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25.septembre.201925.9.2019 // Les Crises

La non-épuration en France de 1943 aux années 1950. Par Richard Labévière

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La non-épuration en France de 1943 aux années 1950 : La leçon magistrale d’Annie Lacroix-Riz… Par Richard Labévière

A Max Molliet, Bizule Novarina, Néné Jacquier, Du Fer et tous les autres.

En marge de ses tentatives pour comprendre, ou plus modestement pour proposer quelques contrechamps aux discours dominants sur les crises internationales, prochetmoyen-orient.ch a choisi, cette semaine, de parler d’un livre-événement1 dont la grande presse n’a pas parlé et, sans doute, ne parlera plus davantage. Certes, le maniement de cette somme de plus de 600 pages requiert une bonne musculation, mais aussi une lecture attentive, sinon symptômale, tant le sujet sonde en profondeur l’un des virages les plus obscurs de notre histoire contemporaine. Davantage encore, l’entreprise de l’historienne Annie Lacroix-Riz constitue une leçon magistrale de politique générale.

Si on ne la voit guère sur les plateaux de télévision, parce qu’elle passe plus de temps à déchiffrer les archives que dans les dîners en ville, Annie Lacroix-Riz n’est pas n’importe quelle historienne. Professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université de Paris-7, on lui doit nombre d’ouvrages importants, notamment : Le Vatican, l’Europe et le Reich ; Le Choix de la défaite ; De Munich à Vichy ; Industriels et banquiers sous l’occupation ; Les Elites françaises – 1940/1944 ; De la collaboration avec l’Allemagne à l’alliance américaine ; Aux origines du carcan européen – 1900/1960.

Annie Lacroix-Riz est aujourd’hui l’un de nos grands historiens de la Seconde guerre mondiale et de ses filiations à la fois plus anciennes et tellement actuelles. Impossible de résumer l’ouvrage, mais voyons plutôt quelques-unes de ses importantes découvertes.

« MIEUX VAUT HITLER QUE STALINE ! »

« Mieux vaut Hitler que Staline » : le mot d’ordre a non seulement inspiré bien des opposants au Front populaire – qui, de nombreuses façons, préparaient une débâcle de Mai 1940 acceptée comme une sorte de moindre mal avant de justifier Vichy et la collaboration avec l’occupant – ; mais il a aussi constitué l’un des fils rouges de la Libération, puis de la restauration de la France. Plus encore, la formule a aussi inspiré une machinerie à remonter le temps, servant à fabriquer une souveraine détestation de la Révolution française, de Robespierre et d’autres grands inventeurs de la République.

Sous les plumes de François Furet et Ernest Nolte notamment, la même machinerie a popularisé l’improbable équivalence entre nazisme et communisme […], confidente de Martin Heidegger qui venait de s’installer dans la chaire de philosophie qu’Edmund Husserl avait dû quitter pour fuir le régime nazi. Jusqu’à nos jours, cette imposture idéologique a survécu à travers les pantomimes médiatiques d’une « nouvelle philosophie » qui va traquer les « maîtres penseurs » initiateurs du Goulag, de Marx/Engels, de Hegel jusqu’à Platon et Aristote : leurs tentatives de « pensée totale » n’ayant été que de successives anticipations des totalitarismes de l’époque contemporaine.

Dans ce contexte idéologique très clivé, qui se transforme mais perdure depuis La Nuit de l’abolition des privilèges, les événements allant de 1943 aux années 1950 ont donné lieu à passablement de déformations, de contresens, sinon de trahisons. Durant cette période tourmentée, peut-on vraiment parler d’« épuration », celle promise sur les ondes de Londres et d’Alger contre les collaborationnistes et « assassins de patriotes » ? A l’appui d’une étude approfondie d’archives multiples, Annie Lacroix-Riz apporte les preuves que cette « épuration » n’a jamais eu lieu.

Alors que s’est imposée la fable dominante d’une « épuration sauvage » et spontanée persécutant les femmes coupables de « collaboration horizontale » – « femmes tondues » en place publique – et des notables ayant sciemment choisi Vichy et la collaboration avec l’occupant, le général de Gaulle et ses alliés politiques ont plutôt opté pour une « non-épuration » favorable au statu quo général des élites, inauguré par le Comité français de libération nationale d’Alger (CFLN). Cette posture bénéficia même à une multitude de criminels de sang tandis qu’étaient inquiétés nombre d’authentiques résistants !

Le mot d’ordre « Mieux vaut Hitler que Staline » survit aux conditions historiques de son émergence pour alimenter une mythologie2 dont nous sommes aujourd’hui loin, très loin d’être sortis.

MYTHOLOGIES DE L’EPURATION

La première de ces mythologies recouvre les « approximations contemporaines sur la chronologie et les effectifs ». Selon Jean-Paul Cointet, il n’y aurait eu en France qu’un maximum de 1500 à 2000 collaborateurs « de sang », d’ailleurs exécutés « sommairement » en 1944 (avant ou après la Libération ?), pour dénoncer les parias, remplir les prisons, torturer, déporter, fusiller, massacrer, et parvenir à un bilan civil que la statistique officielle chiffra après-guerre à près de 150 000 morts. Les « pertes humaines » civiles furent fixées en mai 1947 à 30 000 fusillés, 150 000 déportés « morts ou disparus, sur un effectif (incluant une fraction des 766 000 travailleurs « déportés » en Allemagne) de 95 000 « déportés politiques » et de 100 000 « déportés raciaux ».

« Les recherches en cours nous rapprochent de cet effectif » , estime Annie Lacroix-Riz ; « les décès en Allemagne de travailleurs forcés (dont l’effectif total n’a pas varié depuis la statistique officielle de 1947) sont estimés à environ 30 000, soit moins de 5% du total déporté ; le chiffre de 75 000 déportés juifs fait consensus général. Celui des fusillés après condamnation atteint « sans doute 15 000 à 20 000 exécutés et massacrés », dont 36% de « communistes ». Encartés, c’est possible, FTP, c’est invraisemblable : ce pourcentage, avancé sans source, est incompatible avec la correspondance policière française et allemande, monomaniaque sur les FTP. Les « exécutés sommaires sont bien plus nombreux que les fusillés par condamnations », surtout dans les régions de « maquis puissants », auxquels s’ajoutèrent les liquidés en masse de « nettoyage des prisons au moment du départ des Allemands », et tant d’autres, tués « lors des libérations des villes, condamnés en France et exécutés en Allemagne », massacrés en masse de la fin de l’hiver 1943/44 à l’été 1944.

