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5.janvier.20235.1.2023 // Les Crises

Budget militaire US : $400 milliards pour les entreprises privées et des miettes pour le peuple

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Le Congrès a voté un budget militaire de 850 milliards de dollars, dont plus de 400 milliards iront aux entreprises privées. Il s’agit d’une redistribution massive des richesses en faveur des entreprises à but lucratif, au moment même où des millions de travailleurs ont du mal à payer leurs factures.

Source : Jacobin Mag, Stephen Semler
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Lloyd Austin, secrétaire américain à la Défense, à gauche, et Mark Milley, président des chefs d’état-major interarmées, lors d’une audition de la sous-commission des crédits du Sénat, le 3 mai 2022, sur la demande de financement du président Biden pour l’exercice 2023 du ministère de la Défense. (Amanda Andrade-Rhoades / The Washington Post / Bloomberg via Getty Images)

Plus tôt cette année, Joe Biden a décrit son budget militaire pour l’année fiscale 2023 comme étant « l’un des plus grands investissements de l’histoire dans notre sécurité nationale ». Mais ce qu’il apportera en réalité, c’est une redistribution historique des richesses au profit de la classe des affaires : plus de la moitié du budget militaire annuel américain va à des entreprises à but lucratif. Ainsi, le vote de la Loi d’autorisation de la défense nationale pour l’exercice 2023 – qui prévoit 858 milliards de dollars de dépenses militaires – traduit la décision de consacrer plus de 400 milliards de dollars à des entrepreneurs privés.

Le contraste avec les travailleurs ordinaires ne pourrait être plus frappant. Alors que les entreprises d’armement augmentent sans cesse les dépenses du Pentagone – faisant honte aux budgets militaires de l’époque de la Guerre froide – des millions de personnes aux États-Unis sont aux prises avec une crise du coût de la vie exacerbée par l’inflation. Près de deux tiers des Américains vivent au jour le jour. Une étude récente de la Federal Reserve Bank of Dallas a révélé que les salaires réels de la majorité des travailleurs n’ont pas suivi l’inflation au cours de l’année écoulée.

Et comment l’administration Biden a-t-elle réagi ? En abandonnant l’aide liée à la pandémie dans le but de freiner la hausse des prix. L’arrêt de l’aide liée à la pandémie n’a fait qu’aggraver la précarité économique de millions de personnes. Selon une enquête réalisée en octobre par le Census Bureau, 41 % des ménages américains déclarent qu’il est très ou assez difficile de payer les dépenses courantes de leurs foyers. Ce chiffre était de 26,2 % en avril 2021, juste après la troisième série de versements visant à la relance.

Il n’est pas surprenant que la plupart des Américains soient désormais favorables à l’adoption d’un quatrième plan de relance. Les chèques ont réduit les difficultés économiques et amélioré le bien-être des gens, y compris leur santé mentale. Contrairement aux dépenses militaires, ces paiements ont réellement répondu aux besoins de sécurité les plus urgents et les plus pertinents des gens ordinaires.

Rien n’empêche Biden ou ses alliés du Congrès de rétablir les chèques de relance (ou, d’ailleurs, n’importe quel programme social qui a été supprimé de son plan Build Back Better, comme le crédit d’impôt pour les enfants ou les congés payés familiaux et médicaux). Par exemple, voici une modeste proposition visant à convertir une partie des dépenses militaires de l’année fiscale 2023 en chèques de relance de 600 dollars : tout d’abord, par le biais d’un amendement, réduire de 141 milliards de dollars – le montant dépensé pour les chèques de relance de 600 $, selon les données de l’IRS – le montant autorisé pour le Pentagone pour l’année fiscale 2023. (Les réductions ne s’appliqueraient pas aux comptes du personnel militaire et du programme de santé de la Défense). Ensuite, envoyez les 141 milliards de dollars au Trésor pour répéter la deuxième série de paiements de relance. C’est aussi simple que cela.

