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18.novembre.202018.11.2020 // Les Crises

Yémen : Depuis 2017, une intensification considérable des frappes américaines et des victimes civiles

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Source : Consortium News, Jessica Corbett
Traduit par les lecteurs du site Les Crises

Un groupe de surveillance basé au Royaume-Uni a suivi l’escalade, principalement en 2017, des opérations antiterroristes et du nombre de victimes civiles.

Manifestants au sein du groupe Chicago Area Peace Action, le 30 novembre 2018, après l’attaque saoudienne d’un bus scolaire avec une bombe de 250 kg fabriquée par Lockheed-Martin. (Charles Edward Miller, Flickr, CC BY SA-2.0)

Le groupe de surveillance britannique Airwars a publié un rapport détaillant la manière dont les « opérations antiterroristes américaines au Yémen – déjà en hausse au cours des deux dernières années de l’administration Obama – se sont considérablement intensifiées » sous le président Donald Trump.

Le rapport Eroding Transparency, rédigé par Mohammed al-Jumaily et Edward Ray, est accompagné d’une base de données publique recensant au moins 230 actions militaires américaines et de la CIA déclarées ou présumées au Yémen depuis l’entrée en fonction de Trump, la plupart ayant eu lieu en 2017, première année de son administration.

Parmi toutes les actions américaines dans le pays pendant la présidence de Trump, 41 ont donné lieu à des accusations de dommages aux civils. Dans l’ensemble, le rapport indique que « 25 actions américaines ont été évaluées par Airwars comme ayant probablement causé des dommages aux civils, entraînant la mort de 86 à 154 civils, dont au moins 28 enfants et 13 femmes. »

Dans une série de tweets sur le rapport, Airwars a noté que les Yéménites affirment que les frappes aériennes et les raids au sol américains au cours des quatre dernières années ont tué jusqu’à 194 civils.

Dans un entretien accordé suite au rapport, Luke Hartig, ancien directeur principal de la lutte contre le terrorisme au Conseil national de sécurité sous l’administration Obama, a déclaré à Airwars que la recrudescence observée en 2017 – en particulier le désastreux raid de Yakla en janvier, la seule opération de l’ère Trump au Yémen pour laquelle le Pentagone a admis des morts civils – pourrait être le résultat d’un désir du personnel militaire d’accroître les actions américaines dans la région, combiné à l’approche plus permissive de la nouvelle administration, qui a notamment assoupli les règles d’engagement destinées à protéger les civils.

« Il est clair, et cela a été rapporté, qu’avant l’entrée en fonction de Trump, il y avait un désir de faire plus de la part des militaires, et ils ont proposé un concept général d’opérations pour permettre un plus grand degré de conseil et d’assistance aux partenaires sur le terrain, a déclaré M. Hartig. Il semble que ce qui s’est passé, c’est que l’administration Trump a tenu à tomber les gants, pour ainsi dire, pour être ce qu’elle percevait comme étant plus sévère à l’égard du terrorisme, et c’était l’un des premiers concepts d’opération prêts à l’emploi aussitôt disponibles. »

Le Commandement central américain (CENTCOM), qui est responsable des frappes militaires au Yémen, a « l’obligation à la fois de suivre et de rendre compte des dommages causés aux civils par ses actions. Il semble qu’il échoue sur ces deux points », indique le rapport. Airwars explique :

« Les récentes déclarations au Congrès selon lesquelles il n’y a pas eu de plaintes pour dommages civils connues relatives aux actions américaines au Yémen en 2019, qui soient, par exemple, inadaptées. De hauts fonctionnaires ont informé Airwars que le CENTCOM n’a actuellement aucune cellule officiellement constituée pour couvrir les allégations du Yémen sur les victimes civiles. Et bien qu’Airwars ait fourni à CENTCOM ses conclusions complètes sur les dommages civils au Yémen pendant la présidence Trump neuf semaines avant la publication de ce rapport, les officiels n’ont malheureusement pas fourni de réponse à aucun événement. »

Depuis le milieu de l’année dernière, « les actions secrètes et clandestines au Yémen semblent avoir dominées les engagements américains, comme le montrent les recherches d’Airwars – avec des implications troublantes pour la responsabilité des dommages aux civils, ajoute le rapport. Alors que la dernière action militaire américaine déclarée par CENTCOM au Yémen a eu lieu le 24 juin 2019, une trentaine de frappes américaines auraient eu lieu depuis. Trois de ces attaques ont en fait été déclarées par des responsables américains, tandis que 15 autres événements ont été évalués par Airwars comme étant des frappes américaines probables. »

En d’autres termes, le rapport d’Airwars « soulève la question de savoir si l’administration Trump n’a pas commencé à utiliser la CIA pour des frappes au Yémen afin d’entourer les opérations américaines dans ce pays d’un plus grand secret », a noté le groupe de défense des Droits de l’Homme Reprieve, basé à Londres, dans un communiqué mercredi.

