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24.février.201924.2.2019 // Les Crises

S’adapter : le nouvel horizon du libéralisme ? Par Barbara Stiegler

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Source : France culture, Barbara Stiegler, 21-02-2019

Dans ce monde néolibéral où nous serions toujours en retard, il faudrait « s’adapter »… Analyse d’un courant de pensée né de la société industrielle, avec Barbara Stiegler, auteure de «  »Il faut s’adapter ». Sur un nouvel impératif politique » (Gallimard, 2019).

Walter Lippmann dans son bureau• Crédits : Alfred Eisenstaedt/The LIFE Picture Collection – Getty

« Il faut s’adapter », « nous sommes en retard »… autant d’expressions rabattues dans nos sociétés mondialisées, et dont l’origine remonte déjà à la révolution industrielle. Car, du point de vue néolibéral, forme de libéralisme qui privilégie une forme d’intervention étatique, l’espèce humaine devrait apprendre à vivre dans un nouvel environnement, s’adapter à cette « grande révolution » par des politiques de santé et d’éducation, lesquelles seraient menées par des experts distants du peuple « masse ».

La démocratie devient une technique politique de fabrication du consentement des masses.
(Barbara Stiegler)

On en parle avec la philosophe Barbara Stiegler, professeure à l’université de Bordeaux, membre de l’Institut universitaire de France, ses recherches portent notamment sur l’histoire des libéralismes et de la démocratie. Elle publie « Il faut s’adapter ». Sur un nouvel impératif politique (Gallimard, 2019), essai sur un nouvel impératif politique. Une généalogie du néolibéralisme qui remonte aux années 1920, à l’écriture d’un grand récit qui semble encore influencer les esprits et guider l’action publique.

Il y a une lutte contre les inégalités, le but étant de dégager des inégalités naturelles […] pour que le meilleur gagne.
(Barbara Stiegler)

Source : France culture, Barbara Stiegler, 21-02-2019

 


 

Barbara Stiegler : « L’injonction de la l’adaptation menace la démocratie ».

Source : France info TV, Barbara Stiegler, 22-02-2019

Source : France info TV, c, 22-02-2019

 


 

«Il faut s’adapter». Sur un nouvel impératif politique

Source : Gallimard, Barbara Stiegler, 24-01-2019

Collection NRF Essais, Gallimard
Parution : 24-01-2019
Source : Gallimard, Barbara Stiegler, 24-01-2019

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Commentaire recommandé

Barbe // 24.02.2019 à 08h24

L Etat est de plus en plus privatisé.
Les motifs invoqués comme changer la société sont de la décoration, cachant la captation de ce qui est public et de ce qui est commun.

24 réactions et commentaires

  • LBSSO // 24.02.2019 à 08h17

    Néolibéralisme : l’Etat, l’Etat rénové, l’Etat modernisé, l’Etat mondialisé mais l’Etat infiltré !
    Acte I :
    Classiquement , la pensée libérale oppose la société à l’Etat.La première s’attachant à limiter l’emprise du second.
    Acte II :
    Toutefois au sein de cette société les rapports de force évoluent : « Il y a une lutte des classes, évidemment, mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner » (Warren Buffet,2006)
    Acte III :
    Si le libéralisme classique était une manière de penser et d’organiser la tension entre la société et l’Etat, le néolibéralisme est le contrôle de ce dernier par la fraction victorieuse de la société. Le but étant d’organiser l’ensemble de la société en garantissant et développant des libertés dont a besoin le marché.
    Acte IV :
    Ce système – l’Etat au service du marché par la multiplication des libertés – montre ses limites (dérégulation financière, écologie, ….). A(in)ffectant le vécu du plus grand nombre, elles sont aussi analysées,partagées grâce à internet.Le doute s’installe. Il ne s’agit plus alors pour le couple société/Etat de développer des libertés nécessaires au marché mais ,au contraire, de les limiter pour préserver les profits , menacés par les dysfonctionnements du système, d’un petit nombre.
    Nous sommes à ce moment.

