Les Crises Les Crises
7.septembre.20227.9.2022 // Les Crises

Comment les Démocrates ont trahi le New Deal pour le néolibéralisme

Merci 144
J'envoie

En 1992, Bill Clinton s’est présenté à la présidence en promettant de « mettre fin à l’aide sociale telle que nous la connaissons ». Ce virage à droite faisait partie d’une tentative plus large des démocrates de créer un « néolibéralisme progressiste » – dont le « progressisme » incluait l’abandon de sa base ouvrière.

Source : Jacobin Mag, Justin H. Vassallo
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le président Bill Clinton s’exprime lors d’une conférence de presse dans la roseraie de la Maison Blanche à Washington, le 13 mai 1994. (Ron Sachs / CNP / Getty Images)

Analyse de Left Behind : The Democrats’ Failed Attempt to Solve Inequality by Lily Geismer (Public Affairs, 2022) (La tentative ratée des démocrates de résoudre les inégalités par Lily Geismer)

Les Démocrates sont au milieu d’une crise existentielle plus profonde que toute autre depuis la révolution Reagan. L’une des explications est que le parti n’a pas réussi à renforcer le pouvoir de la classe ouvrière comme il l’avait fait à l’époque du New Deal. Depuis les années 1990 surtout, la redistribution égalitaire et le développement à grande échelle ont cédé la place aux préférences politiques de la classe des donateurs. Pour certains, le problème est que les démocrates ont perdu leur cap après des décennies de défense contre une droite républicaine de plus en plus radicale. Malgré les promesses d’un nouveau paradigme économique, une série de revers souligne que l’administration de Joe Biden n’a pas la détermination nécessaire pour faire face à ce défi.

Bien qu’exact, ce récit sous-estime néanmoins à quel point le virage néolibéral du parti de Franklin D. Roosevelt a émergé organiquement des réseaux politiques professionnels d’après-guerre des démocrates. Plutôt qu’un accommodement avec la droite, le tournant néolibéral des démocrates était une tentative de créer un nouveau contrat social légitimé par des principes méritocratiques et pro-marché, affirme l’historienne Lily Geismer dans Left Behind : The Democrats’ Failed Attempt to Solve Inequality. [Laissé pour compte : la tentative ratée des démocrates pour résoudre les inégalités].

Geismer, professeur d’histoire des États-Unis au XXe siècle au Claremont McKenna College, est également l’auteure de Don’t Blame Us : Suburban Liberals and the Transformation of the Democratic Party. Dans sa première monographie, elle a cherché à expliquer le changement idéologique au sein du parti démocrate, en utilisant une étude de cas du Massachusetts pour montrer comment les minorités urbaines et les syndicats industriels ont été progressivement marginalisés au profit des professionnels des banlieues. Son dernier ouvrage avance la thèse dérangeante selon laquelle le néolibéralisme démocrate « était fondé sur une croyance authentique dans le pouvoir du marché et du secteur privé pour réaliser les idées libérales traditionnelles de création d’égalité, de choix individuel et d’aide aux personnes dans le besoin. »

La création d’un néolibéralisme de gauche

Geismer introduit Left Behind en retraçant les racines de la troisième voie dans les années 1970, décrivant comment des idées libérales spécifiques sur la croissance se sont détachées de la politique de redistribution qui sous-tendait la coalition du New Deal. À partir des « bébés du Watergate », une nouvelle génération de leaders démocrates qui prônaient la méritocratie, la concurrence et l’innovation était déterminée à reconquérir et à remodeler le centre politique. Bien que dominée par des Sudistes tels que Bill Clinton, Al Gore, Gillis Long et Charles Robb, Geismer souligne que cette vague émergente s’étendait à toutes les régions du pays et comprenait des voix ostensiblement plus libérales du Nord-Est telles que Michael Dukakis et Paul Tsongas.