« Ces conclusions brossent un tableau choquant d’une administration américaine qui se comporte en voyou au Yémen, si peu soucieuse de sa responsabilité qu’elle n’a même pas alloué un bureau pour suivre le nombre de civils tués par ses missiles, a déclaré Jennifer Gibson, qui dirige les travaux de Reprieve sur les frappes de drones. Ce programme d’assassinat dans l’ombre ne rend aucun d’entre nous plus en sécurité, et cause des dommages irréparables. »

Bien que le nombre de frappes au Yémen depuis la mi-2019 connaisse une baisse significative par rapport aux premiers jours de l’administration Trump, le directeur d’Airwars, Chris Woods, s’est élevé contre la suggestion que les chiffres récents indiquent que le président tient ses promesses de mettre fin aux « guerres éternelles » américaines, dans une interview avec Business Insider.

Comme l’a rapporté Business Insider :

« Il se peut simplement que, du point de vue des responsables de la sécurité nationale américaine, les frappes aériennes record d’hier aient réduit la nécessité de nouvelles frappes aériennes aujourd’hui. Il y a aussi la pandémie.

En même temps, le gouvernement américain, sous la direction de Trump, est moins transparent sur les cibles qu’il bombarde. En réponse aux critiques de sa campagne d’exécutions extrajudiciaires, l’administration Obama a publié, quelques heures avant l’intronisation de Trump, un rapport détaillant à la fois le nombre de frappes aériennes américaines à l’étranger et les dommages civils qu’elles ont causés. L’administration actuelle n’a jamais publié un tel rapport depuis, la transparence n’étant que très partielle suite à l’action du Congrès qui l’a exigé.

En 2019, le Département de la Défense a même cessé de dire combien de frappes aériennes il avait menées au Yémen, instaurant un manque de transparence habituellement réservé à la CIA. »

« Les guerres de Donald Trump sont paradoxales, a déclaré Woods. Alors qu’actuellement nous assistons à un nombre de frappes aériennes américaines parmi les plus faibles depuis des années sur les principaux théâtres d’opérations, notamment en Afghanistan, en Irak et en Syrie… c’est un phénomène assez récent. Au début de sa présidence, nous avions vu un nombre record de frappes aériennes et de dommages aux civils sur plusieurs théâtres, alimenté par l’intention déclarée de Trump de ne pas prendre de gants contre les groupes terroristes. »

Le rapport indique également qu’il est « possible que les pressions internes aux États-Unis conduisent à des restrictions, faisant référence à l’inquiétude croissante du Congrès concernant le soutien militaire américain à l’intervention dirigée par les Saoudiens au Yémen. Alors que l’opposition intérieure s’était principalement concentrée sur les ventes d’armes américaines et le soutien logistique à la coalition dirigée par les Saoudiens, note Airwars, il est possible que cette vigilance accrue ait eu un effet secondaire sur la volonté de l’administration Trump : celui de s’engager dans des actions antiterroristes unilatérales dans le pays. »

Le Washington Post a rapporté mercredi que l’étude du groupe « arrive au moment où l’administration Trump cherche à mettre fin aux opérations anti-insurrectionnelles au Moyen-Orient et en Asie centrale, conformément au désir du président de recentrer les ressources sur le pays et au projet du Pentagone de basculer vers la Chine. L’administration réduit actuellement ses forces en Afghanistan et en Irak, et moins de 1 000 soldats restent en Syrie. »

Jessica Corbett est rédactrice pour Common Dreams. Suivez-là sur Twitter : @corbett_jessica.

Source : Consortium News, Jessica Corbett, 29-10-2020
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Daniel // 18.11.2020 à 09h08

Avant la guerre lancée par l’Arabie Saoudite, le Yémen arrivait à nourrir toute sa population (plus de 20 Millions de personnes) et le Yémen avait l’espoir de se développer.
Aujourd’hui, sous la contrainte de cette guerre et des blocus imposés par l’extérieur, la famine et la maladie tuent tous les jours depuis près de 5 ans, les infrastructures hospitalière sont mises à mal, les moyens de communication avec l’extérieur également et la production vivrière à diminuer, le pays ne peut plus nourrir son peuple.