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    • Sandrine // 24.02.2019 à 11h57

      Je ne pense pas que le « neo-liberalisme » soit la continuité du libéralisme classique.
      Le libéralisme classique correspondait à un moment historique où l’Etat par l’entremise de la religion opprimait la liberté individuelle alors même que, l’instruction augmentant dans la société, les gens en étaient de plus en plus conscients. Le « moment «  libéral comme lutte contre l’opression d’une religion devenue totalitaire était tout à fait indispensable et salutaire (j’ajouterais qu’il l’est toujours aujourd’hui ).
      Le neo-liberalisme, lui, est d’une toute autre nature. Je dirais même qu’il est une subversion de l’esprit libéral en ce sens qu’il vise à restaurer un pouvoir totalitaire de nature religieuse (celui de la techno-science) hors de portée de la conscience et de la liberté humaine.

        +17

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  • Barbe // 24.02.2019 à 08h24

    L Etat est de plus en plus privatisé.
    Les motifs invoqués comme changer la société sont de la décoration, cachant la captation de ce qui est public et de ce qui est commun.

      +35

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    • Ives // 24.02.2019 à 08h45

      tout a fait d’accord. Et pendant ce temps-là, la galerie (c’est à dire nous) est distraite par toutes sortes de jeux (le dernier i phone, le remboursement du crédit de la voiture/maison, la coupe du monde de football/rugby ou JO ou tour de France ou …, obsolescence programmée, … en fait il y en a pour tous les goûts) et comme çà la galerie ne réfléchit pas occupée qu’elle est à courir. D’autant plus que la galerie aime bien être « mieux que son voisin ».
      A croire que quand Keynes disait que l’homme n’aurait plus besoin de trop travailler, certains se sont dit qu’il risquerait de réfléchir et que c’était inacceptable.

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  • Sandrine // 24.02.2019 à 09h38

    Comme j’ai essayé de l’expliquer dans les commentaires d’un autre billet à un sourd ou malentendant, beaucoup des grands théoriciens du courant neo-liberal (Hayek en particulier) sont issus d’une société qui a aussi vu grandir des gens comme Hitler ou Eichmann. Ce n’est pas qu’un pur hasard. Je suis pour ma part convaincue qu’il y a une profonde affinité conceptuelle entre ces deux courants qui en apparence ce sont construits l’un contre l’autre.
    Cela est en partie lié au contexte culturel et intellectuel de cette société à ce moment-là. Ce serait trop long a détailler dans un commentaire mais beaucoup de recherches ont été publiées qui éclairent ce qui parait à priori comme un paradoxe puisque les neo-liberaux, comme Hayek notamment, prétendaient lutter contre le totalitarisme qu’ils assimilaient au socialisme (cf: « la route de la servitude »)

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  • Pinouille // 24.02.2019 à 10h30

    « Que la fabrication du consentement soit capable de grands raffinements, personne, je pense, ne le nie. Le processus par lequel les opinions publiques se manifestent n’est certainement pas moins complexe qu’il n’apparaît dans ces pages, et les possibilités de manipulation offertes à toute personne qui comprend le processus sont assez évidentes… Résultat de la recherche psychologique, associée aux moyens de communication modernes, la pratique de la démocratie a pris un tournant. Une révolution est en cours, infiniment plus significative que tout changement de pouvoir économique … Sous l’impact de la propagande, pas nécessairement dans le sens sinistre du mot, les anciennes constantes de notre pensée sont devenues des variables. Par exemple, il n’est plus possible de croire au dogme originel de la démocratie; que les connaissances nécessaires à la gestion des affaires humaines proviennent spontanément du cœur humain. Lorsque nous agissons selon cette théorie, nous nous exposons à l’auto-illusion et à des formes de persuasion que nous ne pouvons pas vérifier. Il a été démontré que nous ne pouvons pas compter sur l’intuition, la conscience ou les accidents d’opinion fortuite si nous voulons traiter avec le monde au-delà de notre portée. »
    — Walter Lippmann, Public Opinion, Chapter XV

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    • Pinouille // 24.02.2019 à 10h34

      Cet extrait, et plus particulièrement la phrase suivante, concentre le noeud du désaccord entre démocratie représentative et démocratie participative: « Par exemple, il n’est plus possible de croire au dogme originel de la démocratie; que les connaissances nécessaires à la gestion des affaires humaines proviennent spontanément du cœur humain. »

      Les implications de ce désaccords se traduisent dans de nombreux domaines. Le traitement de l’actualité dans les médias notamment: je comprends mieux la mécanique à l’oeuvre chez certains pour prendre quelques libertés par rapport à la rigueur journalistique, et discréditer coûte que coûte certaines voix…

        +5

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      • Recits d’Yves // 24.02.2019 à 11h58