La campagne de Clinton en 1992, marquée très tôt par son vœu de « mettre fin à l’aide sociale telle que nous la connaissons », n’était pas une déviation abrupte de la politique démocrate, affirme Geismer. Il s’agissait plutôt de l’aboutissement d’une stratégie visant à centrer « l’économie entrepreneuriale et postindustrielle et à utiliser les ressources et les techniques du marché pour rendre le gouvernement plus efficace. »

Outre l’accent mis sur la croissance au détriment de la justice sociale, les néo-démocrates ont mis de côté les principaux groupes d’électeurs – syndicats, électeurs noirs et, de plus en plus, féministes et écologistes – que le parti national avait cultivés depuis le milieu des années 1930. En se ralliant aux prescriptions du Democratic Leadership Council (DLC, un groupe de réflexion néolibéral fondé en 1985 dans le but de reconquérir les électeurs blancs des banlieues qui avaient rejoint le GOP [Great Old Party : Républicain, NdT]), les néo-démocrates ont fait écho aux attaques de la droite contre l’aide sociale. Ils ont également « reculé devant la politique de négociation » de Tip O’Neill, le leader démocrate du Congrès qui incarnait les vestiges du libéralisme du New Deal. Résignés au sort des industries et des syndicats traditionnels, voire hostiles à ces derniers, les néo-démocrates percevaient la mondialisation comme étant non seulement inévitable mais aussi souhaitable. La clé de la prospérité passait par davantage d’éducation STEM [Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathémétiques, NdT], moins de dépenses sociales et moins d’obstacles à l’esprit d’entreprise.

La fixation sur l’esprit d’entreprise, révèle Geismer, a des origines mondiales. À travers une discussion fascinante sur les pionniers de la microfinance et de la microentreprise, de la ShoreBank de Chicago à la Grameen Bank de Muhammad Yunus au Bangladesh, Geismer montre comment « l’investissement socialement responsable » a attiré l’attention de Clinton lorsqu’il était gouverneur de l’Arkansas. Au début de l’après-guerre, l’Arkansas avait poursuivi une stratégie de développement consistant à « chasser les fumées [d’usines, NdT] », mais lorsque Clinton est entré en fonction, l’apogée des villes-entreprises était terminée.

L’adhésion de Clinton aux agences publiques-privées comme mécanisme de stimulation de la croissance a été renforcée par ses liens avec ces pionniers de la banque de développement à but lucratif et la Fondation Winthrop Rockefeller, du nom du premier gouverneur républicain de l’Arkansas depuis la Reconstruction. La maxime de Yunus selon laquelle le crédit « est le droit le plus fondamental puisqu’il conduit à tous les autres droits » s’inscrit directement dans l’équation néo-démocrate entre autonomisation et responsabilité personnelle. Cette conviction utopique a influencé la justification par Clinton de l’aide au travail et des programmes visant à inciter les pauvres à devenir des entrepreneurs économes.

L’importance de cette histoire, comme le montre Geismer, est qu’elle illustre la matrice de philanthropies, de banques de développement à but lucratif et de fonctionnaires favorables aux entreprises qui façonneront la gouvernance de la troisième voie dans les années 1990. Pour distinguer leur philosophie de la théorie de croissance « du ruissellement » de Reagan, les néo-démocrates ont insisté à plusieurs reprises sur la manière dont le gouvernement devait catalyser les « opportunités » et appliquer, comme l’a écrit un stratège, son « immense pouvoir pour structurer le marché de sorte que des millions d’entreprises et d’individus soient incités » à combiner croissance et inclusion.

Comme pour la réforme de l’aide sociale et les programmes de rénovation urbaine qui ont rendu malade le logement public, le raisonnement de l’administration était d’inculquer aux communautés pauvres les valeurs de la responsabilité personnelle.

Du point de vue des néo-démocrates, l’inclusion et l’expansion du marché étaient mutuellement constitutives : garantir les deux était une extension logique de l’objectif des libéraux du milieu du siècle visant à supprimer la discrimination dans les pratiques commerciales et de prêt. Comme l’a dit Clinton lors de la promotion de la stratégie nationale d’accès à la propriété, l’objectif de son administration était de « cibler de nouveaux marchés [et] des populations mal desservies, et de faire tomber les barrières de la discrimination partout où elles se trouvent. » En démontrant que le parti démocrate pouvait s’attaquer à la « dépendance » et à la marginalisation économique d’une manière compatible avec les marchés libres, il apaiserait les craintes des modérés blancs selon lesquelles le parti avait accédé à trop de demandes des minorités et d’autres groupes libéraux.

Les programmes de développement qui ont captivé l’imagination de Clinton avaient donc une logique disciplinaire : une dépendance excessive à l’égard d’entités à but lucratif créerait inévitablement de nouveaux gagnants et perdants au sein d’un filet de sécurité qui se rétrécit. Pourtant, les néo-démocrates étaient prêts à accepter ce nouveau contrat social. Les promesses d’étendre la propriété et de libérer le pouvoir d’achat urbain étaient en contradiction avec le fait que, de par sa conception, la gouvernance de la troisième voie ne pouvait que renforcer la tendance au développement inégal et au désinvestissement qui affectait le pays depuis la fin des années 1970.