Le problème est que Biden s’est aigri sur les dépenses de sécurité humaine. Alors que sa première demande de budget comportait un programme national de grande envergure (en plus d’un budget militaire massif), les dépenses sociales ambitieuses sont désormais remplacées par un accent mis sur la réduction du déficit et un budget du Pentagone encore plus important. Tout récemment, la Maison Blanche a jeté de l’eau froide sur la perspective d’un quatrième paiement de relance, en invoquant son coût.

La pandémie de Covid-19 était censée faire comprendre que la sécurité ne s’achète pas via un budget gargantuesque du Pentagone, mais au moyen de dépenses sociales qui améliorent la sécurité et le bien-être. Les budgets futurs, semblait-il, pourraient enfin donner la priorité au financement de programmes favorables aux travailleurs plutôt qu’aux armes.

La ligne politique que Biden et les principaux Démocrates mettent en avant – austérité concernant les programmes sociaux, chèque en blanc pour l’armée – fait exactement le contraire.

Contributeur

Stephen Semler est cofondateur du Security Policy Reform Institute, un groupe de réflexion sur la politique étrangère américaine financé par la base.

Source : Jacobin Mag, Stephen Semler, 03-12-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Fabrice // 05.01.2023 à 07h05

Dwight D. Eisenhower avait tout dit et malheureusement nous sommes devenus les jouets en particulier de ce qu’il dénonçait, le fameux complexe industrio-militaire qui par dogmatisme, la corruption, les influences diverses et variées a pris possession du pouvoir et neutralisé tout contrepouvoir que ce soit médiatique, juridique, politique, …:

« Dans les assemblées du gouvernement, nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée, qu’elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque d’une désastreuse ascension d’un pouvoir illégitime existe et persistera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques. Nous ne devrions jamais rien prendre pour argent comptant. Seule une communauté de citoyens prompts à la réaction et bien informés pourra imposer un véritable entrelacement de l’énorme machinerie industrielle et militaire de la défense avec nos méthodes et nos buts pacifiques, de telle sorte que sécurité et liberté puissent prospérer ensemble. »

7 réactions et commentaires

  • Fabrice // 05.01.2023 à 07h05

    Dwight D. Eisenhower avait tout dit et malheureusement nous sommes devenus les jouets en particulier de ce qu’il dénonçait, le fameux complexe industrio-militaire qui par dogmatisme, la corruption, les influences diverses et variées a pris possession du pouvoir et neutralisé tout contrepouvoir que ce soit médiatique, juridique, politique, …:

    « Dans les assemblées du gouvernement, nous devons donc nous garder de toute influence injustifiée, qu’elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque d’une désastreuse ascension d’un pouvoir illégitime existe et persistera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques. Nous ne devrions jamais rien prendre pour argent comptant. Seule une communauté de citoyens prompts à la réaction et bien informés pourra imposer un véritable entrelacement de l’énorme machinerie industrielle et militaire de la défense avec nos méthodes et nos buts pacifiques, de telle sorte que sécurité et liberté puissent prospérer ensemble. »

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  • Savonarole // 05.01.2023 à 10h00

    Le gros problème aux US c’est pas tant que les budgets soient ventilés à la nawak mais bien que le travail ne paye pas ceux qui le font. Quelque chose me dit que c’est pas les tourneurs d’obus et les soudeurs de coques de portes-avions qui vont profiter du pognon au final.
    Un chiffre pour l’illustrer : 40% des revenus de Coca-Cola aux USA proviennent des food-stamps …

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    • Louis // 05.01.2023 à 10h09

      Il y a quelques temps j’avais découvert que 40% des américains ne se partageaient que 1% de leur richesse nationale idem pour l’Allemagne où 40% des habitants étaient marginalisés économiquement et s’en sortaient en cumulant les petits boulots quant à la France… Pauvre monde..

