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7.août.20217.8.2021 // Les Crises

Stephen Cohen : Un comité perpétue son héritage en favorisant les relations États-Unis-Russie

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Le regretté professeur a lancé le premier comité en 1974. Un an après sa mort, sa femme et ses collègues poursuivent leurs efforts sous un nouveau nom.

Source : Responsible Statecraft, Katrina vanden Heuvel, James Carden
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

The late professor Stephen Cohen. (courtesy of Katrina vanden Heuvel)

Le mois dernier, le Quincy Institute for Responsible Statecraft [ [Institut de Quincy : groupe de réflexion pour une politique responsable https://quincyinst.org/ ,NdT] a co-organisé une table ronde avec l’American Committee for US-Russia Accord concernant les résultats et les implications du sommet Biden-Poutine à Genève.

ACURA [American Committee for US-Russia Accord] n’est pas quelque chose de nouveau – mais notre mission a été réactualisée pour prendre en compte les nouvelles réalités des relations entre les États-Unis et la Russie. Nous aimerions donc profiter de cette occasion pour dire quelques mots sur notre groupe : qui nous sommes, et ce que nous espérons réaliser.

Mais tout d’abord, il convient peut-être de faire un peu d’histoire.

Le tout premier Comité pour l’accord Est-Ouest a été fondé en 1974 pour faire contrepoids aux réactions de plus en plus vives à Washington contre la politique de détente de l’administration Nixon. À l’époque, une cohorte de néoconservateurs bien financée et bien connectée avaient formé le Committee on the Present Danger (Comité sur le danger présent), qui cherchait à rallier des soutiens afin d’obtenir des budgets de défense toujours plus élevés en utilisant la rhétorique réchauffée et alarmiste de la guerre froide.

Le premier Comité pour l’accord Est-Ouest comptait des sommités telles que le diplomate George F. Kennan ; l’ancien sous-secrétaire d’État George Ball ; le président de Pepsico Donald Kendall ; l’économiste de Harvard John Kenneth Galbraith ; le président de l’université Notre Dame, le père Theodore Hesburgh ; et le spécialiste de la Russie de l’université Princeton [et mon défunt mari] Stephen F. Cohen.

C’est Steve qui a été la force motrice de la ré-émergence du Comité en 2015, cette fois sous le nom d’American Committee for East-West Accord. Comme Steve l’a noté à l’époque, « l’ancien Comité, formé principalement de PDG d’entreprises, était bien financé, avait des bureaux à Washington D.C. et avait des partisans dans de nombreux endroits – dans les médias, au Congrès, dans les deux partis politiques, au Département d’État, etc. Nous n’avons aucun de ces avantages aujourd’hui. C’est ce qui rend notre lutte bien plus difficile, mais elle est donc aussi plus importante.»

C’est également Steve qui, bien plus tôt que la plupart des gens, a perçu le danger de la nouvelle guerre froide qui était en gestation au milieu des années 2000 et qui a atteint son apogée dans les mois et les années qui ont immédiatement suivi la crise de 2014 en Ukraine. Steve a observé avec consternation que de nombreux journalistes, universitaires et spécialistes de politique étrangère agissaient comme si les risques d’une confrontation Est-Ouest durable étaient négligeables.

Selon lui, c’était là le summum de l’irresponsabilité aveugle. Il savait, tout comme nous le savons aujourd’hui, que les risques inhérents à une confrontation entre les États-Unis et la Russie, chacun étant armé d’environ 1350 têtes nucléaires stratégiques, et avec nos armées nez à nez tant en Europe centrale et Orientale, que dans la mer Noire et en Syrie, étaient gigantesques. Le rôle de l’Occident dans la formentation d’une rébellion contre un gouvernement démocratiquement élu à Kiev a considérablement exacerbé les risques de confrontation.

La décision de Steve de rétablir le comité à l’apogée de ce que l’on peut qualifier à juste titre de position néo-McCarthyste à l’égard de la Russie, était également tout à fait conforme à son caractère. Dans un article du Chronicle of Higher Education, l’éminent universitaire Ronald Suny a fait remarquer que Steve « essaie de se battre contre tous les moulins à vent à la fois, ajoutant qu’il trouvait Steve plutôt courageux » de vouloir protéger « des collègues plus timides ».

Inspirés par son exemple, nous nous sommes reconstitués sous le nom d’American Committee for US-Russia Accord (ACURA) en janvier de cette année, dans le but d’introduire courtoisie et modération dans le débat de plus en plus toxique en ce qui concerne d’une part la politique américaine à l’égard de la Russie, mais aussi le discours à l’égard de la Russie elle-même, tout en soulignant les intérêts légitimes tant des États-Unis que de la Russie, et en préconisant une impartialité éthique dans les moyens de servir ces intérêts.

Nous sommes le fruit d’une collaboration entre d’éminents universitaires, hommes d’affaires, artistes, militants et diplomates, qui sont en quête de nouveaux moyens pour collaborer avec des personnes issues d’un large éventail de domaines afin d’instaurer un véritable dialogue concernant les problématiques actuelles qui entravent les relations américano-russes.

