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18.décembre.202018.12.2020 // Les Crises

Corne de l’Afrique : Le risque d’un conflit régional après les frappes sur l’Érythrée

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Source : The Guardian, Jason Burke
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le leader de la région du Tigré en Ethiopie revendique la responsabilité des frappes sur la capitale Asmara

Les Ethiopiens tentent de fuir le conflit en traversant le fleuve Tekezé pour se rendre au Soudan. Photographie : El Tayeb Siddig/Reuters

Les risques que la guerre de plus en plus sanglante dans le nord de l’Éthiopie se transforme en un conflit régional confus ont fortement augmenté ce week-end après les tirs de missiles sur l’aéroport d’Asmara, la capitale de l’Érythrée voisine.

De multiples missiles ont frappé Asmara samedi soir, ont déclaré les diplomates et les observateurs régionaux informés, bien que les restrictions de communication au Tigré et en Erythrée aient rendu les récits difficiles à confirmer.

Une source à Asmara a déclaré que les missiles ont manqué l’aéroport, avec des impacts non loin du bâtiment du ministère de l’information. Depuis, la ville a subi de nombreuses coupures de courant.

Debretsion Gebremichael, le leader du Front populaire de libération du Tigré (TPLF), le parti au pouvoir dans la région, a déclaré que ses forces avaient tiré trois missiles et a affirmé que l’aéroport d’Asmara était une « cible légitime » car il était utilisé par les forces éthiopiennes.

« Tant que les troupes seront ici à se battre, nous tirerons sur n’importe quelle cible militaire légitime, a-t-il déclaré. Nous les combattrons sur tous les fronts avec tous les moyens dont nous disposons. »

Gebremichael a également accusé l’Erythrée d’avoir envoyé des troupes dans la région du Tigré et a réfuté les informations selon lesquelles les forces du Tigré seraient entrées en Erythrée.

Le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a lancé des opérations militaires au Tigré il y a 11 jours après avoir accusé les autorités locales d’avoir attaqué un camp militaire dans la région et d’avoir tenté de piller des installations militaires. Le TPLF nie ces accusations et a accusé le premier ministre d’avoir inventé cette histoire pour justifier le déploiement de l’offensive.

Depuis lors, les frappes aériennes et les combats terrestres entre les forces gouvernementales et le TPLF ont fait des centaines de morts, envoyé des dizaines de milliers de réfugiés au Soudan et suscité l’inquiétude de la communauté internationale quant à la volonté d’Abiy, qui a reçu le prix Nobel de la paix l’année dernière, de risquer une longue guerre civile contre des forces bien armées et expérimentées de la région.

Dimanche, le bureau d’Abiy a déclaré que la guerre dans la région du Tigré était « inévitable et visait à faire respecter l’État de droit. »

« Avec un engagement inébranlable, nous mènerons ce projet à son terme… En tant que nation souveraine, l’Éthiopie réaffirme sa capacité et sa détermination à gérer sa propre mission d’État de droit sans aucune intervention extérieure », peut-on lire dans la déclaration.

L’attaque au missile de samedi et le rejet par Abiy des appels au cessez-le-feu et aux négociations du secrétaire général des Nations unies, des États-Unis, des puissances européennes, du pape et d’autres ont inquiété de nombreux observateurs. « C’est maintenant un conflit qui s’est internationalisé », a déclaré Martin Plaut, expert de l’Erythrée à l’Université de Londres.

Des rapports non confirmés font état d’attaques de troupes éthiopiennes contre le Tigré depuis le territoire érythréen, d’un rappel d’officiers supérieurs érythréens à la retraite, de mouvements de troupes vers la frontière sud et d’une campagne de recrutement par les autorités érythréennes.

Les relations sont mauvaises entre les dirigeants du Tigré et Isaias Afwerki, qui a dirigé l’Erythrée d’une main de fer pendant plus de 30 ans.

La guerre risque de s’étendre à un conflit plus large impliquant non seulement l’Ethiopie et l’Erythrée, mais aussi les puissances de la Corne de l’Afrique et au-delà. Les tensions régionales sont fortes, aggravées par le projet de méga-barrage en Éthiopie, dont le Soudan et l’Égypte craignent qu’il ne réduise leur quota d’eaux du Nil.

Le Nil Bleu, principal affluent du fleuve, lui fournit 80% de son volume et prend sa source dans les hautes terres d’Ethiopie avant de confluer avec le Nil Blanc à Khartoum, la capitale soudanaise. L’Éthiopie affirme que son barrage n’aurait pas d’impact négatif sur l’Égypte ou le Soudan, et soutient qu’il est vital pour son développement.

L’Égypte et le Soudan ont entamé ce week-end des exercices militaires conjoints, le premier entraînement au combat organisé depuis que le régime autoritaire d’Omar al-Bashir à Khartoum s’est terminé par un soulèvement populaire l’année dernière.

L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar et la Turquie ont tous bataillé pour gagner en influence en Afrique de l’Est ces dernières années. « La crainte est que cela se passe comme en Libye. Plus la guerre se prolonge, plus il est probable qu’elle attirera des puissances rivales du Golfe. Pour l’instant, tout ce que vous pouvez voir, ce sont des potentialités, mais si les observateurs peuvent les voir, alors vous pouvez être sûr que les acteurs sur le terrain les voient aussi », a déclaré M. Plaut.

Entre 10 000 et 25 000 réfugiés fuyant le conflit sont entrés au Soudan depuis le Tigré. Beaucoup de ces réfugiés fuient une offensive des forces éthiopiennes dans l’ouest du Tigré, qui vise en partie à couper la province de tout approvisionnement possible en provenance du territoire soudanais. La ville de Humera, stratégiquement située à la frontière entre le Tigré, la région voisine d’Amhara et le Soudan, a été le centre d’âpres combats, avec des atrocités rapportées par les deux parties.

« La situation est très grave en ce moment », a déclaré Jens Heseman, de l’agence des Nations unies pour les réfugiés, dans la ville de Mamdayet.

Source : The Guardian, Jason Burke, 15-11-2020
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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