Les Crises Les Crises
14.juillet.202014.7.2020 // Les Crises

Radio France et le Cercle des économistes : des liaisons dangereuses

Merci 132
J'envoie

Source : Acrimed

Du 3 au 5 juillet, les Rencontres économiques se sont tenus à la Maison de la radio. Un grand événement organisé par le Cercle des économistes, où interviennent grands patrons, responsables publics, journalistes en vue, économistes libéraux et une poignée de voix critiques. Bref : une parodie de pluralisme et de démocratie dans un océan d’orthodoxie libérale… consacrée par le service public !

Lire l’article complet sur Acrimed

Fin avril, la direction de Radio France présentait à son conseil d’administration un projet de partenariat entre le service public radiophonique et le Cercle des économistes, sous la forme d’une « association pour les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence ». La section CGT de Radio France alertait alors sur la promotion d’un groupe de réflexion essentiellement composé d’économistes libéraux, et dont le président et plusieurs membres sont proches d’Emmanuel Macron.

Le communiqué du syndicat notait ainsi que Jean Pisani-Ferry, membre de ce Cercle, est même « l’un des inspirateurs du programme économique de l’actuel Président [1] ». Face au tollé, le projet d’association commune semble avoir été provisoirement abandonné [2]. Reste que du 3 au 5 juillet, le grand raout annuel du Cercle des économistes, les Rencontres économiques, se tiendra bel et bien à la Maison de la radio.

Dans ces rencontres se croisent des grands patrons, des responsables publics et des économistes pour la plupart membres du Cercle. Cette année, sur les plus de 300 intervenants programmés, on ne compte qu’une vingtaine d’économistes critiques, de syndicats, d’associations et de partis politiques de gauche invités pour porter un semblant de contradiction. Sur la totalité des 66 économistes invités, 50 sont membres du Cercle. Restent une dizaine d’internationaux, et une poignée d’universitaires qui s’inscrivent dans une démarche plus ou moins critique vis-à-vis du courant économique dominant.

En ce qui concerne le monde du travail, la disproportion est également frappante : 117 représentants d’entreprises du secteur privé (de l’industrie à la finance en passant par les start-up) seront présents, contre seulement 10 représentants de syndicats de salariés [3]. À peu de chose près, c’est donc en huis-clos que, comme chaque année, décideurs politiques et économiques bavasseront des « dérèglements du monde » actuel (dont ils sont responsables !) et de l’orientation des politiques à venir. Bref : une parodie de pluralisme et de démocratie dans un océan d’orthodoxie libérale… consacrée par le service public !

Car si la Maison ronde n’héberge pas gracieusement l’événement [4], elle ouvre en revanche grand la porte aux connivences et aux convergences d’intérêts entre grandes entreprises, responsables politiques… et le service public journalistique. Les hauts-lieux du chic parisien ne manquent pourtant pas, mais le Cercle des économistes tient à s’assurer l’attention des grands médias en faisant cette fois-ci le pari du in situ, alors que chaque année, le traitement de cet événement demeure un enjeu politique et médiatique de premier plan [5].

Une telle cérémonie, parrainée par des multinationales du CAC40, des cabinets de conseil privés et de grandes banques internationales, a-t-elle sa place dans les locaux de Radio France ? Comment attendre des journalistes qu’ils puissent faire valoir la moindre indépendance quand leur direction – avec une opacité certaine – se fait promotrice, en pleine crise économique et sociale, d’un Davos miniature français rebaptisé « Aix-en-Seine », et que certaines têtes d’affiche médiatiques y tiennent le rôle de « modérateurs » ? La direction de Radio France assure que les antennes du service public – France Info, France Inter et France Culture – couvriront « éditorialement » l’événement, « avec la même indépendance » que d’ordinaire [6]. Démarche que nous avons d’ores et déjà pu vérifier : le 21 juin, au micro de France Musique, le président du Cercle des économistes, Jean-Hervé Lorenzi, était en effet reçu… en toute impertinence : « La symphonie concertante [de Mozart] pour ouvrir cette émission pouvait correspondre à un trait de caractère qui est le vôtre : on sent beaucoup d’énergie, beaucoup de volonté, et à la fois, ce brin de nostalgie qui vous accompagne toujours. »

Nous considérons que le service public n’a pas à accueillir une manifestation qui célèbre l’accaparement du débat économique par un cercle libéral ! Cela d’autant plus que le pluralisme en la matière est chaque jour piétiné dans les grands médias. Partout, les chantres du libéralisme vont de tribunes en tapis rouge, la plupart de temps sans contradicteur. Les mêmes qui accompagnent le pouvoir ont leur rond de serviette dans les émissions de télévision ou de radio, et multiplient les apparitions dans les journaux : pendant la période du confinement, on pouvait ainsi lire dans la presse plus de sept fois par jour le nom d’un économiste conseillant Bruno Le Maire [7].

