que les dommages causés par les Israéliens aux civils leur donnent une légitimité dans les combats. »

Les destructions causées par les bombardements israéliens sont visibles à l’intérieur du camp de réfugiés d’Al-Shati, dans le nord de la bande de Gaza, le 16 novembre 2023. (Yonatan Sindel/Flash90)

En même temps, même s’il est difficile de l’imaginer aujourd’hui, l’idée de larguer une bombe d’une tonne destinée à tuer un agent du Hamas et de finir par tuer toute une famille en tant que « dommages collatéraux » n’a pas toujours été acceptée aussi facilement par de larges pans de la société israélienne. En 2002, par exemple, l’armée de l’air israélienne a bombardé le domicile de Salah Mustafa Muhammad Shehade, alors chef des Brigades Al-Qassam, la branche militaire du Hamas. La bombe l’a tué, ainsi que sa femme Eman, sa fille de 14 ans Laila et 14 autres civils, dont 11 enfants. Ce meurtre a provoqué un tollé en Israël et dans le monde, et Israël a été accusé de commettre des crimes de guerre.

Cette critique a conduit l’armée israélienne à décider, en 2003, de larguer une bombe plus petite, d’un quart de tonne, sur une réunion de hauts responsables du Hamas – dont l’insaisissable chef des Brigades Al-Qassam, Mohammed Deif – qui se tenait dans un immeuble résidentiel de Gaza, malgré la crainte qu’elle ne soit pas assez puissante pour les tuer. Dans son livre To Know Hamas, le journaliste israélien chevronné Shlomi Eldar écrit que la décision d’utiliser une bombe relativement petite est due au précédent de Shehade et à la crainte qu’une bombe d’une tonne ne tue également les civils dans l’immeuble. L’attaque a échoué et les officiers supérieurs de l’aile militaire ont fui les lieux.

En décembre 2008, lors de la première grande guerre menée par Israël contre le Hamas après sa prise de pouvoir à Gaza, Yoav Gallant, qui dirigeait à l’époque le commandement sud des FDI, a déclaré que, pour la première fois, Israël « frappait les maisons familiales » de hauts responsables du Hamas dans le but de les détruire, mais pas de blesser leurs familles. Gallant a souligné que les maisons ont été attaquées après que les familles ont été averties par un « coup sur le toit », ainsi que par un appel téléphonique, lorsqu’il est apparu clairement que des activités militaires du Hamas se déroulaient à l’intérieur de la maison.

Après l’opération Bordure protectrice de 2014, au cours de laquelle Israël a commencé à frapper systématiquement les maisons familiales depuis les airs, des groupes de défense des droits de l’homme comme B’Tselem ont recueilli les témoignages de Palestiniens qui avaient survécu à ces attaques. Les survivants ont déclaré que les maisons s’étaient effondrées sur elles-mêmes, que des éclats de verre avaient coupé les corps de ceux qui se trouvaient à l’intérieur, que les débris « sentaient le sang » et que des personnes avaient été enterrées vivantes.

Cette politique meurtrière se poursuit aujourd’hui, en partie grâce à l’utilisation d’armes destructrices et de technologies sophistiquées comme Habsora, mais aussi grâce à un establishment politique et sécuritaire qui a relâché les rênes de l’appareil militaire israélien. Quinze ans après avoir insisté sur le fait que l’armée s’efforçait de minimiser les dommages causés aux civils, Gallant, aujourd’hui ministre de la défense, a clairement changé son fusil d’épaule. « Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence », a-t-il déclaré après le 7 octobre.

Yuval Abraham est un journaliste et un activiste basé à Jérusalem.

Source : +972 Magazine, Yuval Abraham, 30-11-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

manuel // 01.01.2024 à 13h04

Commencer par ne pas voler le territoire des palestiniens, ne pas se assassiner les modérés pour renforcer le Hamas, ne pas voter pour les extrémistes religieux, [modéré], respecter les votes de l’ONU, virer les colonies illégales, ne pas essayer de faire de Jérusalem la capitale, ne pas créer un état des Juifs mais un état de tous les habitants. Arrêter de faire croire qu’on est pour la solution à deux états quand on sait que ce n’est l’objectif de personne.

