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Est-ce que les médicaments anti-cholestérol font vraiment du bien ? Par John Carey [Bloomberg]

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Source : Bloomberg, le 16/01/2008

La recherche suggère que, sauf pour les patients à haut risque cardiaque, les bénéfices des statines comme le Lipitor sont surestimés

Par John Carey

Le cholestérol de Martin Winn augmentait lentement. Alors qu’il faisait une montée en vélo, il a ressenti une douleur dans la poitrine qui aurait pu être une angine. Donc, son médecin et lui décidèrent qu’il devrait suivre un traitement anti-cholestérol appelé statine. Il était en bonne compagnie. De tels médicaments sont les plus vendus dans l’histoire de la médecine, utilisés par 13 millions d’Américains et par 12 millions de patients à travers le monde, générant 27,8 milliards de dollars de produit des ventes en 2006. La moitié revint à Pfizer (PFE) pour sa statine phare, le Lipitor. Les statines firent incontestablement effet comme indiqué pour Winn, abaissant son taux de cholestérol de 20%. « Je croyais que j’allais avoir une vie plus longue, » dit le machiniste en retraite de Vancouver à présent âgé de 71 ans. Mais là, l’histoire prend un nouveau tour. Le docteur James M. Wright n’est pas un médecin de famille ordinaire. Professeur à l’Université de Colombie Britannique, il est aussi directeur de la Therapeuthics Initiative financée par le gouvernement, dont le but est d’examiner les statistiques sur certains médicaments et de comprendre comment ils agissent. Au moment où Winn commençait son traitement, l’équipe de Wright analysait les résultats collectés pendant des années de tests sur les statines et n’aimait pas ce qu’elle découvrait.

Certes, Wright a vu que ces médicaments peuvent sauver des vies à des patients qui ont déjà subi des attaques cardiaques, réduisant quelque peu les risques de récidive pouvant provoquer une mort prématurée. Mais Wright a eu une surprise quand il examina les données de la majorité des patients, comme Winn, qui n’avaient pas de maladies cardiaques. Il ne trouva aucun avantage pour les personnes de plus de 65 ans, peu importe la réduction de leur taux de cholestérol, et aucun bénéfice pour les femmes de tous âges. Il a constaté une petite réduction du nombre des crises cardiaques pour les hommes d’âge mûr prenant des statines au cours d’essais cliniques. Mais même pour ces hommes, le total des décès ou des maladies requérant une hospitalisation n’était globalement pas réduit, malgré une diminution du « mauvais cholestérol ». « La plupart des gens prennent un produit qui n’a aucune chance de leur apporter un bénéfice, et qui comporte un risque, » dit Wright. En se basant sur ces preuves, et le fait que Winn n’avait pas, en fait, d’angine de poitrine, Wright changea d’avis sur sa prescription de statines, et Winn aussi en fut persuadé. « Parce qu’il n’y a aucun avantage apparent, » dit-il, « je n’en prends plus. »

Attendez une minute… Les Américains sont bombardés de messages des médecins, des sociétés et des médias qui disent que le niveau élevé de mauvais cholestérol est un aller simple et rapide pour le cimetière, et doit être abaissé. Les statines sont les armes les plus puissantes pour ce combat, continue le message. On pense que ces médicaments sont tellement essentiels que, selon les directives officielles du gouvernement du National Cholesterol Education Programme (NCEP), 40 millions d’Américains devraient en prendre. Des chercheurs ont même suggéré en plaisantant à moitié que le médicament devrait être ajouté dans l’eau potable, comme le fluor pour les dents. Les statines sont vendues, en plus de Pfizer, par Merck (MRK) (Mevacor et Zocor), AstraZenaca (AZN) (Crestor), et Bristols-Myers Squibb (BMY) (Pravachol). Et il est presque impossible d’éviter les rappels de l’industrie prétendant que ces médicaments sont vitaux. Par exemple, une campagne de publicité pour Pfizer met en vedette en ce moment à la télévision et dans les journaux l’inventeur du cœur artificiel et utilisateur du Lipitor, le Dr Robert Jarvik. La pub sur papier clame que « le Lipitor réduit les risques de crise cardiaque de 36%… sur les patients avec des risques multiples de maladie cardiaque. »

Alors, comment peut-on remettre en question les bénéfices d’un tel médicament ?

D’une part, de nombreux chercheurs émettent des doutes sur la nécessité première de réduire le niveau de cholestérol. Ces doutes ont été renforcés le 14 janvier quand Merck et Schering-Plough (SPG) ont révélé les résultats d’un essai dans lequel un célèbre médicament contre le cholestérol, une statine, était associé à une autre, Zetia, qui agit selon un autre mécanisme. La combinaison a permis de réduire le taux de cholestérol à des niveaux plus faibles qu’avec la statine seule. Pourtant, même après deux ans de traitement, les baisses obtenues n’ont pas apporté de bienfaits sur la santé.

UN PEU DE MATHS

Le second point crucial se cache en pleine lumière dans la publicité de Pfizer pour le Lipitor. Les énormes 36% sont accompagnés d’un astérisque. Lisez les petits caractères. Ils indiquent : « Cela signifie que dans une étude clinique de grande envergure, 3% des patients qui prennent une pilule de sucre ou un placebo ont subi une attaque cardiaque contre 2% des patients traités avec le Lipitor. »

Faisons un peu de maths. Les chiffres de cette phrase signifient que pour 100 personnes dans l’essai qui a duré trois ans et quatre mois, trois personnes avec placebo et deux traitées au Lipitor ont subi une attaque cardiaque. La différence doit-elle être attribuée au traitement ? Une attaque cardiaque de moins pour 100 personnes. Donc pour éviter une attaque cardiaque à une personne, 100 personnes ont dû prendre le Lipitor pendant plus de trois ans. Les 99 autres n’ont bénéficié d’aucun effet mesurable. Pour le dire en termes moins habituels mais utilisés en statistique, le nombre de sujets à traiter (NST) pour qu’un sujet en tire bénéfice est de 100.

Comparez cela avec, disons, le traitement antibiotique standard actuel contre les bactéries à l’origine des ulcères d’estomac de type H Pilori [Helicobacter Pilori]. Le NST correspondant est de 1,1. Administrez le médicament à 11 personnes et 10 seront guéries.

Un NST faible est l’indice d’une réponse efficace que beaucoup de patients attendent des médicaments qu’ils prennent. Lorsque Wright et d’autres expliquent à des patients sans symptôme de maladie cardiaque que seulement 1 parmi 100 risque de tirer avantage de prendre des statines pendant des années, la plupart sont étonnés. Beaucoup, comme Winn, choisissent d’arrêter.