Le conseil d’administration actuel du Comité comprend un large éventail de citoyens distingués, dont l’ancien sénateur et candidat à la présidence Bill Bradley, l’ambassadeur de Ronald Reagan en URSS, Jack Matlock, l’ancien PDG de Procter and Gamble, John Pepper, l’universitaire Nicolai N. Petro, les diplomates citoyennes Sharon Tennison et Cynthia Lazaroff [ À l’apogée de la guerre froide, en 1983, Sharon Tennison a conduit une poignée de citoyens américains ordinaires vers une mission extraordinaire : faire tomber les dangereuses barrières de la peur et de la méfiance entre les deux superpuissances. La mission saugrenue du groupe était de créer une alternative à la course aux armements et de libérer la communication entre les États-Unis et l’URSS. Ils se sont appelés « Diplomates citoyens »,NdT], l’ancien ambassadeur des Nations unies Donald McHenry et Anatol Lieven, chercheur à Quincy.

Sur notre site Internet se trouvent des documents originaux et des documents sélectionnés pour ceux qui recherchent des approches différentes et alternatives. Comme nous le disons dans notre déclaration de mission, accessible sur usrussiaaccord.org, « La mission première de l’ACURA est de promouvoir la diplomatie, le dialogue et la coopération avec la Russie. Notre objectif est de favoriser la prise de conscience du public concernant les dangers d’une nouvelle guerre froide en encourageant un débat ouvert, civilisé et informé entre les Américains ayant des positions, des perspectives et des propositions différentes, voire opposées. »

ACURA est convaincu que le genre de monde que nous laisserons aux générations futures dépend en grande partie de la façon dont nous aborderons les écueils périlleux de la relation entre les Etats-Unis et la Russie. Avec l’aide de militants de base et de centres de réflexion, d’action, de politique et d’études novateurs comme Quincy, nous espérons susciter le changement indispensable et entamer une nouvelle ère de dialogue et de diplomatie entre les superpuissances nucléaires du monde.

Source : Responsible Statecraft, Katrina vanden Heuvel, James Carden, 07-07-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Fox 23 // 07.08.2021 à 12h03

Des Étasuniens capables d’une vision différente sur leurs rapports avec la Russie, ça existe, je viens même d’en rencontrer grâce aux Crises.
Il reste toutefois un problème important, mettre sur le même pied l’agresseur et l’agressé : « avec nos armées nez à nez tant en Europe centrale et Orientale, que dans la mer Noire et en Syrie…. ».
Comme partout dans le monde, toujours les Etats-unis comme coupables et les armées nez à nez ne le sont pas sur la frontière canadienne ou sur la mexicaine, mais toujours plus près de la Russie ou de la Chine.
Souhaitons leur bonne chance pour ce qui ressemble bien actuellement à une mission impossible dans le marais de Washington DC.

4 réactions et commentaires

  • Fox 23 // 07.08.2021 à 12h03

    Des Étasuniens capables d’une vision différente sur leurs rapports avec la Russie, ça existe, je viens même d’en rencontrer grâce aux Crises.
    Il reste toutefois un problème important, mettre sur le même pied l’agresseur et l’agressé : « avec nos armées nez à nez tant en Europe centrale et Orientale, que dans la mer Noire et en Syrie…. ».
    Comme partout dans le monde, toujours les Etats-unis comme coupables et les armées nez à nez ne le sont pas sur la frontière canadienne ou sur la mexicaine, mais toujours plus près de la Russie ou de la Chine.
    Souhaitons leur bonne chance pour ce qui ressemble bien actuellement à une mission impossible dans le marais de Washington DC.

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  • Denis Monod-Broca // 08.08.2021 à 08h35

    Belle initiative !
    Et en France ?!? Il est loin le temps de la « Grande Commission » franco-soviétique, le temps où l’on savait se parler malgré les désaccords…

      +4

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  • Ernesto // 09.08.2021 à 00h13

    L’impérialisme guerrier, qui prétend gouverner la planète par la force pour y imposer ses »valeurs » et s’ériger en gendarme du monde, a besoin d’entretenir des tensions permanentes pour justifier les abracadabrantesques dépenses militaires qui profitent au complexe militaro-industriel et font exploser les profits des patrons et actionnaires milliardaires du secteur.

    Dans ce contexte, prôner la coexistence pacifique, promouvoir des relations apaisées, favoriser la coopération plutôt que l’affrontement, développer les échanges mutuellement avantageux, apparaît comme un non sens de la part d’illuminés (ou de doux rêveurs), qui campent dans le déni des réalités et travaillent, à l’insu de leur plein gré, contre les intérêts vitaux de leur propre pays.

    Des ennemis de l’intérieur en quelque sorte, qu’il serait souhaitable de mettre hors d’état de nuire, au cas où leurs idées naïvement pacifistes et bienveillantes pourraient gagner d’autres faibles esprits et finir par fragiliser et mettre en danger la première puissance mondiale.

    Soixante-dix ans après Mac Carthy, force est de constater que sa doctrine fait toujours recette et la recherche permanente de l’équilibre des forces empêche toute avancée vers un désarmement général et contrôlé, la marche vers une sécurité collective, gage de paix, seuls en mesure d’éviter l’apocalypse d’un conflit nucléaire.

    Il n’y a que les peuples, fortement mobilisés sur ces thématiques, qui pourront imposer des solutions profitables à tous.

      +2

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  • Saïd Herta // 10.08.2021 à 13h09

    Si il fallait une preuve que toute la bonne volonté du monde ne peut pas grand choses contre les intérêts de quelques uns , elle est faite. Des décennies de discutions pour essayer de convaincre un peuple que c’est nul d’agresser quelqu’un juste par ce que vous en avez peur n’ont pas eut le pouvoir de faire bouger la machine qui n’a eut de cesses que de multiplier les provocations , les agressions , de provoquer des troubles pour … se rassurer elle même.
    La peur tue l’esprit.

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