Élargir les possibilités

À partir de la documentation de Geismer sur les programmes et les réformes de développement axés sur le marché de l’administration Clinton, elle précise comment la délégation de l’administration publique au secteur privé, ainsi qu’à des groupes officiellement sans but lucratif mais généreusement financés par les élites, a constitué une forme de privatisation aux États-Unis, notamment dans les domaines du développement local, de l’éducation et de la réglementation des pratiques de travail des entreprises.

Quelques exemples moins connus montrent à quel point l’application par le gouvernement, de la logique commerciale – et l’encouragement actif de la gouvernance par le biais du secteur privé et du secteur à but non lucratif – a consolidé la rupture du parti démocrate avec le libéralisme du New Deal. À l’instigation de Robert Rubin, le directeur du Conseil économique national qui a ensuite occupé le poste de secrétaire au Trésor de Clinton, la Maison-Blanche a rejeté, dès le début du premier mandat de Clinton, un programme de relance à grande échelle visant à inverser des années de négligence urbaine et une politique industrielle ouvertement destinée à favoriser la création d’emplois dans le secteur manufacturier. Au lieu de cela, elle a mis en place un concours visant à attribuer des subventions globales aux « zones d’autonomisation » méritantes, un concept emprunté au républicain Jack Kemp.

Parallèlement aux programmes de développement qui s’inspiraient de l’expérience de Clinton en tant que gouverneur, les zones de responsabilisation s’inscrivaient dans le double objectif de l’administration d’attirer les investissements privés dans les municipalités en difficulté et d’introduire la concurrence dans le secteur public. Comme dans le cas de la réforme de l’aide sociale et des programmes de rénovation urbaine qui pathologisaient le logement public, la logique de l’administration était d’inculquer aux communautés pauvres les valeurs de la responsabilité personnelle. En même temps, elle était désireuse de démontrer que les partenariats public-privé pouvaient stimuler les initiatives de la base et faciliter, comme l’écrit Geismer, des « coalitions improbables » entre les groupes communautaires, les intérêts commerciaux influents et le gouvernement local.

L’administration a appliqué sans réserve ces mêmes idées à la politique d’éducation. Malgré les protestations des syndicats d’enseignants, qui craignaient que les écoles à charte n’aggravent les inégalités, la Maison-Blanche a fait sienne les arguments des entrepreneurs technologiques et des investisseurs en capital-risque de la Silicon Valley, selon lesquels les écoles à charte devraient concurrencer les écoles publiques peu performantes (et chroniquement sous-financées). Au sein d’une arène officiellement à but non lucratif, une série de nouvelles fondations – le NewSchools Venture Funds, par exemple, ainsi que les « mastodontes » créés par Eli Broad, Bill et Melinda Gates et la famille Walton – ont partiellement privatisé l’un des biens publics les plus élémentaires de la société américaine.

L’euphorie du boom de la fin des années 90 a pratiquement éteint toute l’inquiétude que l’establishment démocrate aurait pu nourrir quant aux risques sociaux d’une économie désindustrialisée et financiarisée.

Geismer écrit que ce qui s’apparentait à une externalisation furtive des investissements dans l’éducation se drapait dans le langage de l’amélioration de la responsabilité, même si les philanthropies elles-mêmes n’avaient pas de comptes à rendre à d’autres groupes de la société civile ou à l’État. Comme le suggère Geismer, le mouvement des écoles à charte a lié le parti à sa nouvelle classe de donateurs, amplifiant un modèle dans lequel les élites riches ont obtenu des déductions fiscales par le biais d’initiatives philanthropiques.

La rupture la plus étonnante avec le libéralisme du New Deal concerne peut-être l’approche de l’administration en matière de relations de travail et de pouvoir des entreprises. En plus d’approuver des politiques commerciales qui ont accéléré la perte d’emplois dans le secteur manufacturier, l’administration a cautionné la généralisation de l’« autorégulation » volontaire dans l’industrie, une notion qui allait à l’encontre de décennies de droit du travail et de droit antitrust laborieusement acquis. Les révélations de terribles abus dans les chaînes d’approvisionnement mondiales de célèbres marques américaines ainsi que la résurgence d’ateliers clandestins nationaux ont incité l’administration Clinton à conseiller aux entreprises de « surveiller elles-mêmes leurs sous-traitants » et à lancer le partenariat volontaire Apparel Industry Partnership et la Fair Labor Association.