De plus, il y a des raisons de penser que le bénéfice global pour beaucoup de patients est encore plus mince que ce que les chiffres annoncent. Ce NST de 100 a été obtenu dans une étude financée par l’industrie du médicament, sélectionnant soigneusement des patients présentant des facteurs de risques multiples, lesquels incluent une tension élevée ou le tabagisme. Au contraire, la seule vaste étude clinique financée par le gouvernement plutôt que par les compagnies pharmaceutiques n’a pas révélé de bénéfice statistiquement significatif. Et du fait que les essais cliniques souffrent de biais potentiels, les résultats annonçant de faibles effets positifs sont toujours incertains selon le Dr Nortin M. Hadler, professeur de médecine à l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill et critique de longue date de l’industrie pharmaceutique. « Un NST qui dépasse le nombre de 50 est pire qu’un billet de loterie, il peut n’y avoir aucun gagnant, » déclare-t-il. De nombreuses publications scientifiques font état d’un NST pour les statines à 250 et plus pour les patients à faible risque, même sur la base d’un traitement de cinq ans et plus. « Que se passerait-il si l’on mettait 250 personnes dans une pièce et leur disait qu’elles vont payer 1000 dollars par an pour un médicament qu’elles devront prendre tous les jours et qui causera à beaucoup des diarrhées et des douleurs musculaires, et que 249 n’en tireront aucun bienfait ? Et qu’elles pourraient parvenir au même résultat en faisant un peu de sport ? Combien voudront prendre le traitement ? » demande le critique de l’industrie pharmaceutique Dr Jerome R. Hoffman, professeur de médecine clinique à l’Université de Californie à Los Angeles.

Les compagnies pharmaceutiques et autres partisans des statines reconnaissent volontiers que le NST est élevé. « Comme vous l’avez calculé, le NST obtenu est aux alentours de 100 dans cette étude, » déclarent les représentants de Pfizer dans une réponse écrite aux questions. Mais les promoteurs de statine font valoir plusieurs contre-arguments. Tout d’abord, ils insistent sur le fait qu’un NST élevé ne signifie pas toujours qu’un médicament ne devrait pas être largement utilisé. Après tout, si des millions de personnes prennent des statines, même le petit bénéfice que représente un NST supérieur à 100 signifierait la prévention de milliers d’attaques cardiaques.

C’est un point légitime, et qui soulève une question difficile sur la politique de santé. Combien devrions-nous dépenser en prévention, comme l’usage des statines ou le dépistage du cancer de la prostate, qui au final ne bénéficieront seulement qu’à un petit pourcentage de personnes ? « La question est de savoir si l’on pense que c’est la population qui compte, dans ce cas, on devrait tous être sous statines, ou l’individu, et dans ce cas c’est inutile, » déclare Dr Peter Trewby, médecin consultant au Darlington Memorial Hospital en Angleterre. « Ce qui est d’une grande valeur pour la population peut être de peu d’intérêt pour l’individu. » C’est comme d’acheter un billet de tombola pour une fête de charité. C’est pour la bonne cause, mais il y a peu de chance de gagner le prix.

Les partisans des statines avancent aussi que quand les NST sont calculés d’après les médicaments pris pendant juste trois ou cinq ans, alors ils sont trompeusement élevés. Pfizer déclare que même si seulement une seule crise cardiaque est évitée sur 100 personnes pendant ses tests, « il est possible que plusieurs ou même tous (les 100), en bénéficient » en réduisant les risques de crise cardiaque dans le futur. Et le bénéfice s’accroit quand les médicaments sont pris quelques années de plus, croient les partisans. « Ça n’a pas de sens de prendre une statine pendant cinq ans, » déclare le Dr Scott M. Grundy, président du comité NCEP (National Cholesterol Education Program) qui demande un traitement par statines plus agressif, et directeur du Center for Human Nutrition au centre médical sud-ouest de l’université de Texas de Dallas. « Quand vous prenez un médicament anti-cholestérol, c’est un énorme engagement, » dit-il. « Vous le prenez à vie. » Grundy considère que les risques de faire une crise cardiaque sur le temps d’une vie sont environ de 30 à 50% (plus élevé pour les hommes que pour les femmes). Les statines, prétend-il, réduisent ce risque de 30% environ. De ce fait, prendre ces médicaments pendant 30 ans ou plus réduirait de 9 à 15 le nombre de crises cardiaques pour un groupe de 100 personnes. Donc entre seulement 7 et 11 personnes devraient prendre le médicament à vie pour qu’un seul en bénéficie.

Les critiques répondent que cette image plus optimiste demande une foi aveugle. Une réduction de 30% des crises cardiaques « est le meilleur scénario et ne se retrouve pas dans de nombreuses études, » d’après Wright. De plus, les statines sont utilisées depuis 20 ans, et il y a encore très peu de preuves que le NST diminue avec le temps de prise du médicament. Plus important, les tests de statines sur des personnes sans problèmes cardiaques existants ne montrent aucune réduction de décès ou de sérieux problèmes de santé, en dépit de la petite réduction des crises cardiaques. « On devrait dire aux patients que la réduction des risques cardiovasculaires sera remplacée par d’autres maladies sérieuses, » dit le Dr John Abramson, professeur de clinique à l’école de médecine de Harvard et auteur du livre « Overdosed America ».

CHANGEMENT DE STYLE DE VIE

Pfizer ne discute pas cette question clé dans sa réponse écrite : les médicaments ne réduisent pas le nombre de morts ou de maladies graves pour ceux qui n’ont pas de maladies cardiaques. Au lieu de cela, la compagnie répéta que les statines réduisent « le risque de problèmes coronariens » et ajouta que l’analyse de Wright n’a pas été publiée dans une revue scientifique spécialisée.

Si on savait de façon certaine qu’un médicament était complètement sûr et peu cher, alors son usage généralisé ne serait pas sujet à caution, même avec un NST de 100. Mais environ 10 à 15% de patients sous statines souffrent d’effets secondaires, y compris douleurs musculaires, déficiences cognitives et disfonctionnements sexuels. Et l’usage répandu de statines coûte des milliards de dollars par an, pas seulement pour les médicaments mais aussi en visite chez le médecin, dépistage du cholestérol et autres tests. Depuis que l’argent de la santé est limité, « les ressources n’iront pas aux interventions sans bénéfice, » déclare le Dr Beatrice A. Golomb, professeur associée de médecine à l’école de Médecine de San Diego de l’université de Californie.

Qu’est ce qui marcherait mieux ? Peut-être de convaincre les gens de passer au régime méditerranéen ou juste de manger plus de poisson. Dans plusieurs études, ces deux changements de style de vie apportent une plus grande réduction des crises cardiaques que les statines, bien que les tests aient été en nombre trop limités pour être complètement convaincants. Être physiquement en forme est aussi important. « Ce qui marche vraiment ce sont le style de vie, l’exercice, le régime, et la perte de poids, » déclare Hoffman de l’UCLA. « Ils ont encore un gros NST, mais le coût est de beaucoup moindre que celui des médicaments, et le bénéfice est grand sur la qualité de vie. »

Des questions compliquées sur la relation bénéfice/risque touchent la plupart des médicaments, pas seulement les statines. Un des sales petits secrets de la médecine moderne est que de nombreux médicaments ne marchent que sur une minorité de gens. « Il y a une tendance à croire que les médicaments sont réellement efficaces, mais les gens seraient surpris par la véritable ampleur de leurs bénéfices, » d’après le Dr Steven Woloshin, professeur associé de médecine à l’école de médecine de Dartmouth.

Un bon exemple : les béta-bloquants sont vus comme un traitement essentiel de l’insuffisance cardiaque. Encore que les études montrent qu’une moyenne de 24 personnes doivent prendre ce médicament pendant 7 mois pour prévenir une hospitalisation pour insuffisance cardiaque (donc, un NST de 24). Et 40 personnes doivent le prendre pour prévenir 1 décès (NST de 40). « Même pour des médications que l’on considère comme efficaces, on trouve des NST de 20 ou plus, déclare le Dr Henry C. Barry, professeur associé de médecine familiale au Collège de Médecine Humaine de l’Université du Michigan.