Lire la suite de l’article sur Acrimed

Source : Acrimed

Notes

[2] Rendu public par Mediapart (1/07), le protocole d’accord encadrant la création de cette « association pour les Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence » a été ratifié le 6 avril 2020 par Sibyle Veil et Jean-Hervé Lorenzi. Mediapart indique que « la direction de Radio France [a fait] un rapide rétropédalage, sans renoncer au projet « pour l’avenir ». Et peut-être dès 2021, année de lancement de la campagne présidentielle. »

[3] La CGT, la FSU, FO, la CFDT, la CFE-CGC, IG Metall, les Confédérations syndicales allemandes, suisse, et britannique ainsi que la Confédération européenne des syndicats auront chacune droit à une intervention.

[4] Contactée, la direction de Radio France affirme que les Rencontres économiques se tiendront « dans le cadre d’un contrat commercial de mise à disposition d’espaces et de moyens techniques et logistiques aux tarifs habituels appliqués aux entreprises extérieures ».

[5] On pourra à ce sujet relire deux des articles que nous avions publiés à l’occasion de l’édition 2018 des Rencontres économiques : « Rencontres économiques d’Aix dans les médias : information ou dépliant publicitaire ? » et « Rencontres économiques d’Aix : la fine fleur du journalisme au service des puissants ».

[6] À noter que France Info annonce d’ores et déjà que la première journée de débats des Rencontres économiques sera retransmise sur son site.

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

Commentaire recommandé

RGT // 14.07.2020 à 08h06

Radio-France est un média « public », ce qui signifie que ce média est totalement sous les ordres du pouvoir exécutif.

Il ne faut donc surtout pas s’étonner si cette « Pravda » est l’organe de propagande du pouvoir en place et que de plus en plus de français, à l’instar des peuples de la défunte URSS, disent désormais « C’est vrai car c’est annoncé par Radio-France ».

Nota : Depuis la chute de l’URSS, la Pravda (la vraie) n’est plus sous contrôle de l’état et est obligée de proposer de véritables informations qui sont parfois « gênantes » pour le pouvoir.
Peut-être que le jour où le cordon ombilical sera coupé entre le pouvoir politique et les médias publics ces derniers seront obligés de présenter des informations impartiales au public pour assurer leur subsistance.

On peut toujours rêver.

23 réactions et commentaires

  • RGT // 14.07.2020 à 08h06

    Radio-France est un média « public », ce qui signifie que ce média est totalement sous les ordres du pouvoir exécutif.

    Il ne faut donc surtout pas s’étonner si cette « Pravda » est l’organe de propagande du pouvoir en place et que de plus en plus de français, à l’instar des peuples de la défunte URSS, disent désormais « C’est vrai car c’est annoncé par Radio-France ».

    Nota : Depuis la chute de l’URSS, la Pravda (la vraie) n’est plus sous contrôle de l’état et est obligée de proposer de véritables informations qui sont parfois « gênantes » pour le pouvoir.
    Peut-être que le jour où le cordon ombilical sera coupé entre le pouvoir politique et les médias publics ces derniers seront obligés de présenter des informations impartiales au public pour assurer leur subsistance.

    On peut toujours rêver.

      +22

    Alerter
  • pseudo // 14.07.2020 à 08h30

    faut rester solide sur ses appuis. Ces gesticulations tyrannique qui écrasent la pluralité de pensée n’est pas comme ils veulent nous le faire croire la preuve de leur toute puissance illimitée, bien au contraire, c’est la preuve de leur incapacité à faire face à la situation, à ré inventer un modèle français qui s’assume, fort et solide dans ses appuis, qui époustoufle et ébouriffe le monde, c’est la marque du faible qui se protège en imitant la meute pour faire parti du groupe. Les empires disparaissent tous sous le poids de l’histoire, reste les idées qui survivent dans le creux de nos mains n’attendant que le bon moment et la bonne attention pour germer et concrétiser la destruction de leurs fumeuses fatalités prophétique. Ils ne sont que des hommes de pouvoirs sans lendemain, nous sommes le peuple éternel d’une terre de libertés!