Il y a de quoi faire, mais c’est plus facile de dire il n’y a rien à faire d’autre que de créer des ghettos et d’en assassiner la population.

30 réactions et commentaires

  • Denis Monod-Broca // 01.01.2024 à 09h10

    La foule qui voulait lapider la femme adultère avait, elle aussi — comme le prétendent Israël et ses soutiens — la loi et la morale pour elle.
    Elle avait les deux témoins qu’il fallait pour que la condamnation soit régulière selon la loi d’alors et la condamnation valait lapidation.
    Mis au défi, Jésus en appela à la conscience de ceux qui voulaient la mort de la coupable. Écoutant leur conscience, ils se retirèrent alors, les plus vieux d’abord, imités par les autres.
    Israël, les USA, les pays européens, n’ont pas su, ne savent pas, écouter leur conscience, ils ne veulent pas l’entendre. Constitués en une foule meurtrière, ayant condamné le Hamas, vidéos complaisamment diffusées à l’appui, ils le lapident, consciencieusement, depuis presque trois mois déjà, jour après jour, avec des bombes en guise de pierres. Il le feront, ils l’assurent, lapidation oblige, jusqu’à ce que mort s’ensuive.
    Jésus était juif, lui, qui l’est encore ? Par sa voix s’est exprimé un savoir universel sur l’homme et sur le monde, qui l’entend encore ?

      +17

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  • JPTFOU // 01.01.2024 à 09h47

    Merci Monsieur Yuval Abraham pour cette description.

    Cette guerre est atroce et engendrera des vengeances ultérieures.
    Toute paix dans ce conflit risque d’être temporaire.

    L’intelligence artificielle ne peut-elle pas générer des propositions de règlement ?

      +11

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    • RV // 01.01.2024 à 18h04

      L’IA n’est qu’un outil, et comme tout outil il peut servir au meilleur comme au pire.
      Les propositions de règlement existent depuis des décennies, ce sont les nombreuses résolutions de l’ONU sur lesquelles Israël et son mentor les États-Unis d’Amérique du nord s’assoient dessus.
      Le veto de l’Empire à l’ONU suffit à ce que la planète entière soit impuissante à faire cesser ce génocide et à embastiller les responsables.

        +10

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  • Araok // 01.01.2024 à 10h13

    Nous sommes pratiquement tous opposés à la guerre et revulsés par ses atrocités. Ceci posé que ferions nous à la place des Israéliens ? Notre histoire, pas si lointaine, peut nous éclairer : les évènements d’Algérie, comme on disait alors, et son bon général Aussares, les villages rasés, la corvée de bois, ça vous dit qq chose?
    Les Israéliens veulent que les Palestiniens mesurent le risque qu’ils prennent en abritant des terroristes. C’est une stratégie terrible, inhumaine. En ont ils une autre?

      +3

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    • Denis Monod-Broca // 01.01.2024 à 10h27

      Judicieux rappel, nous n’avons pas fait mieux en Algérie.
      Il y a toujours autre chose à faire.
      Est-il possible, de l’extérieur, de dire à Israël quoi faire ? Peut-être pas.
      Mais nous devrions, nous la France, ne pas nous rendre complices de ce que nous désapprouvons. Indice troublant : Macron dans ses vœux hier n’a mentionné Gaza que pour s’attrister de la mort de 41 Français le 7 octobre…

        +8

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      • RV // 01.01.2024 à 18h10

        Nous ?
        Non, l’Etat français.
        Vous oubliez les porteurs de valises ?
        _____________________________
        pendant la guerre d’Algérie qui étaient les « porteurs de valises » ?
        réponse de Bing :
        Les “porteurs de valises” étaient des personnes qui transportaient des fonds et des faux-papiers pour les agents du FLN de métropole, une cinquième colonne indispensable à la résistance algérienne 12. Le réseau le plus important d’aide au FLN est celui qu’anime le philosophe Francis Jeanson. Les “porteurs de valises”, comme on appellera plus tard les personnes convoyant des fonds pour le FLN, ne sont encore que quelques centaines 1. En septembre 1960, cent vingt et un intellectuels signent un manifeste (dit “Manifeste des 121”) qui proclamait le droit à l’insoumission contre la guerre d’Algérie