Ces commissions, cependant, incarnent le corporatisme favorable aux entreprises et l’aversion des néo-démocrates pour le renforcement de la réglementation du travail. Le ministère du Travail, largement sous-financé depuis l’ère de Jimmy Carter, a cherché à prendre des mesures rapides qui mettent l’accent sur la « responsabilité des entreprises » ; d’autres membres de l’administration, tels que Robert Rubin et le secrétaire au Commerce Ron Brown, ont fortement déconseillé les formulations et les mesures qui pourraient ébranler les grandes entreprises et les marchés mondiaux. Le recours aux associations professionnelles pour contrôler les pratiques industrielles au lieu d’une surveillance gouvernementale vigoureuse a affaibli le mouvement ouvrier et a continué à exposer les travailleurs immigrés vulnérables à l’exploitation et à des conditions dangereuses.

La bénédiction que l’administration a accordée à l’autorégulation a renforcé la ligne de partage de la responsabilité dans la société américaine qu’un trio de lois – la loi sur la criminalité de 1994, la réforme de la protection sociale et la loi sur l’immigration de 1996 – allait cristalliser. Alors que certaines entreprises ont trouvé intéressant de promouvoir leurs marques sur la base d’un consumérisme éthique, d’autres, comme Nike, ont essayé de blanchir l’occasionnel reportage accablant par des subventions philanthropiques et des arguments défensifs qui faisaient écho aux défenses de la mondialisation avancées par des économistes comme Paul Krugman et Jeffrey Sachs. En l’absence de lois nationales et internationales plus strictes en matière de travail et de protection de l’environnement, c’était aux entreprises de déterminer ce qu’elles considéraient comme éthique et le degré de transparence qu’elles voulaient avoir à cet égard.

Tout au long de Left Behind, il y a beaucoup d’autres implications troublantes du rôle des néo-démocrates dans la perpétuation des inégalités, de l’augmentation de l’incarcération de masse à la façon dont l’inflation des actifs, la déréglementation de la finance et la Big Tech ont donné naissance à une économie de salaires à la pièce. Dans le pire des cas, l’administration Clinton a abordé les communautés appauvries avec une mission civilisatrice rappelant les anciennes théories d’amélioration capitaliste.

Comme le note Geismer dans un passage frappant sur le New Markets Tour de Clinton, son équipe a emmené une coterie de cadres dans ce qu’ils appelaient des « poches de pauvreté » – les endroits « laissés pour compte » qui, avec les bonnes incitations privées, pourraient enfin être intégrés dans l’économie moderne. Lors de l’une des étapes de cette tournée, un cadre assis à côté de Jesse Jackson a fait remarquer, alors que les deux hommes regardaient Clinton prononcer un discours dans la réserve de Pine Ridge, que « j’ai toujours vu des réserves indiennes. Maintenant, je vois deux supermarchés. Je vois un concessionnaire automobile. Je vois 7 000 personnes qui portent des vêtements. Je vois un marché. »

Pourtant, les dirigeants du parti semblaient tout à fait convaincus qu’ils offraient des opportunités substantielles à ceux qui avaient été exclus de la prospérité et du développement. L’euphorie du boom de la fin des années 90 a pratiquement éteint toute inquiétude que l’establishment démocrate aurait pu nourrir quant aux risques sociaux d’une économie désindustrialisée et financiarisée. Mais les chocs économiques allaient se succéder, et les laissés-pour-compte – que ce soit dans les Appalaches, à East Saint Louis ou dans le Michigan – allaient se multiplier, notamment dans le sillage de la crise des subprimes et de la Grande Récession.

La victoire de la troisième voie

À l’aube du nouveau millénaire, l’influence des entreprises sur les démocrates a éclipsé celle des syndicats. À chaque fois qu’il a tenté de réinventer le gouvernement, Clinton a redoré l’image du parti auprès des libéraux et des modérés aisés – une approche qui a pris en otage les circonscriptions multiraciales et ouvrières que le parti avait forgées entre le New Deal et la Grande Société. Alors que le parti républicain s’est totalement déplacé vers la droite, les syndicats, les minorités et les progressistes ont été contraints de travailler avec un parti qui n’a pas seulement réduit ses ambitions de réforme, mais a accéléré la montée en puissance de la gouvernance mondiale par les sociétés multinationales, les institutions financières transnationales et les philanthropes milliardaires.

