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23.janvier.202023.1.2020 // Les Crises

La politique américaine au Moyen-Orient sous une future Administration Démocrate – Par As`ad AbuKhalil

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Source : Consortium News, As`ad AbuKhalil, 18-12-2019

Un démocrate à la Maison Blanche pourrait facilement engager les États-Unis dans plus de conflits et de guerres régionales, écrit As`ad AbuKhalil.

Quelques uns des candidats démocrates au débat de novembre. (Capture d’écran)

Il est trop tôt pour spéculer sur les perspectives d’une administration Démocrate pour les élections de l’année prochaine. Si un changement de parti à la Maison-Blanche se produit, il sera important pour l’orientation de la politique intérieure. Mais il faut s’attendre à moins de changements dans le domaine des affaires étrangères. En fait, un président démocrate pourrait tout aussi bien déclencher plus de guerres et d’interventions militaires que Donald Trump. Les électeurs démocrates doivent s’attendre à cela lorsqu’ils font leurs choix parmi les candidats.

Trump voulait retirer ses troupes d’Afghanistan, d’Irak et de Syrie, et ces positions ont été rejetées non seulement par la hiérarchie militaire mais aussi par l’écrasante majorité des démocrates et des républicains au Congrès. Les médias grand public sont devenus un élément central du lobby de la guerre : Ils ont tout simplement acclamé Trump quand il a bombardé la Syrie, et ont appelé à plus de bombardements.

Alors que les deux partis jouent maintenant le rôle de lobby pour des guerres sans fin au Moyen-Orient, un président démocrate est susceptible d’accroître la participation et l’intervention de l’armée américaine. En Syrie, ce sera au nom de l’aide aux Kurdes ou de la lutte contre le terrorisme ou de toute autre excuse qu’ils produiront.

Rien de tout cela ne veut dire que Trump a présidé à une ère de paix dans la région du Moyen-Orient ; loin de là. Trump a reçu de ses prédécesseurs un héritage de guerres et de conflits et, bien qu’il ait tenté de se désengager de certains de ces conflits, il n’a pas pu le faire en raison de la forte pression exercée par l’establishment militaire (qui semble avoir un contrôle non officiel sur les pages éditoriales des journaux grand public), par l’élite de la politique étrangère au Congrès et par la sphère des groupes de réflexion à Washington. Trump a également poursuivi la politique américaine de longue date consistant à subventionner l’agression et l’occupation israélienne.

La politique de Trump à l’égard du Moyen-Orient aura probablement un plus grand impact sur la Palestine occupée, mais tel est le bilan de chaque président américain : chaque président veut prouver qu’il est plus pro-Israël que son prédécesseur.

Soldats israéliens dans la ville palestinienne d’Hébron, 2004.

Pas toujours œil pour œil

Les candidats démocrates ne sont pas nécessairement d’accord avec les priorités de la politique étrangère des États-Unis. Pete Buttigieg, par exemple, représente le point de vue traditionnel « musclé » de la politique étrangère américaine (comment cela se traduit-il dans la terminologie patriarcale de cette dernière?) et également de la politique intérieure. Buttigieg est le démocrate que Wall Street et le complexe militaro-industriel semblent le plus soutenir. Il est également devenu le démocrate préféré des médias parce qu’il adhère au dogme de la politique étrangère américaine et s’éloigne d’un programme national progressiste.

Depuis de nombreuses décennies, Israël a établi une liste de souhaits de ce qu’il veut que les États-Unis accomplissent en son nom, non seulement pour le conflit israélo-arabe, mais pour la région dans son ensemble. Au cours de toutes ces années, les souhaits israéliens ont été largement exaucés, tant sous les administrations démocrates que républicaines.

Israël n’a plus besoin d’espionner l’armée américaine. Au lieu de cela, il a réussi à obtenir des États-Unis qu’ils partagent des données brutes de renseignement par satellite. Au fil des ans, Israël a obtenu les garanties de prêt qu’il cherchait à obtenir pour construire des colonies et dépenser davantage pour son agression militaire.

Israël a persuadé les États-Unis de partager davantage leur technologie militaire et leurs renseignements sur les pays arabes (y compris les principaux alliés des États-Unis).Sous l’ancien président Barack Obama, l’apport régulier de fonds américains à la machine de guerre militaire israélienne a atteint un niveau sans précédent. Obama s’est engagé à ce que les États-Unis subventionnent principalement l’occupation et l’agression israéliennes pendant les dix prochaines années. Aujourd’hui, Israël reste le seul pays dont le revenu par habitant est celui d’un pays développé qui continue à dépendre de l’aide étrangère américaine.

