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11.août.201211.8.2012 // Les Crises

[Article] La SEC couvre-t-elle les délinquants de Wall Street ?

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L’autorité boursière américaine aurait systématiquement détruit des milliers de dossiers d’enquête, selon l’un de ses salariés. Une alerte qui lève le voile sur les liens étroitsentre les dirigeants de la SEC et les barons de la finance. Enquête du journaliste qui a révélé l’affaire.

15.09.2011 | Matt Taibbi | Rolling Stone, traduction Courrier International

Imaginez un monde où un homme qui a fait l’objet de plusieurs enquêtes pour une série de crimes graves se retrouve blanchi chaque fois que les flics ne parviennent pas à boucler le dossier d’accusation. Finies les reconstitutions de procès de la chaîne Lifetime, où le criminel est démasqué lorsqu’un enquêteur tombe par hasard sur une ancienne affaire en épluchant un vieux dossier : “Dites donc, chef, vous saviez que les deux femmes de ce type sont mortes d’une chute dans un escalier ?” Finies les affaires de cambriolages en série résolues grâce à un fin limier qui voit revenir un peu trop souvent le même nom dans les dépositions de témoins. Dans cet autre univers, bien plus favorable aux délinquants, même les présomptions de malversations disparaissent des archives.

Il semble aujourd’hui que ce soit précisément de cette façon que la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité boursière américaine, a traité les criminels de Wall Street qui ont fait exploser l’économie mondiale il y a quelques années. Selon un employé de la SEC qui a récemment alerté le Congrès, depuis vingt ans l’organisme détruit systématiquement les archives de ses enquêtes préliminaires dès qu’elles sont classées sans suite. En faisant ainsi disparaître les dossiers de certains des plus grands délinquants financiers du pays, la SEC a privé toute une génération d’inspecteurs fédéraux d’informations relatives à des enquêtes sur des délits d’initié, des fraudes et des manipulations de marché.

Conformément à un accord conclu avec l’agence nationale chargée de gérer les archives des organismes publics (National Archives and Records Administration, Nara), le gendarme de la Bourse est censé conserver pendant au moins vingt-cinq ans toutes ses archives,“y compris les rapports d’enquêtes préliminaires”. Or, usant de pratiques susceptibles de changer le cours de l’Histoire qui, pour une fois, méritent réellement le qualificatif éculé d’orwelliennes, la SEC a instauré un système très complexe et peut-être illégal imposant aux employés de détruire les documents de toute enquête préliminaire que la hiérarchie n’avait pas jugé bon de poursuivre sous la forme d’une véritable enquête formelle. Plus surprenant encore, la destruction pure et simple de ces dossiers d’investigations en cours, les Matters under Inquiry, ou MUI, n’avait rien de secret. Le service chargé de l’application des règles de la SEC (Division of Enforcement) a même décrit la procédure sur l’intranet de la Commission : “Lorsque vous classez un MUI qui n’a pas débouché sur une enquête, vous devez détruire tous les documents obtenus dans le cadre du MUI.” Nombre des dossiers détruits concernaient des entreprises et des individus qui allaient jouer par la suite un rôle clé dans la débâcle économique de 2008. Deux MUI impliquant l’escroc Bernie Madoff se sont ainsi volatilisés, au même titre qu’un rapport de 2002 sur une fraude financière chez Lehman Brothers et une affaire de délit d’initié datant de 2005 dans cette même banque qui allait bientôt faire faillite. Une autre enquête préliminaire de 2009 portant sur un délit d’initié chez Goldman Sachs est également passée au panier, avec au moins trois autres dossiers concernant le fonds spéculatif SAC Capital, de triste mémoire.

[…]

 

http://www.courrierinternational.com/article/2011/09/15/la-sec-couvre-t-elle-les-delinquants-de-wall-street

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22 réactions et commentaires

  • Incognitototo // 11.08.2012 à 02h38

    La réponse à la question initiale est… oui !!!