Entre-temps, les tendances à la désindustrialisation et au déclin du pouvoir syndical à partir de la fin des années 1970 avaient conduit les militants du parti à être trop absorbés par la reconquête de la présidence. À bien des égards, les néo-démocrates et leurs successeurs de l’ère Barack Obama ont pu considérer comme acquis le soutien de la base, de la collecte de fonds à la sensibilisation des électeurs.

Pour la gauche libérale au sens large, ces conditions ont conduit à la cooptation, à une résistance essentiellement fracturée et à une certaine myopie quant aux enjeux politiques des années 1990. Sur ce point, la trajectoire de Jesse Jackson, militant des droits civiques et deux fois candidat à la présidence, est instructive. Comme l’atteste Geismer, Jackson était la plus forte voix démocrate pour un populisme de gauche multiracial entre 1980 et 2000 et un critique féroce des priorités du DLC. [Nouveau parti démocrate créé après la victoire de H.W. Bush en 1988, NdT] Malgré tout, écrit-elle, Clinton et les magnats de Wall Street ont fini par rallier Jackson aux idées de la troisième voie et l’ont incité à promouvoir une nouvelle itération du capitalisme noir par le biais de son « Wall Street Project », qui s’est attaché à investir dans l’entrepreneuriat noir et à accroître la représentation des professionnels noirs dans les grandes entreprises.

L’accord de Jackson offre une fenêtre pour examiner comment les élites démocrates, au cours de l’histoire, ont alternativement accommodé ou neutralisé les demandes des mouvements sociaux. Comme toujours, le système bipartite des États-Unis rend difficile d’envisager des défis au néolibéralisme qui ne reposent pas, sous une forme ou une autre, sur les démocrates. Comme l’a fait valoir le politologue Daniel Scholzman, la gauche doit trouver, une fois de plus, comment ancrer le parti dans une vision visant à « transformer la vie américaine et à voir au-delà de l’horizon ».

Contributeurs

Justin H. Vassallo est écrivain indépendant, il s’est spécialisé dans les partis politiques et les coalitions, l’économie politique, le développement américain et l’Europe moderne.

Source : Jacobin Mag, Justin H. Vassallo, 01-07-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

Commentaire recommandé

Urko // 07.09.2022 à 08h47

Les progressistes ne se sont-ils pas toujours éperdument moqués de la classe ouvrière, comme ils se moquent aujourd’hui des minorités ? Les progressistes appartiennent à la haute bourgeoisie s’identifiant à l’oligarchie dont ils servent les intérêts quoi qu’il arrive. Les classes populaires – ouvriers blancs il y a 50 ans ou employés précaires latinos aujourd’hui – n’ont pour fonction que de leur fournir des bataillons d’électeurs, auxquels ces seigneurs progressistes promettent des avantages que les classes moyennes se verront sommées de financer. Clinton et Blair n’ont absolument pas changé de stratégie ni marqué de rupture : ils ont seulement dû trouver un nouveau prétexte à leurs objectifs, inchangés, qui consistent comme auparavant à perpétuer le système en place, si favorable à si peu, en pillant les classes moyennes pour qu’une classe moins favorisée se tienne tranquille et vote pour eux, quitte à importer ladite classe moins favorisée d’ailleurs. Sans doute qu’en revanche, leurs récentes obsessions sur la place réservée aux transexuels dans la société, par exemple, trahit une faiblesse : plus grand monde ne reste dupe de leurs méthodes et il leur faut bien dénicher une nouvelle classe d’opprimes, présentant l’avantage de ne pas atteindre d’effectifs importants à l’heure où piller davantage les classes moyennes devient plus difficile. Et puis cela fait diversion… Pendant que les médias et les RH se focalisent sur ces minorités si peu représentées, ils ne parlent pas des problèmes, notamment économiques, des classes moyennes.