Elle conclut : « on peut évaluer le nombre de morts par balles dans une volonté de répression entre 15 et 20 000, sans compter les autres morts en camp de concentration et au combat. Bien plus nombreux : de combien ? Deux fois plus que les 20 000 condamnés ». Sur ces évaluations, la recherche n’a pas dit ses derniers chiffres…

Largement reprise par les historiens officiels de la Seconde guerre mondiale, une deuxième mythologie vise à réduire l’importance opérationnelle de la Résistance française. Exemple : Olivier Wieviorka, spécialiste déclaré de la Résistance française semble considérer que celle-ci n’a eu qu’un rôle militaire négligeable. Seuls les Anglais et surtout les américains auraient, depuis le débarquement de Normandie, assumé la dimension militaire du territoire français comme dans toute l’Europe occidentale. Annie Lacroix-Riz de commenter : « cette dépréciation de la Résistance et de ses combats attire logiquement les éditeurs champions de « l’épuration sauvage .. et de la réhabilitation de Vichy ».

De cette caricature témoigne l’un des ouvrages de la collection que dirige M. Wieviorka – Le Maquis des Glières -, de son ancien doctorant et disciple Claude Barbier. L’auteur s’y propose d’abattre le « mythe (du) maquis des Glières » ou de démontrer à la fois que « la bataille des Glières n’a(vait) pas eu lieu » et que les « réprimants « (sic) français des Glières étaient de braves gens, miliciens taraudés par « un cas de conscience », répugnant « à combattre aux côtés de la Wehrmacht ».

L’ouvrage, tiré en 2014 de sa thèse, devait valider le postulat de son directeur de recherches et éditeur sur la débilité militaire d’une Résistance française (surtout FTP) par ailleurs politiquement féroce : il était donc logique que les « miliciens ne (vissent) aux Glières que des partisans de Staline prêts à employer les méthode (du) NKVD pour assassiner des milliers d’officiers polonais » à Katyn sans les distinguer (…) des membres de l’AS (Armée secrète) » dignes de plus de ménagements.

La correspondance d’Otto Abetz, ambassadeur à Paris, exprime par exemple une grande inquiétude vis-à-vis des nombreux sabotages, assassinats ou « attaques perfides contre des soldats isolés » allemands perpétrés sur tout le territoire français. Et vers la fin de la guerre, le « commandant ouest » de la Wehrmacht, Gerd von Rundstedt, confirme lui-aussi la « gravité » de la situation pour les troupes allemandes dont les petites unités sont constamment attaquées « par des bandits en uniforme ou en civil », obligeant à mobiliser d’importantes forces de protection pour chacun de leurs déplacements.

Baptisée par Albert Speer – le ministre de l’armement de Hitler -, « l’armée des partisans », la résistance intérieure inquiéta assez les Allemands pour les convaincre de porter en France leurs troupes de 27 à 48 divisions entre novembre 1943 et avril 1944. En témoigne l’impressionnant bilan des FTP en matière de sabotages principalement dirigés contre le rail. D’avril à septembre 1943, en effet « 278 opérations contre les voies ferrées et les transports de troupes et de matériels allemands, avaient provoqué 138 déraillements, mettant hors d’usage 357 locomotives et 1698 wagons, et détruisant 38 wagons-citernes pleins d’essence ».

Les combattants patriotes responsables de ces attentats, rappelons-le, pratiquaient non des actes de terrorisme mais des « actes de guerre » définis comme tels par la jurisprudence du Comité de la France libre à Londres (qui s’était déclaré en guerre contre l’Allemagne en 1941).

Troisième mythe récurrent : le vieux distinguo entre « vilains SS » et une « Wehrmacht propre », légende que l’historiographie ouest-allemande a tardivement mais totalement liquidée pour l’Est occupé. Ce mythe s’était effrité à l’Ouest, contre les communistes et les juifs depuis l’été 1941. Il avait perdu tout son sens depuis 1943. Le Feld-Maréchal Hugo Sperrle et le général Gerd Von Rundsedt affichaient début 1944 la couleur dans « la guerre contre les partisans » conduite en France.

« SECTIONS SPECIALES » BLANCHIES

Retour à « l’épuration », engagée après la guerre sous le gouvernement gaulliste : le livre d’Annie Lacroix-Riz démontre qu’elle fut pratiquement inexistante, non en raison d’un climat de risque de guerre civile intérieure, ni de la menace extérieure soviétique, mais bien à cause d’un consensus établi à Alger entre le général de Gaulle et les Américains – pourtant à couteaux tirés3.

A Alger, personne ne souhaitait une épuration massive de l’appareil économique, politique et militaire de Vichy. Annie Lacroix-Riz montre que, si des commissions d’épuration furent bien mises en place, ainsi que cela avait été prévu dès le début de l’Occupation au sein de la Résistance, elles furent aussitôt réduites à l’impuissance par différents subterfuges (absence de crédit, de personnel, non-transmission des dossiers, requalifications des chefs d’accusation, mesures dilatoires, etc.) avec l’assentiment des premiers ministres et hauts responsables de la Justice de la France libérée – dont François de Menthon, Pierre-Henri Teitgen et Robert Schuman.

A contrario, l’inventivité pour transformer les « épurables » en résistants semble ne pas avoir connu de limites. L’ardeur pour soustraire à l’examen des collaborationnistes notoires ou faire libérer ceux que les avocats décrivaient comme des « Français non coupables, injustement incarcérés » fut sans limite. Les efforts pour les disculper – qu’ils aient été responsables politiques, patrons de presse, banquiers, administrateurs de biens juifs, etc.) – se déployèrent sans relâche. Illustrés dans le livre par de nombreux extraits de lettres, de circulaires et autres, ils sont frappants de cynisme.

L’obstination des ministères et de la haute administration pour blanchir leurs membres donne une idée vertigineuse de la solidarité de « caste » ou de « classe » régissant alors la France de la Libération. Grâce à un système très ramifié de protections, peu de ceux qui devaient répondre « d’actes de trahison, collaboration avec l’ennemi et de menées antinationales » furent en effet condamnés. « Entre 44 et les années 1950 », souligne Annie Lacroix-Riz, « les pratiques d’Occupation indiscutablement établies ne pesèrent rien face aux témoignages dithyrambiques post-Liberationem, aux « certificats de résistance » ou médicaux, le plus souvent évidemment tarifés ».

Dans le domaine de ce blanchiment morbide, un seul exemple suffira, concernant l’appareil judiciaire : tous les dossiers des magistrats des « sections spéciales » qui avaient condamné à mort des résistants furent classés sans suite. Dans cette logique léviathanesque qui donne froid dans le dos, le cas de Maurice Papon est l’arbre qui cache la forêt !

Il faudra 17 années de batailles juridiques pour qu’il soit condamné le 2 avril 1998 à dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité pour les actes d’arrestation et de séquestration – lors de l’organisation de la déportation des Juifs de la région bordelaise vers le camp de Drancy d’où ils furent ensuite acheminés vers le camp d’extermination d’Auschwitz – commis lorsqu’il était secrétaire général de la préfecture de Gironde, entre 1942 et 1944. Mais, estimant qu’il n’existait pas de preuve que Papon ait eu connaissance – à l’époque – de l’extermination des Juifs, il fut acquitté pour toutes les charges de « complicité d’assassinat » et des « tentatives de complicité d’assassinat ».

