Remplaçons le Sénat par une assemblée citoyenne tirée au sort, en tant que nouvelle deuxième Chambre du Parlement aux côtés de l’Assemblée nationale. Cela ferait de la France le tout premier pays à incorporer à son pouvoir législatif une forme radicale de démocratie directe : la stochocratie, c’est-à-dire le choix des responsables par tirage au sort. Surtout, cela permettrait de remplacer une Chambre aussi coûteuse qu’inutile – le Sénat –, par une Chambre véritablement à l’image de la population française, d’où des effets vertueux en cascade.

A ceux qui objecteront qu’une assemblée tirée au sort ne serait pas vraiment démocratique, on répondra que la démocratie athénienne elle-même pratiqua le tirage au sort pour la quasi-totalité de ses postes à responsabilité (Aristote, La Constitution d’Athènes, XLIII §1).

A ceux qui objecteront qu’une assemblée tirée au sort n’aurait pas les compétences techniques et l’expertise nécessaires, on objectera que c’est là le rôle des hauts fonctionnaires, et non pas des parlementaires. A ceux qui objecteront qu’une assemblée de citoyens tirés au sort n’aurait tout simplement pas le niveau général pour être de bons parlementaires, on objectera qu’une assemblée n’a pas pour but l’excellence : elle a pour rôle la représentativité.

Le Sénat est, pour reprendre les mots de l’ancien Premier ministre Lionel Jospin, « une anomalie démocratique ». Il n’est absolument pas représentatif de la population. Composé d’hommes pour près des deux tiers, sa moyenne d’âge est de 61 ans et 53% des sénateurs ont plus de 60 ans. Sous l’angle socio-professionnel, il n’y siège aucun étudiant, aucun de nos 5,7 millions de chômeurs, mais il compte 8% de professions médicales alors que les professionnels de santé ne pèsent qu’environ 2,5% de l’électorat.

Le Sénat n’est pas davantage représentatif des idées politiques des Français. De surcroît, alors que c’est sa mission selon la Constitution, le Sénat n’assure pas non plus la juste représentation de nos collectivités locales.

A contrario, le remplacement du Sénat par une assemblée citoyenne intégralement tirée au sort aurait, lui, de multiples avantages. Lorsqu’on prélève par pur tirage au sort un échantillon de la population totale, la probabilité que cet échantillon soit très fidèlement représentatif de l’ensemble est extrêmement élevée. La statistique appelle cette méthode «l’échantillonnage aléatoire pur».

Le tirage au sort produirait donc automatiquement une assemblée véritablement représentative de la population française : elle compterait par exemple la même proportion de femmes, de retraités, de chômeurs, d’ouvriers, de jeunes, que la population réelle.

Ce vaste afflux de parlementaires dont le genre, l’âge, la pauvreté, sont d’ordinaire tenus à l’écart des lieux de pouvoir, modifierait à coup sûr les débats au Parlement. De même, il y a fort à parier qu’en présence de gens directement concernés par les projets de lois et de réformes, les débats changeraient radicalement de ton, de teneur, et seraient beaucoup plus concrets (tout comme d’ailleurs les propositions de lois et d’amendements émanant des parlementaires eux-mêmes).

Les tirés au sort ne doivent leur siège à aucun parti et ils sont certains de perdre leur siège au prochain tirage au sort. Ils sont en mesure d’être un puissant contre-pouvoir face au gouvernement, en plus d’un relais fidèle de la population puisqu’ils sont à leur image.

Il suffit pour cela qu’une réforme constitutionnelle remplace le Sénat par une assemblée tirée au sort tous les deux ou trois ans. Cela pourrait être fait par référendum.