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14.août.202014.8.2020 // Les Crises

Venezuela : Les visions de Trump et Biden sont interchangeables

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Source : Consortium News, Leonardo Flores
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Donald Trump et Joe Biden, portraits officiels de Wikipédia. (Andrea Widburg, Flickr)

Pour la campagne de Joe Biden, un événement en ligne a été organisé plus tôt ce mois-ci pour présenter la « vision pour le Venezuela et les Vénézuéliens aux États-Unis » de l’ancien vice-président. Alerte au spoiler : elle ne diffère guère de celle du président Donald Trump.

Cet événement, qui ne méritait pas la présence de Biden lui-même, visait à inciter les vénézuéliens-américains à se porter volontaires pour « Oncle Joe », comme l’a appelé le représentant Darren Soto (D-Fl) [démocrate, représentant de l’état de Floride, NdT]. Ce fut une heure et demie pour inciter à voter et influencer les votes, et il a été démontré que, lorsqu’il s’agit du Venezuela, les politiques pour le changement de régime, les sanctions et le refus d’engager le dialogue unissent les VenezolanosConBiden (« Vénézuéliens avec Biden », le groupe qui a organisé l’événement) et le MAGAzuela (le terme pour les Vénézuéliens qui soutiennent Trump).

Il n’y a que deux différences politiques dans les approches de Biden et de Trump. L’une concerne le TPS, ou statut de protection temporaire, qui est une politique d’immigration permettant aux personnes venant de 10 pays spécifiques touchés par des catastrophes de vivre et de travailler aux États-Unis. Biden soutient le TPS pour les Vénézuéliens, tandis que les alliés de Trump l’ont bloqué au Sénat, et Trump lui-même a mis fin au programme et a refusé que les Vénézuéliens en bénéficient. Selon l’un des représentants de Biden, il y a 150 000 Vénézuéliens aux États-Unis qui vivent soit sans papiers, soit avec des visas expirés.

L’autre différence est le mur frontalier, qui est maintenant construit en partie grâce à des fonds vénézuéliens. L’administration Trump a détourné 601 millions de dollars d’actifs volés au peuple vénézuélien pour construire le mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Cet argent était auparavant détenu dans le « fonds de confiscation » du département du Trésor, qui est généralement utilisé pour financer les opérations de maintien de l’ordre.

Manifestation contre les politiques d’immigration du président Donald Trump, St. Paul, Minnesota, janvier 2018. (Fibonacci Blue, Flickr)

Ces 601 millions de dollars font partie d’une somme estimée à 24 milliards de dollars que les États-Unis et leurs alliés ont bloquée et pillée au Venezuela dans le cadre de leurs efforts de changement de régime. Juan Guaidó, le président par intérim autoproclamé, n’a pas encore commenté la façon dont l’administration Trump utilise ces fonds vénézuéliens, mais son « ambassadeur », Carlos Vecchio, a admis qu’il travaillait avec le département de la justice pour « établir un accord formel … pour définir le pourcentage » de la part des fonds vénézuéliens saisis qui ira aux États-Unis. Selon M. Guaidó et ses associés, il est « normal » que l’administration Trump en prenne une part.

Le TPS et le mur sont les deux seuls points sur lesquels Biden et Trump diffèrent. Les représentants de Biden affirment qu’il accordera le TPS aux Vénézuéliens dès le premier jour de son administration, et Biden dit qu’il cessera de financer le mur.

Des différences mineures

Ces différences sont toutefois mineures, surtout si l’on considère que Biden va poursuivre les politiques qui ont conduit des millions de Vénézuéliens à fuir en premier lieu, et il a donné toutes les indications que davantage de fonds seront bloqués.

La vision de Biden est du même ordre que la pensée magique dans laquelle l’administration Trump s’est engagée depuis des années. Il affirme dans sa campagne que les sanctions vont se poursuivre et réellement s’intensifier. Une administration Biden chercherait à obtenir « une augmentation énorme de l’aide », non seulement pour le Venezuela, mais aussi pour la Colombie et d’autres pays qui accueillent des migrants vénézuéliens. Ils constitueraient une « coalition internationale » pour reconstruire le Venezuela. Ils persécuteraient les principaux partisans du gouvernement vénézuélien, où qu’ils se trouvent dans le monde.