Paradoxalement, ce furent les Résistants qui furent soupçonnés et attaqués. En 1948, le philosophe Vladimir Jankélévitch écrivait que sous l’égide de « la démocratie américaine » et du « libérateur de la France » (de Gaulle), « la défense de classe » avait « vite » permis aux « amis (français) du docteur Goebbels (…) redevenus les bien-pensants », de se remettre « de leur frayeur (…). Tout rentrait dans l’ordre », avec le retour en force de « l’ennemi numéro un : le communisme ». Il prévoyait aussi que « demain la Résistance devra(it) se justifier d’avoir résisté ».

LE « TOURNANT OBSCUR »

Dans sa jeunesse, l’auteur de ces lignes a eu la chance de partager l’amitié et les récits de plusieurs Résistants haut-savoyards. Issus des communautés de pêcheurs du lac Léman et des fermes de moyenne montagne, plus précisément de Rives (Thonon-les-Bains), d’Anthy-sur-Léman, de Meillerie et des villages de la Vallée Verte (Boëge), ces derniers avaient rejoint les Brigades internationales d’Espagne, se retrouvant intégrés à des unités républicaines soit de la FAI (Fédération anarchiste ibérique), soit du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste/Trotskiste) et d’autres groupes.

Leur crédo unanime était d’interroger sans cesse l’arrestation de Jean Moulin et son remplacement à la tête du CNR (Conseil national de la Résistance) par le démocrate-chrétien Georges Bidault (nom de guerre : Bip), qualifié par eux de « tournant obscur », reprenant ainsi le titre des mémoires du révolutionnaire russo-belge Victor Serge. « Tournant », expliquaient-ils parce qu’après la « neutralisation » de Jean Moulin – qui avant d’être préfet de Chartres fut nommé par Pierre Cot sous-préfet de Thonon-les-Bains (c’est durant cette période qu’il noue une relation forte avec le Rassemblement universel pour la Paix/RUP soutenant les effort de la Société des Nations/SDN contre la guerre de Mussolini en Ethiopie puis en appui de la République espagnole) – s’ensuivit une reprise en main opérationnelle et politique de la Résistance.

Sous la direction de Jean Moulin, les mouvements gardent une grande autonomie opérationnelle, adoptant le plus souvent les techniques asymétriques de la guérilla. Une fois les opérations terminées, ils se replient dans des régions boisées et montagneuses, prenant soin d’éviter les confrontations massives et frontales. Pour l’occupant, les fragmentations fluides de cet ennemi invisible donc insaisissable sont redoutables. Dans ces circonstances, les groupes de maquisards cultivent toutes leurs spécificités politiques et projettent leur combat dans la perspective de la reconstruction du pays. Pour Churchill et une partie de l’entourage du général de Gaulle, cette situation est insupportable. Anticipant les évolutions de la résistance en Grèce où la majorité des mouvements ancrés à gauche identifiait Libération et révolution sociale, ou celle prévalant en Yougoslavie avec les partisans de Tito, le commandement allié – selon les amis de l’auteur – a clairement privilégié une reprise en main « politique » de la Résistance française au détriment de son efficacité opérationnelle.

Ainsi, les parachutages d’armes furent attribués seulement aux maquis jugés « sûrs », alignés sur les directives de Londres. « Assez rapidement après l’arrestation de Caluire, les MURs (Mouvement unis de résistance) imposèrent leurs vues par l’intermédiaire de jeunes officiers et cadres issus, pour la plupart, des Chantiers de jeunesse de Vichy », expliquaient mes amis ; « la consigne était claire : il s’agissait impérativement de mettre sous tutelle nos groupes de guérilla, une tutelle d’encadrement et de commandement militaire classique pour reprendre la main idéologique. Les résultats se révélèrent rapidement dramatiques. Poursuivant leur obsession de reconstituer des corps d’armée classique centralisés, les responsables des MURs offraient ainsi des cibles faciles pour l’armée allemande. Début 1944 et sans surprise, suivirent les désastres du plateau des Glières au-dessus d’Annecy et des maquis du Vercors au-dessus de Grenoble. L’important pour Londres était bien-sûr de neutraliser Jean Moulin qui aurait pu faire de l’ombre au général de Gaulle dans une France libérée ».

Le récit de mes vieux amis – aujourd’hui disparus – correspond en tous points aux résultats des recherches bénédictines d’Annie Lacroix-Riz.

JEAN MOULIN TRAHI PAR LES SIENS

Le paroxysme de l’ignominie et du déshonneur culminera avec « l’affaire Jean Moulin » : l’arrestation du créateur et chef du CNR à Caluire (dans la banlieue lyonnaise) le 21 juin 1943 par le nazi Klaus Barbie (chef de la section IV (SIPO-SD) des services de la sûreté allemande basée à Lyon), se soldera par son supplice et sa mort officiellement datée du 8 juillet 1943 en gare de Metz durant son transfert à Berlin.

Comme Jean Multon, résistant retourné par la Gestapo, René Hardy est arrêté par Klaus Barbie, mais relâché juste avant la réunion de Caluire où Jean Moulin doit réorganiser la direction des maquis après l’arrestation à Paris du général Delestraint, le 9 juin 1943. D’après Pierre Péan, « c’est certainement René Hardy qui a vendu Jean Moulin, sur l’incitation de hauts responsables du plus proche entourage londonien du général de Gaulle »4.

Annie Lacroix-Riz : « Pierre de Bénouville, Fradin et Dubost au secours des collaborationnistes notoires. Bénouville, passé sans transition de la Cagoule d’avant-guerre au MSR d’Occupation, faux gaulliste inféodé à Allen Dulles (NDLR : patron de l’OSS-117 qui deviendra la CIA) et anti-communiste obsessionnel avait depuis la Libération fait l’objet de rapports de police forts complaisants (…). Ami de Frenay, chef de file avec lui de la cohorte bigarrée des protecteurs d’Hardy, Bénouville fit la pluie et le beau temps à la justice où régnait son ami Fradin. Il y avait porte ouverte depuis l’automne 1944 pour soustraire les plus grands coupables à la prison et au jugement, à commencer par ses amis de la Cagoule, d’Eugène Schueller à Jean de Castellance ».

Encore : « le rôle des deux chefs de Combat est d’une autre portée que celui des « traîtres » avérés Multon et Hardy. Il explique la cohésion du bloc anticommuniste soudé autour d’Hardy pour nier les preuves formelles entassées de 1943 à 1947 contre l’exécutant et ses donneurs d’ordres. Et ce, plusieurs décennies avant les aveux partiels de Barbie et Hardy en 1983 et de Bénouville en 1997/98 qui ont convaincu Péan de la responsabilité des chefs de Combat dans les arrestations du général Delestraint et Jean Moulin ».