Le NST est élevé pour un grand nombre d’autres médicaments. Comme l’Avandia, un médicament de GlaxoSmithKline (GSK) pour prévenir une évolution mortelle du diabète. Cette superproduction de 2,6 milliards de dollars de ventes aux USA en 2006 a fait les grands titres en 2007, quand une analyse des données d’un essai clinique a montré un accroissement des risques de crises cardiaques. Voici la vérité largement cachée : il existe peu de preuves que le médicament aide vraiment les patients. Oui, Avandia est très bon pour diminuer la glycémie, juste comme les statines diminuent le taux de cholestérol. Mais cela ne prévient pas les terribles conséquences du diabète, qui incluent les maladies cardiaques, les AVC et les insuffisances rénales. Les essais cliniques ont échoué à trouver une réduction significative des évènements cardio-vasculaires même avec un très bon contrôle de la glycémie, » écrit le Dr Clifford J. Rosen, président du comité de la Food and Drug Administration chargé d’évaluer Avandia, dans un récent article du New England Journal of Medicine. « Avandia est presque la tête d’affiche pour tout ce qui va de travers dans notre organisme, » déclare Hoffman de l’UCLA. « Son NST est très proche de l’infini. »

En ce qui concerne Avandia, le Dr Murray Steward, Vice-Président de Glaxo pour le développement clinique, dit que la preuve de ses bénéfices contre les maladies cardiaques et autres complications majeures du diabète « est encore douteuse ». Mais le médicament a d’autres avantages, prétend-il, comme de retarder le besoin de traiter à l’insuline.

Quand d’autres traitements largement admis comme étant efficaces ont été testés en essais cliniques, ils ont été recalés. Les thérapies par hormones de remplacement ne protègent pas des maladies cardiaques. Les drogues anti-psychotiques étaient en fait moins efficaces qu’un placebo pour réduire l’agressivité des patients handicapés mentaux.

La vérité sur l’efficacité des médicaments ne serait aussi inquiétante si les utilisateurs et les médecins avaient une vision précise de l’état des connaissances, et pouvaient prendre des décisions rationnelles sur les traitements. Les études faites par Trewby de l’hôpital Darlington, Wright de l’UBC et d’autres, cependant, montrent que les patients espèrent bien plus que ce que font en fait les médicaments.

Pourquoi ce décalage ? Une part de la responsabilité revient à la façon dont les résultats sont présentés. 36% de diminution des crises cardiaques paraissent plus spectaculaires et importants qu’un NST de 100. « C’est un choc de voir ce NST, » dit le Dr Barnett S. Kramer, directeur du bureau de recherche sur les applications médicales au National Institutes of Health. Les compagnies pharmaceutiques en tirent pleinement un avantage ; elles font de la publicité avec le gros pourcentage de diminution, disons, des attaques cardiaques, tout en cachant le NST. Mais quand il est question des effets secondaires, elles font une pirouette et rejettent le problème en disant que 1 personne sur 100 souffre d’effets secondaires, même si cela représente en fait un accroissement de 50%. « De nombreux médecins n’aiment pas le NST, » déclare le Dr Darshak Sanghavi, un cardiologue pédiatrique et professeur assistant de pédiatrie à l’école de médecine de l’Université du Massachussetts, et adepte de l’utilisation du NST.

L’histoire entière des statines est un cas classique de bons médicaments poussés trop loin, prétend le Dr Howard Brody, professeur de médecine familiale à la Medical Branch de l’Université du Texas à Galveston. Le marché du médicament est, après tout, un business. Les entreprises sont supposées stimuler leurs ventes et donner leurs parts aux actionnaires. Cependant, le problème qu’elles rencontrent est que de nombreux médicaments ne sont efficaces que sur un nombre limité de patients. Avec les statines, ce sont les patients qui ont déjà un problème cardiaque. Mais cela n’est pas un marché très rentable. Donc les entreprises ont intérêt à diffuser leur médicament sur un marché le plus large possible, étant donné que, par définition, la marge unitaire est faible. « Ce qu’ont fait les astucieux responsables du marketing chez Pfizer et autres, en faisant croire à ceux qui ont un taux élevé de cholestérol à la nécessité de le réduire, » déclarait le Dr Bryan A. Liang, directeur de l’Institute of Health Law Studies de la California Western School of Law et co-directeur du Centre pour la Sécurité des Patients de San Diego. « C’est de la pseudo-science, de ne jamais aller au bout de la vérité, à savoir que le médicament n’aide que ceux qui ont déjà une maladie cardiovasculaire. » Le marketing a fait son œuvre, déclare Liang, « malgré les études et malgré des gens, moi y compris, qui vont répétant qu’il n’y a aucune preuve avérée. »

Pfizer a répondu que l’industrie « est fortement réglementée » et que tous les messages publicitaires et le marketing « reflètent avec précision les références et les données d’essais cliniques du Lipitor. »

Les fabricants de médicaments, cependant, s’assurent bien que la recherche et les médecins qui louent les bénéfices des médications soient bien récompensés. « C’est presque impossible de trouver quelqu’un qui ait fermement confiance dans les statines qui ne reçoive pas beaucoup d’argent de l’industrie, » d’après le Dr Rodney A. Hayward, professeur de médecine interne à l’école de médecine de l’Université du Michigan. Les recommandations du NCEP de 2004 actualisent leurs intitulés en abaissant les normes du mauvais cholestérol, ce qui mettra plus d’Américains sous médication. Mais il y eut aussi une controverse dans la communauté médicale sur le fait que huit ou neuf experts du panel avaient des liens financiers avec l’industrie. « Le processus d’agrément a mal tourné, » dit Barry de l’État du Michigan. Lui et 34 autres experts ont envoyé une pétition de protestation au National Institutes of Health, disant que les preuves étaient faibles et le panel biaisé par des liens avec l’industrie pharmaceutique.

DES MESURES FACILES A EFFECTUER

La notion de conflit d’intérêt est « très importante pour des organisations comme la nôtre et nous la prenons tous au sérieux, » répond le Dr James I. Cleeman, responsable des NIH et coordinateur du NCEP. « Mais les faits de la science étaient tout à fait corrects. »

Pourtant, la confiance de Cleeman n’est pas universellement partagée. Aux critiques de la statine, les Américains en sont venus à s’appuyer trop sur des indicateurs de santé faciles à appréhender. Les gens aiment avoir une échelle simple, comme le taux de cholestérol, qui peut être surveillé et modifié. « Une fois que vous dites aux gens un certain taux, ils se fixent sur ce taux et tentent de l’améliorer, » explique Brody de l’Université du Texas. En outre, « la culture américaine estime que faire quelque chose est plus gratifiant que simplement regarder et attendre, » explique Barry. Cela s’applique également aux médecins. Ils sont poussés par les directives nationales, par les demandes des patients et par des règles de rémunération selon la performance qui récompensent les médecins pour la vérification et la réduction du cholestérol. « J’ai fait partie de ce système, » dit Brody. Ne pas en être est presque impossible, ajoute-t-il. « Si un médecin ne vérifie pas le taux de cholestérol, de nombreux patients vont sortir en prétendant que le gars était un charlatan. »

Mais Brody a changé d’avis. « Je vois maintenant que le contrôle généralisé du cholestérol est devenu un mythe, » dit-il. « Certes, avec le recul, c’est maintenant évident. Pourquoi ne l’ai-je pas vu auparavant ? »

Le cholestérol est seulement un des facteurs de risque des maladies coronariennes. Le docteur Ronald M. Krauss, directeur de la recherche sur l’athérosclérose à l’institut de recherche d’Oakland, explique que des taux plus élevés de LDL (Low Density Liboprotein) [Liboprotéines de basses densités, souvent qualifiées de mauvais cholestérol, NdT] préparent le terrain pour les maladies cardiovasculaires en contribuant à la construction de plaques dans les artères. Mais autre chose doit se produire avant que les personnes concernées ne souffrent de maladie cardiaque. « Quand vous considérez les patients atteints d’une maladie cardiaque, leur taux de cholestérol ne sont pas significativement plus élevés que ceux sans maladie cardiaque, » dit-il. Comparons les pays, par exemple. Les espagnols ont un niveau de LDL similaire à celui des américains, mais un taux de maladies cardiovasculaires inférieur de moitié. Les suisses ont un taux de cholestérol encore plus élevé, mais leur taux de maladies cardiovasculaires est également plus faible. Les aborigènes d’Australie ont un taux de cholestérol bas mais un taux de maladies cardiovasculaires élevé.