        En effet, c’est ainsi que le combat des inégalités sociales a été remplacé par celui des égalités sociétales en prétextant que ce serait un enjeu de la la démocratie alors que c’est un des piliers du neo-liberalisme qui s’exprime: mettre en compétition les peuples et ses diversités pour créer des lignes de fractures sociales (les fameuses minorités) qui devaient provoquer l’implosion au sein des groupes constitués comme un rempart à la violence ultra-libérale comme le socialisme (et non la gauche) ou le syndicalisme. Le tout au motif de « progressisme ».
        Nous avons le choix, voir même le devoir, de ne pas nous adapter aux injonctions neo-libérales en refusant d’obéir aux ordres contre notre nature.

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    • Sandrine // 24.02.2019 à 11h38

      Magnifique témoignage du scientisme qui est au fondement de la pensée neo-liberale (avec notamment le merveilleux « il a été démontré que… » à la fin du texte).

        +6

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      • Pinouille // 24.02.2019 à 12h09

        https://fr.wikipedia.org/wiki/Scientisme#Critique_lib%C3%A9rale

        « Friedrich Hayek, dans The Counter-Revolution of Science (rédigé entre 1940 et 1951, publié sous forme de livre en 1952), Karl Popper avec Misère de l’historicisme ou La Société ouverte et ses Ennemis, ou encore Michaël Polanyi et La Logique de la liberté (1951), ont opposé trois critiques congruentes du scientisme, que mettaient alors en acte les ingénieurs sociaux d’URSS ou d’ailleurs, en montrant les dérives politiques (notamment, pour le premier, dans La Route de la servitude, 1944). »

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        • Sandrine // 25.02.2019 à 10h10

          J’imagine que vous croyez que faire un copier-coller d’une phrase nébuleuse de wikipédia tient lieu de démonstration lumineuse… Vous remarquerez, que je m’appuie, moi, sur une longue citation de Lippmann (que vous avez-vous-même postée, sans en donner clairement les références, d’ailleurs) et que je note par ailleurs dans mon commentaire plus haut (celui qui motive apparemment votre commentaire puisque vous évoquez Hayek et non pas Lippmann) que l’arroseur se trouve en quelque sorte arrosé car, ce que Hayek critique chez les autres (en l’occurrence essentiellement les communistes), à savoir le totalitarisme et le scientisme… les néo-libéraux l’ont mis allègrement en pratique. Et nous en faisons chaque jour malheureusement de plus en plus l’expérience.

          Mais bon, j’arrête là mes efforts de démonstration car je sais (par expérience également, malheureusement) qu’elle ne vous intéressera pas, car c’est moins le désir de vérité qui vous anime mais bien plutôt la passion de la polémique et la rage de vaincre.

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  • Owen // 24.02.2019 à 11h38

     » Le propriétaire de cette vidéo ne souhaite pas la diffuser dans votre pays ». Je crois qu’il y a des problèmes d’adaptation linguistique.

    « Il faut s’adapter »: dans mon pays, on dit « casse pas la tête » (ne t’embête pas avec ça).
    « Nous sommes en retard »: dans mon pays, on dit « laisse taleur » (on fera ça plus tard).

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    • Pinouille // 24.02.2019 à 12h00

      Vous pouvez contourner cette restriction en installant un VPN (Hoxx VPN par ex, gratuit) dans votre explorateur internet. Et le paramétrer en vous connectant à internet via un serveur français.

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      • Owen // 24.02.2019 à 13h09

        Merci.
        Quand j’installe un VPN, la connexion se met à ralentir sévèrement au bout d’un mois ou deux. C’est redevenu normal après désinstallation. Deux fois j’ai retenté l’installation du VPN et le phénomène a recommencé.
        Pour l’instant, je reste sans VPN.

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  • Larousse // 24.02.2019 à 12h00

    Barbara Stiegler pourrait tout aussi bien écrire : « On nous bassine depuis 44 ans avec le mot de « réforme » en France.

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    • jp // 24.02.2019 à 12h56

      la « réforme » dans la bouche des politique est plus ancienne que 44 ans. Je n’ai pas de sources autre que ma mémoire.

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  • Guadet // 24.02.2019 à 12h23

    Géniale cette dame ! Je pensais que le darwinisme social était le dernier cercle de l’enfer : pas du tout ! Ce serait un progrès par rapport à la situation actuelle. Le néolibéralisme est pire que tout : c’est le camp de rééducation généralisé.