Tout cela se passe dans l’indifférence générale et on va faire aujourd’hui un zoom juste sur des frappes Américaines, actualité des élections USA oblige !
Quid du soutien Français (et occidental) à l’Arabie Saoudite? Quid du maintien volontaire de ce peuple sous blocus ? Quid de la famine et de la maladie ? et je ne questionne pas sur la pauvreté ou le non développement !
Pour moi, le Yémen pourrait devenir une nouvelle Palestine, sous occupation de l’Arabie Saoudite.

Pourtant, l’espoir est là : de la même façon, que les résistants français ont réfléchi à la sortie de la guerre avec le programme du CNR de 1944, le Yémen se projette sur l’après guerre avec l’Opération Felix qui consiste en un plan de reconstruction du Yémen et sa connexion à la Nouvelle Route de la soie.
https://www.institutschiller.org/Reconstruction-du-Yemen-Sanaa-adopte-le-projet-de-l-Institut-Schiller.html

10 réactions et commentaires

  • Daniel // 18.11.2020 à 09h08

    Avant la guerre lancée par l’Arabie Saoudite, le Yémen arrivait à nourrir toute sa population (plus de 20 Millions de personnes) et le Yémen avait l’espoir de se développer.
    Aujourd’hui, sous la contrainte de cette guerre et des blocus imposés par l’extérieur, la famine et la maladie tuent tous les jours depuis près de 5 ans, les infrastructures hospitalière sont mises à mal, les moyens de communication avec l’extérieur également et la production vivrière à diminuer, le pays ne peut plus nourrir son peuple.

    Tout cela se passe dans l’indifférence générale et on va faire aujourd’hui un zoom juste sur des frappes Américaines, actualité des élections USA oblige !
    Quid du soutien Français (et occidental) à l’Arabie Saoudite? Quid du maintien volontaire de ce peuple sous blocus ? Quid de la famine et de la maladie ? et je ne questionne pas sur la pauvreté ou le non développement !
    Pour moi, le Yémen pourrait devenir une nouvelle Palestine, sous occupation de l’Arabie Saoudite.

    Pourtant, l’espoir est là : de la même façon, que les résistants français ont réfléchi à la sortie de la guerre avec le programme du CNR de 1944, le Yémen se projette sur l’après guerre avec l’Opération Felix qui consiste en un plan de reconstruction du Yémen et sa connexion à la Nouvelle Route de la soie.
    https://www.institutschiller.org/Reconstruction-du-Yemen-Sanaa-adopte-le-projet-de-l-Institut-Schiller.html

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    • eugeniegrandet // 18.11.2020 à 14h16

      La guerre menée par l’Arabie Saoudite contre le Yémen a été lancée début 2015 par le roi Salman soutenu par son fils, MBS tout juste nommé ministre de la défense et ce, contre l’avis de son oncle MBN, le prince héritier de l’époque. et ministre de l’Intérieur.

      Il s’agissait pour Salman de répondre à une demande d’assistance de Hadi, le Président du Yémen (« renversé » par les Houthis, chi’ites soutenus voire armés par l’Iran ), et pour MBS de laver l’affront subi par l’Arabie saoudite lors d’une attaque des Houthis en 2009 sur le territoire saoudien
      . .
      Cette guerre ignoble ne se poursuit que parce ce que MBS, aujourd’hui Prince héritier, ne veut pas perdre la face. Il n’est nul besoin de suggérer que les grandes puissances seraient derrière (sauf pour souligner qu’elles arment probablement les deux côtés et fournissent des conseillers.)

        +3

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    • Daniel // 19.11.2020 à 08h49

      l’Opération Félix est un plan de construction / reconstruction une fois la guerre finie : cela fixe un horizon d’espoir où peuvent se regrouper les forces vives œuvrant pour la fin de la guerre comme ce fut le cas pour le programme du CNR en fait, dans le volet « Mesures à appliquer dès la libération du territoire ».
      Je vous l’accorde que le contexte actuel rend impossible un tel plan car la logique des relations internationales et financières restent sur le plan de la compétition : ce système est à bout comme on peut le voir avec les risques de crise financière systémique ou même de guerre.
      Il y a donc d’une certaine manière un besoin de changer de système, de faire un nouveau Bretton Woods centré sur le développement de chacun des pays suivant leur propre vision d’avenir (il y aura surement à ce moment une remise à plat du dollar comme monnaie mondiale, une annulation généralisée des dettes non reliées au physique et un plan de financement pour irriguer l’économie de chaque pays : cela fut fait par F.D.Roosevlet après 1929 pour les USA).
      L’occasion de changement de présidence aux USA offre un créneau pour le faire comme le suggère cette conférence
      https://www.institutschiller.org/Le-monde-apres-les-elections-americaines.html