De plus, d’après le docteur Barry du MSU, les médicaments faisant baisser le taux de cholestérol autres que les statines « n’empêchent pas les attaques cardiaques ou les AVC. » Par exemple, le Zetia, qui empêche l’absorption du cholestérol au niveau des intestins. Commercialisé par Merck et Schering-Plough, le médicament a rapporté 1,5 milliards de dollars en 2006, et des ventes augmentant de 25% au premier semestre 2007, d’après IMS health [entreprise d’études et de conseil pour les industries du médicament et les professionnels de la santé, NdT]. Ces entreprises le combinèrent avec une statine pour créer le Vytorin, un médicament vendu pour plus de 2 milliards de dollars en 2007.

Dans une étude très attendue réalisée en 2006, les entreprises comparaient le Zetia plus une statine avec une statine seule sur des patients ayant génétiquement un taux de cholestérol élevé. Mais ils retardèrent l’annonce des résultats, suscitant l’indignation scientifique et la menace d’un examen en congrès. Les résultats, finalement révélés le 14 janvier, montrent que la combinaison du Zetia et d’une statine réduisent le taux de LDL plus que la statine seule. Mais cela n’apporta pas d’autres bénéfices. En fait, les artères des patients s’épaississaient plus quand ils prenaient la combinaison qu’avec la statine seule. Skip Irvine, porte-parole du projet commun, dit que l’étude portait sur un petit échantillon et insiste sur la « corrélation forte entre la réduction du taux de cholestérol LDL et la réduction de mort par accident cardiovasculaire. »

LE MAUVAIS CHOLESTEROL NON PERTINENT ?

Si la diminution seule du cholestérol n’est pas la panacée, comment cela se fait-il que les statines fonctionnent pour les personnes atteintes de maladies cardiaques ? Dans son laboratoire à l’unité de médecine vasculaire de l’hôpital de Brigham & Women à Cambridge, le docteur James K. Liao a commencé à étudier cette question il y a plus de 10 ans. La réponse, soupçonnait-t-il, était que les statines ont d’autres effets biologiques.

Depuis lors, Liao et son équipe ont prouvé cette théorie. Mais tout d’abord, un peu de biochimie. Les médicaments à base de statines agissent en dérèglant la production d’une substance se transformant en cholestérol dans le foie, réduisant ainsi les niveaux de cholestérol dans le sang. Pensez à une usine de jouets dans laquelle un même plastique sert à façonner des petites voitures, des camions et des trains. Diminuer la production de plastique réduit non seulement la production de voitures (cholestérol), mais aussi celle de camions et de trains. De la même façon dans le corps, ces éléments chimiques additionnels sont des molécules de signalisation qui indiquent aux gènes de s’activer ou de se désactiver, causant à la fois effets secondaires et avantages.

Liao a classé certaines de ces voies biochimiques. Son travail récent montre que l’un des petits camions – une molécule appelée Rho-kinase – est essentielle. En réduisant la quantité de cette enzyme, les statines entrainent une inflammation importante des artères. Et lorsque Liao réduit fortement le niveau de Rho-kinase sur des rats, ceux-ci n’ont pas de maladie cardiaque. « L’intérêt des statines n’est pas d’abaisser le taux de cholestérol, » conclut-il.

Cette étude offre également une explication possible du pourquoi cet avantage est surtout observé chez les personnes déjà atteintes de maladies cardiaques et non chez ceux qui ont seulement un taux de cholestérol élevé. Étant en relative bonne santé, leurs niveaux de Rho-kinase sont normaux, il y a donc peu d’inflammation. Mais quand les gens fument ou font de l’hypertension, leurs niveaux de Rho-kinase augmentent. Les statines rapprocheraient ces niveaux de la normale, contrecarrant les effets non désirés.

Combinez tout cela et « la présente preuve obtenue conduit à ignorer complètement le mauvais cholestérol LDL, » dit Hayward de l’Université du Michigan. Dans un pays où l’abaissement du cholestérol est habituellement considéré comme une question de vie ou de mort, ces propos sont incendiaires. Un important médecin spécialiste des maladies du cœur et des vaccins à base de statines a lancé à une récente réunion, « Hayward devrait être tenu pour responsable devant un tribunal pour avoir tenté de tuer des gens, » raconte Hayward. Cleeman de NECP ajoute que, de son point de vue, la preuve contre Hayward est écrasante.

Mais alors que les nouvelles analyses peuvent agacer ceux qui ont bâti leur carrière sur la nécessité de réduire le LDL, elles indiquent également la façon d’utiliser les statines plus efficacement. Étonnamment, les deux parties au débat s’accordent sur l’approche générale. Pour toute personne à risque de maladie cardiaque, la première étape devrait toujours être un meilleur régime alimentaire et une augmentation de l’activité physique. Faites-le, et « nous réduirons le nombre de personnes à risque de façon si drastique que beaucoup moins de médicaments seront nécessaires, » déclare Krauss. Pour les personnes qui pourraient encore bénéficier d’un traitement, une analyse récente de Hayward montre que les statines pourraient être mieux prescrites sur la base du risque de maladie cardiaque des patients, et non sur leur taux de cholestérol LDL. Plus le risque est élevé, et plus les médicaments semblent efficaces. « Si deux patients ont le même risque, les preuves indiquent qu’ils tirent le même avantage des statines, quel que soit leur taux de LDL, » dit Hayward.

D’autres façons d’affiner cette approche pourraient arriver bientôt. La société qui a séquencé pour la première fois le génome humain, Celera Group (CRA), a trouvé une variation génétique qui prédit à qui la molécule peut bénéficier. Peut-être à 60% de la population, selon le Dr John Sninsky, vice-président de discovery research, et pour tout le monde, le NST est au plus haut. « Cela ne concerne pas du tout votre taux de cholestérol, » ajoute M. Sninsky.

Si les médicaments étaient utilisés plus rationnellement, les fabricants en pâtiraient. Mais la santé de la nation et son portefeuille s’en sortiraient mieux. Cela pourrait-il arriver ? Est-ce que les données sur les NST, le faible lien avec le cholestérol et les connaissances des variations génétiques changeront ce que les médecins font et ce que les patients croient ? Pas avant que le pays change sa politique de santé incitative, dit Hoffman de l’UCLA. « La façon dont notre système de santé fonctionne n’est pas basée sur des données, elle est basée sur ce qui fait de l’argent. »

Joignez-vous à un débat sur la publicité des médicaments à la télévision.