          +7

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    • Lt Briggs // 01.01.2024 à 12h01

      « Les Israéliens veulent que les Palestiniens mesurent le risque qu’ils prennent en abritant des terroristes »

      Informez-vous. Israël veut que les terroristes restent à Gaza. La direction israélienne a déterminé il y a longtemps que pour réaliser son projet de Grand Israël, les nationalistes palestiniens étaient plus dangereux que les islamistes. Tout le reste en a découlé. En se retirant unilatéralement de Gaza en 2005 sans transférer le pouvoir au Fatah, les premiers ministres Sharon puis Olmert ont affaibli le Fatah, qui a été définitivement évincé du territoire par le Hamas en 2007.
      Les détails sont racontés par Charles Enderlin dans cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=trW9e2yPBtI

      Puis Netanyahou s’est personnellement impliqué pour garantir un financement régulier du Hamas par le Qatar.
      Voyez ici : https://fr.timesofisrael.com/liberman-netanyahu-a-supplie-le-qatar-de-payer-le-hamas/
      Oui ici : https://www.liberation.fr/checknews/netanyahou-a-t-il-dit-que-transferer-de-largent-au-hamas-etait-la-bonne-strategie-pour-contrecarrer-la-creation-dun-etat-palestinien-20231011_F5AKUAMMNVENDLJ6WBXLFPJETE/

      Le bâton de dynamite a sauté dans les mains des artificiers. Mais jusqu’ici, je n’entends aucune voix demandant un abandon de cette stratégie mortifère. Au contraire, certains dirigeants israéliens appellent même à traiter l’Autorité palestinienne comme le Hamas. Il faut dire que la complicité des occidentaux les y aide.

        +20

      Alerter
    • manuel // 01.01.2024 à 13h04

      Commencer par ne pas voler le territoire des palestiniens, ne pas se assassiner les modérés pour renforcer le Hamas, ne pas voter pour les extrémistes religieux, [modéré], respecter les votes de l’ONU, virer les colonies illégales, ne pas essayer de faire de Jérusalem la capitale, ne pas créer un état des Juifs mais un état de tous les habitants. Arrêter de faire croire qu’on est pour la solution à deux états quand on sait que ce n’est l’objectif de personne.

      Il y a de quoi faire, mais c’est plus facile de dire il n’y a rien à faire d’autre que de créer des ghettos et d’en assassiner la population.

        +36

      Alerter
    • Photomen // 01.01.2024 à 14h52

      Oui il y a une autre solution : l’humanisme mais ce gouvernement en est dépourvu.
      La sauvagerie de cette vengeance fait que l’animal
      se trouve être le gouvernement actuel d’israel et son armée «la plus morale» (sic) TSAHAL.
      Où est le droit international bafoué depuis 1948.
      Nous sommes tous complices par notre silence et complaisance depuis………..

        +14

      Alerter
      • Cévéyanh // 02.01.2024 à 19h08

        A Photomen,
        Vous : « fait que l’animal se trouve être le gouvernement actuel d’israel »
        Des personnes d’Israël utilisent ce terme « animal », péjorativement comme en (dans tous ?) Occident (et ailleurs ?). Pourtant, nous oublions que nous SOMMES des animaux appelé « Humain ». Les recherches scientifiques nous l’ont prouvées. Nous faisons partie du même groupe. Certes, un animal qui a une raison (la seule ?).

        Ce n’est-il pas un certain équilibre (différent de mi-lieu) entre la raison (côté robot) et l’émotion (côté animal) qui la caractérise pouvant ainsi se rapprocher de l’autre, même différent ; et que nous appelons « humanisme » ? La pure colère ou le pure amour sans la raison, c’est laisser entièrement l’ANIMAL en nous, prendre le dessus ; le pure calcul d’un plan ou la pure réflexion sans les émotions, c’est laisser entièrement le ROBOT en nous, prendre le dessus.