Le président Donald Trump avec Juan Guaido à la Maison Blanche, le 5 février 2020. (Maison Blanche, Tia Dufour)

Selon Juan González, ancien sous-secrétaire d’État adjoint sous le président Barack Obama et actuel conseiller de Biden pour l’Amérique latine, ils ne donneraient au gouvernement du président Nicolás Maduro qu’une seule option : des élections observées par une institution multilatérale respectée (et non nommée), et il doit quitter ses fonctions.

Les représentants de Biden affirment que le Venezuela est une question de sécurité nationale pour les États-Unis, que le pays a été infiltré par des groupes terroristes et que tout doit être fait pour mettre fin à l’influence russe, chinoise et cubaine. Ils ont répondu à une question sur l’impact des sanctions en rejetant la responsabilité de la « crise humanitaire » sur le chavisme. Ils affirment que Biden ne négociera pas avec Maduro.

La campagne de Biden a même attaqué Trump pour avoir suggéré qu’il rencontrerait Maduro, forçant Trump à revenir sur sa proposition. La campagne a diffusé des publicités à Miami accusant Trump d’être indulgent envers Maduro.

Les politiques de Biden sont les mêmes et reflètent la rhétorique exacte utilisée par l’administration Trump. Depuis 2017, les États-Unis imposent des sanctions qui ont coûté la vie à 100 000 Vénézuéliens et entraîné des pertes économiques de 130 milliards de dollars. Mais selon M. Soto, partisan de Biden, « la répression n’a pas été suffisante » contre le gouvernement Maduro.

Trump a passé trois ans à mettre en place une coalition anti-Maduro d’environ 60 pays, et le secrétaire d’État Mike Pompeo a parcouru le monde pour chercher à obtenir plus d’aide prétendument pour le Venezuela, mais cela s’arrête aux pays avec des migrants vénézuéliens. Ils ont sanctionné des sociétés étrangères faisant des affaires avec le Venezuela et ont cherché à arrêter des hommes d’affaires vénézuéliens à l’étranger.

Sur la question de l’intervention militaire, les représentants de Biden ont affirmé que les menaces de Trump concernant une option militaire étaient dites en l’air, et ont insisté sur le fait que d’autres options devaient être explorées et que toutes les autres voies de pression devaient être épuisées (sauf, bien sûr, le dialogue) avant d’envisager une action militaire. Ils n’ont pas dit si l’intervention américaine devait être « sur la table » et ont encadré la discussion autour de la prétendue aversion du public américain pour une autre guerre plutôt que sur les conséquences catastrophiques que cela aurait pour le peuple vénézuélien, sans parler de l’illégalité de toute sorte d’intervention militaire.

Ce n’est un secret pour personne que le changement de régime au Venezuela est un objectif bipartite, et la tactique de Trump consistant à se plier aux extrémistes latinos de droite en Floride a conduit les démocrates à faire de même.

La stratégie de campagne de Biden est claire : imiter la politique sur le Venezuela de l’administration tout en offrant le TPS afin de récupérer des voix à Trump.

Les représentants ont également insisté à plusieurs reprises sur le fait que Biden n’est pas un socialiste – ce qui est apparemment un malentendu courant parmi les personnes qui forment le MAGAzuela.

Il ne faut pas s’étonner qu’il soit question de la Floride et de l’élection de 2020. Trump a non seulement remporté l’état en 2016, mais ses alliés ont également obtenu le poste de gouverneur et un siège au Sénat en 2018, bien que par une faible marge. Le gouverneur républicain Ron DeSantis et le sénateur Rick Scott ont tous deux accusé leurs adversaires d’être des socialistes laxistes à l’égard du Venezuela. Le camp Biden fait tout son possible pour éviter que ce type d’attaques ne se retourne contre leur candidat.

Il n’y a aucune raison de croire que Biden changera de cap sur le Venezuela s’il est élu. Il y a trop de votes en jeu en Floride, ainsi que des dons à recevoir de riches expatriés vénézuéliens – qui, à ce stade, jouent sur les deux tableaux et le font très bien.

Une présidence de Biden, tout comme quatre autres années de Trump, semble être désastreuse pour le peuple vénézuélien.

Leonardo Flores est un expert en politique latino-américaine et un militant de CODEPINK.