La recherche suggère que, sauf pour les patients à haut risque cardiaque, les bénéfices des statines comme le Lipitor sont surestimés

Par John Carey

Le 17 janvier 2008

Le cholestérol de Martin Winn augmentait lentement. Alors qu’il faisait une montée en vélo, il a ressenti une douleur dans la poitrine qui aurait pu être une angine. Donc, son médecin et lui décidèrent qu’il devrait suivre un traitement anti-cholestérol appelé statine. Il était en bonne compagnie. De tels médicaments sont les plus vendus dans l’histoire de la médecine, utilisés par 13 millions d’Américains et par 12 millions de patients à travers le monde, générant 27,8 milliards de dollars de produit des ventes en 2006. La moitié revint à Pfizer (PFE) pour sa statine phare, le Lipitor. Les statines firent incontestablement effet comme indiqué pour Winn, abaissant son taux de cholestérol de 20%. « Je croyais que j’allais avoir une vie plus longue, » dit le machiniste en retraite de Vancouver à présent âgé de 71 ans. Mais là, l’histoire prend un nouveau tour. Le docteur James M. Wright n’est pas un médecin de famille ordinaire. Professeur à l’Université de Colombie Britannique, il est aussi directeur de la Therapeuthics Initiative financée par le gouvernement, dont le but est d’examiner les statistiques sur certains médicaments et de comprendre comment ils agissent. Au moment où Winn commençait son traitement, l’équipe de Wright analysait les résultats collectés pendant des années de tests sur les statines et n’aimait pas ce qu’elle découvrait.

Certes, Wright a vu que ces médicaments peuvent sauver des vies à des patients qui ont déjà subi des attaques cardiaques, réduisant quelque peu les risques de récidive pouvant provoquer une mort prématurée. Mais Wright a eu une surprise quand il examina les données de la majorité des patients, comme Winn, qui n’avaient pas de maladies cardiaques. Il ne trouva aucun avantage pour les personnes de plus de 65 ans, peu importe la réduction de leur taux de cholestérol, et aucun bénéfice pour les femmes de tous âges. Il a constaté une petite réduction du nombre des crises cardiaques pour les hommes d’âge mûr prenant des statines au cours d’essais cliniques. Mais même pour ces hommes, le total des décès ou des maladies requérant une hospitalisation n’était globalement pas réduit, malgré une diminution du « mauvais cholestérol ». « La plupart des gens prennent un produit qui n’a aucune chance de leur apporter un bénéfice, et qui comporte un risque, » dit Wright. En se basant sur ces preuves, et le fait que Winn n’avait pas, en fait, d’angine de poitrine, Wright changea d’avis sur sa prescription de statines, et Winn aussi en fut persuadé. « Parce qu’il n’y a aucun avantage apparent, » dit-il, « je n’en prends plus. »

Attendez une minute… Les Américains sont bombardés de messages des médecins, des sociétés et des médias qui disent que le niveau élevé de mauvais cholestérol est un aller simple et rapide pour le cimetière, et doit être abaissé. Les statines sont les armes les plus puissantes pour ce combat, continue le message. On pense que ces médicaments sont tellement essentiels que, selon les directives officielles du gouvernement du National Cholesterol Education Programme (NCEP), 40 millions d’Américains devraient en prendre. Des chercheurs ont même suggéré en plaisantant à moitié que le médicament devrait être ajouté dans l’eau potable, comme le fluor pour les dents. Les statines sont vendues, en plus de Pfizer, par Merck (MRK) (Mevacor et Zocor), AstraZenaca (AZN) (Crestor), et Bristols-Myers Squibb (BMY) (Pravachol). Et il est presque impossible d’éviter les rappels de l’industrie prétendant que ces médicaments sont vitaux. Par exemple, une campagne de publicité pour Pfizer met en vedette en ce moment à la télévision et dans les journaux l’inventeur du cœur artificiel et utilisateur du Lipitor, le Dr Robert Jarvik. La pub sur papier clame que « le Lipitor réduit les risques de crise cardiaque de 36%… sur les patients avec des risques multiples de maladie cardiaque. »

Alors, comment peut-on remettre en question les bénéfices d’un tel médicament ?

D’une part, de nombreux chercheurs émettent des doutes sur la nécessité première de réduire le niveau de cholestérol. Ces doutes ont été renforcés le 14 janvier quand Merck et Schering-Plough (SPG) ont révélé les résultats d’un essai dans lequel un célèbre médicament contre le cholestérol, une statine, était associé à une autre, Zetia, qui agit selon un autre mécanisme. La combinaison a permis de réduire le taux de cholestérol à des niveaux plus faibles qu’avec la statine seule. Pourtant, même après deux ans de traitement, les baisses obtenues n’ont pas apporté de bienfaits sur la santé.

UN PEU DE MATHS

Le second point crucial se cache en pleine lumière dans la publicité de Pfizer pour le Lipitor. Les énormes 36% sont accompagnés d’un astérisque. Lisez les petits caractères. Ils indiquent : « Cela signifie que dans une étude clinique de grande envergure, 3% des patients qui prennent une pilule de sucre ou un placebo ont subi une attaque cardiaque contre 2% des patients traités avec le Lipitor. »

Faisons un peu de maths. Les chiffres de cette phrase signifient que pour 100 personnes dans l’essai qui a duré trois ans et quatre mois, trois personnes avec placebo et deux traitées au Lipitor ont subi une attaque cardiaque. La différence doit-elle être attribuée au traitement ? Une attaque cardiaque de moins pour 100 personnes. Donc pour éviter une attaque cardiaque à une personne, 100 personnes ont dû prendre le Lipitor pendant plus de trois ans. Les 99 autres n’ont bénéficié d’aucun effet mesurable. Pour le dire en termes moins habituels mais utilisés en statistique, le nombre de sujets à traiter (NST) pour qu’un sujet en tire bénéfice est de 100.

Comparez cela avec, disons, le traitement antibiotique standard actuel contre les bactéries à l’origine des ulcères d’estomac de type H Pilori [Helicobacter Pilori]. Le NST correspondant est de 1,1. Administrez le médicament à 11 personnes et 10 seront guéries.

Un NST faible est l’indice d’une réponse efficace que beaucoup de patients attendent des médicaments qu’ils prennent. Lorsque Wright et d’autres expliquent à des patients sans symptôme de maladie cardiaque que seulement 1 parmi 100 risque de tirer avantage de prendre des statines pendant des années, la plupart sont étonnés. Beaucoup, comme Winn, choisissent d’arrêter.

De plus, il y a des raisons de penser que le bénéfice global pour beaucoup de patients est encore plus mince que ce que les chiffres annoncent. Ce NST de 100 a été obtenu dans une étude financée par l’industrie du médicament, sélectionnant soigneusement des patients présentant des facteurs de risques multiples, lesquels incluent une tension élevée ou le tabagisme. Au contraire, la seule vaste étude clinique financée par le gouvernement plutôt que par les compagnies pharmaceutiques n’a pas révélé de bénéfice statistiquement significatif. Et du fait que les essais cliniques souffrent de biais potentiels, les résultats annonçant de faibles effets positifs sont toujours incertains selon le Dr Nortin M. Hadler, professeur de médecine à l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill et critique de longue date de l’industrie pharmaceutique. « Un NST qui dépasse le nombre de 50 est pire qu’un billet de loterie, il peut n’y avoir aucun gagnant, » déclare-t-il. De nombreuses publications scientifiques font état d’un NST pour les statines à 250 et plus pour les patients à faible risque, même sur la base d’un traitement de cinq ans et plus. « Que se passerait-il si l’on mettait 250 personnes dans une pièce et leur disait qu’elles vont payer 1000 dollars par an pour un médicament qu’elles devront prendre tous les jours et qui causera à beaucoup des diarrhées et des douleurs musculaires, et que 249 n’en tireront aucun bienfait ? Et qu’elles pourraient parvenir au même résultat en faisant un peu de sport ? Combien voudront prendre le traitement ? » demande le critique de l’industrie pharmaceutique Dr Jerome R. Hoffman, professeur de médecine clinique à l’Université de Californie à Los Angeles.