16 réactions et commentaires

  • Urko // 07.09.2022 à 08h47

    Les progressistes ne se sont-ils pas toujours éperdument moqués de la classe ouvrière, comme ils se moquent aujourd’hui des minorités ? Les progressistes appartiennent à la haute bourgeoisie s’identifiant à l’oligarchie dont ils servent les intérêts quoi qu’il arrive. Les classes populaires – ouvriers blancs il y a 50 ans ou employés précaires latinos aujourd’hui – n’ont pour fonction que de leur fournir des bataillons d’électeurs, auxquels ces seigneurs progressistes promettent des avantages que les classes moyennes se verront sommées de financer. Clinton et Blair n’ont absolument pas changé de stratégie ni marqué de rupture : ils ont seulement dû trouver un nouveau prétexte à leurs objectifs, inchangés, qui consistent comme auparavant à perpétuer le système en place, si favorable à si peu, en pillant les classes moyennes pour qu’une classe moins favorisée se tienne tranquille et vote pour eux, quitte à importer ladite classe moins favorisée d’ailleurs. Sans doute qu’en revanche, leurs récentes obsessions sur la place réservée aux transexuels dans la société, par exemple, trahit une faiblesse : plus grand monde ne reste dupe de leurs méthodes et il leur faut bien dénicher une nouvelle classe d’opprimes, présentant l’avantage de ne pas atteindre d’effectifs importants à l’heure où piller davantage les classes moyennes devient plus difficile. Et puis cela fait diversion… Pendant que les médias et les RH se focalisent sur ces minorités si peu représentées, ils ne parlent pas des problèmes, notamment économiques, des classes moyennes.

      +19

    Alerter
    • RGT // 08.09.2022 à 10h26

      les « progressistes » autoproclamés (et leurs fidèles larbins qui pullulent dans les divers médias et l’administration à leur service) ne pensent qu’à développer leurs propres intérêts.

      Et les « constitutions » a-démocratiques sont là pour les aider à maintenir leur pouvoir de nuisance sur l’immense majorité de la population.

      Rien n’a changé depuis la chute de la monarchie absolue.
      Les « moins que rien » n’ont que le droit de fermer leurs gueules et de plier l’échine pour satisfaire le « bon vouloir » des « élites » qui se sont emparées du pouvoir.

      Et ne croyez surtout pas qu’en virant les « têtes de gondole » (le « prince » et sa clique) ça changera quoi que ce soit.

      C’est le système qu’il faut détruire, cette « méritocratie » de pacotille qui ne favorise que les membres les plus sournois de cette caste qui sont favorisés par les institutions et la loi qu’ils ont eux-mêmes imposé à l’ensemble de la population sans son consentement.

      Et ça ne remonte pas à hier.

      La plus grosse erreur de l’humanité est bel et bien d’avoir confié son sort aux « meilleurs » (aristos en grec antique) sans doute volontairement mais plutôt sous la contrainte au lieu de gérer les problèmes quotidiens en se concertant et en trouvant des solutions qui ne lèsent surtout pas les plus faibles.

      C’est d’ailleurs ainsi que vivent encore les rares « sociétés primitives » qui n’ont pas été exterminées par les dictatures des gouvernements centralisés.

      Tant que les humains ne s’attaqueront pas à la source de leurs problèmes, le gouvernement centralisé surpuissant, ils resteront en esclavage.

        +7

      Alerter
  • Cover // 07.09.2022 à 09h10

    Étonnant, aucune mention faite de l’abrogation du Glass Steagall act par Clinton en 96 alors que ce n’est pas une des moindres mesures qu’il ait pu prendre : c’est un véritable tournant historique ; abrogation potentiellement dévastatrice. Obama n’ a rien fait à ce sujet . Délibéré ? Pression des banques ?
    Macron, sous la houlette de BlackRock et des divers cabinets conseils va appliquer le même programme à l’hôpital, l’éducation nationale ( mais il faut auparavant réduire encore leurs capacités de fonctionnement …) « L’administration a appliqué sans réserve ces mêmes idées à la politique d’éducation. Malgré les protestations des syndicats d’enseignants, qui craignaient que les écoles à charte n’aggravent les inégalités, la Maison-Blanche a fait sienne les arguments des entrepreneurs technologiques et des investisseurs en capital-risque de la Silicon Valley, selon lesquels les écoles à charte devraient concurrencer les écoles publiques peu performantes (et chroniquement sous-financées) »

      +16

    Alerter
  • nulnestpropheteensonpays // 07.09.2022 à 09h45

    Les bourgeois sont en train de perdre leurs esclaves , et les nôtres , a travers le monde .Ils se replient sur leurs bases , et du coup maintenant ils jouent a domicile …L’année derniere 10 000 flics supplémentaires en France , cette année prévu quelques 8000 passé et pourtant la population n’a pas augmentée…..C’est dingue l’insécurité routière ….