Dès la Libération, le nazi Klaus Barbie fut recyclé dans les services spéciaux américains et protégé par les autorités de Washington au plus haut niveau. Comme les ingénieurs allemands – concepteurs des V1 et V2, ayant semé la mort dans les villes britanniques – se retrouvèrent à la NASA et dans les laboratoires de la bombe atomique américaine, Klaus Barbie et de nombreux autres nazis, criminels de guerre notoires, se recyclèrent dans les services secrets des Etats-Unis. On retrouvera plusieurs d’entre eux – dont Barbie -comme conseillers de la CIA au cœur du « plan Condor » : une campagne d’assassinats, de lutte anti-guérilla et de coups d’Etat menée conjointement par les services secrets du Chili, de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay au milieu des années 1970.

La leçon magistrale d’Annie Lacroix-Riz nous permet de relier et de comprendre ces événements, de la non-épuration à la domination d’une grande partie du monde : une grande leçon d’épistémologie historique et de politique générale. A lire bien-sûr, à faire lire et à diffuser le plus largement possible.

La semaine prochaine, nous poursuivrons notre rentrée studieuse en faisant retour aux Proche et Moyen-Orient avec un autre livre-événement très important : celui de Régina Sneifer5 consacré à la « Grande Syrie » et au « Croissant fertile » d’Antoun Saadé, d’après les mémoires de sa femme Juliette. Safia Antoun Saadé, leur fille sera présente à la présentation-signature du livre de Régina Sneifer, le 26 septembre dès 18 heures dans les locaux des éditions Riveneuve – 85, rue de Gergovie, 75014 Paris (téléphone : 01 45 42 23 85 – M/Ligne 4/Alésia, M/Ligne 13/Plaisance). La rédaction de prochetmoyen-orient.ch y sera !

Bonne lecture et, donc, à la semaine prochaine chez Gilles Kraemer, le patron des éditions Riveneuve.

Richard Labévière
16 septembre 2019

1 Annie Lacroix-Riz : La Non-épuration en France de 1943 aux années 1950. Editions Armand Colin, août 2019.
2 Dans le sens de ce que Roland Barthes conceptualise dans ses Mythologies (Editions du Seuil, 1957), à savoir vider la réalité de sa dimension historique pour la transformer en une espèce de « nature éternelle » vouée au bons sens populaire, à la morale et à la haine du politique !
3 Eric Branca : L’ami américain – Washington contre De Gaulle 1940 – 1969. Editions Perrin, août 2017.
4 Entretiens avec Pierre Péan. Lire son livre : Vies et morts de Jean Moulinéléments d’une biographie. Editions Fayard – 1998, abondamment cité (plus d’une vingtaine de fois) par Annie Lacroix-Riz.
5 Regina Sneifer : Une femme dans la tourmente de la Grande Syrie. D’après les mémoires de Juliette Antoun Saadé. Editions Riveneuve, septembre 2019.

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Source : Proche & Moyen-Orient, Richard Labévière, 16-09-2019

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Commentaire recommandé

Louis Robert // 25.09.2019 à 07h51

LA France?

Aujourd’hui encore et plus que jamais, alors que chaque semaine on réprime, éborgne, mutile allègrement et impunément ces Français qui courageusement résistent, il convient de toujours s’interroger attentivement et systématiquement: « De QUELLE France parlons-nous? »

Hommages indéfectibles à ces femmes parmi nous, intègres, indomptables et si attachantes:

ANNIE LACROIX-RIZ et MONIQUE PINÇON-CHARLOT

1. LA NON-ÉPURATION

https://m.youtube.com/watch?v=I_N2E45KWFQ

2. LE FASCISME FRANÇAIS

https://m.youtube.com/watch?v=c7_KzTgM7LM&vl=fr

3. MACRON OU L’ORGIE DES ULTRA-RICHES

https://m.youtube.com/watch?v=JEOj91N7tn8

42 réactions et commentaires

  • Louis Robert // 25.09.2019 à 07h51

    LA France?

    Aujourd’hui encore et plus que jamais, alors que chaque semaine on réprime, éborgne, mutile allègrement et impunément ces Français qui courageusement résistent, il convient de toujours s’interroger attentivement et systématiquement: « De QUELLE France parlons-nous? »

    Hommages indéfectibles à ces femmes parmi nous, intègres, indomptables et si attachantes:

    ANNIE LACROIX-RIZ et MONIQUE PINÇON-CHARLOT

    1. LA NON-ÉPURATION

    https://m.youtube.com/watch?v=I_N2E45KWFQ

    2. LE FASCISME FRANÇAIS

    https://m.youtube.com/watch?v=c7_KzTgM7LM&vl=fr

    3. MACRON OU L’ORGIE DES ULTRA-RICHES

    https://m.youtube.com/watch?v=JEOj91N7tn8

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  • Toff de Aix // 25.09.2019 à 08h18

    Annie lacroix-ruiz fait œuvre utile, avec la rigueur et le professionnalisme qu’on lui connaît. C’est sans doute pour cela que la presse mainstream ne l’invite jamais… Dans son dernier ouvrage on apprend avec effarement, nombreuses sources à l’appui, que la France a fait comme les autres : on a épuré quand c’était possible, nécessaire ou souhaitable (histoire de donner un exhutoire aux foules en furie), mais le plus souvent on a fait avec, voire récupéré quand la personne avait des « compétences », un savoir-faire intéressant,unique ou précieux. Il s’agissait de reconstruire le pays comprenez-vous, il s’agissait de concorde nationale…

    De toutes façons, si l’épuration avait été menée avec rigueur et justesse, sans doute la moitié du pays aurait fini tondue, ou au bout des fusils d’un peloton d’exécution !

    Et puis, franchement, ces gens-là n’ont ils pas quand même fait œuvre utile, en nous débarrassant du surplus de communistes et autres révolutionnaires qui auraient, à coup sûr, pris le pouvoir dans le pays et réinstauré la terreur de 1793?

    Regardez la une du magazine Historia de cette semaine : on en refait des tonnes avec ça, encore et encore. Alors je vous le demande : à quand une couverture sur le massacre des communards en 1871 (au moins autant de victimes, hommes, femmes, enfants assassinés sur ordre du républicain Adolphe Thiers) , ou, mieux encore, sur le coup d’état de Napoléon bonaparte en 1851 ? Avec son lot d’exécutions sommaires, de spoliations, de destruction de familles entières ? Non, ce genre de choses, c’est du passé, ne remuons pas trop la fange voyons… Sauf quand ça nous arrange, pour taper sur les rouges, sur melenchon ou sur les gueux qui osent réclamer plus de justice !