Les compagnies pharmaceutiques et autres partisans des statines reconnaissent volontiers que le NST est élevé. « Comme vous l’avez calculé, le NST obtenu est aux alentours de 100 dans cette étude, » déclarent les représentants de Pfizer dans une réponse écrite aux questions. Mais les promoteurs de statine font valoir plusieurs contre-arguments. Tout d’abord, ils insistent sur le fait qu’un NST élevé ne signifie pas toujours qu’un médicament ne devrait pas être largement utilisé. Après tout, si des millions de personnes prennent des statines, même le petit bénéfice que représente un NST supérieur à 100 signifierait la prévention de milliers d’attaques cardiaques.

C’est un point légitime, et qui soulève une question difficile sur la politique de santé. Combien devrions-nous dépenser en prévention, comme l’usage des statines ou le dépistage du cancer de la prostate, qui au final ne bénéficieront seulement qu’à un petit pourcentage de personnes ? « La question est de savoir si l’on pense que c’est la population qui compte, dans ce cas, on devrait tous être sous statines, ou l’individu, et dans ce cas c’est inutile, » déclare Dr Peter Trewby, médecin consultant au Darlington Memorial Hospital en Angleterre. « Ce qui est d’une grande valeur pour la population peut être de peu d’intérêt pour l’individu. » C’est comme d’acheter un billet de tombola pour une fête de charité. C’est pour la bonne cause, mais il y a peu de chance de gagner le prix.

Les partisans des statines avancent aussi que quand les NST sont calculés d’après les médicaments pris pendant juste trois ou cinq ans, alors ils sont trompeusement élevés. Pfizer déclare que même si seulement une seule crise cardiaque est évitée sur 100 personnes pendant ses tests, « il est possible que plusieurs ou même tous (les 100), en bénéficient » en réduisant les risques de crise cardiaque dans le futur. Et le bénéfice s’accroit quand les médicaments sont pris quelques années de plus, croient les partisans. « Ça n’a pas de sens de prendre une statine pendant cinq ans, » déclare le Dr Scott M. Grundy, président du comité NCEP (National Cholesterol Education Program) qui demande un traitement par statines plus agressif, et directeur du Center for Human Nutrition au centre médical sud-ouest de l’université de Texas de Dallas. « Quand vous prenez un médicament anti-cholestérol, c’est un énorme engagement, » dit-il. « Vous le prenez à vie. » Grundy considère que les risques de faire une crise cardiaque sur le temps d’une vie sont environ de 30 à 50% (plus élevé pour les hommes que pour les femmes). Les statines, prétend-il, réduisent ce risque de 30% environ. De ce fait, prendre ces médicaments pendant 30 ans ou plus réduirait de 9 à 15 le nombre de crises cardiaques pour un groupe de 100 personnes. Donc entre seulement 7 et 11 personnes devraient prendre le médicament à vie pour qu’un seul en bénéficie.

Les critiques répondent que cette image plus optimiste demande une foi aveugle. Une réduction de 30% des crises cardiaques « est le meilleur scénario et ne se retrouve pas dans de nombreuses études, » d’après Wright. De plus, les statines sont utilisées depuis 20 ans, et il y a encore très peu de preuves que le NST diminue avec le temps de prise du médicament. Plus important, les tests de statines sur des personnes sans problèmes cardiaques existants ne montrent aucune réduction de décès ou de sérieux problèmes de santé, en dépit de la petite réduction des crises cardiaques. « On devrait dire aux patients que la réduction des risques cardiovasculaires sera remplacée par d’autres maladies sérieuses, » dit le Dr John Abramson, professeur de clinique à l’école de médecine de Harvard et auteur du livre « Overdosed America ».

CHANGEMENT DE STYLE DE VIE

Pfizer ne discute pas cette question clé dans sa réponse écrite : les médicaments ne réduisent pas le nombre de morts ou de maladies graves pour ceux qui n’ont pas de maladies cardiaques. Au lieu de cela, la compagnie répéta que les statines réduisent « le risque de problèmes coronariens » et ajouta que l’analyse de Wright n’a pas été publiée dans une revue scientifique spécialisée.

Si on savait de façon certaine qu’un médicament était complètement sûr et peu cher, alors son usage généralisé ne serait pas sujet à caution, même avec un NST de 100. Mais environ 10 à 15% de patients sous statines souffrent d’effets secondaires, y compris douleurs musculaires, déficiences cognitives et disfonctionnements sexuels. Et l’usage répandu de statines coûte des milliards de dollars par an, pas seulement pour les médicaments mais aussi en visite chez le médecin, dépistage du cholestérol et autres tests. Depuis que l’argent de la santé est limité, « les ressources n’iront pas aux interventions sans bénéfice, » déclare le Dr Beatrice A. Golomb, professeur associée de médecine à l’école de Médecine de San Diego de l’université de Californie.

Qu’est ce qui marcherait mieux ? Peut-être de convaincre les gens de passer au régime méditerranéen ou juste de manger plus de poisson. Dans plusieurs études, ces deux changements de style de vie apportent une plus grande réduction des crises cardiaques que les statines, bien que les tests aient été en nombre trop limités pour être complètement convaincants. Être physiquement en forme est aussi important. « Ce qui marche vraiment ce sont le style de vie, l’exercice, le régime, et la perte de poids, » déclare Hoffman de l’UCLA. « Ils ont encore un gros NST, mais le coût est de beaucoup moindre que celui des médicaments, et le bénéfice est grand sur la qualité de vie. »

Des questions compliquées sur la relation bénéfice/risque touchent la plupart des médicaments, pas seulement les statines. Un des sales petits secrets de la médecine moderne est que de nombreux médicaments ne marchent que sur une minorité de gens. « Il y a une tendance à croire que les médicaments sont réellement efficaces, mais les gens seraient surpris par la véritable ampleur de leurs bénéfices, » d’après le Dr Steven Woloshin, professeur associé de médecine à l’école de médecine de Dartmouth.

Un bon exemple : les béta-bloquants sont vus comme un traitement essentiel de l’insuffisance cardiaque. Encore que les études montrent qu’une moyenne de 24 personnes doivent prendre ce médicament pendant 7 mois pour prévenir une hospitalisation pour insuffisance cardiaque (donc, un NST de 24). Et 40 personnes doivent le prendre pour prévenir 1 décès (NST de 40). « Même pour des médications que l’on considère comme efficaces, on trouve des NST de 20 ou plus, déclare le Dr Henry C. Barry, professeur associé de médecine familiale au Collège de Médecine Humaine de l’Université du Michigan.