Absents des débats

La politique étrangère ne figure pas en bonne place dans les débats des démocrates ou dans les discours de fond des candidats. Mais il y a eu cette année un changement important par rapport aux années précédentes, en particulier depuis 1983, date de mon arrivée aux États-Unis.

Il était alors habituel que les candidats démocrates à la présidence se surpassent les uns les autres en faisant preuve d’une loyauté fanatique envers les intérêts israéliens. Je me souviens que chacun des candidats à la présidence – pendant les années 1980 et 1990 et même après – était désireux de prouver son intention de déplacer l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv (Jaffa occupée) à Jérusalem occupée. La concurrence portait sur qui serait le plus rapide.

Ainsi, lorsque les experts démocrates expriment aujourd’hui leur indignation au sujet de la relocalisation de l’ambassade par Trump, ils devraient se rappeler que les germes de cette étape ont commencé avec des démocrates tels que le président Bill Clinton et un parti qui défendait alors un sionisme ardent.

Non pas que le parti républicain ait été moins loyal envers Israël. Mais il avait au moins quelques dirigeants qui étaient prêts à critiquer Israël. En revanche, les Démocrates n’avaient pas d’équivalent à Charles Percy ou Charles Mathias – deux sénateurs républicains très influents qui étaient prêts à violer les idées reçues sur Israël. (Le vote juif était majoritairement démocrate à cette époque.)

Evolution de la base démocratique

Ces dernières années, cependant, la base du Parti démocrate a fait évoluer la situation. L’approbation par Hillary Clinton de la guerre en Irak, l’autorisation par les démocrates de la guerre de l’administration George W. Bush contre l’Irak et les débâcles provoquées par la guerre contre le terrorisme ont tous répandu la désillusion à l’égard du dogme de politique étrangère du parti. Si la politique étrangère du Parti démocrate n’a peut-être pas beaucoup changé au Congrès, le changement de cap a été évident dans la base progressiste du parti en 2016, lorsque la position moins aveuglément pro-Israël du sénateur Bernie Sanders (mesurée uniquement selon le critère du sionisme démocrate conventionnel) a ouvert un fossé avec sa rivale de l’establishment, l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton.

Il serait exagéré de dire que Trump a radicalement modifié les contours de la politique étrangère des États-Unis envers le Moyen-Orient, et plus particulièrement envers Israël. Sa politique n’est que le point culminant d’une décennie où les États-Unis ont approuvé sans réserve l’agression et l’occupation israéliennes.

Il est peu probable qu’une administration démocrate puisse même modifier la politique initiée par Trump sur les colonies israéliennes ou l’emplacement de l’ambassade américaine.

Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo visite l’ambassade des États-Unis à Jérusalem avec l’ambassadeur des États-Unis en Israël David Friedman, mars 2019. (Département d’État/Ron Przysucha via Flickr)

L’opposition des États-Unis aux colonies israéliennes s’adoucit depuis de nombreuses années. A l’exception de George Herbert Walker Bush, les présidents qui se sont succédés depuis Ronald Reagan ont largement permis à Israël de continuer à étendre ses colonies avec très peu de reproches. Cela a ouvert la voie à l’administration Trump, en novembre, pour changer la position américaine sur ces colonies. Déclarées illégales en vertu du droit international depuis la fin de l’année 1967, l’équipe Trump les a déclarées légales.

Étant donné que le Congrès est résolument pro-Israël, il est peu probable qu’un président Démocrate fasse quoi que ce soit à ce sujet.

Il laisserait Israël continuer à construire de nouvelles colonies et s’abstiendrait de déplacer l’ambassade américaine à Tel-Aviv (Jaffa occupée). Après tout, le nouvel emplacement de l’ambassade est recherché par le Congrès américain, tant par les républicains que par les démocrates, depuis au moins les années 1990.

Une exception possible est Sanders (qui néanmoins commence chaque remarque qu’il fait sur Israël en affirmant qu’il est « 100 pour cent pro-Israël »). Une administration Sanders pourrait revenir à l’enregistrement de la désapprobation des États-Unis sur les colonies. Sanders a même exprimé sa volonté d’imposer des sanctions économiques contre Israël en représailles aux colonies. Mais ces promesses pourraient être difficiles à tenir s’il devenait président et devait faire face à la vigilance bien ancrée au Congrès contre toute mesure qu’il jugerait nuisible aux intérêts d’Israël.