      +8

    Alerter
    • Jacques // 07.09.2022 à 13h04

      La police et les services publics ont tellement diminué qu’ils ne seront pas trop nombreux pour remettre de l’ordre dans les quartiers pauvres ce qui permettrait aux habitants de pouvoir vivre tranquille au moins.
      Mais je crois qu’ils se les reservent pour leurs quartiers avant de pouvoir se créer des milices privés comme aux usa.

        +4

      Alerter
      • azuki // 08.09.2022 à 09h04

        Ce sont les inégalités extrême et l’absence de perspective qui créent le désordre, pas l’absence de police. Plus aucune cité ne peut fonctionner sans une économie parallèle tellement les gens sont laissé pour compte avec un taux de chomage hallucinant et l’inemployabilité dès que tu donne ton adresse (avec un bonne part de racisme pour en rajouter une couche).

          +10

        Alerter
  • Fabrice // 07.09.2022 à 10h21

    En reflet on voit que les socialistes en Europe et en France ont faire de même choix en trahissant les travailleurs pour favoriser le neoliberalisme en abolissant la majorité des lois qui regissaient la finance alors quand on se rappelle du discours « mon ennemi c’est la finance ! »

    On ne peut que se demander comment ils peuvent se rendre à des réunions politiques sans se faire entarter en permanence ou si probablement grâce à un service d’ordre ou l’ignorance des faits par les auditeurs.

    Un petit rappel vers un papier d’olivier sur les crises.fr : https://www.les-crises.fr/deregulation-financiere/

      +8

    Alerter
  • Savonarole // 07.09.2022 à 10h23

    Quelle légitimité démocratique peut on accorder à des politiques déterminées par une minorité à son seul profit au dépends de l’ensemble du corps social ? C’est la question que l’article ne pose pas.
    Républicains ou démocrates noyés dans le même pognon qui font les mêmes politiques et qui enc… la majorité sans qu’aucune autre voix soit permise au chapitre , ça a fait Trump…
    Mais apparement le Don a pas été si derangeant que ça pour le grand capital , donc ces gens ont pris le parti de s’en foutre… on verra si ils s’en foutent toujours quand un vrai timbré sera élu.

      +3

    Alerter
    • azuki // 08.09.2022 à 09h07

      Je plussoie. Lu lors des élections US, et tellement vrai : «Avec qui vous voulez perdre ?» Le «choix démocratique» des élections est une bouffonerie totalement truandée et absolument pas démocratique. Nous sommes en post-démocratie, l’illusion d’un système démocratique mais qui ne l’est pas.

        +3

      Alerter
  • Grd-mère Michelle // 07.09.2022 à 11h31

    Absolue nécessité, urgente, de lancer un grand débat, national et international:
    QU’EST-CE QUE LE « PROGRÈS »?
    Pour sortir de la confusion sur ce sujet, et clouer le bec, briser les ailes, des faux/fausses « progressistes », vautours qui se gavent sur le dos des populations laborieuses honteusement exploitées, avant même qu’elles ne meurent, dépossédées de tout moyen d’initiative et de contestation.

      +6

    Alerter
  • Incognitototo // 07.09.2022 à 17h21

    Toutes les raisons évoquées dans cet article pour expliquer le virage des « gauches » dans le néolibéralisme sont exactes, mais à mon sens bien insuffisantes, notamment pour justifier que ce changement fondamental a été mondial ; et même initié dès 1982 pour la France quand Mitterrand refuse 2 réformes majeures et emblématiques de l’ex « programme commun » :
    – la cogestion des salariés dans les entreprises (1re mouture des lois Auroux),
    – et le droit au logement (1re mouture de la loi Quilliot).
    Depuis dans cette « gauche-là » tout n’est que trahisons, renoncements et adhésion aux délires néolibéraux les plus mortifères.
    Non accessoirement, le PCF mettra encore 2 ans pour comprendre que les carottes « révolutionnaires » sont cuites et démissionner… ce qui ne l’empêchera pas de revenir plus tard dans le gouvernement Jospin… la soupe est bonne, hein ? Mais évidemment pas que pour eux.

    Bref, il y a bien d’autres raisons et causes que celles avancées dans cet article pour expliquer les trahisons d’une certaine gauche… d’ailleurs, le système capitaliste néolibéral est – à ma connaissance – appliqué partout dans le monde, y compris dans les pays qui se prétendent encore sur la voie du communisme.
    Aussi, si on veut vraiment comprendre ce qui s’est passé et ce qui passe toujours dans les trahisons et renoncements de gauche, il va falloir être un peu plus pertinent et un peu plus fouillé au niveau des analyses.