Le NST est élevé pour un grand nombre d’autres médicaments. Comme l’Avandia, un médicament de GlaxoSmithKline (GSK) pour prévenir une évolution mortelle du diabète. Cette superproduction de 2,6 milliards de dollars de ventes aux USA en 2006 a fait les grands titres en 2007, quand une analyse des données d’un essai clinique a montré un accroissement des risques de crises cardiaques. Voici la vérité largement cachée : il existe peu de preuves que le médicament aide vraiment les patients. Oui, Avandia est très bon pour diminuer la glycémie, juste comme les statines diminuent le taux de cholestérol. Mais cela ne prévient pas les terribles conséquences du diabète, qui incluent les maladies cardiaques, les AVC et les insuffisances rénales. Les essais cliniques ont échoué à trouver une réduction significative des évènements cardio-vasculaires même avec un très bon contrôle de la glycémie, » écrit le Dr Clifford J. Rosen, président du comité de la Food and Drug Administration chargé d’évaluer Avandia, dans un récent article du New England Journal of Medicine. « Avandia est presque la tête d’affiche pour tout ce qui va de travers dans notre organisme, » déclare Hoffman de l’UCLA. « Son NST est très proche de l’infini. »

En ce qui concerne Avandia, le Dr Murray Steward, Vice-Président de Glaxo pour le développement clinique, dit que la preuve de ses bénéfices contre les maladies cardiaques et autres complications majeures du diabète « est encore douteuse ». Mais le médicament a d’autres avantages, prétend-il, comme de retarder le besoin de traiter à l’insuline.

Quand d’autres traitements largement admis comme étant efficaces ont été testés en essais cliniques, ils ont été recalés. Les thérapies par hormones de remplacement ne protègent pas des maladies cardiaques. Les drogues anti-psychotiques étaient en fait moins efficaces qu’un placebo pour réduire l’agressivité des patients handicapés mentaux.

La vérité sur l’efficacité des médicaments ne serait aussi inquiétante si les utilisateurs et les médecins avaient une vision précise de l’état des connaissances, et pouvaient prendre des décisions rationnelles sur les traitements. Les études faites par Trewby de l’hôpital Darlington, Wright de l’UBC et d’autres, cependant, montrent que les patients espèrent bien plus que ce que font en fait les médicaments.

Pourquoi ce décalage ? Une part de la responsabilité revient à la façon dont les résultats sont présentés. 36% de diminution des crises cardiaques paraissent plus spectaculaires et importants qu’un NST de 100. « C’est un choc de voir ce NST, » dit le Dr Barnett S. Kramer, directeur du bureau de recherche sur les applications médicales au National Institutes of Health. Les compagnies pharmaceutiques en tirent pleinement un avantage ; elles font de la publicité avec le gros pourcentage de diminution, disons, des attaques cardiaques, tout en cachant le NST. Mais quand il est question des effets secondaires, elles font une pirouette et rejettent le problème en disant que 1 personne sur 100 souffre d’effets secondaires, même si cela représente en fait un accroissement de 50%. « De nombreux médecins n’aiment pas le NST, » déclare le Dr Darshak Sanghavi, un cardiologue pédiatrique et professeur assistant de pédiatrie à l’école de médecine de l’Université du Massachussetts, et adepte de l’utilisation du NST.

L’histoire entière des statines est un cas classique de bons médicaments poussés trop loin, prétend le Dr Howard Brody, professeur de médecine familiale à la Medical Branch de l’Université du Texas à Galveston. Le marché du médicament est, après tout, un business. Les entreprises sont supposées stimuler leurs ventes et donner leurs parts aux actionnaires. Cependant, le problème qu’elles rencontrent est que de nombreux médicaments ne sont efficaces que sur un nombre limité de patients. Avec les statines, ce sont les patients qui ont déjà un problème cardiaque. Mais cela n’est pas un marché très rentable. Donc les entreprises ont intérêt à diffuser leur médicament sur un marché le plus large possible, étant donné que, par définition, la marge unitaire est faible. « Ce qu’ont fait les astucieux responsables du marketing chez Pfizer et autres, en faisant croire à ceux qui ont un taux élevé de cholestérol à la nécessité de le réduire, » déclarait le Dr Bryan A. Liang, directeur de l’Institute of Health Law Studies de la California Western School of Law et co-directeur du Centre pour la Sécurité des Patients de San Diego. « C’est de la pseudo-science, de ne jamais aller au bout de la vérité, à savoir que le médicament n’aide que ceux qui ont déjà une maladie cardiovasculaire. » Le marketing a fait son œuvre, déclare Liang, « malgré les études et malgré des gens, moi y compris, qui vont répétant qu’il n’y a aucune preuve avérée. »

Pfizer a répondu que l’industrie « est fortement réglementée » et que tous les messages publicitaires et le marketing « reflètent avec précision les références et les données d’essais cliniques du Lipitor. »

Les fabricants de médicaments, cependant, s’assurent bien que la recherche et les médecins qui louent les bénéfices des médications soient bien récompensés. « C’est presque impossible de trouver quelqu’un qui ait fermement confiance dans les statines qui ne reçoive pas beaucoup d’argent de l’industrie, » d’après le Dr Rodney A. Hayward, professeur de médecine interne à l’école de médecine de l’Université du Michigan. Les recommandations du NCEP de 2004 actualisent leurs intitulés en abaissant les normes du mauvais cholestérol, ce qui mettra plus d’Américains sous médication. Mais il y eut aussi une controverse dans la communauté médicale sur le fait que huit ou neuf experts du panel avaient des liens financiers avec l’industrie. « Le processus d’agrément a mal tourné, » dit Barry de l’État du Michigan. Lui et 34 autres experts ont envoyé une pétition de protestation au National Institutes of Health, disant que les preuves étaient faibles et le panel biaisé par des liens avec l’industrie pharmaceutique.

DES MESURES FACILES A EFFECTUER

La notion de conflit d’intérêt est « très importante pour des organisations comme la nôtre et nous la prenons tous au sérieux, » répond le Dr James I. Cleeman, responsable des NIH et coordinateur du NCEP. « Mais les faits de la science étaient tout à fait corrects. »

Pourtant, la confiance de Cleeman n’est pas universellement partagée. Aux critiques de la statine, les Américains en sont venus à s’appuyer trop sur des indicateurs de santé faciles à appréhender. Les gens aiment avoir une échelle simple, comme le taux de cholestérol, qui peut être surveillé et modifié. « Une fois que vous dites aux gens un certain taux, ils se fixent sur ce taux et tentent de l’améliorer, » explique Brody de l’Université du Texas. En outre, « la culture américaine estime que faire quelque chose est plus gratifiant que simplement regarder et attendre, » explique Barry. Cela s’applique également aux médecins. Ils sont poussés par les directives nationales, par les demandes des patients et par des règles de rémunération selon la performance qui récompensent les médecins pour la vérification et la réduction du cholestérol. « J’ai fait partie de ce système, » dit Brody. Ne pas en être est presque impossible, ajoute-t-il. « Si un médecin ne vérifie pas le taux de cholestérol, de nombreux patients vont sortir en prétendant que le gars était un charlatan. »

Mais Brody a changé d’avis. « Je vois maintenant que le contrôle généralisé du cholestérol est devenu un mythe, » dit-il. « Certes, avec le recul, c’est maintenant évident. Pourquoi ne l’ai-je pas vu auparavant ? »

Le cholestérol est seulement un des facteurs de risque des maladies coronariennes. Le docteur Ronald M. Krauss, directeur de la recherche sur l’athérosclérose à l’institut de recherche d’Oakland, explique que des taux plus élevés de LDL (Low Density Liboprotein) [Liboprotéines de basses densités, souvent qualifiées de mauvais cholestérol, NdT] préparent le terrain pour les maladies cardiovasculaires en contribuant à la construction de plaques dans les artères. Mais autre chose doit se produire avant que les personnes concernées ne souffrent de maladie cardiaque. « Quand vous considérez les patients atteints d’une maladie cardiaque, leur taux de cholestérol ne sont pas significativement plus élevés que ceux sans maladie cardiaque, » dit-il. Comparons les pays, par exemple. Les espagnols ont un niveau de LDL similaire à celui des américains, mais un taux de maladies cardiovasculaires inférieur de moitié. Les suisses ont un taux de cholestérol encore plus élevé, mais leur taux de maladies cardiovasculaires est également plus faible. Les aborigènes d’Australie ont un taux de cholestérol bas mais un taux de maladies cardiovasculaires élevé.