Source : Consortium News, Leonardo Flores
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Fabrice // 14.08.2020 à 08h20

Je pense sincèrement depuis l’arrivée de Trump que seule la forme a changé et a eut le mérite de révéler le fond, le fonctionnement des Etats-Unis, son approche n’a fait que briser l’illusion et le mythe que nos médias et intellectuels nous vendaient sur l’exemplarité, la bienveillance,… le « rêve américains » de nos amis américains. Le fait qu’un démocrate ou républicain gouverne, ne change en rien cette politique de fond, mais sans l’excès que l’on constate ils ne fond que défendre les intérêts de leur pays en oubliant que l’intransigeance finit par pousser à d’inévitables conflits, il n’y a qu’en France où l’on a une classe politique qui ne défend plus l’intérêt du pays mais de dogmes complètement décorrélés de la réalité.

Or ce mythe, grâce à Trump, a volé en éclat, et c’est pour cela que nos élites (médiatiques, politiciennes et intellectuelles) en veulent tant à celui-ci, car ils ne peuvent plus cacher, le fait que nous sommes devenus des supplétifs et soumis à l’autoritarisme américain, le réveil ressemble à une gueule de bois ou à un very bad trip (qui dépasse le film)

Le Vénézuéla n’est qu’une des victimes du « vous êtes avec nous ou contre nous, du soumettez vous ou disparaissez », les Etats-Unis imposent une bipolarité du monde ceux qui sont avec eux (le camp du bien), ou contre eux (le camp du mal) ceux qui refusent de s’aligner sont classés par défaut dans le camp du mal.

9 réactions et commentaires

  • Fabrice // 14.08.2020 à 08h20

    Je pense sincèrement depuis l’arrivée de Trump que seule la forme a changé et a eut le mérite de révéler le fond, le fonctionnement des Etats-Unis, son approche n’a fait que briser l’illusion et le mythe que nos médias et intellectuels nous vendaient sur l’exemplarité, la bienveillance,… le « rêve américains » de nos amis américains. Le fait qu’un démocrate ou républicain gouverne, ne change en rien cette politique de fond, mais sans l’excès que l’on constate ils ne fond que défendre les intérêts de leur pays en oubliant que l’intransigeance finit par pousser à d’inévitables conflits, il n’y a qu’en France où l’on a une classe politique qui ne défend plus l’intérêt du pays mais de dogmes complètement décorrélés de la réalité.

    Or ce mythe, grâce à Trump, a volé en éclat, et c’est pour cela que nos élites (médiatiques, politiciennes et intellectuelles) en veulent tant à celui-ci, car ils ne peuvent plus cacher, le fait que nous sommes devenus des supplétifs et soumis à l’autoritarisme américain, le réveil ressemble à une gueule de bois ou à un very bad trip (qui dépasse le film)

    Le Vénézuéla n’est qu’une des victimes du « vous êtes avec nous ou contre nous, du soumettez vous ou disparaissez », les Etats-Unis imposent une bipolarité du monde ceux qui sont avec eux (le camp du bien), ou contre eux (le camp du mal) ceux qui refusent de s’aligner sont classés par défaut dans le camp du mal.

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    • Jean-Do // 14.08.2020 à 10h23

      Le plus gros problème du Venezuela n’est ni ses dirigeants ni sa population mais son sous-sol qui en fait la plus grosse réserve de pétrole du monde, même s’il est difficilement exploitable. C’est la malédiction de tous les pays richement dotés en matière première d’être du coup richement dotés en sociétés occidentales, privées ou étatiques, qui en lorgnent le contrôle. Et quand, en prime, il s’agit d’énergie…

      On voit bien avec l’ennemi juré « communisme d’URSS » qui est devenue l’ennemi « Russie capitaliste » sans un battement de cil que le régime politique d’un pays pèse très peu dans cette balance.

        +8

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  • RGT // 14.08.2020 à 08h50

    La forme a changé et quelques points détail mineurs aussi, entre autres le soutien inconditionnel aux différents « mécènes » de leur parti respectif.