        C’est difficile de modifier cette conception négative du terme « animal » qualifiant l’Humain car elle semble ancrée en nous dans nos pensées, nos écrits (par génération, par culture, par religion, par expression etc). Pour autant, ce n’est qu’une ancre que nous pouvons (devons ?) essayer de remonter afin d’avoir la vision REELLE de ce que nous sommes aussi et ainsi léguer une perception différente de l’Humain, aux prochaines générations.

        « Pour saisir le monde aujourd’hui, nous usons d’un langage qui fut établi pour le monde d’hier. Et la vie du passé nous semble mieux répondre à notre nature, pour la seule raison qu’elle répond mieux à notre langage. » (Antoine de Saint-Exupéry/ Terre des hommes 1939)

          +1

        Alerter
    • Maïté // 02.01.2024 à 12h04

      Pour avoir vécu la guerre d’Algérie enfant, il me semble qu’après bien des massacres, il a fallu se résigner à la seule solution possible contre les « terroristes » algériens : la décolonisation. Dans le cas israélien, la création de l’état palestinien prévu de longue date.

        +3

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      • Araok // 02.01.2024 à 14h27

        La création d’un état palestinien à côté de l’israélien, prévu, sans doute, mais refusé par le Hamas comme par les durs au pouvoir en Israël.
        Je n’étais plus enfant en 62 ( 20 ans dans les Aurès). Ce fut une guerre abominable, avec des attentats de part et d’autre. Elle ne s’est pas terminée par une partition de l’Algérie mais par le fameux slogan « la valise ou le cercueil « . C’est, je crois, l’idée du Hamas comme celle d’Israël.

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    • Moussars // 05.01.2024 à 09h18

      La France avait totalement tord en Algérie.
      Israël a totalement tord en Palestine.
      Les amerloques ont tord partout, tout le temps
      CQFD.

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  • Letellier // 01.01.2024 à 10h22

    Netanyahu, soutenu par ses fascistes d’extrême droite et religieux fanatiques, et nombre de ses commandants militaires sont d’immondes individus. Combattre le Hamas et ses assassins est une chose, assassiner tout un peuple au nom d’une vengeance mais surtout au nom d’un objectif masqué ( récupérer Gaza et pousser, par la peur et les assassinats les Palestiniens de la Cisjordanie à partir), en est une autre. Tout ce qui se passe actuellement à Gaza est un double crime : de guerre et contre l’humanité. Alors face à tout cela ou sont nos bonnes âmes : la C.P.I, Biden, l’Europe ? Impunité continuelle d’Israël ? N’est-il pas temps de mettre un terme, depuis trop longtemps accepté, à cela ? Cette lâcheté perpétuelle risque de coûter cher ! Avez vous des réponses à cela ?

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  • nulnestpropheteensonpays // 01.01.2024 à 10h43

    Ils font exactement la meme chose que les nazis durant la guerre contre la résistance , enfin c’est la meme mécanique , un boche se fait tuer , les allemands tuent dix otages , et a la fin , ils exterminaient meme des villages entiers , et voulaient meme détruire paris .Les prisons israélienne sont pleine de prisonniers pas jugés , pleines d’enfants .Quand on met tout ça bout a bout , et ça ne concernne surement pas qu’israel , y’a pas de droit de la guerre , y’en a jamais eu .Y’a pas de droit humain en capitalisme , et meme en communisme .Nous n’évoluerons pas assez vite pour nous empécher de nous détruire .Bonne année !

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  • petitjean // 01.01.2024 à 11h07

    Pour que se réalise le Grand Israël, faut-il tuer tous les palestiniens ?

    Quel est l’issue politique de ce nième conflit ? Car il doit y avoir une solution politique……

      +1

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    • RV // 01.01.2024 à 18h16

      Il ne peut y avoir de solution politique « juste » quand la puissance coloniale israélienne ne reconnait pas le droit international, quand elle ne reconnait pas le peuple palestinien. La résistance armée est un droit des colonisés.

        +14

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      • Grd-mère Michelle // 02.01.2024 à 11h38

        Elles sont nombreuses, les « puissances » qui « s’asseyent » plus ou moins visiblement, + ou -lourdement, sur le droit international…!
        Question: comment instituer un débat international à propos des droits et des devoirs des Nations, qui pourrait peut-être revaloriser les diverses décisions et « recommandations » prises lors du constat de l’abominable terreur et des atroces destructions qu’a causées la seconde guerre mondiale?