    Ce pays est rassis, il pue le rance depuis des siècles.

      +49

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    • Matt // 25.09.2019 à 21h16

      > « sans doute la moitié du pays aurait fini tondue ».

      Le fait d’avoir vu en Pétain un sauveur n’a pas fait de la majorité des Français des collaborationnistes. La majorité des Français pendant ces 4 années d’occupation a été dépassée par les évènements, bernée par la propagande et le plus souvent passive. Cela mérite un procès ? Qui pour présider le « Tribunal de l’Histoire » ?

      > « Ce pays est rassis, il pue le rance depuis des siècles. ».

      Serait-ce trop vous demandez combien de siècles exactement ou vous dites ça juste parce que cela vous passe par la tête ? Et pourquoi cela sentait la rose au Royaume de France ? Vous auriez pu vous épargner cette conclusion qui sent la Réaction, c’est à dire pas très très bon non plus 🙁

      Se remettre dans le contexte me semblerait être la moindre des choses avant de porter un jugement sur les agissements d’une population. Si toutefois il faut porter un jugement, ce qui n’est pas obligatoire ; on pourrait par exemple juste essayer d’en tirer des leçons.

        +7

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      • Rémi // 26.09.2019 à 13h10

        Voyons, voir, le procés des templiers sous philippe IV le Bel, lorsqu’ils ont commencé à se défendre il en a fait bruler 40 pour faire taire les autres.
        On pourrait remonter encore plus loin, mais c’est un bon exemple de raison d’état mis en forme plus tard par les lettres de cachets. Ensuite les tribunaux révolutionnaires, l’assassinat du duc d#enghien…
        On pas trop de scrupules à condamner en France lorsque le souverain le demainde.
        Vichy reste un haut fait, mais le coup d’état de 1851, la commune réhaussent le lustre de la magistrature et de l’administration Francaise.
        Les Gilets jaunes ne sont qu’une étape.

          +2

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  • Papagateau // 25.09.2019 à 08h29

    Tout les magistrats des sections spéciales furent acquittés ?
    La justice est vraiment souveraine. Même en 1947.

    Pareil aujourd’hui ?

      +20

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    • jules Vallés // 25.09.2019 à 10h20

      Paul Didier (Carcassonne, 15 novembre 1889 – Paris, 22 mai 1961) est un magistrat français. Il est le SEUL magistrat à avoir refusé de prêter serment de fidélité à la personne du maréchal Pétain.

      Prestation de serment obligatoire en la personne de Philippe Pétain Maréchal de France sur 6434 Commissaires de Police et 7234 Magistrats de toute la France et son empire seuls 1 commissaire de Police et 1 magistrat refuseront de prêter allégeance , au motif que leur loyauté et fidélité allaient prioritairement envers la France, et non pas envers la personne, de Philippe Pétain. Ils furent radiés immédiatement de la fonction publique et de la magistrature, avec interdiction à jamais d’y exercer.

        +27

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      • Donnot // 25.09.2019 à 12h31

        Jésus ou Barabas ? la masse populaire a libéré Barabas.

          +5

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      • Louis Robert // 25.09.2019 à 13h47

        « C’est facile de juger les attitudes une fois que tout est terminé »?

        Au contraire, c’est extrêmement difficile. Cela demande une conscience et un courage hors du commun. Voilà pourquoi cela ne se fait presque jamais, et chaque jour de moins en moins. Comme du reste ce qu’a fait monsieur Paul Didier…

        Vous avez remarqué que l’on n’entend plus en pareil cas: « S’il n’en reste qu’un, je serai celui-là! »? Cela explique que collectivement, nous en soyons LÀ.

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      • Sandrine // 25.09.2019 à 14h22

        On peut comparer avec la Belgique où le refus de collaborer dans la fonction publique a été massif. Mais à la différence de la France, le gouvernement avait fui en exil -ce qui rendait le dilemme pour les fonctionnaires moins compliqué

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        Alerter
  • fox23 // 25.09.2019 à 09h03

    Oui, justice de classe. La lutte des classes existe, mais contrairement aux racontars politico-médiatiques, elle n’est pas le fait du Peuple (cf les GJ), mais de la classe dominante qui ne lâche pas un pouce de ses privilèges et de sa domination.

    Il faudrait s’en souvenir !

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  • Kokoba // 25.09.2019 à 09h04

    En 2019, l’histoire de la libération reste un sujet très sensible.

    Si on parle de la résistance, soyons honnetes, l’effet de la résistance Française dans la lutte militaire est microscopique.
    Par contre, son effet sur le plan politique est capital.
    C’est grace à la résistance que De Gaulle devient légitime et au final que la France redevient indépendante (et non pas un dominion des USA).

    La question de la résistance, c’est savoir qui va obtenir le pouvoir en France à la libération.
    C’est pour cela que les alliés n’ont jamais fourni d’équipement correct à la résistance.
    Ils ne voulaient pas équiper les communistes qui ensuite auraient pu devenir des ennemis.

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    • Pepin Lecourt // 25.09.2019 à 09h40

      «  »Si on parle de la résistance, soyons honnetes, l’effet de la résistance Française dans la lutte militaire est microscopique «  » »

      C’est totalement faux et ce mensonge est le fruit de la propagande des vichystes après la libération.

      La démonstration en est apportée par le livre passionnant de l’historien Dominique Lormier titré : « Les vérités cachées de la Seconde Guerre mondiale  » qui en apporte le démenti par la publication d’une multitude de rapports d’officiels Anglais et Américains notamment des généraux qui ont écrit des lignes élogieuses sur le rôle des sabotages et des informations de la Résistance, comme par exemple le positionnement précis des troupes Allemandes et de leurs fortins, des retards considérables dans l’arrivée et les déplacement des renforts Allemands en raison des sabotages, aide sans laquelle il est probable que le débarquement eut été rejeté à la mer.
      Et plein d’autres infos inattendues comme le rôle secondaire des troupes US derrière les Anglais, Canadiens notamment.

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      • Pepin Lecourt // 25.09.2019 à 09h41

        Suite…

        Un autre mythe aussi celui d’une armée Italienne qui ne se serait pas battue et fuyait au premier coup de canon, le contraire de la réalité, il est surprenant d’apprendre qu’en Afrique du Nord elle fut plus coriace pour les alliés que l’Africa Corps et cela à partir de rapports de généraux britanniques et même Allemands, lire sous la plume de Rommel je crois que les Allemands n’auraient jamais accepté de subir les sacrifices suicidaires d’une armée Italienne se battant avec acharnement jusqu’au dernier avec un matériel totalement dépassé et terriblement sous-équipés va totalement à rebours de ce que l’on croit et l’on se demande d’où vient cette légende noire des troupes italiennes sans évoquer une forme de racisme.