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  • Auguste Vannier // 05.01.2023 à 10h25

    « Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques. »
    Or c’est ce qui est pourtant advenu avec le développement de la véritable « Industrie du lobbying » . Par exemples Bruxelles rassemble au bas mot 15000 entreprises de lobbying.
    Plus grave, les modalités d’influence ce sont complexifiées avec la concentration monopolistique des outils numériques et des media combinée à une puissance financière d’entreprises transnationales parfois plus riches que les Etats.
    On voit ce que cela donne sur les budgets militaires, sur les politiques environnementales. Et on vient ,avec le Covid,d’en expérimenter les effets délétères sur nos systèmes de santé avec l’alliance des complexe industriels mediatico-numérique et bio-medicamenteux pour influencer (et corrompre parfois) les décideurs et les acteurs de santé publique.

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  • Danton // 05.01.2023 à 14h16

    Et si encore c’était efficace pour l’appareil militaire et la défense des USA.
    Mais pas du tout. Des centaines de bases à l’étranger, des projets delirants, faramineux, jamais operationnels: Patriot, F35, Zumwalt, Gerald Ford, javelins et on en passe et on en passe, des milliers de millards de dollars gaspillé dans des « wunderwaffen » dont l’efficacité sur le terrain se montre nul dés qu’on ne s’attaque plus à un pays du tiers monde ou des mouvements insurectionnels.
    Peut-on imaginer qu’une société comme Boston Dynamic n’a jamais crée un seul produit opérationnel ? Que les patriots se sont révélés incapables de jamais protéger quoique ce soit? Que la fregate Zumwalt, 8e merveille n’est même plus furtive? Que le F35 a couté 700 milliards de dollars à lui tout seul et n’est même pas opérationnel au point ou la navy upgrade ses f18, l’airforce ses F16 et les marines ses A10?
    Entre le pantouflage des officiers genéraux, le financement des politiciens et de toutes les satrapies à travers le monde, le budget de la défense US est le plus vaste système de corruption officialisé de l’histoire de l’humanité. Pire que l’affermage sous l’ancien régime en France ou les adjudications de terres conquises et d’esclaves dans la Rome pré-impériale.
    Et tout ça avec de la monnaie de singe…

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    • Hiro Masamune // 05.01.2023 à 21h44

      Il y a un produit méconu des recherches de la DARPA ; le rumba… avec tout ce que ça implique.
      Moi je nettoie encore ma garenne à la main hein …

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    • Clitoriche // 05.01.2023 à 23h57

      Sans parler du F-15, avion conçu dans les années 70, et toujours ultra performant aujourd’hui, quasiment sans égal même, et qui s’offre encore 50 ans de prolongation de vie avec une toute nouvelle version, la EX. Même cellule mais avec électronique et armement dernier cri, à croire que nos anciens faisaient mieux avec moins…

      Pour abonder, le film Pentagon Wars, datant des 90s, montre bien la situation actuelle : on veut juste un VTT (véhicule de transport de troupe) moderne pour remplacer nos vénérables M113 ; mais les politiques, les généraux d’opérette corrompus s’en s’en mêlent, appâter par le gain. On se retrouve alors avec un VCI (véhicule de combat d’infanterie), sorte de blindé à tout faire obèse et couteux.

      Je fais partie de ceux qui pensent qu’il vaut mieux disposer d’un grand nombre d’avions performants, faciles à piloter et à produire, de façon à compenser les pertes au combat ; typiquement façon Sherman M4 de la WW2. En ce sens je vous rejoins quand vous parlez de « Wunderwaffen », il est préférable d’aligner des milliers de F-5, voire de F-16 plutôt que 350 F-22 dont un tiers seulement est opérationnel (!). Sans compter la formation des pilotes, bien plus complexe sur F-22 ou F35 que sur un simple F-5. Enfin, quand on sait qu’un F-35 doit passer 3 jours au sol pour 1 heure de vol ; et que le remplacement de sa verrière coûte dans les 30 000 $.

      Oui, l’armée américaine fait fausse route. Ce n’est pas celui qui a les plus gros tanks qui gagne la guerre, cf panzers contre matériels alliés.

        +5

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