      +6

    Alerter
    • Alfred // 14.07.2020 à 09h07

      Tout à fait. La montée du totalitarisme, la censure croissante sur les médias sociaux, la mise en place de petits ministères de la vérités privés, tous ces raidissements sont le signe d’un affaiblissement et d’une défaite intellectuelle et morale. Cela ne veut pas dire que la fin du monde des oligarques est proche. Cela veut dire que leur monde est vacillant et que nous allons payer à coup de bottes dans notre fille leur faiblesse. Comme un pays du tiers monde.

        +11

      Alerter
      • vert-de-taire // 15.07.2020 à 12h57

        Ce raidissement montre surtout leur défaite à nous asservir par la propagande.
        Car celle-ci ne parvient plus à masquer les désastres, les précarités, l’impasse systémique et ses remèdes (distributions monétaires à tout va) à la petite semaine pour éviter l’effondrement.
        Leur terreur de l’embrasement populaire se monte à la hauteur de la violence répressive, tant via l’executif que le législatif et le judiciaire.
        Tout ceci les rapproche dangereusement du totalitarisme.

          +0

        Alerter
    • Araok // 14.07.2020 à 09h18

      @pseudo
      Votre lyrisme est sympathique et sa musique agréable. Ceci dit…rester ferme sur ses appuis est une rhétorique d’entraîneur de pack de rugby. Si on veut que ces fripouilles nous lâchent les baskets il faudra de l’agilité. Je n’en vois pas beaucoup dans la classe politique, sauf celle (l’agilité) qui consiste à retourner sa veste …

        +4

      Alerter
  • Alligator427 // 14.07.2020 à 09h29

    La bonne nouvelle c’est que la vidéo la plus vue issue de ces rencontres est celle qui fait intervenir Jean-Marc Jancovici : https://www.youtube.com/watch?v=FT-b8dlLm2A&list=PL3YBt-EW6CgR8_ncuErqpBk36oXad5Pkf

    Thème du débat : quelle croissance demain ?

      +3

    Alerter
    • Ovni de Mars // 14.07.2020 à 09h54

      Pourquoi une bonne nouvelle ?
      Jancovici est invité dans tous les média officiel pro Macron pour jouer le rôle du faux rebelle. Par ailleurs, il fait la promotion du nucléaire,

        +6

      Alerter
      • eugeniegrandet // 16.07.2020 à 10h50

        Faux. il ne fait pas la promotion du nucléaire. Ne lui faites pas dire ce qu’il ne dit pas.

        il le dit à plusieurs reprises. La priorité du moment est la lutte contre le réchauffement climatique. Qui passe par l’abandon des hydrocarbures. C’est LA priorité.

        Et pour continuer de vivre dans un monde non violent et donc continuer à disposer d’une certaine quantité d’énergie, il faut en passer par notamment le nucléaire car il démontre que ni l’éolien ni le solaire ne sont en fait compétitifs (sur le plan des GES).

        Vous contestez d’accord. Alors que proposez vous ?

        JM Jancovici parle dans tous les médias où il peut exprimer son point de vue. Votre commentaire sur le côté « pro macron » me paraît « déplacé »

          +0

        Alerter
    • Alligator427 // 14.07.2020 à 12h42

      « jouer le rôle du faux rebelle »

      Merci pour votre grande lucidité, c’est un rare privilège de pouvoir bénéficier des lumières d’esprits aussi aiguisés que le vôtre.

      Je me permets tout de même de recommander le visionnage de ce débat 🙂

        +2

      Alerter
      • Ovni de Mars // 14.07.2020 à 18h29

        Mais je vous en prie. Ceci dit, je n’ai aucun mérite. Beaucoup auront déjà constaté que Jancovici est l’invité vedette de ces réunions comme le « cercle des économistes » ou l’Université d’été du Medef. C’est un peu comme l’invité iconoclaste d’un diner mondain, on lui donne implicitement le droit d’être impertinent mais jamais bien entendu d’aller au fond des choses, en l’occurrence de remettre en cause le capitalisme

          +2

        Alerter
        • vert-de-taire // 15.07.2020 à 13h45

          de plus sa conception déclarée de la démocratie laisse rêveur.
          Du moment qu’on vote .. et autres balivernes

            +0

          Alerter
  • Rémi // 14.07.2020 à 09h52

    La vraie question serait: Y a t’il moyen en tant que citoyens de demander l’exonération de taxe audiovisuelle au motif que cette taxe finance une propagande avec laquelle je ne suis pas d’accord.
    Si suffisement de personnes pouvaient engager unje démarche en nom collectif nous pourrions peut-être faire comprendre à la caste que nous existons.