        Lormier confirme d’autres historiens comme Antony Beevor qu’en Asie, 75% des troupes japonaises ont été anéanties….par les Chinois !
        Ce sont les Chinois qui ont mis les japonais à genoux !
        Ce n’est pas l’impression que l’on en retire à partir d’Hollywood !!!

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        • Toutatis // 25.09.2019 à 10h05

          Une partie de l’armée italienne s’est aussi illustrée en Grèce (d’après le blog de Panagiotis Grigoriou) en s’opposant aux occupants allemands.

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          • step // 01.10.2019 à 01h52

            Avec un peu de modération, Panagiotis (dont je suis lecteur du blog) nous raconte le vécu des grecs sur la fin d’une partie de l’occupation italienne en Grèce, qui plutôt que de se mettre aux ordres des nazis ont préféré défendre leur position et ne pas obéir aux ordres de la république de salo. Il faut cependant savoir que ces mêmes troupes ont commis parmi leurs fait d’armes plusieurs massacres et crimes de guerre contre la population grecque avant de se retrouver à essayer de « collaborer » avec la résistance locale grecque (pas communiste il ne faut pas déconner) contre la reprise en main nazie.
            Résistance grecque qui s’est empressée de les désarmer et de les enfermer dans des camps tellement elle les appréciaient. C’est une fois la zone tenue par la résistance pro-occidentale, et devant la catastrophe sanitaire en cours dans ces camps mal tenus et sans moyens, que ces italiens ont été mis en « résidence surveillée chez l’habitant ». Qu’à cette occasion il y ait eu fraternisation telle que le décrit panagiotis, c’est probable, mais d’ici à en faire des chevaliers blancs, il y a un pas qu’il ne faut pas franchir. Ce n’est qu’une fois démobilisés et éparpillés qu’ils ont eu l’intelligence de jouer profil bas.

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        • Kafka // 26.09.2019 à 18h18

          Bonjour,
          Concernant la guerre en Asie, il est peut être exagéré de dire que que les chinois ont mis les japonais, car du fait de la nature de la guerre et de la position du Japon, c’est bien la perte de la maîtrise des mers … et des voies de communication qui transforment l’empire du Japon en zombie….

          MAIS

          Les chinois condamnent les japonais à perdre la guerre du Pacifique avant meme qu’elle ne commence, car ils ne peuvent plus mettre les pieds hors du bourbier chinois. Notamment au printemps 1942, après Pearl Harbor, la chute des Philippines et Singapour, les batailles de la mer de Java, et l’expédition dans l’océan indien (à l’issue de laquelle il n’y a plus aucun navire britannique à l’est de Diego Suarez), rien ne semble arrêter la flotte combinée…. mais….
          alors que l’Australie semble devoir tomber rapidement, ce qu’ignore les alliés c’est que l’état major impérial n’en a pas les moyens, l’armée de terre étant engloutie en Chine…. Elle dégagera à peine assez de troupes pour envahir une petite île nommée Midway….

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  • Toutatis // 25.09.2019 à 09h10

    C’est bizarre de parler de « non-épuration » sans donner des chiffres précis. Ou alors comme c’est la cas ici, on ne s’intéresse qu’aux personnages de premier plan qui auraient été (ou non) épurés, dont le décompte est plus facile.
    Quant au nombre total de victimes, les estimations que je connais vont de 10000 à 100000 environ, la première étant celle des rapports officiels, la seconde tirée de l’ouvrage « FRANCE THE TRAGIC YEARS 1939-1947 » de
    Sisley Huddleston. La plupart des victimes sont des personnes quasi inconnues, dans des règlements de comptes locaux.
    Il existe un flou analogue en ce qui concerne les victimes allemandes de l’après-guerre, où on va de quelques centaines de milliers à plusieurs millions.

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    • Pepin Lecourt // 25.09.2019 à 09h53

      «  »C’est bizarre de parler de “non-épuration” sans donner des chiffres précis. » »

      Aucun Juge, procureur, préfet, haut fonctionnaire de police etc.

      L’épuration a essentiellement consisté en règlements de comptes au niveau populaire au niveau local, liquidation de mouchards, de miliciens, de trafiquants du marché noir, et règlements de compte politiques en liquidant de simples sympathisants Vichystes passifs, voire de concurrents économiques !

      Il y a eu plusieurs sortes de résistants, les vrais, héroïques, risquant leur vie, l’ayant perdue pour nombre d’entre eux, souvent résistants de la première heure, puis d’autres bien peu recommandables, n’ayant quasiment jamais eu affaire aux allemands sauf lors de leur débâcle en liquidant des prisonniers, et qui ont passé plus de temps à racketter les paysans, à régler des comptes privés; J’ai entendu de très nombreux témoignages à ce sujet dans ma propre famille.

      On ne dit pas que dans les campagnes on craignait souvent autant sinon plus de voir débarquer ces  » résistants » que les miliciens, qui étaient des bandes errantes d’aventurier livrées aux humeurs de leurs petits chefs, armés jusqu’au dents, qui repartaient rarement les poches vides.

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      • Jean D // 25.09.2019 à 21h04

        Votre dernier paragraphe mériterait des sources concordantes.
        Sinon on pourrait considérer (avec raison) que vous confondez la guerre de 40 avec celle de 100 ans 🙂

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        • Pepin Lecourt // 26.09.2019 à 09h55

          Les très nombreux témoignages, mais il faut se dépêcher car il n’en reste presque plus en vie sont là, si on voulait se donner la peine de les rechercher et les écouter.
          Mais c’est prendre le gros risque de se retrouver vichyste, il est probablement encore trop tôt pour évoquer cela dans une publication, il faut attendre la disparition de tous les protagonistes et de leurs descendants directs comme pour tous les événements historiques douloureux !

          En tout cas ils ont baigné ma jeunesse étant né juste après la guerre, objets banaux des conversations privées car l’évocation publique était à éviter au sortir de la guerre.

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        • Jean D // 26.09.2019 à 11h20

          J’en déduit que pour le moment il s’agit d’un témoignage personnel, le vôtre.

          Pour ma part je pense que si comme vous l’affirmez « on craignait autant sinon plus les ces résistants que les miliciens » était vrai, cela figurerait dans les livres d’Histoire.

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          • Pepin Lecourt // 26.09.2019 à 14h23

            Il y a des faits longs à apparaître lorsqu’ils sont fort dérangeants, le livre de Annie Lacroix-Riz en est la parfaite illustration et gageons qu’elle a peu de chance de faire le tour des plateaux télés pour en faire la promotion.

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            • Pepin Lecourt // 26.09.2019 à 14h29

              J’ajoute comme autre exemple les exactions contre la population Française commises par les troupes US après le débarquement en Normandie !

              On commence à voir paraître enfin de plus en plus d’ouvrages d’historiens qui les évoque, et curieusement plus souvent aux USA que chez nous, pourtant c’était un sujet discouru dans les conversations privées notamment en Normandie parmi les générations qui l’ont vécu !