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        • RV // 03.01.2024 à 12h58

          Oui, elles sont nombreuses, mais ici nous envisageons le cas de la Palestine et d’Israël. Par ailleurs le fait qu’elles soient nombreuses ne délégitime pas le fait de les dénoncer.
          Nous avons besoin du respect des règles internationales auxquelles souscrivent la quasi totalité des États.
          Le seul cadre légitime est l’ONU mais le droit de veto accordé à quelques États est pour le moins problématique et fausse la règle « un État une voix » et si négociation il doit y avoir ce serait plutôt autour de cette question et du type de majorité requise pour tel ou tel type de décision.

            +1

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    • calal // 02.01.2024 à 08h41

      il y aura une solution politique que lorsque les solutions militaires seront devenues trop couteuses aux belligerants…comme chaque partie beneficie de soutiens exterieurs et sert de « proxy » pour le conflit occident -sud global,ca va durer un moment…

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  • Lt Briggs // 01.01.2024 à 11h21

    « Les bombardements d’objectifs puissants (…) visent principalement à nuire à la société civile palestinienne pour créer un choc qui, entre autres, se répercutera puissamment et amènera les civils à faire pression sur le Hamas »
    « l’idée derrière ces frappes est qu’une attaque délibérée contre la société palestinienne exercera une pression civile sur le Hamas »

    Traiter de façon indifférenciée la population civile et les terroristes du Hamas en espérant les détacher l’un de l’autre ? C’est une plaisanterie. Au contraire, cela va plutôt les souder. Comme il est dit dans l’article, le principal objectif de cette boucherie est surtout intérieur : montrer à la population israélienne que ses dirigeants sont forts et vengeront impitoyablement le massacre du 7 octobre. Mais la destruction de Gaza ne résoudra strictement rien sur le long terme et aggravera les problèmes existants. En réduisant en cendres le peu qu’avaient les Palestiniens, les Israéliens leur on en fait enlevé tout ce qui les rattachait à la vie. Les recruteurs du Hamas pourront plus facilement trouver de nouveaux membres prêts à mourir parmi tous ces gens qui ont tout perdu, proches compris.

      +28

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  • DVA // 01.01.2024 à 13h04

    Le génocide actuellement en cours organisé par le 51ième état US dirigé par son gouverneur Netanyaou a pour but final de développer des projets comme le vol et l’exploitation du gaz méditerranéen, le creusement du Canal Ben Gourion en parallèle du projet arabe ‘Vision 2030’ et ‘Marafi’…pour le reste …BNParibas, Tripadvisor ou autres sociétés occidentales opèrent déjà dans les colonies !…

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  • Photomen // 02.01.2024 à 08h43

    Le gouvernement Netanyahou dites vous ? Nous avons les copies conformes chez nous sur des chaînes d’infos en continu Ils sont invités pour nous expliquer qu’il faut nous aussi entrer en économie de guerre, pour que dans 5 ou 6 ans nous serions en mesure de venger l’Ukraine et écraser la Russie ?????
    Pas un de ces experts n’a le mot PAIX à la bouche alors que plus de 30% de français sautent un repas
    par jour sans parler des familles sans abris.
    Qu’est devenu le vœux de de Gaule : de l’Atlantique à l’Oural cela aurait une autre gueule que d’être prostitué à l’empire us.

      +15

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  • paskall // 02.01.2024 à 09h26

    il etait temps que tsahal nous débarrassent des terroristes violeurs du hamas et des familles qui les soutiennent… dommage que les soutiens aux terroristes ici ne soient pas éliminés

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    • Grd-mère Michelle // 02.01.2024 à 10h56

      Heu… Vous dites: « nous » débarrassent…
      Au nom de qui parlez-vous?
      La terreur, provoquée ou subie, est l’accumulation de l’instinctive peur des « autres » , tous ces « autres » qui nous (les humains) priveraient du nécessaire vital (bête question, animale, de « territoire »).
      Elle est utilisée par les « puissants », grands ou petits chefs, pour maintenir et augmenter leurs privilèges, par les guerres et les manipulations mentales(de plus en plus sophistiquées) des innocentes populations concernées qui, dans le fond, ne demandent rien d’autre que de vivre une vie digne (digne d’être vécue, sans trop de souffrances).