De plus, d’après le docteur Barry du MSU, les médicaments faisant baisser le taux de cholestérol autres que les statines « n’empêchent pas les attaques cardiaques ou les AVC. » Par exemple, le Zetia, qui empêche l’absorption du cholestérol au niveau des intestins. Commercialisé par Merck et Schering-Plough, le médicament a rapporté 1,5 milliards de dollars en 2006, et des ventes augmentant de 25% au premier semestre 2007, d’après IMS health [entreprise d’études et de conseil pour les industries du médicament et les professionnels de la santé, NdT]. Ces entreprises le combinèrent avec une statine pour créer le Vytorin, un médicament vendu pour plus de 2 milliards de dollars en 2007.

Dans une étude très attendue réalisée en 2006, les entreprises comparaient le Zetia plus une statine avec une statine seule sur des patients ayant génétiquement un taux de cholestérol élevé. Mais ils retardèrent l’annonce des résultats, suscitant l’indignation scientifique et la menace d’un examen en congrès. Les résultats, finalement révélés le 14 janvier, montrent que la combinaison du Zetia et d’une statine réduisent le taux de LDL plus que la statine seule. Mais cela n’apporta pas d’autres bénéfices. En fait, les artères des patients s’épaississaient plus quand ils prenaient la combinaison qu’avec la statine seule. Skip Irvine, porte-parole du projet commun, dit que l’étude portait sur un petit échantillon et insiste sur la « corrélation forte entre la réduction du taux de cholestérol LDL et la réduction de mort par accident cardiovasculaire. »

LE MAUVAIS CHOLESTEROL NON PERTINENT ?

Si la diminution seule du cholestérol n’est pas la panacée, comment cela se fait-il que les statines fonctionnent pour les personnes atteintes de maladies cardiaques ? Dans son laboratoire à l’unité de médecine vasculaire de l’hôpital de Brigham & Women à Cambridge, le docteur James K. Liao a commencé à étudier cette question il y a plus de 10 ans. La réponse, soupçonnait-t-il, était que les statines ont d’autres effets biologiques.

Depuis lors, Liao et son équipe ont prouvé cette théorie. Mais tout d’abord, un peu de biochimie. Les médicaments à base de statines agissent en dérèglant la production d’une substance se transformant en cholestérol dans le foie, réduisant ainsi les niveaux de cholestérol dans le sang. Pensez à une usine de jouets dans laquelle un même plastique sert à façonner des petites voitures, des camions et des trains. Diminuer la production de plastique réduit non seulement la production de voitures (cholestérol), mais aussi celle de camions et de trains. De la même façon dans le corps, ces éléments chimiques additionnels sont des molécules de signalisation qui indiquent aux gènes de s’activer ou de se désactiver, causant à la fois effets secondaires et avantages.

Liao a classé certaines de ces voies biochimiques. Son travail récent montre que l’un des petits camions – une molécule appelée Rho-kinase – est essentielle. En réduisant la quantité de cette enzyme, les statines entrainent une inflammation importante des artères. Et lorsque Liao réduit fortement le niveau de Rho-kinase sur des rats, ceux-ci n’ont pas de maladie cardiaque. « L’intérêt des statines n’est pas d’abaisser le taux de cholestérol, » conclut-il.

Cette étude offre également une explication possible du pourquoi cet avantage est surtout observé chez les personnes déjà atteintes de maladies cardiaques et non chez ceux qui ont seulement un taux de cholestérol élevé. Étant en relative bonne santé, leurs niveaux de Rho-kinase sont normaux, il y a donc peu d’inflammation. Mais quand les gens fument ou font de l’hypertension, leurs niveaux de Rho-kinase augmentent. Les statines rapprocheraient ces niveaux de la normale, contrecarrant les effets non désirés.

Combinez tout cela et « la présente preuve obtenue conduit à ignorer complètement le mauvais cholestérol LDL, » dit Hayward de l’Université du Michigan. Dans un pays où l’abaissement du cholestérol est habituellement considéré comme une question de vie ou de mort, ces propos sont incendiaires. Un important médecin spécialiste des maladies du cœur et des vaccins à base de statines a lancé à une récente réunion, « Hayward devrait être tenu pour responsable devant un tribunal pour avoir tenté de tuer des gens, » raconte Hayward. Cleeman de NECP ajoute que, de son point de vue, la preuve contre Hayward est écrasante.

Mais alors que les nouvelles analyses peuvent agacer ceux qui ont bâti leur carrière sur la nécessité de réduire le LDL, elles indiquent également la façon d’utiliser les statines plus efficacement. Étonnamment, les deux parties au débat s’accordent sur l’approche générale. Pour toute personne à risque de maladie cardiaque, la première étape devrait toujours être un meilleur régime alimentaire et une augmentation de l’activité physique. Faites-le, et « nous réduirons le nombre de personnes à risque de façon si drastique que beaucoup moins de médicaments seront nécessaires, » déclare Krauss. Pour les personnes qui pourraient encore bénéficier d’un traitement, une analyse récente de Hayward montre que les statines pourraient être mieux prescrites sur la base du risque de maladie cardiaque des patients, et non sur leur taux de cholestérol LDL. Plus le risque est élevé, et plus les médicaments semblent efficaces. « Si deux patients ont le même risque, les preuves indiquent qu’ils tirent le même avantage des statines, quel que soit leur taux de LDL, » dit Hayward.

D’autres façons d’affiner cette approche pourraient arriver bientôt. La société qui a séquencé pour la première fois le génome humain, Celera Group (CRA), a trouvé une variation génétique qui prédit à qui la molécule peut bénéficier. Peut-être à 60% de la population, selon le Dr John Sninsky, vice-président de discovery research, et pour tout le monde, le NST est au plus haut. « Cela ne concerne pas du tout votre taux de cholestérol, » ajoute M. Sninsky.

Si les médicaments étaient utilisés plus rationnellement, les fabricants en pâtiraient. Mais la santé de la nation et son portefeuille s’en sortiraient mieux. Cela pourrait-il arriver ? Est-ce que les données sur les NST, le faible lien avec le cholestérol et les connaissances des variations génétiques changeront ce que les médecins font et ce que les patients croient ? Pas avant que le pays change sa politique de santé incitative, dit Hoffman de l’UCLA. « La façon dont notre système de santé fonctionne n’est pas basée sur des données, elle est basée sur ce qui fait de l’argent. »

Joignez-vous à un débat sur la publicité des médicaments à la télévision.

Source : Bloomberg, le 16/01/2008

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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