        +5

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    • Pollix // 20.11.2020 à 14h41

      Un éclairage africain (de 2017 …) sur la politique chinoise d’investissement, ses impacts, posititfs ou négatifs…
      https://www.jeuneafrique.com/mag/453084/economie/cherche-chine-investissant-autant-afrique/

      La Chine semble avoir appris certaines choses depuis et modifie son approche:
      https://schillerinstitute.com/why-chinas-debtbook-diplomacy-is-a-hoax/?fbclid=IwAR2V6NPGg-bd6SaCojOVxIslI7R4Mw0a2KuUPSEiGyJEBd2iFYb4vKDhX7M

      Dénoncer le piège de la dette, réel, par les champions toutes catégories a de quoi faire réfléchir.
      Les Africains ont davantage de choix dans les fournisseurs et les projets, ce qui change de la guerre sans fin ..
      L’Irak vient de signer une convention avec la Chine, impliquant infrastructures et formation professionnelle, approche différente de la zunienne collectrice de champs de pétrole…
      Après, il ne faut pas rester aveugle sur les ratés éventuels…

        +1

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  • RGT // 18.11.2020 à 09h38

    Tout mettre sur le dos de Trump est une réaction « facile », particulièrement lorsqu’on est un défenseur du « camp d’en face ».

    N’oublions jamais que la guerre du Vietnam (bien létale pour les civils, sans doute plus que celle du Yémen) a été déclarée avec la bénédiction de Lyndon Johnson, « démocrate au grand cœur » très impliqué dans la sauvegarde des populations.

    TOUS les dirigeants US, particulièrement depuis la mort de Kennedy, sont tous totalement inféodés aux lobbies qui ne pensent qu’au profits (les plus gros étant quand les populations civiles trinquent d’ailleurs, ce n’est pas un hasard).

    Et à mon avis, ce n’est pas « l’humaniste » Joe Biden qui changera quoi que ce soit à cette équation.

    De toutes façons, les population des pays agresseurs ne sont jamais informées des objectifs réels des guerres d’agression contre les « ennemis de la patrie » et la propagande de guerre bat son plein pour que la majorité des abrutis décérébrés suivent leurs « guides » (eux-mêmes manipulés) pour aller « péter la gueule de Saddam » ou d’un autre « infâme dictateur » qui précédemment était soutenu par leurs gouvernants.

    Et bien sûr, ce sont les populations civiles qui trinquent. Et pas seulement celles de la zone de conflit, celles du pays agresseur doivent « financer l’effort de guerre » et se serrer la ceinture alors que ces sommes colossales pourraient être investies dans des actions bénéfiques à tous.

    La SEULE raison des guerre, c’est l’attrait du profit.

    Le reste n’est que propagande et fanfaronnades de « dirigeants charismatiques » qui ne servent que l’intérêt de leurs maîtres.

    Même l’ignoble Adolf était dans cette situation et n’était qu’un pantin pour les ploutocrates allemands de l’époque qui n’ont jamais été inquiétés après la défaite.

    BASF, Krups et les autres se portent encore très bien aujourd’hui.

    Seules les « guenilles » en « tête de gondole » s’en sont pris plein la gueule.

    C’est d’ailleurs leur fonction principale : Servir de fusible si ça tourne vraiment mal afin d’endosser l’intégralité de la responsabilité et en protégeant leur maîtres jusqu’à la mort.

      +15

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    • eugeniegrandet // 18.11.2020 à 14h19

      Non RGT, « La SEULE raison des guerre, c’est l’attrait du profit. ».
      Voir mon post ci-dessus en réponse(mal placée) à Daniel.

        +1

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  • Cyler // 19.11.2020 à 08h13

    L’Arabie Saoudite à un intérêt stratégique à contrôler le Yémen, il suffit de regarder une carte pour le voir.
    C’est de disposer d’un détroit non en vue de l’Iran d’une part, et aussi de pouvoir construire un pipe-line accédant au golf d’Aden.
    Que des puissances diverses y trouvent leur intérêt, bien sur, c’est le cas dans beaucoup de conflits ou guerres.

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  • Cyler // 19.11.2020 à 08h23

    C’est aussi l’intérêt stratégique de l’Iran d’être un soutien aux rebelles pour l’espoir d’installer des bases de surveillance ou d’intervention dans le détroit.

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