      Pour conclure son message de Noël, le pape François a dit:
      « Pour dire NON à la guerre, il faut dire NON aux armes. »
      Le vieil homme, « chef » entre les chefs, qui a « l’oreille » de centaines de millions de catholiques(plus d’un milliard?) semble vouloir terminer son « mandat » en transmettant ce qui lui apparaît comme la principale cause des désastres qui accablent actuellement l’humanité: la main-mise de l’industrie de l’armement, et de « l’économie de guerre », sur toutes les politiques qui s’improvisent, malheureusement en s’opposant, pour tenter d’organiser le « vivre ensemble » sur terre.
      Hélas, si les « médias » du monde entier ont fidèlement reproduit son message, celui-ci a fort peu été débattu sur les diverses « ondes » de communication…

        +11

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    • Photomen // 02.01.2024 à 11h29

      Nous (moi en tout cas) avons condamné en son temps sur plusieurs sites le massacre des innocents du 7 octobre.
      Ceci ne nous exempte pas d’avoir la fibre humaine devant la boucherie vengeresse qui se déroule sans discernement à Gaza.
      Aucune vie ne mérite d’être ôtée seul le créateur a ce pouvoir

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      • Alain Rousseau // 02.01.2024 à 13h40

        Le problème, c’est qu’en temps de guerre, les pires tueurs sont souvent convaincus que Dieu est à leurs côtés : « Gott mit uns », qu’ils disaient, ou encore « God is on our side » (réécouter Dylan à ce sujet). Et voyez dans la Bible : quand Josué et son armée d’assassins génocidaient à tour de bras les autochtones de Canaan, c’est toujours Dieu qui guidait leur main.

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  • Grd-mère Michelle // 02.01.2024 à 12h30

    @Photomen Le pouvoir d’ôter la vie de n’importe quel être vivant est devenu particulièrement grand entre les mains de chaque être humain(si habiles à fabriquer/utiliser des armes, entre autres objets + ou – utiles à sa survie et sa reproduction).
    Mais aussi, le pouvoir de régler des conflits(et d’y penser!) grâce à la parole est une particularité qui offre à l’humanité la possibilité de ne pas s’entre-tuer.
    Si « le créateur »(« du ciel et de la terre ») n’existe que dans l’esprit de quiconque croit en un dieu unique(« Le Père Tout-Puissant »),
    la prise de conscience généralisée de l’inter-dépendance de tous les êtres vivant sur terre (observée de longue date mais désormais certifiée par la science) est un élément qui pourrait motiver tous les humains de toute sorte à passer leur temps à se parler et s’écouter attentivement, librement, volontairement (au lieu de se battre ou de jouer pour « gagner » en supériorité) pour tenter de réussir à préserver le plus longtemps possible leur biotope.
    La force de l’espèce humaine (faible petit mammifère) est venue de sa nécessité de se rassembler… et de se communiquer des connaissances utiles.

      +3

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  • JBB // 04.01.2024 à 22h36

    « Il faut les buter jusque dans les chiottes » c’était la devise de Poutine pour la Tchétchénie. Bachar el-Assad utilise la même méthode Syrie.
    Si j’en crois la page Wikipedia, en Tchétchénie cela a fini avec la mort d’entre 10 et 25% de la population.
    On en est pour l’instant encore très loin.

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  • 77agir // 07.01.2024 à 02h16

    Une exploitation de l IA qui va lui faire sa. pub auprès des marchands d’armes et de leurs inventeurs
    spectateurs impuissants que nous sommes nous n avons que des mots pour illustrer nos colères notre dégoût d un monde qui n a plus d avenir mais luttons avec nos armes boycottons les produits quels qu ils soient fabriqués ceux ou produits dans ces pays massacreurs et dans ceux de leurs alliés c est un des moyens de lutter contre l infamie et l hypocrisie et contre l impunité
    Il y a d autres de moyens j en propose un si non c est la morosité et la depression stop à la consommation aveugle

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