              Je n’ai pas fait le tour de tous les ouvrages sur la résistance mais je pense que certains auteurs doivent commencer à évoquer le sujet, mais comme ils ne recevront pas de publicité…

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          • Humus illis. // 26.09.2019 à 15h10

            Dans les livres d’histoire on trouve souvent la dernière version qui soit politiquement correcte. Trop souvent. Surtout avec un historien escroc, ou tordu, il y en a.
            Par contre, dans les témoignages locaux, généralement des faits réels. Du moins si les témoins sont fiables.

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    • ALR // 25.09.2019 à 11h04

      Lisez La non-épuration, et vous verrez les chiffres…

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  • Myrkur34 // 25.09.2019 à 09h52

    Finalement on comprend mieux la politique indochinoise et algérienne de la France. Les mêmes pousse-cailloux qui ont voté les pleins pouvoirs à Pétain, sont revenus aux manettes après un changement de crèmerie.
    En fait ces deux guerres coloniales ont été menées pour que les gros intérêts puissent retirer leurs billes à temps et mettre la population métropolitaine devant le fait accompli, genre on a perdu la guerre donc on doit faire les valises.
    Cela aurait été sûrement plus productif et généreux de dire après ce que les nazis ont fait chez nous, on autorise un vrai processus d’indépendance en Indochine et en Algérie.
    En fait pour une certaine caste haut-placée, la WW2 n’a été qu’une parenthèse à vite oublier pour revenir au colonialisme pépère des années 30.
    Ne pas avoir été capable de mettre à la retraite d’office tous ces hauts fonctionnaires ayant servi docilement le régime de Vichy en dit long sur la volonté de rendre justice aux victimes. Le cas Bousquet ou Papon multiplié combien de fois ?
    De plus ils avaient leur marotte auto-justifiante, la lutte contre le communisme.

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  • Daniel // 25.09.2019 à 10h13

    En complément de ce qu’apporte Louis Robert,
    je citerais l’excellent ouvrage du même auteur, fruit d’un travail méticuleux, abondamment documenté et référencé:
    – De Munich à Vichy ( sous titré « L’assassinat de la 3ème République 1938 – 1940) » (chez Armand-Colin 2008)
    dont voici la 4ème de couverture
    [70 ans après, la blessure reste vive. Comment la France a-t-elle pu (de concert avec le Royaume-Uni) trahir à ce point ses engagements internationaux et s’engager ainsi dans la voie de l’abaissement, prélude à la capitulation ? Le caractère « sidérant » et profondément dérangeant de cet événement fait qu’aujourd’hui encore bien des zones d’ombre demeurent, bien des responsabilités ne sont que pudiquement esquissées. Annie Lacroix-Riz, redoutable investigatrice qui a fait grincer bien des dents sans que nul ne la prenne jamais en défaut, soulève le voile et nous montre combien le souci de mener la « guerre aux pauvres » a rendu attrayant aux yeux de toute une part des élites françaises le modèle intérieur allemand, avec qui il ne s’est dès lors agi que de favoriser la rencontre : de Munich à la défaite, tout est en somme  » préparé pour »…]

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  • Sandrine // 25.09.2019 à 12h09

    « Les aveux partiels de Barbie en 83 » ?
    Et pourtant on entend partout que Barbie n’aurait rien dit lors de son procès sur Caluire. Aurait-il commencé à parler, puis aurait-il subi des pressions pour se taire ?

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    • ALR // 28.09.2019 à 17h19

      oui, sur ses liens avec Combat contre les communistes, voir chap. 7.
      ALR

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  • jack // 25.09.2019 à 12h31

    Témoignage très précieux permettant de situer une certaine « vérité » en cette période confuse que furent les années d’après guerre. Les systèmes d’information actuels sont souvent assujettis à l’idée du maître des lieux, n’hésitant pas à laisser émaner des doutes sur ce fut la résistance et de son importance quant aux dégats infligés à l’envahisseur. Les systèmes de propagande sont puissants et il en faut peu aujourd’hui pour nommer terroristes les résistants d’avant garde comme si bien identifiés en votre texte.

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  • Jean-Pierre Georges-Pichot // 25.09.2019 à 12h33

    Totalement convaincu par les écrits d’Annie Lacroix-Riz, totalement hostile à l’assimilation nazisme-stalinisme, argument de propagande atlantiste visant à unifier les adversaires successifs des Etats-Unis, et à occulter l’alliance de guerre avec l’Union soviétique, véritable entreprise de révisionnisme au pire sens du terme. Mais par pitié, ne jetez pas Hannah Arendt avec l’eau du bain ! Lisez au contraire et faites lire son Opus Magnum, « Les origines du totalitarisme », dont les leçons ne se réduisent pas à la caricature qu’en ont faite nos intellectuels sponsorisés par la CIA. Il est vrai qu’Hannah Arendt l’était elle-même, mais la CIA a tant d’argent qu’elle verse spontanément des sommes à quiconque produit des idées qui peuvent lui rendre service. On ne peut pas parler de recrutement et de manipulation. Par ailleurs, il est un peu tordu d’en faire une sorte de compagnonne de route d’Heidegger au niveau des idées, car c’est justement le point sur lequel elle ne s’est jamais accordée avec lui, en dépit de leur proximité dans la vie !

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    • Sandrine // 25.09.2019 à 15h02

      Ce que vous dites fait malheureusement partie de toute la doxa atlantiste Nazisme =Communisme dont on nous abreuve depuis tellement longtemps que nous n’arrivons plus à le remettre en question.

      Emmanuel Faye (totalement ostracisé a l’université a l’instar De ALR, ce qui fait qu’on entend très peu parler de ses travaux) a écrit sur ce sujet des pages accablantes pour les thèses de Arendt, qui, selon lui, sont une reformulation (plus accessible au grand public) des concepts heideggeriens.
      Il n’y a qu’a lire ce qu’elle écrit au sujet de l’ « animal laborens » pour comprendre qu’elle a une vision complètement élitiste et aristocratique de l’action politique (elle dit en substance que ceux qui ont un travail manuel restent au stade animal et ne sont pas capables d’accéder à une vie véritablement humaine, c’est à dire à l’action politique … tout un programme). H. Arendt est un produit de la «  révolution conservatrice » allemande dont son maître M Heidegger a incarné l’un des courants majeurs.
      Il serait d’ailleurs très intéressant de montrer (à ma connaissance cela n’a pas encore été vraiment fait) en quoi le concept de « totalitarisme » chez Arendt est très proche du concept de « Technique »chez Heidegger.

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      • Bruno Kord // 26.09.2019 à 00h41

        Sandrine, Jean-Pierre George-Pichod écrit qu’il est totalement hostile à l’assimilation nazisme-stalinisme, et vous lui répondez qu’il reprend la doxa atlantiste Nazisme = Communisme. Prenez donc le temps de relire un texte avant de le critiquer.