    Sinon, n’oublions jamais que les plus « va-t-en-guerre » de ces dernières années pour déstabiliser les « états voyous », c’est à dire ceux qui ne pratiquent pas la génuflexion devant l’oncle Sam, ont bel et bien été les « démocrates », particulièrement avec le « Prix Nobel du pet » qui a déclenché ou entretenu en catimini de nombreux conflits, bien aidé en cela par celle qui a subi l’affront de voir sa Sainteté battue à plate couture par l’abominable Trump des neiges.

    Qu’on arrête de nous bassiner avec toutes ces « différences idéologiques profondes » entre les partis des pays de TOUTE la « communauté internationale ».

    C’est juste du pipeau, du vent, de la publicité lessivière « lave plus blanc » mais au final le produit contenu dans l’emballage est strictement le même, seuls les arguments publicitaires changent pour attirer les gogos à con-sommer le produit.

    Et une fois élus, ils ne suivent plus que leur agenda réel (bien masqué) jusqu’à la prochaine élection dans laquelle ils se prendront une veste et attendront patiemment la prochaine « alternance » car leurs « opposants » commettront exactement les mêmes trahisons.

    Si la démocrassie (orthographe volontaire) pouvait réellement s’exercer, ça fait bien longtemps qu’elle serait interdite par la loi.

    En attendant, c’est la fête du slip chez les « élites » qui peuvent se goinfrer sur le dos de la population (et des populations étrangères qui n’ont même pas eu le choix) en toute impunité.

      +18

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  • LibEgaFra // 14.08.2020 à 09h01

    « Il n’y a aucune raison de croire que Biden changera de cap sur le Venezuela s’il est élu. »

    La politique extérieure des USA ne se décide pas à la maison blanche, mais à la CIA et au Pentagone. Le président n’est qu’une marionnette. Le mérite de Trump est de ne pas avoir déclenché une guerre ouverte contre l’Iran, ce que Clinton avait annoncé vouloir faire. Les nominations de Bolton, Pompeo et Haspel sont en totale contradiction avec son discours d’investiture. Il savait ce qui l’attendait s’il franchissait certaines lignes rouges.

      +9

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    • Dominique65 // 14.08.2020 à 11h04

      « La politique extérieure des USA ne se décide pas à la maison blanche, mais à la CIA et au Pentagone. »
      Au parlement, aussi, où les démocrates votent pareillement aux républicains les « sanctions » tous azimuts. Tulsi gabard est une exception.

        +5

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  • Blackjason78 // 14.08.2020 à 11h44

    La politique elle-même n’est qu’ un jeu de pouvoir qui ce fait entre les politiques et les oligarchies pour leurs intérêts et et fusionner avec la réalité des intérêts américains qui ne font que provoquer le Chaos dans le monde.

      +2

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  • LowCost // 14.08.2020 à 13h08

    Peut on considérer que Joe « you know the thing » Biden a encore une vision ?

    https://www.youtube.com/watch?v=PpMAd7uXMSY

    Tout les média occidentaux , y compris Consortium News dans ce cas précis, font semblant d’ignorer que Biden est dans un état avancé de sénilité. Cela doit faire des mois que personne ne l’as entendu enchaîner trois phrases cohérentes.
    Même si c’est loin d’être gagné, il est possible qu’il soit bientôt élu alors qu’il n’en a pas/plus les capacités cognitives. Mais tout le monde ne regarde et n’espère que la chute de Trump, et préfère jeter un voile pudique sur Biden.

    Pour ce qui est du Venezuela, en dehors des enjeux énergétique j’ai l’impression que c’est aussi un enjeux symbolique. Maduro à trop été présenté par les médias comme le diable de cette zone, pour qu’un des camps ne lâche quoi que ce soit. Malheur à celui qui paraîtra faible sur ce dossier..

      +6

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    • Casimir Ioulianov // 14.08.2020 à 16h16

      Et le résultat d’une telle politique ? La Cubanisation du Venezuela , donc au lieu d’avoir un régime socialiste à leur frontière qui leur colle comme un chewing-gum aux basques, ils vont en avoir deux, sans compter les cas en cours qui peuvent encore bien dégénérer genre Brésil ou Bolivie …
      Une politique de whiner euh … pardon c’est « winner » qu’on dit ^^.

        +0

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  • tchoo // 14.08.2020 à 21h28

    Mais non, on vous dit qu’avec Biden 2 minutes de lucidité, le regime change va disparaitre
    faudrait arrêter,de douter de tout
    m’enfin!

      +1

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