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  • TOUILEB // 11.08.2012 à 05h05

    Vendriez-vous votre âme au Diable pour réussir dans la vie ? C’est le sous-titre du film « L’Associé du Diable » 1997 avec Keanu Reeves & Al Pacino ! Ce film nous révèle l’origine et la nature des forces maléfiques dominantes en jeu , celles qui permettent de gangrener et à terme nous conduit au chaos ! L’immoralité est au coeur du Pouvoir. derrière une façade hypocrite de bienséance ! Silence, on tue ! ….

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  • Patrick Luder // 11.08.2012 à 06h05

      
    C’est un peu comme si l’on reprochait à un poseur de bombes, la provenance douteuse de ses explosifs et le traficotage de sa mise à feu. Les bourses elles-mêmes dans leurs fonctionnements actuels, sont déviantes et pleine d’irresponsabilités. Les petits et gros traficotages n’ont finalement que peu d’importance dans la gabegie ambiante, mais les dénoncer publiquement pourrait peut-être ouvrir la porte à une réflexion de fond… Enfin, faudrait-il encore pour cela, hormis le côté sensationnel d’un scoop médiatique, que Monsieur et Madame ToutLeMonde s’intéressent quelque peu à ce grand casino, qui restera toujours un cercle opaque et fermé, ou finalement seuls des produits précuisinés sans structure sans goût et tiédasse, sont servis au publique de masse.
      

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  • Tikehau // 11.08.2012 à 06h15

    Un monde soumis et manipulé par le crime, un beau constat.
    En 1998 j’ai vécu sous de tropicales latitudes. Dans ce micro système politique et économique j’avais été effaré par la déliquescence morale des représentants de ces institutions. Un autochtone, d’autres diraient par ignorance un sous développé, me l’avait pourtant péremptoirement affirmé : il en est de même sous toutes les latitude. Force est de constater la justesse de ses propos.

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  • Jean-Baptiste B // 11.08.2012 à 06h49

    Courrier International se cache derrière son petit doigt et entretient un secret de polichinelle. Voici un petit extrait pour rendre les choses un poil plus explicite :
     

    Une fois, j’ai mentionné à un analyste de Wall Street qu’une compagnie trafiquait ses comptes. L’analyste répondit que ça le rendait encore plus confiant en ses recommandations à la hausse parce qu’une telle compagnie ne décevrait jamais Wall Street.
    Pendant des années, j’ai observé et éprouvé la SEC protégeant d’importants auteurs d’abus aux dépens des investisseurs que la SEC est censée protéger. La SEC a été très dure, et le plus souvent de manière appropriée, contre des escrocs à la petite semaine, des promoteurs, des délits d’initiés, et, c’est vrai, des fonds spéculatifs (hege funds). Mais quand on arrive aux grandes entreprises et à l’institution de Wall Street, la SEC chausse ses petits souliers, impose d’absurdes et non-dissuasives amendes, et met l’accent sur des détails relativement mineurs comme la tenue des archives plutôt que le cœur de ce qui importe — comme des investisseurs qui sont arnaqués.

     
    EINHORN David in MARKOPOLOS Harry, No One Would Listen, John Willey & Sons Ltd, New York, 2010, xiv+ 376 p., p. ix-x
     
    Allez. Bon week-end à tous.

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  • nightwings // 11.08.2012 à 07h05

    Que voulez vous qu’on rajoute à ça ? si ce n’est que nous avons la preuve que notre société occidentale prouve là que nous sommes bien loin de pouvoir donner des leçons de morale, ce que certains pays font dans l’oppression nous le faisons dans l’ignorance et le déni, ces dernières méthodes sont aussi ignobles que la première.
     
     

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  • Craig Willy // 11.08.2012 à 07h40

    Merci pour ce billet. Matt Taibbi est une légende de reporting financier.