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        • Sandrine // 26.09.2019 à 07h32

          Il peut très bien être hostile à l’assimilation nazisme =communisme tout en se laissant, à son insu, enfumer par ladite doxa. Je ne vois là aucune contradiction et il ne serait pas le premier.

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  • Patrice // 26.09.2019 à 00h02

    N’ayez aucune crainte à lire les livres d’Annie Lacroix-Riz, historienne travaillant à partir des archives. Même si vous doutez que l’impérialisme soit le stade suprême du capitalisme ou que l’histoire soit celle de la lutte des classes, ses ouvrages permettent de connaître la réaité des faits (occultée par l’histoire revisitée officielle) , de comprendre le monde dans lequel nous vivons, et conséquemment d’éviter de nouveaux drames.
    Savoir que les élites américaines et européennes ayant soutenu le nazisme pour anéantir l’Urss et les défenseurs des travailleurs soient toujours en place après une parentthèse mortifère, permet de comprendre la honteuse position du parlement de l’UE , assimilant nazisme et « stalinisme= histoire d’une Russie agressée sans fin » tombant le masque une nouvelle fois, l’UE = simple volet ciivil de l’Otan et de l’Etat profond américain.

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  • Jean D // 26.09.2019 à 08h34

    Bel unanimisme sur ce site autour des travaux de cette historienne, pourtant considérés avec circonspection par ses pairs. Si cette historienne a le mérité d’animer le débat historique (par ses livres et ses conférences diffusées sur le web), il me semble que la prudence s’impose quant à la validité de certaines de ses approches.

    Et ce n’est pas parce que des gens très peu recommandables sur le web en disent du mal qu’il faut – en tordant le bâton dans l’autre sens avec excès – systématiquement dire du bien de ce qu’elle écrit. On peut par exemple estimer que si elle pose souvent de bonnes questions, les réponses ne s’embarrassent pas toujours de la recherche d’objectivité.

    Du point de vue épistémologique, appliquer la grille de lecture marxiste à l’histoire pose problème puisque cette grille est finaliste (« la lutte des classes comme moteur de l’histoire »). Le même souci se pose lorsque un historien chrétien analyse l’histoire du Moyen Age, croire aux interventions divines ne fait pas bon ménage avec le principe de causalité.

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    • Sandrine // 26.09.2019 à 10h15

      Chacun voit midi à sa porte. Pour mieux approcher la vérité d’un événement il est important de multiplier les perspectives même si elle peuvent nous paraître au premier abord contradictoires et nous déboussoler.
      ALR nous offre une perspective sur l’interprétation des événements de la seconde guerre mondiale. Il existe d’autres perspectives. Toute la difficulté est d’arriver à réunir ces différentes perspectives dans une vision globale surplombante.
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    • Sandrine // 26.09.2019 à 10h15

      2/2
      Ceci étant, je ne suis pas d’accord avec votre critique de la lecture de l’histoire par ALR qui serait « finaliste ». Il me semble que nous interprétez ses thèses en faisant la part trop belle à vos propres valeurs et a-priori idéologiques : ses arguments sont toujours très factuels et concentrés sur une toute petite période de l’histoire (on est loin d’un Hegel qui remonte à l’antiquité pour expliquer le présent)
      Ce qui peut dérouter chez ALR, c’est qu’elle ne fait aucune concession aux interprétations psychologisantes et qu’elle montre crument et sans concession les conflits et rapports de pouvoir à l’œuvre dans notre société. L’exemple de sa vision des tontes de la libération est à cet égard très éclairant : ALR réhabilite les « tondeurs » que l’historiographie de ces dernières années a eu tendance à un peu trop systématiquement rejeter dans le camps maudit des phallocrates rétrogrades en gommant les zones grises et la part de responsabilité des intéressées. Les valeurs dont ALR se fait l’écho par la façon dont elle présente les faits frappe par sa dureté. Une dureté en décalage avec nos valeurs libertaires actuelles. Ce sont des valeurs (celles portées par ALR) adaptées à la lutte patriotique. C’est sans doute ça qui nous déroute le plus, nous qui avons été anesthésiés depuis si longtemps par l’individualisme libéral

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  • 2 nids // 26.09.2019 à 18h13

    Merci Annie Lacrois Riz,

    A Cahors, ( ville de naissance de Darquié de Pellepois) les collabaux de cette ville ont « organisé » la « libération » en éliminant au cimetière nord, 15 sous fifres de la collaboration et deux Juifs qui en savaient trop.. Mr Dayan et son fils de 20 ans…
    et en 1945, tout le pays rentrait dans un déni très profond et les saloparts et surtout leur descendance en profitent toujours..!
    Bref…à vomir..!!

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  • Kafka // 26.09.2019 à 18h26

    Edifiant sur les Glières : je pense d’ailleurs que la mort du lieutenant Tom Morel est un accident : le policier du GMR nettoyait son arme, le coupe est parti tout seul! D’ailleurs ce Tom Morel devait être un crypto communiste, surement un agent dormant!

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  • Patrice // 26.09.2019 à 23h42

    La non-épuration a été semblable en Allemagne de l’Ouest . Passé le show de Nuremberg, le recyclage de spécialistes nazis en Amérique du Nord et du Sud, d’autres dans le réseau « stay behind » créé en Europe par la CIA, Hallstein, premier président de la Commission européenne, la magistrature allemande, restée intacte, jugeait des citoyens communistes, victimes des fameux  » interdits professionnels » (Berufsverbot). Savoir pour comprendre, comprendre pour agir ou du moins éviter une troisième guerre en Europe continentale. La plupart des eurodéputés ayant voté cette méprisable résolution sont avant tout ignorants de l’Histoire réelle de l’Europe du XXème siècle.

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  • Thmos // 28.09.2019 à 11h29

    Péan cité est bien plus nuancé quant au rôle de Cagoulards pendant la guerre : nombreux autour de De Gaulle à Londres dès 39, nombreux à Alger dans le combat contre les Allemands, nombreux natio et royalistes se sont battus contre les nazis par patriotisme par germanophobie certains aussi pour un projet politique après la libération résolument anti communiste mais qui ne faisait pas d’eux des collabos. Lire svp « un paradoxe français » par Simon Epstein. « Le docteur Henri Martin »par Pierre Péan et Daniel Cordier secrétaire de Jean Moulin, tous nuancent et détaillent LES Résistances et Les Collaborations très diverses et les évolutions de ces Français dans le chaos. Quand au « mythe » de l’épuration …des centaines de Français furent sauvagement torturés et assassinés par des « Résistants » communistes durant la courte période de l’anarchie de juin 44. Nier ces horreurs que l’on déplore lors de tous les chaos est lamentable

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