      +6

    Alerter
  • Araok // 14.07.2020 à 10h51

    Fessenheim : 2 réacteurs de 900MW. Pour les remplacer par des éoliennes ( 3MW) il faudrait environ 3000 éoliennes. 3615.quiquenveut?
    Peut être seulement la moitié en offshore de la baie de St Brieuc Erquy . L’horreur, quoi.
    Attention mon calcul est fait en énergie disponible annuelle et non en puissance nominale.

      +5

    Alerter
    • Anfer // 14.07.2020 à 20h29

      Le problème, c’est que tout le monde veut de l’électricité (Pas cher), mais personne ne veut une centrale à côté de chez lui.

      Il n’y a pas de solution miracle, mais ne rien faire, et cramer ce qui reste de ressources fossiles bon marché sans le faire pour passer à autre chose, ça oscille entre la bêtise profonde et le crime.

        +1

      Alerter
    • vert-de-taire // 15.07.2020 à 13h52

      et le nucléaire (Plutonium) poison indestructible sur des millénaires n’est pas un danger formidable, c’est connu.
      syndrome « Pour le moment tout va bien.

        +1

      Alerter
  • christian gedeon // 15.07.2020 à 03h07

    S’il vous plaît arrêtez d’appeler ce machin obèse radio France. C’est la radio de la boboterie parisienne et de ses affidés de quelque « grandes villes, du communautarisme le plus décomplexé et des courbettes aux libéralismes sociétaires et économique. Ils se sentent tellement durs de leur bon droit qu’ils ont même gardé Alain Finkielkraut comme hochet de leur prétendu pluralisme de pensée politique. Radio tout ce qu’on veut mais pas France par pitié

      +5

    Alerter
  • Nanker // 15.07.2020 à 14h30

    (Un peu hors-sujet quoique…)

    suis-je le seul à être absolument effaré par la médiocrité de la grille d’été d’Inter? De Dorothée Barba le matin qui tartine pendant deux heures d’antenne sur du RIEN (bel exploit) à Fred Sigrist à 17h qui disserte doctement sur… Jackie Chan Conan le Barbare ou des daubes japonaises des années 70, on se dit que payer la redevance tient de l’exercice masochiste.

      +1

    Alerter
  • Jean Paul B. // 15.07.2020 à 14h40

    Bonjour,
    Radio-France un média sous tutelle du pouvoir?
    Je ne peux y croire.
    Je fais une confiance aveugle à Mme Sybile Veil, PDG de Radio France et bien que cela n’ait aucun rapport condisciple de M. Macron à l’ENA. Mme Veil a en charge de veiller sur la qualité de l’information que ses « journalistes » doivent délivrer aux auditeurs.
    PS: On se souvient tous que Bernard Guetta (précisons pour les plus jeunes qu’il est le frère du DJ David Guetta), a été pendant de longues années (trop longues?) le chroniqueur euro-béat du 7-9 de France Inter et une fois à la retraite, a immédiatement été élu « député » « européen » (mai 2019) sur la liste… LREM menée par la pauvre Mme Loiseau!
    C’est bien la meilleure preuve de l’indépendance de cette radio, non?

      +2

    Alerter
    • eugeniegrandet // 16.07.2020 à 10h56

      je n’ai pas de problème que des journalistes aient une opinion politique (ce serait absurde qu’ils n’en aient pas) ni une carrière politique par la suite.
      Mais
      1) cela devrait être affiché des le départ (d’où parle t il.elle?). voir le « scandale » du même type avec la nouvelle madame blanquer.
      2) que les radios offrent l’antenne à toutes les sensibilités. Cela dit il m’est arrivé d écouter en écoutant certaines chroniques de C Autain sur France Culture… (et de souffrir)

        +0

      Alerter
      • Jean Paul B. // 17.07.2020 à 12h22

        Bonjour eugeniegrandet,
        je vous rassure moi non plus je n’ai pas de problème particulier avec les journalistes ayant une opinion politique sur le Service dit Public, ce qui m’ennuie un peu c’est toujours la même opinion euro-béate qui est privilégiée.
        PS: Vous n’êtes pas le (a) seul(e) a avoir souffert des insignifiantes « chroniques » de Clémentine Autain sur France Culture. Bienvenue au club!

          +3

        Alerter
  • Afficher tous les commentaires

Les commentaires sont fermés.

Et recevez nos publications