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    • enuncombatdouteux // 11.08.2012 à 18h41

       » La grande machine à bulles américaine  » de Matt Taibbi
       
      Et voici le coup de grâce. Après avoir joué un rôle central dans quatre bulles catastrophiques, après avoir contribué à faire disparaître du NASDAQ 5.000 milliards de dollars de richesse, après avoir refilé des milliers de prêts immobiliers toxiques à des retraités et des municipalités, après avoir contribué à pousser le prix de l’essence jusqu’à 4 $ le gallon et provoqué la faim de 100 millions de personnes dans le monde, après avoir mis la main sur des dizaines de milliards de dollars des contribuables à travers une série de renflouages gérés par son ancien PDG, combien Goldman Sachs rendit au peuple des États-Unis en 2008 ?

      Quatorze millions de dollars. ( … )

      http://enuncombatdouteux.blogspot.fr/2009/08/la-grande-machine-bulles-americaine-de.html

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      • Fabrice // 12.08.2012 à 06h15

        oui d’ailleurs Olivier en avait déjà fait un article intéressant mais désespérant en droite ligne avec l’attitude actuelle de la SEC
         
        http://www.les-crises.fr/7700-milliards/
         
        la seule question que je me pose c’est combien de temps cela va durer, c’est incroyable ! A croire que rien ne peut bouger peut importe les dégâts que provoquent ces inconscients.
         

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  • Crapaud Rouge // 11.08.2012 à 09h13

    Corrompue jusqu’à l’os, cette SEC(te) !

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    • Bouddha vert // 11.08.2012 à 20h00

      Ce n’est pas une secte, et cette réalité est historiquement présente à toute forme d’état:
      Les règles sont établies par/pour les gens de biens, et quand elles sont ennuyeuses, on les contourne ou on les change.
      Fort de cela, ou le peuple prend le pouvoir… ou, pour commencer, le peuple écrit la constitution, de nouvelles bases pour une Renaissance.

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  • Achille Tendon // 11.08.2012 à 09h26

    ET ce que Matt n’a pas signalé dans son article, c’est la tour W 7 à Manhattan, le 9 septembre 2001, qui s’est effondrée « toute seule » : et devinez qui elle abritait ???
    Le siège de la SEC et c’est ce qui a considérablement gêné les enquêteurs dans l’affaire Madoff, subséquemment !!!

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    • marie // 12.08.2012 à 03h17

      hum le 11/09/2001 n est ce pas ? elle ne s’est pas effondrée toute seule dit on, on l’a aidée un tout petit peu ;-D ! et il n’y avait pas que ce service dans cette tour bizarrement 😉

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  • DAN // 12.08.2012 à 11h05

    Le degré de pourrissement du secteur financier US est un secret de polichinelle , par contre ce pourrissement a atteint également l’Europe. Ce qui lamentable devant ce cancer : c’est la passivité des journalistes , de la classe politique , des magistrats , de la société intellectuelle , des représentants des communautés religieuses etc …..mais une chose est sûr ceci va amener un bouleversement de civilisation à l’échelon mondial.

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  • zizoubadalamanabidadalamamapapa // 12.08.2012 à 11h58

    et maintenant on fait quoi assis tranquilous derrière des ordis ?
    LOL !
     

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  • Rendez-vous en enfer // 12.08.2012 à 16h56

    Merci pour la transmission de cet article. Avoir des informations aussi pointues est relativement rare 
    (mais il suffit parfois de « fouiller »).

    Dan, ci-dessus, nous dit : « Ce pourrissement a atteint également l’Europe ». Certes. 
    Alors, puis-je encore anticiper ?

    Carl Levin (démocrate) dépose une plainte à propos de Goldman Sachs, après enquête sénatoriale.

    Pour le « Department of Justice » (démocrate, a priori) : « Pas de base solide pour entamer des poursuites pénales à l’égard de GS » !!! Et GS qui « se félicite ». !!!
    Un jour, une « commission parlementaire » (socialiste),
et un ministère de la justice (rad-soc) qui dira : « Pas de base solide pour entamer des poursuites pénales à l’égard de (choisissez) » !!! Et celui que vous aurez choisi de « se féliciter » !!!
    Politique-fiction ? (Genre qui me fascine… parce que ça arrive…). So ?