      +8

    Alerter
    • 6422amri // 07.09.2022 à 17h59

      Je lisais récemment un appel de Xi pour inciter les entreprises publiques chinoises a embaucher les plus jeunes diplômés dont le taux de chomage est supérieur a 20 %…un fait qui iinquiète le pouvoir en place.

      La main d’oeuvre est maintenant trop chère en Chine et les entreprises quittent ce pays pour s’installer ailleurs. Vietnam, l’Inde, le Bangladesh et l’Afrique pour le vêtement et plus récemment la Turquie (avec un taux d’inflation de 80 %, la baisse de lire turque ce pays est au bord de la faillite).

      La délocalisation vers les pays dont la main d’oeuvre est moins chère EST la raison principale du reste.

      Je partage votre point de vue sur le capitalisme que je nomme translibéral, présent partout ou pratiquement partout, peu importe le régime, le mode de gouvernement.

      La cogestion c’est mieux que rien mais la cogestion a l’allemande n’est rien d’autre que du capitalisme tout comme les systèmes syndicaux en Amérique du Nord.

      Le référendum au Chili qui devait mettre fin à l’ére Pinochet, mis au point par un comité de citoyens élus, a été rejetté par plus de 62 % de la population. Les assemblées constituantes ne changent pas les rapports de force.

        +3

      Alerter
  • Grd-mère Michelle // 07.09.2022 à 18h50

    Dans le contexte de l’économie mondialisée et de course folle à la « croissance », les « responsables » politiques et/ou syndicaux ne peuvent que trahir les aspirations des électeurs-trices. De toute évidence, les inégalités se creusent inexorablement, d’un bout à l’autre de la terre. Logique:les déséquilibres ne font jamais que s’accentuer s’ils ne sont pas redressés volontairement et fermement.
    C’est à l’échec (annoncé, au moins depuis les années 60, pour ce que j’en sais) de « la société de consommation » que nous assistons, cette société de l’égoïsme (« patriotique », « de classe », et individuel) et du gaspillage causé par le manque de considération vis-à-vis des autres formes de vie que les humains, pétris de supériorité et d’ambition mal placée, s’obstinent à maintenir.

      +3

    Alerter
  • bobforrester // 09.09.2022 à 06h56

    bonjour
    Plutôt que le comment c est le pourquoi profond qui m intéresse car ce n est pas une lubie ou un coup de tête qui a déclenché la réaction ( ils agit bien de cela au sens fort) néo libérale voire ultra libérale ! Si quelqu un a une réponse économique ( matérialiste) à l origine de cette politique ?

      +0

    Alerter
  • Christian Gedeon // 09.09.2022 à 14h56

    Trahi le new deal… wow! Tout de suite les grands mots.Trahi vraiment? Où passés à autre chose? Je suis toujours surpris par les anachronismes et celui ci en est un s’il en est. Entre l’époque du new deal et la mue démocrate de l’eau a coulé sous les ponts. Et surtout la grande mue des soi disant libertés promue dans les années soixante et qui continue à faire des ravages est passée par là. Le new deal a fait beaucoup mais aussi interdit beaucoup. L’œuvre du new deal ne s’est pas faite sans limites posées et strictement posées aux trusts entre autres…aux positions dominantes…à la concurrence libre et non faussée (😂sic!),entre autres. La soi disant libération de la société promue et organisée par les ultra-libéraux a détruit tout le travail de limites. Il est devenu interdit d’interdire. Au terme de cette manipulation parfaitement réussie, l’ultra libéralisme avait place nette, ayant de surcroît fait passer pour des idées de progrès ce qui n’est qu’une régression fatale. Les démocrates ont suivi le mouvement , ils ne l’ont pas créé. Comme je dis souvent, vous avez chanté ? Eh bien dansez maintenant.

      +0

    Alerter
  • tchoo // 10.09.2022 à 09h15

    A partir du moment ou vous confiez la mission a des humains qui sont susceptibles de perdre des avantages présent ou futur dans les réformes qu’il faudrait mener, il y a peu de chances qu’ils ne trahissent pas leurs propres convictions

      +0

    Alerter
  • Afficher tous les commentaires

Les commentaires sont fermés.

Et recevez nos publications