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  • Lysbeth Levy // 24.02.2019 à 14h49

    Bien Mme Stiegler, c’est démontré le darwinisme social, ou politique remis à l’honneur dès la fin des années 80 par Reagan-Thatcher ne doit pas être imputé à Darwin, mais a Spencer et l’élite bourgeoise qui gouvernait dès le XIX ème siècle :  » L’Actualité brûlante du spencérisme
    Après ce que nous venons de voir au sujet de la philosophie de Spencer, il me paraît difficile de rester neutre et de ne pas faire le lien avec notre époque. En effet, l’analogie avec l’idéologie néolibérale, dominante dans le monde politico-économique depuis les années 1980, est saisissante. La filiation est évidente quand on lit les textes des grands promoteurs de cette idéologie, notamment Friedrich Hayek, surnommé par certains le « Pape de l’ultra-libéralisme » et Milton Friedman, chef de file des économistes de l’Ecole de Chicago ( « les Chicago boys » ). Cette école a commencé par expérimenter ses théories dans le Chili de Pinochet, puis a inspiré les politiques de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher ainsi que de l’Union Européenne et des institutions internationales ( Banque Mondiale, FMI, OMC… ).
    https://www.lespiedsdansleplat.me/lheritage-de-darwin-et-ses-devoiements-le-grand-retour-du-darwinisme-social-2/

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  • Catherine // 24.02.2019 à 15h13

    Comme le disait Krishnamurti,

    « Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale que d’être bien adapté à une société profondément malade… ».

      +18

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  • rolland // 24.02.2019 à 23h14

    Le but est donc de dégager des inégalités naturelles, mais ceci dans des organisations sociétales reniant le nature humaine à l’image de son reniement du vivant !
    Mais quel monde merveilleux..
    Sinon le processus d’individuation ou le processus d’éveil, on en parle quand dans cette histoire fabriquée ?
    Le sens de notre passage sur terre si on s’y attarde à certainement quelques nuances avec la réussite dans un monde inhumain.
    Ne dit-on pas que dans un monde injuste, la place de l’homme juste est aussi en prison ? Ou encore que la beauté réside dans les différences, que l’idéologie et la pensée unique actuelle s’acharnent à gommer ?!
    A quoi bon ce cirque qui laisse les plus faibles mourir sur le bord de la route ?
    N’est-ce pas pour en arriver là, jusqu’à l’IA, la robotisation et le transhumanisme, une vision sataniste qui dirige l’humanité ?

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  • Christian Gedeon // 25.02.2019 à 00h19

    Ce genre de considérations sur l’adaptation me fait pardonnez moi doucement rigoler…parce que la question est s’adapter à quoi? Et à qui ce la s’adresse t il? Vous voulez aller expliquer aux Chinois et aux Indiens qu’il faut s’adapter? Lol puisque c’es´t à nouveau à la mode…bonne chance hein?

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  • Jacques // 25.02.2019 à 12h31

    J’ai entendu sur une radio locale du nord lors d’une émission de libre appel avec comme invités des conseillères d’orientation l’une d’elle dire qu’il fallait absolument insister sur la mobilité et chose qui m’a le plus choqué c’est qu’elle a dit qu’il fallait transmettre cette notion de mobilité comme une « valeur ».
    Alors comme cela la mobilité serait une « valeur » et plus une contrainte, s’éloigner de sa famille, de ses parents, les laisser mourir seuls dans leur coin serait une valeur, c’est donc ce que va dire cette conseillère aux élèves, mais quel monde de fou !

      +2

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  • stanlolo // 25.02.2019 à 13h22

    Bien sûr , on doit sans cesse s’adapter aux idées des structures de dominance auto justifiées qui distillent un faux savoir dans un jargon qui n’a qu’un but maintenir la distance et faire durer le système . Le blabla scientiste et la novlangue n’ont rien de plus à offrir qu’un enfumage. C’est le principe du  »bullshit »,une complexification du language , bien identifié par certains experts comme étant un moyen de masquer une ignorance.

      +1

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  • Alexandre Maffre // 27.02.2019 à 11h16

    Bonjour,
    Sur l’adaptabilité comme source savoir, ineptie orwellienne, il faut comprendre les réformes de l’éducation nationale imposées par Bruxelles : https://www.youtube.com/watch?v=hOXl4LIGK_U

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