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    • bernard henry botul // 12.08.2012 à 22h21

      il faut envahir la syrie !!

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  • marie // 12.08.2012 à 18h08
  • Philippe // 13.08.2012 à 10h18

    Qu’est-ce qu’un milliardaire « reptilien » dans la phrase « le fonds spéculatif géré par le milliardaire reptilien Stevie Cohen » ? 

    Merci 

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  • Raphaël // 14.08.2012 à 08h13

    Et ça n’a pas l’air de s’arranger…
    Pourquoi se gêner de faire ce qu’on veut quand on ne risque absolument rien?
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/08/13/aux-etats-unis-peu-de-reactions-apres-l-abandon-d-une-enquete-contre-goldman-sachs_1745766_3234.html
     »
    Le département américain de la justice a décidé vendredi 10 août de ne pas poursuivre Goldman Sachs à la suite de l’enquête lancée sur les transactions des prêts hypothécaires subprime. La veille, Goldman Sachs avait indiqué dans un document boursier que la SEC,  le régulateur des marchés boursiers outre-Atlantique, avait abandonné une autre enquête liée à des produits financiers adossés à des titres immobiliers. Etrangement, ces informations ont peu fait polémique aux Etats-Unis.
    Seul Carl Levin, le sénateur du Michigan qui avait demandé l’année dernière que le ministère de la justice se penche sur la question à la suite d’une enquête du Sénat, et qui préside la commission sénatoriale en charge de l’enquête, a réagi vendredi : « Que la décision du ministère de la justice soit le résultat de lois – ou d’autorités – faibles, les actions de Goldman Sachs étaient trompeuses et immorales (…) Ces actions ont contribué à la crise financière qui nous a presque plongés dans une deuxième Grande Dépression. »
    Paradoxalement, le New York Times note que si la conclusion de l’affaire a fait peu de bruit, elle n’a été rendue publique que parce que le dossier avait « reçu une attention médiatique particulière » – l’un des critères qui permettent au ministère de la justice de rompre le silence et de s’exprimer sur une affaire en cours. Le ministère avait affirmé dans un communiqué vendredi qu’« il n’y a pas de base solide pour entamer des poursuites pénales à l’encontre de Goldman Sachs ou de ses employés ».
    QUI EST RESPONSABLE DE LA CRISE FINANCIÈRE ?

    Cette décision du département de la justice est, selon le journal,  « l’indication la plus récente que les enquêtes fédérales sur la crise financière s’essouflent, alors que les dates butoir pour clore les affaires approchent ». En effet, pour beaucoup de titres adossés à des créances hypothécaires (« mortgage-backed security » en anglais), 2012 marque la date limite pour se retourner contre leurs émetteurs.

    Neil Barofsky, professeur de droit à la New York University s’inquiète de cette décision du ministère dans Business Insider : « Cela nous rappelle qu’aucun individu, ni aucune institution n’a jusqu’à maintenant été tenu responsable pour son rôle dans la crise financière.  Sans cette prise de responsabilité, les scandales sans fin touchant les mégabanques continueront inévitablement. »
    Le Financial Times revient lui aussi sur la question de la responsabilité : « Cette décision va faire rejaillir le débat sur les responsabilités individuelles quant à la vente de titres adossés à des créances hypothécaires avant la crise. » « Ce problème pourrait revenir avant l’élection présidentielle de novembre. En janvier, le président Barack Obama a en effet annoncé la création d’un groupe de travail pour enquêter sur les abus en termes de titres immobiliers, mais il est toujours attendu. »

    Laure Beaulieu
    « 

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  • FrédéricLN // 14.08.2012 à 21h59

    Merci pour cet article. Je me demandais comment ça se faisait que la SEC n’ait quasiment rien vu des dérives des dix dernières années, finalement la réponse était très simple.

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