As’ad AbuKhalil est un professeur libano-américain de sciences politiques à l’Université d’État de Californie, Stanislaus. Il est l’auteur du « Dictionnaire historique du Liban » (1998), de « Ben Laden, Islam and America’s New War on Terrorism » (2002) et de « The Battle for Saudi Arabia » (2004). Il twitte en tant que @asadabukhalil

Source : Consortium News, As`ad AbuKhalil, 18-12-2019

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Commentaire recommandé

DVA // 23.01.2020 à 09h25

Etre pro israel, proévangéliste et prodeep state fait que tous les présidents US se ressemblent et entraînent les US vers l’abîme..Point!

5 réactions et commentaires

  • DVA // 23.01.2020 à 09h25

    Etre pro israel, proévangéliste et prodeep state fait que tous les présidents US se ressemblent et entraînent les US vers l’abîme..Point!

      +17

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    • moshedayan // 23.01.2020 à 22h22

      Tout à fait d’accord, et vous pouvez y ajouter Israël, dans le précipice américain, selon moi, avec la colonisation de territoires qui n’ont jamais été dans l’Etat d’Israêl historique d’avant 1967.
      Les vrais patriotes d’Israël sentent intimement que l’apogée prétendument juste d’un Grand Israël est une folie « biblique » et secrètement regardent vers la Russie comme un refuge culturel et une assurance minimum pour se prémunir d’un apocalypse. Il faut absolument s’entendre avec la Syrie, lui rendre le Golan, en faire son alliée le plus proche et travaillait avec elle pour atteindre la fin de « l’armement démographique » de la Palestine et Cisjordanie arabes. C’est la voie d’une certaine sagesse…
      L’alliance israelo-syrienne sera une arme redoutable contre les ploutocraties agressives dans la région et le moyen le plus sûr de « foutre dehors les Américains du Proche et Moyen-Orient ».

        +2

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  • Manuuk // 23.01.2020 à 18h03

    « Rien de tout cela ne veut dire que Trump a présidé à une ère de paix dans la région du Moyen-Orient ; loin de là. Trump a reçu de ses prédécesseurs un héritage de guerres et de conflits et, bien qu’il ait tenté de se désengager de certains de ces conflits, il n’a pas pu le faire en raison de la forte pression exercée par l’establishment militaire  »

    Il faut être naïf pour penser qu’un president à la tête d’un budget de la défense qui s’élève à presque 700 milliards de $ pourra se désengager de n’importe quelle conflit aussi facilement. Trouver des excuses à Trump est pitoyable.

    Trump n’a en rien pacifié l’ambiance et la diplomatie internationale. Il a simplement tué le droit international, enfin ce qu’il en restait, en assassinant le numéro 2 iranien.
    Il a autorisé les Turques de massacrer les kurdes également. Mouai…

    En gros, il a répandu du poison dans toute la région sans mesurer les conséquences…

    Je trouve cet auteur bien naïf et complaisant envers Trump.

    De toute façon, il est clair que démocrate ou républicain, le président est soumis à des lobbys qu’il ne contrôle pas. Ils se ressemblent tous maintenant : les Clinton, les Bush, les Obama…

    La question du futur ne se pose dans les futures guerres, mais sur le réchauffement climatique.

    Et ça, républicains ou démocrates, vu la bulle de leur dette privés seront encore une fois des marionnettes aux manettes inconscientes de leur propre désastre, et malheureusement la nôtre de surcroît.

      +5

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  • Louis de Constance // 24.01.2020 à 07h37

    Hi from DC ❤ ✌ 💙. Thx a lot. Very interesting. Basically, President Trump isn’t the ‘mad warrior’ he was supposed to be . He’s pretty trustfully about Afghanistan, Syria, Iran and North Korea.

      +2

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  • Myrkur34 // 24.01.2020 à 08h27

    Comme Trump utilise la politique du plus fort au grand jour (On se ch.. dessus sur la taxe gafa comme sur le vin) en disant tout et son contraire dans un immense Barnum médiatique; et que cela marche à court terme, il est à craindre qu’il soit réélu . Biden ferait exactement la même chose mais en loucedé.

    Cela claironne tout le temps que le chômage est à 3.5% mais avec 60 millions d’américains qui sont abonnés aux foodstamps avec carte à recharger….

      +3

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